« Chère Iris,
Je me demande comment tu vas. Tu ne réponds pas à mes lettres, mais je t'avoue que je ne m'inquiète pas beaucoup, cela ne m'étonne pas de toi. J'espère simplement que ton séjour à la Pokémon Community se passe bien, et que tu te plais là-bas. Quel a été ton starter ? As-tu capturé d'autres pokémons depuis ? Ah Iris, je suis si curieuse ! Je voudrais tellement que tu me répondes, juste pour savoir comment c'est là-bas... j'aimerais beaucoup te rejoindre, et... »
Iris n'acheva pas la lecture. Elle avait froissé la feuille, elle tremblait de colère. Non. Juste non. C'était déjà pas facile de supporter la présence de sa cousine lorsqu'elle vivait encore là-bas, alors... non. C'était quoi son problème, bon sang ? Elle ne se rendait pas compte à quel point elle faisait souffrir Iris ? Non. Parce qu'elle ne l'avait jamais voulu. Mais c'était plus fort qu'elle. Elle ne pouvait rien n'y changer. Il aurait déjà fallu qu'elle le sache... Au fond, Iris se demandait si elle avait raison de lui en vouloir, si elle ne s'obstinait pas pour rien. Puis elle se rappelait à quel point on l'avait toujours comparée avec Irina, qu'Irina représentait tout ce que ses parents avaient toujours voulu qu'elle soit. Alors elle se disait qu'elle avait une raison valable de lui en vouloir, et elle se taisait.
Iris avait lu les premières lignes avec dédain. L'écriture soignée de sa cousine, l'absence totale de fautes, les tournures de phrases... Elle écrivait mal, Iris. Elle écrivait vite et pas très lisiblement. Elle faisait des fautes, et elle ne faisait pas de jolies tournures de phrases. Elle avait jamais été une très bonne élève, Iris. Malgré tous les efforts qu'elle faisait, elle n'avait jamais réussi a atteindre un niveau excellent. Tout avait toujours été... moyen. Ni bien, ni mal, juste... moyen. Comment Irina parvenait à atteindre la perfection alors qu'elle avait seulement treize ans ? A quinze ans, Iris était incapable d'avoir une note au dessus de quinze, et encore, pour qu'elle ai quinze, il fallait un exploit, et Irina enchaînait l'excellence, quinze, seize, dix-sept, dix-huit, dix-neuf, parfois même vingt. Et elle avait seulement treize ans.
-Tu peux pas me laisser tranquille une seconde, toi.
La Mentali n'avait jamais comprit comment sa cousine parvenait à l'adorer autant, alors qu'elle se montrait constamment distante, froide, presque méchante avec elle. Parce qu'Irina était incroyablement gentille, évidemment. Iris ne méritait pas d'être autant aimée par une personne envers qui elle se montrait méchante. Elle était trop jalouse.
La jeune fille soupira. Elle se résolut à lire la suite de la lettre, bien que cela lui fendait le cœur. Avoir de nouveau la présence de sa cousine près d'elle ne serait pas bon pour Iris. Parce qu'elle était persuadée que les comparaisons fuseraient, qu'elle se sentirait constamment rabaissée, inférieure. Elle était certaine que les professeurs ne cesseraient de lui rappeler à quel point Irina est parfaite, à quel point elle est la meilleure et à quel point Iris doit prendre exemple sur elle. Elle était bien, loin d'elle.
« Et j'aimerais vraiment devenir une ranger. Je sais que c'est délicat pour toi d'évoquer ce genre de sujet étant donné que... que tu n'en as pas de bons souvenirs, mais je voudrais pouvoir sauver les Pokémons. Les Braconniers sont injustes. Et les Pokémons méritent qu'on les aide. Enfin, il y a beaucoup d'autres choses qui me pousseraient à devenir une Ranger. Et j'espère vraiment qu'un jour tu parviendras à surmonter ta peur. »
D'un coup sec, la jeune fille venait de déchirer la lettre. Elle se pinça les lèvres, son corps tremblait. De nouveau, elle déchira les autres morceaux de la lettre. Le faisait-elle réellement exprès ? Non seulement, elle était l'idéal qu'Iris n'avait jamais pu atteindre, mais en plus, elle voulait devenir Ranger ? Les rayons du crépuscule donnaient à Iris l'air étrange. Ils renforçaient cette mine sombre qu'elle arborait, cette aura inquiétante qui l'enveloppait. Diana et sa robe blanche flottaient non loin de la jeune dresseuse. Ses yeux la fixaient d'un air soucieux, apeuré. La respiration d'Iris se faisait saccadée, irrégulière. Ses jambes si fragiles tremblaient dangereusement. Elle serait les poings brusquement, fermement.
-Ahah.
Elle souffla, cherchant à reprendre une respiration correcte. Doucement, elle releva la tête, ouvrant ses yeux qu'elle avait doucement fermés. Son regard se perdait au cœur du ciel doré, alors que son expression se tordait. Tout son regard débordait de tristesse. Elle observait le ciel avec un air de détresse, sourcils inclinés vers le bas, alors qu'un sourire emprunt de douleur fendait ses lèvres.
-T-Tu crois que c'est facile de devenir comme ça, hein, juste parce que tout te réussit... comment tu fais pour être aussi gentille et faire souffrir autant de monde, comment tu fais pour pas t'en rendre compte... comment tu oses parler de ce que j'ai vécu sans te soucier de la moindre chose, comment est-ce que tu oses espérer que j'arriverais à vaincre mon traumatisme ? C'est tellement facile pour toi de dire ça juste parce que tu l'as pas vécu, et que tout te sourie, alors t'espère que la vie va sourire aux autres comme elle te sourie à toi... Sauf que les choses sont pas si faciles que tu le crois, hein. Comment tu peux te permettre de dire ça... t'as jamais rien vécu... je pourrais jamais devenir Ranger... j'ai failli mourir à cause de ça et... et... m-mon... m-mon p-père...
Iris marqua une pose. Elle tremblait encore plus. Elle se pinça les lèvres.
-Mon père... MON PERE EST MORT EN RISQUANT SA VIE POUR DEVENIR RANGER !
Il s'écoula un long moment après qu'elle se soit époumonée de la sorte. Elle était seule. Il n'y avait personne pour l'entendre ou la voir, là où elle se trouvait. Elle était entourée de son silence qu'elle adorait, ce silence doux et rassurant qu'elle aimait.
-Bon sang Irina, quelle imbécile tu fais... je te déteste, je te déteste tellement !
Et soudain, elle se figea. Un garçon venait juste d'apparaître non loin d'elle, alors qu'elle s'était résolue à baisser les yeux. L'expression d'Iris changea brusquement. Son visage se crispa, et en un clin d'oeil, sembla frappé par la peur. Il l'avait entendue... et s'il pensait qu'elle s'adressait à lui ? Pire que tout, elle avait l'impression de reconnaître ce garçon. Elle avait l'impression de l'avoir déjà croisé lorsqu'elle était petite. Prise de panique, elle agitait les mains et la tête, se confondant en excuses.
-Euh... p-pardon je suis désolée, je t'avais pas vu arriver ! Ca s'adressait pas à toi crois-moi, j-je... j-je voulais pas que tu penses le contraire enfin... enfin voilà...
Pour la première fois, Iris n'avait jamais été aussi expressive.