La glace crissait sous les lames de Salomé. Patins chaussés, la demoiselle faisait trembler la piste autant qu'elle tremblait elle-même. Elle n'était pas familière de ce sport, aussi se tenait-elle à la rambarde lorsque la fatigue l'accablait, la lâchant par moments pour disparaître parmi la foule. Elle souhaitait profiter au mieux de ces vacances, oublier tout ce qu'elle avait enduré cette dernière semaine et décompresser sans craindre de voir l'ombre géante de Logan surgir. La rousse portait encore les séquelles de la raclée qu'il lui avait infligée, des bleus le long du corps, mais tout cela était invisible sous l'épaisse couche de ses vêtements. Il avait eu la gentillesse d'épargner son visage, aussi passait-elle inaperçue parmi les étudiants. Tout le contraire de Algernon qui avait encore sa chair exposée à nue, un doux duvet avait commencé à pousser pour remplacer ses plumes arrachées par touffes. Il devait avoir froid sans son plumage épais, le pauvre. Mais il était bien là, toujours vaillant, posté sur son épaule, battant des ailes parfois pour retrouver l'équilibre lorsque sa dresseuse manquait de chuter.
Les deux Feurisson, eux, bravaient tous les dangers pour tenter de courir sur la piste, sans se soucier de leurs flammes incendiaires face à la plaque gelée, menaçant de se transformer à tout moment en flaque d'eau géante si l'un d'eux avait le malheur de faire feu. Django et Phoën roulaient sur la patinoire, flammes éteintes, s'amusant comme deux jeunes fous. Django était plus beau que jamais parmi ce paysage polaire, ses flammes de toute beauté étaient remarquables et élégantes, se fondant dans le décor. La Germignon, elle, était recroquevillée près du rebord, toujours prête à intervenir si les choses dérapaient, elle et ses bons soins, elle avait préféré rester loin de la plaque de glace ; le patinage, très peu pour elle ! Mais elle ne quittait pas des yeux sa dresseuse, garde du corps improvisé prête à fondre sur sa proie si l'occasion se présentait.
La rousse se sentait un peu plus à l'aise. Elle tentait de virevolter depuis ses patins, gagnant en vitesse. Elle était prête à s'envoler mais son corps restait obstinément cloué au sol. Elle allait et venait, longeant parfois la rambarde pour s'en éloigner définitivement et gagner le centre, à contre-sens parfois car elle avait ce goût certain du risque. Elle patinait et riait, ses éclats se mêlant à la glace déchirée sous le sillon de ses pas. Deux fines lignes se dégageaient, deux rainures ou fissures, communes à tous les patins. Elle striait et rayait la glace, peu importait son itinéraire. Elle avait quatorze ans et l'insouciance restait obstinément en elle.
Mais la vitesse peut se montrer traîtresse. Elle avait joué, elle était en train de perdre. Son élan se transformait en un poids impossible à arrêter. Leon Nahr avait évoqué seulement la vitesse un peu plus tôt dans l'après-midi, jamais la question du freinage n'avait été abordé ! Et l'impact se rapprochait dangereusement tandis qu'elle, petite étoile filante, se consumait pour heurter le monde. La vitesse qui tue, toujours elle.
— ATTENTION !
Elle avait hurlé, éveillant son starter somnolent. Lui-aussi avait crié, piaffant dans sa langue, comme un énième avertissement. L'idiot ne s'était pas même envolé, restant un peu plus accroché à l'épaule de la Médecin au point de lui vriller la peau et d'imprimer sur elle les marques de ses pattes.
Mais gueuler n'avait servi à rien. Si ce n'est attirer un peu plus l'attention sur elle.
La demoiselle n'avait pas su éviter l'obstacle qui lui faisait face. Et quel obstacle ! Une crinière blonde à en frémir de jalousie, un visage fin, des pommettes saillantes, le tout qui devait avoir à peu près son âge. Salomé la percuta, bras tendus en avant pour se protéger, faisant faire un vol plané au Picassaut avant que ce dernier ne se souvienne qu'il savait voler et se dégage de cette mêlée humaine.
— Ça va ? T'as bien tous tes doigts ? Faut pas déconner avec ça, une lame de patin mal placée et c'est un coup à se retrouver avec une main incomplète !
Parce qu'elle prenait réellement son rôle de Médecin au sérieux. Elle attrapa les mains gantées de sa victime avant de se rendre compte que tout était bien là. Un, deux, trois, quatre, cinq. Le compte y était. Mais déjà Chayana avait fendu la patinoire et sa foule pour retrouver sa dresseuse et lui porter assistance. Le couple de Pokemon Feu, de leur côté, restait bien sagement dans un coin, préférant ne pas se mêler des affaires des humains. Eux avaient bien raison.
Le type Plante avait déjà commencé à lancer un Vibra Soin, la prévention avant tout. La gitan leva les yeux au ciel face à son comportement.
— Elle va bien, je vais bien, on va bien, y a pas besoin, Chayana !
Mais rien à faire. L'onde de soin continuait de se propager entre les deux humaines. La demoiselle quitta le sol pour se redresser tant bien que mal. Ses gants étaient éraflés mais son corps était intact. Rien de nouveau avec cette chute.
Puis elle perdit un peu trop de temps sur le minois de sa victime. Peut-être aurait-elle dû commencer par cela.
— Mais c'est toi ! Tu es celle qui...
Elle n'arrivait pas à finir sa phrase. Instinctivement, elle porta la main à l'ecchymose qui brûlait encore et la réveillait la nuit. Et les blessures qui avaient craché du sang lors de cette nuit fatidique. Algernon tournoyait déjà au-dessus de la tête de l'inconnue qui n'en était plus vraiment une. Salomé savait ce qu'elle avait fait pour elle, elle savait que son intervention, Logan aurait pu avoir le dernier mot.
Elle s'était relevée trop vite. Elle attrapa au plus vite la rambarde pour éviter de chuter à nouveau. Elle ne souhaitait pas revivre à nouveau cette nuit d'horreur. Mais cette Givrali n'y était pour rien, bien au contraire. C'était déjà trop pour elle. Se calmer d'abord. Aviser ensuite.
Briser la glace |
Elle avait juste eu le temps d'ouvrir la bouche avant d'apercevoir la demoiselle prendre la fuite. Algernon était encore occupé à tourner autour de l'emplacement désormais vide de toute présence de la Givrali avant de s'apercevoir de son erreur. Il se stoppa, retournant sur son perchoir habituel – l'épaule gauche de Salomé – et enfonça sa tête sous son aile. Mais Salomé ne souhaitait pas en rester là. Elle observa les pas de la blonde, aussi précis qu'élégants. Elle paraissait être née avec des patins, tout le contraire de Salomé qui saluait déjà sa performance de tenir debout ; pour le freinage, ce n'était pas encore ça. La rousse ne la quittait pas des yeux. Elle la vit s'élancer avant de s'envoler. C'était un oiseau qui côtoyait les étoiles et venait d’atterrir avec une grâce déconcertante. La gitane la rejoignit à son rythme, elle était certaine d'avoir déjà pu admirer pareils pas du temps où elle était encore avec l'ensemble de sa famille, elle parcourant les villes à dos de caravanes.
À son rythme, elle la rejoignit, imitant Algernon un peu plus tôt en tournant tout autour de sa proie. Elle n'en avait pas fini avec elle, il était encore trop tôt pour la laisser s'en aller.
— Sauf que moi, je ne peux pas oublier, reprit-elle sans se soucier de la moue équivoque de son interlocutrice, une nuit pareille, ça ne s'oublie pas, jamais. Tu le sais où je serais si tu n'avais pas été là pour prévenir Calliope ? Moi non plus, j'en sais rien. Mais sûrement pas ici, sûrement pas dans cet état, sûrement pas.
Le peu que cette blonde avait fait, c'était déjà beaucoup. Elle ne comprenait pas cette modestie qui n'avait pas lieu d'être. Inconsciemment, elle lui avait sauvé la vie. La Givrali fut bien vite rejoint par le couple Feu. Django paraissait reconnaître à son tour cette sauveuse sortie de nulle part. Il aboya dans sa langue quelque chose à l'intention de son amant. Aussitôt, le regard de Phoën devint changeant, plus tendre et amical auprès de la patineuse. Lui aussi savait désormais ce qu'elle avait fait. Les rumeurs se répandaient vite, même dans le monde Pokemon.
— Phoën ne serait peut-être pas debout sur ses quatre pattes aujourd'hui si tu n'étais pas intervenue, fit-elle en montrant du bout du doigt le Feurisson non chromatique, lui non plus ne peut pas oublier. Tu n'as pas le droit de nous demander ça !
Parce que le je était devenu un grand nous.
À vrai dire, la rousse ignorait la finalité de cette nuit si la blonde n'avait pas fait acte de présence. Elle se rappelait la cruauté gratuite de Logan envers son propre Pokemon. Elle se rappelait le chantage immonde qu'il avait imposé à Django. Naïvement, elle partait du principe que le chromatique l'aurait choisie elle plutôt que son amoureux. Mais elle n'en savait rien et préférait ne pas connaître le fin mot de cette histoire. Cela avait été éprouvant pour eux eux tous, personne ne s'en était encore totalement remis. Le Pokemon de Logan portait encore des séquelles, des ecchymoses à son tour dissimulées sous son pelage d'émeraude, une boiterie certaine qui se voyait au premier coup d’œil.
— Alors merci. Même si t'as pas l'air d'en vouloir de mes remerciements, ça empêche pas que toi aussi t'étais là cette nuit-là et si t'étais pas prête à assumer les conséquences de ton geste, tu aurais pu choisir de ne rien faire. Ne rien dire. Ne rien voir. Ça aurait été réglé, cette histoire. Mais je sais pas dans quel état tu en serais ressortie, toi, alors.
Les deux Feurisson s'étaient collés à la patineuse blonde, offrant un peu de leur chaleur corporelle à la demoiselle. Leur manière à eux de dire merci. Algernon aussi paraissait se souvenir. C'était elle qu'il avait prévenue, plus précisément le Feuforêve. Il tourna autour du type Spectre, exprimant sa reconnaissance à sa manière.
Le visage de Salomé ne cessait de scruter celui de la Givrali. Ses traits lui paraissaient familiers sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Elle avait beau creuser dans sa mémoire, les souvenirs lui demeuraient interdits et obscurs. Difficile de compter sur l'aide de l'un ou l'autre de ses Pokemon, eux ne pouvaient rien faire, encore moins la connaître. C'était quelque chose de sa vie d'avant l'académie. Quelque chose de flou qui surgissait dans son crâne.
— On se serait pas déjà rencontrées avant que tu débarques à Lansat, par hasard ?
Autant demander plutôt que de s'échouer à trouver la réponse par soi-même. Comme si elle risquait de lui dire quoi que ce soit après le discours qu'elle venait de lui tenir. Déjà que la blonde paraissait ne pas vouloir avoir le moindre contact avec la rousse, ce n''était pas ainsi qu'elle risquait d'obtenir quoi que ce soit de sa part.
Briser la glace |
Salomé n'insistait plus. Elle n'arriverait pas à avoir le dernier mot avec cette inconnue, c'était une évidence. Elle arrêta de tournoyer autour de la jeune blonde, préférant laisser de côté cette histoire de la semaine dernière. Mais elle ne pouvait en rester là sans une dernière phrase de son cru, ce serait bien trop facile. Elle espérait qu'avec le temps, cette Givrali se rendrait compte de sa valeur et de l'acte héroïque, bien qu'elle détestât ce mot-là, qui avait permis à la gitane d'être toujours en vie.
— Ça aurait pu être n'importe qui mais c'était toi, trancha-t-elle, je crois que tu ne comprends pas bien. Algernon aurait très bien pu ne trouver personne cette nuit-là. Mais il t'a trouvée toi. Tu saisis ? Non ? Je vais te le dire, moi, je m'en fiche bien que tu sois restée prostrée au sol. J'aurais peut-être fait pareil à ta place, j'en sais rien, tu vois. Mais c'était toi l'étincelle qui a poussé notre préfète à sortir et personne d'autre.
Sans étincelle, rien ne peut arriver. Elle espérait faire comprendre cela à la demoiselle mais cela paraissait aussi compliqué que compromis. À son tour, la gitane poussa un soupir, se perdant à nouveau le long du visage de sa sauveuse, de ses yeux jusqu'à sa longue chevelure blonde. Elle était tout le contraire de la rousse physiquement. Elle était de Johto mais cela ne lui parlait pas pour autant. Du bout de son index, elle tapota son menton, réfléchissant un peu plus profondément à ce qu'elle avait sous les yeux.
— Ça tombe bien, je suis née et j'ai parcouru à Johto, c'est là-bas que j'ai fait mes premiers pas de danse, là-bas que je me produisais dans la rue pour faire gagner quelques pièces à toute la communauté gitane. Et parce que ça me plaisait, aussi.
Elle fit quelques pas. Elle se sentait un peu plus à l'aise avec les patins. Le sentiment d'avoir deux boulets ancrés aux pieds ne la quittait pas mais elle s'évadait un peu plus de la glace. Son niveau était loin d'égaler celui de la blonde, c'était indéniable. Mais elle tenait debout, c'était l'essentiel. La glace crissa sous les lames tandis que le couple de type Feu s'en était allé rouler à l'autre bout de la patinoire, toujours sous le coin de l’œil de leur dresseuse. La Germignon, elle, tentait tant bien que mal de tenir en équilibre sur cette glace maudite, chutant à de nombreuses reprises, enviant les ailes du Picassaut.
— Illusion !
C'était revenu à son cerveau. Spontanément. Elle l'avait dit un peu trop fort au point que des curieux avaient tourné la tête vers leur duo. Salomé porta sa main à sa bouche, consciente d'avoir fait une gaffe. Si cette demoiselle était bel et bien la danseuse émérite et reconnue qu'elle avait vue se produire sur scène à quelques reprises, cela risquait de susciter une émeute dans quelques instants.
— C'est bien toi, n'est-ce pas ? demanda-t-elle en baissant la voix, je t'ai vue plusieurs fois, je m'inspirais de toi, je voulais devenir aussi douée que toi lorsque j'étais plus jeune. Tes chorégraphies étaient si belles, si parfaites, si...
Trop parfaites. Trop belles. Il n'y avait pas la place pour la moindre erreur. Et c'était cela qui chagrinait le plus Salomé. Tout était si maîtrisé que la rousse avait fini par se défaire de cette image magistrale et magnifique de la danseuse étoile.
— Si lisses. Tous les détails étaient pensés. C'est ça qui m'a fait comprendre que jamais je n'atteindrais ton niveau. Tout était intellectualisé. Les danses de chez moi n'ont rien à voir avec les tiennes. Ça ne s'apprend pas dans un conservatoire ; ça se vit. Sais-tu vivre ?
Venait-elle d'insulter la grande et superbe Illusion ? Celle-là même qu'elle avait considérée comme un modèle pendant une partie de son enfance, alors que ses pas tendaient à s'améliorer et que la rousse se cherchait encore ? Très certainement. La gitane gardait la tête haute malgré ses critiques.
Mais entre consœurs, ne faut-il pas s'entraider ? Très certainement. Elle comprenait mieux pourquoi la demoiselle tenait aussi bien sur des patins, son entraînement dans sa prime jeunesse devait y être pour quelque chose. Salomé, elle, était fille de la terre, certainement pas un être de glace, aussi sa posture était-elle différente de celle de la blonde.
— Tu t'appelles comment, en vrai ?
Elle ne connaissait toujours pas le nom de la Givrali qui lui avait porté secours ; c'était une grave faute de goût, un manque cruel de politesse. Elle supposait que la blonde ne pouvait porter réellement ce nom d'Illusion qui avait tout d'un nom de scène. Beau et élégant, tout comme ses danses, il lui correspondait à merveille.
Briser la glace |
Fàfnir et le corbeau dans la dernière saison de Game of Thrones ; même vitesse de vol. À défaut d'un message, c'est avec une mini enceinte portative que le type Spectre revient.
Comme si Salomé pouvait avoir compris de travers une chorégraphie. Comme si elle avait pu passer à côté du fond, comme lui disait si bien la Givrali. Peut-être la forme trop parfaite n'aidait-elle pas à porter les mots précieux de la blonde. La rousse ne doutait pas qu'elle y mettait tout son cœur mais c'était ces petites imperfections, ces détails, qui rendaient le tout encore plus beau, plus vivant. La gitane n'insista pas. Il aurait été stupide d'insister alors qu'elle était sur le point d'avoir droit à une danse privée de la part de la grande Illusion, n'est-ce pas ? Elle se sentait redevenir cette enfant qui attendait avec impatience le jour fatidique du spectacle, ce jour annuel qui l'émerveillait les premières années, pour la lasser ensuite. Mais tout était différent aujourd'hui. C'était sur glace qu'allait se produire la blonde masquée ; du jamais vu !
Ranya s'élança. Parce qu'au-delà d'Illusion, elle avait un nom. Comme elle. Elles auraient pu être sœurs de par leur passion commune et leur région d'origine. Mais les similitudes s'arrêtaient là.
Elle aurait pu sortir son iPok pour filmer le tout.
Mais voir à travers un écran, très peu pour elle.
Et puis, à quoi bon ?
Alors elle se contenta d'observer attentivement, comme exigé par Ranya.
Il y avait ces figures incompréhensibles et méconnues pour la rousse. Prête à s'envoler, la blonde quittait la glace pour atterrir quelques secondes plus tard. Cela durait le temps d'un battement d'ailes ; Algernon était là pour servir de métronome. La musique se déployait, enveloppant la danseuse ; à moins que cela ne soit l'inverse ? La Givrali n'aurait su le dire. Elle se retrouvait happée dans cette bulle, vers un ailleurs, un microcosme entier, pendant que tous les yeux se posaient sur Illusion. La foule s'éloignait, lui laissant la piste pour qu'elle puisse au mieux déployer son art. Si seulement la gitane tenait davantage sur ses patins, nul doute qu'elle aurait pu la rejoindre. Mais elle était là, clouée au sol, emprisonnée par ces chaînes aux pieds qui faisaient hurler ses orteils. Elle était là, reléguée au rang de simple spectatrice. Comme tous les autres.
Privilégiée.
Et elle continuait. Elle paraissait ne jamais vouloir s'arrêter. Le couple de type Feu avait fini par redresser des museaux étonnés face à cette bipède évoluant sur la glace comme s'il s'agissait là de son élément naturel.
La foule faisait silence.
Le monde faisait silence.
Et la fin, comme une plume glissant le long du ciel. Des applaudissements se déployèrent pour cette danse, improvisée ou non, Salomé n'en savait rien, mais c'était foutrement beau. Elle se joignit aux autres pour l'applaudir alors que Ranya faisait un dernier tour épuré. Vide de pas, vide de danse. Juste Ranya.
— Je t'ai vue, toi. Pas d'Illusion, rien que toi, Ranya. Et ça, ça c'était incroyable. Tu étais à la fois fauve et oiseau, tu était toi, tout simplement, lui narra Salomé, tu danses mieux sans ton masque. C'est toujours tes fins de spectacle que je préférais, à Johto. Quand tu enlevais ton masque et que tu laissais Illusion derrière toi.
Il devait parfois être difficile de dissocier les deux pour les groupies de la demoiselle. Il y avait sa part d'artiste et sa part civile. Ces deux moitiés réunies cohabitaient en un même corps. Vraiment, cela ne devait pas être facile tous les jours. Salomé était bien contente de n'avoir qu'un tiers du talent de Ranya, et encore, peut-être était-ce bien présomptueux ! Au moins pouvait-elle vivre sa vie comme bon l'entendait, sans nécessité de se cacher ni de se dissimuler. Et ça, c'était la plus belle des récompenses.
— Mais merci du cadeau, t'avoir vue danser maintenant, c'était comme si je retournais six ans en arrière. Comme si j'étais retournée à Johto, le temps de ta performance.
C'était tout à fait vrai.
— Elle aurait fait quoi, Illusion, lors de la nuit où on s'est aperçues ?
Atténuer cette nuit d'horreur. Toujours.
Cela continuait de réveiller quelque chose en elle. Son starter était bien tranquille, lui ne comprenait pas les litotes, lui ne comprenait pas grand chose. Elle-aussi aimerait devenir retardée mental, là, maintenant, pour réduire à l'état de poussière ce qui s'était joué ces derniers jours.
Briser la glace |
C'en était fini du spectacle. Ne restait plus que des étoiles dans les yeux de la rousse, et la blonde qui revenait vers elle, élan de réalité immobile. La patinoire se rappelait à elles, toujours aussi immense et pleine d'une foule qui n'en finissait pas d'applaudir. Mais cette dernière se dispersait déjà ; parents et enfants s'en allaient regagner la piste, pas hésitants sur la glace, adolescents se tenant à la rembarre sous les éclats de rire. Et Salomé puis Ranya plantées en plein milieu tandis que la vie reprenait son cours, obstacles immuables qui manquaient de se faire bousculer par les intrépides sur patins.
Chayana ne quittait pas des yeux le Feuforêve. Au moindre mouvement suspect, elle le plaquerait au sol. Même si sa lévitation l'empêchait de le toucher pour le moment, elle trouverait une solution. Django et Phoën roucoulaient sur la glace. La danse ne les avait pas interpellés. Ce n'était pas là une de leurs préoccupations ; se gesticuler en rythme. Tout ce que haïssait le Feurisson chromatique, il est vrai, lui le peureux et paniqué des regards, lui le Pokemon au grand trac. Et Algernon qui somnolait désormais, sa peau rosée recouverte de plumes naissantes. Il frissonnait quelque peu, aussi la demoiselle l'attrapa-t-elle pour l'envelopper de la chaleur de ses mains. Peu lui importait la réponse tranchée de Ranya. C'était une vérité et cela lui plaisait. Elle préférait laisser Illusion loin d'elles, elles n'en avaient pas besoin dans l'instant. Aussi eut-elle un sourire pour sa proposition qui fit réagir son starter. Lui était frigorifié et paraissait satisfait.
— Oui, allons faire ça ! De toute façon, j'ai mal aux pieds à force de patiner... J'espère m'améliorer encore un peu d'ici la fin des vacances !
Prochaine étape : le freinage.
Ensuite : atteindre le niveau de Ranya.
Sans entre-deux.
Danser sur la glace serait tellement beau et féerique. Pour l'heure, elle se contentait d'en rêver seulement. Non pas qu'elle souhaitait rivaliser avec la Givrali, loin de là, leurs styles étaient totalement opposés et différents pour permettre à chacune de danser et d'y trouver son public. Mais elle l'enviait quelque peu de pouvoir jouir d'une telle liberté avec ces lames tandis que Salomé était clouée au sol.
— Au fait, moi c'est Salomé Cobal.
Parce qu'elle ne s'était toujours pas présentée.
Même si suite à la nuit d'horreur, Ranya avait peut-être fini par apprendre le nom de celle qui s'était positionnée en victime face à Logan. Pour de vrai, cette fois-ci. À force de crier au loup, elle avait fini par le trouver à son insu. Son corps en portait encore les traces, mémoire physique avec laquelle elle devait avancer. Tout était dissimulé sous des couches de vêtements mais une fois son reflet face au miroir venu, elle voyait.
Ses doigts se perdaient le long de la naissance des plumes d'Algernon. Il avait un air de nouveau-né ainsi défiguré. Somnolant, il se laissa porter par sa dresseuse qui se débarrassait maintenant de ses patins. Elle quittait enfin ces boulets qui l'enchaînaient depuis le début d'après-midi. Enfin, ses orteils respiraient à nouveau. Elle les agita, cachés sous ses chaussettes, avant de leur faire retrouver le chemin des bottines.
Elle était parée pour ce fameux chocolat chaud.HRP :Fin du rp pour Salomé ! Merciii !
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