Menottées mais jamais dépassées |
Une nouvelle journée sur Lansat et avec elle son lot de cours. Salomé se préparait sous les piaillements de ses Pokemon, son Picassaut se faisant davantage entendre que sa Plumeline qui restait cloîtrée dans une dépression sans nom. L'air de cette île la changeait complètement d'Alola, plus qu'à espérer que son mal du pays finisse par s'estomper. Entre sa première dépression liée à l'abandon de Mélie et maintenant ça, la rousse se demandait quoi faire de cet oiseau. Heureusement qu'elle n'avait pas ce souci avec Algernon. Lui paraissait heureux d'être ici, bien que retardé mental, son starter s'adaptait à tout ou presque.
La gitane termina de se préparer, se rappelant qu'un cours de son parcours respectif l'attendait. Elle se demandait bien ce qui allait se passer, elle savait, comme tous les élèves, que l'ancien professeur n'était plus ici, remplacé par un autre. Mais n'ayant jamais connu Jackie, difficile pour elle d'avoir un outil de comparaison. Elle se baissa pour lacer ses chaussures de sport et noua ses cheveux en une longue queue de cheval pour éviter d'être agacée par ses mèches indisciplinées. Elle était fin prête, suivie de près par ses oiseaux. Cela lui faisait une drôle d'escouade au sein de l'académie mais peu importait.***
Le cours débuta, ponctué par l'intervention d'une élève qui elle, avait hâte de rentrer dans le vif du sujet. La Givrali, elle, n'était pas particulièrement pressée à l'idée de suer comme un porc par ce temps. Elle tressaillit sous la caresse du vent avant de chercher du regard un potentiel binôme avec qui faire équipe. Elle n'eut pas à attendre longtemps, la providence vint en le nom d'Idalienor qui, par un curieux hasard, assistait elle-aussi à ce cours.
Le mystère des emplois du temps de la Pokemon Community.
Elle hocha la tête pour montrer son accord. Après tout, Salomé connaissait encore trop peu de monde, encore moins des gens de son parcours respectif et au vu des têtes inconnues, il lui semblait que les étudiants étaient majoritairement en Pokéathlète ici. Rien de plus normal. Elle suivit alors son aînée, l'écoutant quant à sa proposition d'utiliser Algernon – il est vrai que la demoiselle ignorait encore que l'emplumé avait gagné un nom à la fin de l'été – tandis qu'elle fit sortir un Nirondelle familier à la gitane.
Quelques formalités échangées entre le professeur et Idalienor et ce serait bon. Il est vrai que la brune possédait maintenant un pansement immense là où sa cicatrice s'était tenue. Mais Salomé ne fit aucun commentaire, laissant l'échange se terminer entre Léon et la Pyroli.
— Ce sera de la vitesse pour vous, déclara l'enseignant tout en menottant à la fois les Pokemon respectifs ainsi que leurs dresseuses, et n'oubliez pas, des jambes ne sont rien sans une cervelle bien remplie alors n'hésitez pas à vous servir de votre tête, c'est comme ça que vous réussirez dans ce cours.
Réfléchir en sport ?
C'était un bien étrange concept. Mais Salomé ne dit rien, se laissant menotter tandis qu'un lien unissait désormais le Nirondelle et le Picassaut qui ne comprenait pas bien ce qui se tramait là. Il fit abstraction des menottes, tentant de voler de manière circulaire autour de la tête du professeur pour le saluer mais fut bien vite arrêté dans son geste par le corps du Nirondelle, qui, lui, restait statique dans les airs, attendant de manière docile que sa dresseuse lui donne un ordre. Ah l'obéissance chez Algernon. Toute une histoire.
L'enseignant leur expliqua le parcours à suivre. Inutile de s'inquiéter du reste, pour le moment mieux valait songer à cet ennemi qu'était ce fameux tapis roulant. En conquérir un en solitaire n'était déjà pas aisé pour la petite mais attachée ? Elle se demandait d'ailleurs comment les type Vol allaient s'en sortir ; allaient-ils ruser et rester dans les airs ou se plier aux lois terrestres pour éviter toute tricherie ? Pour Salomé, la réponse était toute trouvée.
— Aux suivants !
Déjà, le professeur Nahr s'occupait d'un autre binôme tandis que celui de Salomé et Idalienor était livré à Disciple, le Kapoera qui attendait qu'ils se mettent en route. Il allait falloir courir. Et vite.
— Je te préviens d'avance, je ne suis pas très rapide.
Autant la danse avait su lui muscler les cuisses mais pour la vitesse, il allait falloir repasser. Elle aurait mille fois préféré le parcours d'agilité mais le hasard en avait décidé autrement. Vitesse, c'était tout ce qu'elle ne voulait pas. Il allait falloir qu'elle s'habitue à cette idée.
— Bien évidemment, nos oiseaux peuvent voler plutôt que courir sur ce tapis, n'est-ce pas ?
N'est-ce pas ?
Le but étant de le franchir, cela lui paraissait tout bon.
— D'ailleurs, tu t'en doutes peut-être par ma présence ici aujourd'hui mais je fais partie du même parcours que toi maintenant ! Bon, j'ai pas encore tranché pour ma spécialité mais ça viendra... C'est que j'ai eu une mauvaise expérience avec le parcours Scientifique, alors ça m'a aidée à me décider... Ça ainsi que toi et Alban, un Coach d'ici que tu connais déjà sûrement !
Parce qu'elle n'oubliait pas que ces deux-là avaient joué un rôle important dans sa prise de décision. Ainsi que Logan et son comportement. Mais cela, elle aurait bien l'occasion de revenir là-dessus à un moment ou à un autre.
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Elles tenaient en équilibre. Leurs pieds menottés pendant que le duo aérien avait franchi l'obstacle avec une facilité déconcertante, le contournant plutôt que le traversant. Les joies de posséder des ailes. Du coin de l’œil, Salomé vit que le corps fragile de son Picassaut était parcouru de spasmes. Rien d'effrayant, mais c'en était presque comique de voir la Nirondelle tenter d'adapter son vol à celui de son partenaire d'un jour.
Quelques pas timides d'abord, des plus grands ensuite. Les étudiantes avançaient, à une vitesse raisonnable, tandis que la rousse se retrouvait à battre parfois des bras pour éviter la chute et tenter de faire balancier. Ce serait vraiment trop dommage de devoir recommencer suite à sa maladresse.
— Des aventures, hein ? Alors toi et Alban, vous avez... ?
Si tu as quelque chose à dire, dis-le. Sinon, ne dis rien.
Ils ont quoi, hein ? Ramassé des baies ensemble ? Hé bien peut-être. Assisté aux mêmes cours ? Sûrement. Cette manie des jeunes de sous-entendre sans aller au bout de leurs pensées, vraiment ! C'en devient agaçant.
Mais trêve de bavardages, se concentrer sur le parcours d'abord, papoter ensuite. Même si Salomé ne se privait pas de faire les deux, affectant son équilibre à chaque fois qu'elle détournait un peu trop l'attention du point d'horizon qu'elle s'était fixée.
— Même si je suis chez les Givra', le rythme est pas pour autant très soutenu... Du moins avec ma colocataire, elle a des objectifs plein la tête mais rien à voir avec les Scientifiques, elle, elle est plutôt portée sur le sport et la compétition... Entre Pokemon.
Sacrée Erika.
Mais la rousse finissait par s'adapter peu à peu à son nouvel environnement. À l’exception de Miss Acacia. Peut-être Idalienor pourrait-elle faire quelque chose pour cette dernière, tout comme elle avait porté secours à Algernon lors de leur seconde rencontre ?
— Par contre, ma Plumeline a le mal du pays. Je t'avais expliqué qu'elle appartenait autrefois à ma mère et qu'elle avait passé l'essentiel de son existence sur Alola. Elle avait fini par reprendre goût à la danse, grâce à un concours à la fin de l'été, mais maintenant qu'elle a quitté son île natale, je la vois dépérir un peu plus chaque jour et je ne sais pas quoi faire pour lui redonner le sourire... La psychologie, c'est pas mon fort...
Il n'est jamais trop tard pour offrir une thérapie à un Pokemon. Pauvre Miss Acacia qui broyait du noir au quotidien. Et sa dresseuse incapable de lui porter secours car ne possédant pas les outils nécessaires. Elle n'était pas Médecin, même s'il est vrai que cette spécialité l'attirait énormément. Mais comment espérer soigner les Pokemon d'autrui alors qu'elle était incapable de traiter ses propres créatures ?
Elle mit enfin pied à terre, en même temps qu'Idalienor. Le tapis continuait sa folle course, prêt à faire chuter d'autres étudiants intrépides. Salomé n'était pas mécontente d'être venue à bout de cet obstacle. Maintenant, il leur faudrait rejoindre le lac à pieds pour le franchir ensuite. Ce parcours Vitesse lui paraissait bien décousu de par sa constitution.
Elle piocha la pokéball de Miss Acacia pour l'appeler près d'elle. Elle ignorait si Idalienor serait prête à sacrifier quelques minutes du temps, et donc une partie de sa note globale, pour porter secours à l'oiselle toute de bordeaux vêtue.
— Tu crois qu'on a le temps pour que tu y jettes un œil et l'aider ?
Après tout, n'est-ce pas le propre de tout Médecin de porter secours aux Pokemon en difficulté ? Même si cela relevait davantage de la psychanalyse ou du moins de la psychologie pour comprendre ce qui n'allait pas et surtout, le résoudre.
La Plumeline s'était recroquevillée sur elle-même, comme à son habitude. Ses plumes autrefois si brillantes commençaient à perdre de leur splendeur. Elle restait inerte, statique, exactement comme au premier jour sa rencontre avec Salomé. Mais en pire peut-être.
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Pour le moment, c'était surtout le néant qui occupait sa tête. Au moins la rousse avait-elle réussi à choisir un parcours, c'était mieux que rien. Restait encore la spécialité. Une chose de sûre, cela se jouerait entre les Coachs et les Médecins. Entre Alban et Idalienor. Encore quelques semaines pour y réfléchir, puis il lui faudrait trancher. Elle se sentait loin de pouvoir un jour égaler le niveau de l'un ou l'autre de ses aînés mais peut-être... ? Un créneau non exploité qui lui conviendrait ? En attendant, elle observait les gestes précis et méthodiques de la Pyroli sur le corps de son oiseau. Pauvre Miss Acacia. Il lui semblait qu'elle manquait de s'éteindre à chaque seconde. Mais elle tenait bon, sans que la gitane ne comprenne comment ni pourquoi, toujours debout sur ses pattes immenses, échassiers qui lui donnaient de l'élan à chacun de ses pas de danse. Mais tout cela n'était plus qu'un souvenir d'été désormais.
Elle aurait mieux fait de garder une trace de sa mission avec Haru plutôt que de celle avec Logan, à en croire la demoiselle. Pas de chance. Peut-être pourrait-elle retrouver leur prestation du côté des vidéos amateurs ? Mais l'idée du miroir lui plaisait bien. Au moins ne craignait-elle pas de la voir aboyer soudainement face à son reflet, comme elle avait pu voir des Caninos faire dans le passé. Les oiseaux piaffaient, au mieux.
— Je vais tester ça, et je te dirai s'il y a eu du changement.
Même elle avait du mal à y croire. La blessure paraissait trop profonde pour qu'un simple verre poli puisse y faire quoi que ce soit. Mais elle essayerait malgré tout, sans grand espoir, mais elle n'était pas résignée pour autant. Viendrait un jour où elle rencontrerait un Médecin dont la psychanalyse et psychiatrie seraient ses domaines de prédilection. C'était bien beau de maîtriser par cœur les herbes et leurs fonctionnements, mais si le psyché restait inconnu du corps médical, c'était inutile. Sans offense, Idalienor.
Elle était prête à sauter tête la première dans le lac. Elle allait le faire avant que la chaîne ne l'arrête, lui rappelant qu'elle était dépendante de sa partenaire. La rousse se calma quelque peu, ensemble, les demoiselles trouvèrent refuge dans l'eau. Elle était froide en cette fin d'été, l'automne tapait à leurs portes. Salomé frissonna et fit quelques mouvements, suivie de près par Idalienor. La priorité était de rester actives, ne pas devenir statiques pour se laisser saisir par le froid. Elles avaient une grande étendue à franchir, inutile de se précipiter pour autant, il ne servait à rien de finir essoufflée, même si cela restait un parcours Vitesse.
Elle eut un regard entre deux brasses pour Algernon qui traversait à son tour, toujours accroché à Ainara. Son corps minuscule continuait de se voir secoué de spasmes par moments, suffisamment pour gêner la Nirondelle et son vol propre et droit. Cela aurait pu faire rire sa dresseuse si une note n'était pas à la clef. Même si elle se fichait bien de la note finale, preuve en était le temps qu'elle leur avait fait perdre avec le diagnostic de sa Plumeline.
Puis il y eut un PLOUF sonore juste derrière Salomé. Suivi d'un autre en moins de dix secondes.
Comme un caillou qui faisait des ricochets.***
Tous des oiseaux, hein ? Ça ferait une belle pièce, dis-moi. Ainara : oiseau. Algernon : oiseau. Mais c'est moi, ça, Algernon. Algernon : moi : oiseau.
Je chante. D'un cri propre à ceux de mon espèce. Mais différent aussi. La Nirondelle me jette un regard noir, comme si j'avais dit quelque chose de mauvais, comme si je racontais n'importe quoi. Comme si je faisais trop de bruit. Il faut bien s'occuper le temps qu'on en finisse avec cette baignoire géante. Bleu, bleu, bleu. C'était quoi déjà ? Rouge, rouge, rouge. Mais que du bleu en-dessous de nous. Et du bleu eu-dessus de nous. Un peu plus clair, comme celui que je portais pendant la compétition de sport, moi à la recherche du Goélise d'or. Bleu, rouge, bleu.
Rouge ?
Je crie. Manque de m'étouffer. Rouge, rouge, rouge. Ça se rapproche, ça perce le bleu, pour que ne reste que le rouge. C'est comme quand je me cogne, c'est rouge comme le liquide qui s'écoule hors de moi. C'est rouge et c'est vivant.
Et ça vient sur nous.
Ainara aussi l'a vu. Elle s'arrête, je continue d'avancer, on s'emmêle les ailes, puis les pattes, froissons nos plumes dans le vide tandis que la traînée rouge se rapproche, flèche de feu qui nous frôle une première fois. C'est rouge et chaud. Un éclair qui revient et en a fini de malmener le bleu.
Un comme moi. Un comme nous. Plus rouge, plus gros, plus tout.
Rouge.Rouge. Rouge.
Coup de serres sur nos chaînes. C'était moins une. Ma Salomé est loin devant. Je crie à nouveau mais ma voix ne porte pas loin, noyée par les pépiements de Ainara. Ça sert à quoi, ces liens, dis-moi ?
Nouveau vol en piqué, droit sur nous.
Noir.
***
La rousse se retourne enfin, agacée par les cris d'un Pokemon sauvage qui noie un peu trop ses pensées. Elle se retourne et voit l'ombre d'un Flambusard qui s'éloigne. Elle s'arrête brusquement, cherchant du regard les deux type Vol. Mais il n'y a rien.
— ALGERNON !
Mais juste l'immensité du lac pour seule réponse. Il n'en faut pas plus pour que son cerveau panique et que son cœur s'emballe. Elle connaît le régime alimentaire de cet oiseau de proie. Elle sait qu'il n'est pas venu ici par hasard. Algernon figure droit dans sa nourriture de prédilection.
Non.
Elle ne peut croire une vérité pareille. C'est son imagination qui parle, c'est la peur qui l'étreint, c'est, c'est, c'est.
— Ça mange des Picassaut, ce monstre-là ! hurla-t-elle, inquiète et trempée, à sa partenaire du jour, il l'a... Il l'a... Algernon !
Sujet verbe complément.
Réfléchir ensuite. Se calmer d'abord. Dans cet ordre-là, plus ou moins. Se rappeler aussi. Le bruit sourd un peu plus tôt. Le caillou et ses ricochets. Leurs types Vol respectifs ?
C'était un attentat dans son petit corps.
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Qu'est-ce que ça peut un Nirondelle contre un Flambusard ? C'est dérisoire, c'est trois fois rien, juste du menu fretin. Se noyer plutôt que de se faire manger ? C'est tout aussi stupide, l'issue reste la même ; une mort certaine. La rousse a du mal à entendre raison, elle s'agite et hurle sans se soucier des liens qui forment une contrainte supplémentaire. Heureusement qu'Idalienor est là pour tenter de la calmer. Tenter, car elle n'y arrive pas très bien.
Finalement, la silhouette d'un Héledelle toujours accroché à un Picassaut miniature l'apaise un peu. Mais c'était sans compter sur le rouge qui lui défigure la vue. Elle ne voit plus que cela maintenant et n'a pas le temps de féliciter Idalienor pour l'évolution de son Pokemon, pas le temps de s'extasier sur sa forme nouvelle, seul compte la nécessité de rejoindre la rive. Sans cela, elle se serait sûrement moins pressée mais en moins d'une dizaine de minutes, les demoiselles avaient quitté le lac, essoufflées, agenouillées près du corps inerte d'Algernon. Il respirait, c'était déjà cela. Et comme si la situation n'était pas assez critique, la Pyroli usait de la situation pour faire faire des exercices pratiques à sa cadette.
Vraiment ?
La Givrali ne savait plus quoi penser d'un tel comportement. Cela restait Idalienor, celle-là même qu'elle idéalisait et idolâtrait un peu trop. Mais voilà qu'elle sacrifiait la vie du type Vol au profit d'une mise en situation.
Et si Salomé échouait ? Il en était de la vie de son starter.
Et si elle se trompait ? Et si elle faisait mal ? Et si elle faisait pire ?
Et si.
— Je peux pas faire ça ! Je sais pas faire ça ! Toi, fais-le !
Mais la brune restait imperturbable.
Il y avait trop de sang pour un si petit être. Du rouge qui noyait ses plumes blanches, du rouge qui collait à son plumage noir. Rien qu'un liquide omniprésent qui salissait les doigts de la demoiselle. Elle reconnaissait bien là l'estoc porté par le Flambusard.
Toujours plus de sang sous les cris plaintifs d'Algernon.
Elle était loin la légende de l'oiseau amphibie. Elle ne leur servait pas à grand chose, la légende de l'oiseau amphibie, face à un oiseau tout court blessé.
Mais Idalienor ne paraissait pas déterminée à sauver la vie du type Vol. L'aider, ce n'était pas tout faire. La rousse tenta de chasser le vent de panique qui s'emparait d'elle, cette même rafale qui l'avait saisie alors qu'elle avait cru Algernon dévoré par le Pokemon sauvage. Se calmer d'abord avant d'effectuer quoi que ce soit.
Dire qu'elle devait travailler avec les moyens du bord. En somme, avec pas grand chose.
Elle inspecta le corps miniature pour repérer l'origine de l'hémorragie. La blessure était nette, bien que peu profonde. Dans son malheur , Algernon avait eu de la chance. Peut-être ses spasmes soudains l'avait-il sauvé ? Elle n'en savait rien, elle n'était pas à ses côtés lorsque cela s'était déroulé. Ses doigts parcoururent les plumes, le sang se déportait maintenant sur sa peau. Cela ne la dégoûtait pas, fort heureusement. Elle ne grimaçait pas comme lorsqu'elle avait repéré la cicatrice hideuse d'Idalienor lors de leur seconde rencontre. Elle était concentrée, ou à défaut, donnait l'illusion de l'être. Elle procédait avec minutie, sentant le cœur du volatile battre sous ses index. C'était une drôle de sensation que celle-là.
La vie d'Algernon était entre ses mains, au propre comme au figuré.
Elle s'appliquait et elle faisait ça bien. Nettoyer la blessure pour éviter d'éventuelles impuretés, manipuler l'animal avec soin sans le brusquer, être attentive pour s'assurer qu'il n'y avait qu'une seule blessure sans muscles froissés ou os brisés.
Et au prochain cours spécialisé, ce serait quoi ? Vérifier si elle était prête pour être Coach ou Espion ?
Elle termina les premiers soins apportés à son starter. Ce dernier s'était redressé, sautillant sur ses pattes indemnes. Il déploya ses ailes indemnes et les agita mais se refusa à s'envoler. Son regard se portait vers le ciel porteur du Flambusard.
— Pourquoi qu'il vole pas ? Il a rien aux ailes, j'ai vérifié ! J'ai fait quoi de travers, dis-moi !
Ça sert à quoi, un Pokemon oiseau qui ne peut pas voler ? Ou qui ne veut pas, c'est là toute la différence. Il se déplaça vers les mains protectrices de Salomé qui le recueillit sans houspiller. Elle se laissa tomber au sol, épuisée, observant à son tour le ciel d'un bleu livide. Dans son mouvement, Idalienor se retrouva forcée d'adopter une position similaire à celle de la Givrali. La dure loi du lien continuait de régner entre elles.
— Devoir soigner son propre Pokemon, c'est trop horrible, conclut-elle amorphe, faisons un pacte, si j'ai besoin, tu t'occuperas de les soigner pour moi. Et si tu veux, je m'occuperai des tiens pour toi.
Etait-ce une manière de dire qu'elle avait l'intention de rejoindre les Médecins ? Difficile à dire avec Salomé, rien n'était vraiment clair avec elle.
L'oiseau piaffait sur son ventre, à quelques pas du Héledelle. Elle avait bien grandi. Alors c'était aussi soudain que cela, une évolution ? La rousse se demandait quand son starter y passerait. Mais s'il n'avait pas passé le cap aujourd'hui alors qu'il avait failli mourir, cela signifiait peut-être qu'il ne serait jamais prêt. Difficile d'attendre quoi que ce soit d'un retardé mental.
Elles étaient parties pour faire traîner encore un peu le chrono, bien que leurs nages respectives s'étaient déroulées en des temps plus qu'honorables.
— Idalienor, c'est déjà arrivé que des étudiantes à l'académie se fassent harceler ? Du harcèlement sexuel, je veux dire.
Parce que cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas pourri un peu Logan. Maintenant que le pire était passé et qu'Algernon était sauvé, il lui fallait décompresser. Quoi de mieux que de raconter ses malheurs à la personne la plus proche de son entourage ?
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Complètement exténuée.
Mais il fallait avancer. Se reprendre, finir ce parcours et laisser de côté les mauvais souvenirs du jour. Algernon se pelotonnait contre sa dresseuse avant de rejoindre Ainara, cette dernière pouvait le porter ou presque le temps du parcours tant elle était devenue forte et imposante.
Mais elle reporta son attention sur Idalienor en quête d'informations. C'était maintenant ou jamais pour remporter un César. Elle l'avait déjà fait devant Ana, elle pouvait se renouveler devant sa mentor. Elle ignorait encore ce qu'elle dirait exactement. Il allait lui falloir improviser, ce coup de théâtre n'était pas anticipé, le hasard en avait voulu ainsi et la voilà en plein cours avec Idalienor.
— Ce n'est pas parce que les gens n'en parlent pas que ça n'existe pas, souffla-t-elle avant de baisser la tête quelque peu confuse et honteuse, je me suis pas contentée d'entendre parler de quelque chose... C'est moi. C'est de moi dont il s'agit. C'est moi qui ai... subi.
Elle avait eu du mal à déglutir. Elle se prenait au jeu, encore une fois. La rousse n'osait pas croiser à nouveau le regard de son aînée. Compassion ? Tristesse ? Colère ? Elle n'en savait rien. Mais de la honte pour Salomé. Un manteau entier dans lequel elle était empêtrée. Être une victime n'était pas un beau rôle, elle le savait désormais. Mais si elle souhaitait arriver à ses fins, il lui fallait se glisser dedans et l'endosser les yeux fermés. Comme elle avait hâte de jeter cette peau puante. Hâte et peur à la fois de la tournure des événements.
Elle siffla pour faire revenir à elle son Picassaut, commençant à mettre en place le troisième parcours en optant pour le transport de l'oiseau léger. Cela ne changeait pas de ses habitudes. Il reposait sur son épaule gauche, encore, mais Idalienor allait devoir faire de même avec son type Vol pour éviter tout faux pas.
Elle ne pouvait sur taire sur telle rumeur.
— Un Voltali du nom de Logan Atkinson qui m'a... qui m'a... hésita-t-elle, non je ne peux pas le dire, c'est trop horrible !
Elle dissimula son visage derrière le plumage d'Algernon ébahi. Lui qui était sur son épaule quelques secondes plus tôt était désormais un mur entre sa dresseuse et la brune. Il battit des paupières, hésitant et perdu, avant de laisser ses plumes frémir au contact du vent de l'automne naissante. Il s’ébouriffa, paraissant doubler de volume alors que son poids était toujours aussi inchangé avant que ses plumes gonflées ne reprennent leur formes initiales. Toujours aussi désordonnées. Mais présentes.
— Si je te le dis, tu vas le répéter ? Il ne faut pas. Jamais. J'aurai des problèmes encore. Et s'il l'apprend, ce sera pire que pendant la mission avec lui cet été ! Tu ne sais pas comment il me regardait dans le tunnel... Tu ne sais pas ce qu'il m'a dit là-bas, ni même ce qu'il m'a fait ! C'était... C'était...
La gitane releva la tête, cessant de se dissimuler derrière son starter. Ainara sur les épaules, il n'en fallait pas plus pour que les demoiselles se mettent en route. Mais elles continuaient de traîner. Le chronomètre, lui, ne s'était pas stoppé au gré de leurs bavardages. La note minimale se rapprochait doucement vers elles. Et cela n'inquiétait pas le moins du monde Salomé. Sa vengeance contre le Scientifique lui tenait bien plus à cœur qu'un nombre sur un bulletin.
— J'ai peur maintenant... Peur de le croiser dans un couloir. Peur qu'il vienne jusqu'au dortoir des Givrali. Même aller en cours, ça me terrifie à l'idée qu'il puisse m'apercevoir...
Elle était douée la petite. Très douée.
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Tout en portant chacune un Pokemon, Salomé écoutait ce que la Médecin avait à lui dire. Bien que le cas de la rousse restait de l'ordre du jamais vu à l'académie, Idalienor n'était pas pour autant dépourvue d'idées pour régler au mieux cette situation délicate. Ses doigts se perdaient entre le plumage intact d'Algernon tandis que son esprit vagabondait vers cette journée qui avait vu basculer à jamais sa relation avec Logan. Maintenant, elle jouait un jeu dangereux qui consistait à mentir en permanence juste pour discréditer le Voltali. Et Idalienor se retrouvait impliquée malgré elle. Elle le portait haut et fort, son mensonge, plus loin que jamais. Et ce n'était que le début, elle le pressentait. Alors elle affichait une mine penaude tandis qu'elles mettaient tout en œuvre pour offrir une fin digne de ce nom à ce parcours vitesse.
Elle hésitait encore. Du moins feignait-elle l’hésitation. Alors elle prit son courage à deux mains pour finalement ouvrir la bouche et raconter la vérité. Sa vérité.
— C'est dans le tunnel que ça s'est passé, alors qu'on prenait la fuite pour échapper à des Pokemon sauvages... Y avait pas de témoin alors c'était le moment parfait... Et là, comme ça, il m'a caressé les fesses. J'ai d'abord cru à un accident mais il a insisté... Il a recommencé... Et il m'a dit que ce ne serait pas la dernière fois qu'il me ferait... ça.
Mensonges.
Mais elles en avaient fini de porter leurs Pokemon. Toutefois, la rousse gardait son starter entre ses bras. Il ne pesait rien ou presque, elle ne voyait pas la différence. Le lâcher de Héledelle de la part de sa dresseuse la força toutefois à se séparer de son propre type Vol qui avait déjà regagné les cieux. Le dernier parcours les attendait. Un jeu d'enfants pour les volatiles qui, eux, comme précédemment, traversèrent à l'aide de leurs ailes sans se soucier de jouer les soldats face à ce parcours du combattant. Pour les deux entravées, c'était une autre histoire qui se jouait en cet instant.
— Je ne sais même pas si j'ai bien fait de te confier cette histoire alors tu imagines s'il apprenait que j'étais allée voir la directrice ? Parce qu'il le saura, si je fais ça. Et ça sera pire encore.
C'était pourtant ce que tout le monde lui avait conseillé de faire. Rien d'étonnant à ce qu'elle soit réticente ; c'était sa parole de victime contre celle de bourreau du Scientifique. Il y avait fort à parier qu'on lui accorderait davantage de crédit de par son rôle mais elle craignait que la vérité ne finisse par éclater à trop en parler. La vraie vérité, cette fois-ci.
La Givrali se tut pour le moment, tentant de synchroniser, une nouvelle fois, ses gestes avec celle de la Pyroli. Elles s'accroupirent pour ramper sous les filets avant de se redresser et de courir quelques mètres pour franchir finalement un mur d'escalade. La demoiselle manqua de glisser à plusieurs reprises mais se ressaisit toujours pour finalement basculer de l'autre côté, leur chute amortie par un matelas. Les deux filles étaient allongées à observer leurs Pokemon respectifs pour finalement se redresser une dernière fois et franchir la ligne d'arrivée qui marquait la fin de leur cours. Le Kapoera était bel et bien là, quelque peu endormi, pour marquer leur heure de retour non loin de celui de départ. Temps bon ou non, elles ne le sauraient pas de suite.
Mais les chaînes étaient toujours là. La rousse chercha du regard le professeur qu'elle repéra rapidement pour faire signe à sa partenaire de la suivre et ainsi retrouver toute liberté de mouvements. Le nouveau professeur ne se fit pas prier et détacha les demoiselles ainsi que leurs Pokemon. Instinctivement, Algernon vint se poser sur l'épaule gauche de Salomé. Ses pieds étaient enfin libres, cela faisait du bien de ne plus avoir à dépendre de qui que ce soit ! Elle eut un sourire pour Idalienor. La libération marquait aussi la fin de ce cours commun et par conséquent le début d'un autre dans son emploi du temps.
— Merci de m'avoir écoutée, Idalienor. Ca commençait à me peser gros toute cette histoire, mais ça, tu t'en doutes déjà...
Dire que ce n'était là que le début d'une grande histoire ; une embrouille sans précédents. La Givrali n'avait pas fini d'impliquer toujours plus de monde à charge contre Logan.
Elle n'aurait jamais fini.
— Je crois qu'il faudra qu'on en reparle à un moment plus approprié... Je n'ai pas beaucoup de temps devant moi avant mon prochain cours et c'est sûrement pareil pour toi.
Enfin une vérité.
Le point de retour était peu fréquenté ; certains discutaient allègrement avec leur partenaire d'un jour tandis que d’autres rejoignaient les vestiaires. Salomé appartenait à cette seconde catégorie. Non sans un dernier au revoir à Idalienor.
— Je te promets que bientôt tout ça appartiendra au passé, chuchota-t-elle à l'oreille de la brune, et que ça va aller mieux, oui.
Et mentir davantage.
Et inculper un peu plus Logan.
Et lui porter le coup de grâce.
Elle ne put s'empêcher de se laisser aller à une étreinte, sincère, auprès de la Pyroli. Exactement comme lors de cette journée peu banale sur Alola où leur cueillette avait viré aux confidences, loin des faux-semblants.HRP :Fin du rp et donc du cours spé pour Salomé. Merci beaucoup !
Menottées mais jamais dépassées |
Je tiens à dire que je trouve super mignon et intéressant le parallèle entre Idalienor-Salomé et Picassaut-Nirondelle qui se forme au début du RP, pour commencer. On a un déroulé assez classique dans le cours et les obstacles sont franchis au pas de courses, à tel point que les deux jeunes filles peuvent même discuter tranquillement tout du long. Une petit séance de psychologie Pokemon et tout le monde au bain ! Enfin, au bain, façon de dire, vu la tournure que prennent les choses : l'évolution d'un Nirondelle et un sauvetage in extremis rajoutent un peu de péripéties bienvenues, et la fin de la traversée permet un échange plutôt touchant. On passe ensuite à un peu de vengeance Salomesque pour la fin du cours....Et au final, je suis un peu perplexe. Les Rps sont très sympas, on a du développement de personnages, les obstacles sont présents et les Pokémons sont bien exploités. Dans le même temps, le cours est envisagé sans prise de tête entre deux étudiantes qui papotent durant ce dernier. J'aurais peut-être mis un peu plus en avant certaines difficultés, vu qu'au final, vous avez davantage ajouté les vôtres que réellement traversées celles présentées par Leon. Note: 14/20 |