Marie était déterminée.
Elles allaient découvrir ce qu’il se passe, et donner un fin mot à l’histoire. Les coupables seraient lourdement châtiés, les lits restitués, et le calme de retour sur la Pokémon Community. Marie ne savait pas lequel de ces trois buts était le plus réjouissant, mais une chose était certaine, elle avait hâte de les atteindre.
Les voila donc en route en direction de la salle commune. Pourquoi faire ? Eh bien, interroger encore plus de suspects, sans doute… Pourquoi donc Erika tiendrait-elle à s’y rendre, sinon ? Pour y faire un discours exubérant et tape à l’oeil dans le simple but d’attirer à elle toute l’attention ? Allons, c’était absurde. Quel intérêt à cela pour leur enquête… ?
Lorsqu’elles débarquèrent, c’était pour découvrir une belle cacophonie. Entre les élèves qui, comme elles, avaient été déplacés à leur insu, et les locataires du Dortoir Noctali qui tentaient de comprendre ce que faisaient tous ces gens chez eux, il y avait un sacré bordel, on pouvait le dire. Difficile dans tout ce désordre d’établir des interrogatoires calmes et posés… Malgré tout, Marie parvint à identifier quelques visages dans toute cette masse. Évidemment, il y avait Léon Nahr, référent du dortoir visiblement bien débordé, mais aussi le garçon que la Ranger avait envoyé jusqu’ici, et même celui qui avait outré Erika sans le savoir . Le pauvre, s’il savait à quoi il s’était exposé…
Un peu déstabilisée par cette effervescence, la blanche se tourna vers sa partenaire « pour la conquête du monde », et entrouvrit la bouche pour lui demander quelle démarche pensait-elle être la meilleure à suivre.
Mais elle ne put.
Erika, d’une voix forte et audible, réclama le calme, et déclara connaître le coupable. Marie lui lança de gros yeux ronds en guise de réaction, à la fois surprise par ce brusque haussement de ton, atterrée par la décision, outrée par son inconscience, et alertée par ses conséquences.
Et avant qu’elle ne puisse réagir, tous les regards étaient dirigées vers elles. Complètement figée, la bouche entrouverte, la pauvre Mentali eut besoin de bien quelques secondes pour reprendre le contrôle de son esprit. Et de son esprit seulement, puisque pour la situation, cela allait être plus compliqué !
Erika venait de désigner quatre personnes, et leur demanda de s’asseoir pour désigner parmi eux un coupable. Marie se tendit lorsqu’elle nota la présence de Léon parmi eux, craignant que cela lui retombe dessus, et tira légèrement sur le bras de sa camarade pour lui chuchoter quelques mots.
« -Dame d’Eléos, avez-vous la moindre idée de ce que vous êtes en train de faire ?... »Certainement, oui, elle avait une idée. Quant à savoir si elle était bonne…
De façon parfaitement arbitraire et infondée, elle proclama haut et fort que le coupable se trouvait parmi les quatre suspects : le Phyllali paumé, le Noctali vexant, Léon Nahr, et une blondinette sortie de nul part. Avec une fierté et une assurance non dissimulée, Erika énonça alors les chefs d’accusation à l’encontre de cette dernière… A savoir rien.
Capilotracté, tel était le raisonnement d’Erika. Sous-prétexte que la blonde se plaignait quelques minutes plus tôt de la situation, celle-ci serait désireuse de saboter l’académie, et aurait pour cela eu recours à une cinquantaine de Pokémon Psy. Sauf que déjà, en ce sens, Marie était elle aussi coupable, et ensuite, il était bien difficile de cacher autant de Pokémon à la vue de tous. L’accusée releva rapidement cette incohérence – et passa sous silence les nombreuses autres –, ce qui suffit à la disculper aux yeux de l’enquêtrice, qui aussitôt, remit le couvert auprès du Phyllali, justifiant via la marque de son t-shirt qu’il avait… Très mauvais goût. Et ce fut tout. Après cette remarque désobligeante parfaitement gratuite, Erika transita sur le Noctali qu’elle décréta comme pervers, et également comme l’investigateur de ce projet visant à ramener des filles dans son dortoir à des fins sans doute plus vicieuses. Une protestation de ce dernier suffit à calmer les ardeurs d’Erika, qui… Relégua le discours à Marie.
Vous croyez que ses yeux ne pouvaient pas plus s’arrondir ? Vous avez tort. La blanche lança un profond regard de consternation à la Spé Type, qui semblait ne pas vouloir se poser plus de question au moment de l’amener vers le centre de l’attention.
Totalement prise au dépourvu et pantoise, Marie balaya l’entièreté de l’assemblée sans pouvoir prononcer le moindre son, ne réalisant toujours pas 1) ce qu’elle faisait là 2) ce qu’elle pouvait bien dire 3) les conséquences que ça pourrait avoir 4) qu’elle était toujours vêtue n’importe comment 5) à quel point elle pouvait détester cette académie, par moment.
Pourtant, il allait bien falloir dire quelque chose. Tous les regards étaient braqués vers elle, par amusement, agacement ou curiosité, et elle pouvait difficilement s’éclipser maintenant qu’elle accaparait toute l’attention. Essayant de reprendre un peu contenance, elle prit donc une profonde inspiration, et joignit ses deux mains en une tentative de rationaliser son esprit.
« -…. Le… Le coupable, donc... »Ben oui, dis-nous ! Qui était donc le coupable ? ELLE N’EN AVAIT ABSOLUMENT AUCUNE IDEE ! Elle était venue ici pour enquêter à la base, pas directement passer aux accusations ! Comment pouvait-elle faire pour reprocher sans preuve ? Ni motif ? Ou même reconstitution du pourquoi du comment ? Et puis il fallait aussi monter un dossier récapitulant les chefs d’accusation, réunir les témoignages, énoncer au suspect son droit de garder le silence et d’appeler un avocat, et… Et plein d’autres trucs, aussi ! Mais pour qui donc Erika se prenait-elle pour vouloir ainsi passer outre la paperasse administrative ?!
Ok, je vous accorde que Marie se posait peut-être pas les bonnes questions, aussi. Dans un élan de panique, la jeune fille rassembla le peu d’information dont elle disposait, et improvisa une réponse à partir de cela.
« -…. A agi de nuit. Et ce… Afin… De ne pas être vu ? Et… » elle cherchait ses mots, complètement larguée
« … Pour avoir les capacités de déplacement d’une quantité aussi démesurée de sommiers, qui plus est dans une discrétion pareille, il ne fait nul doute que… L’assistance de nombreux Pokémon Psy eut été nécessaire. »Une voix s’éleva dans l’assistance.
« -On le sait déjà ça, on est pas teubé ! »Outrée qu’on l’interrompe de la sorte, Marie fusilla le garçon du regard.
« -Silence, je vous prie ! Je ne peux énumérer les unités incrimantes si vous me déconcentrez de la sorte ! »Le calme ainsi récupéré, elle reprit le fil de son développement.
« -Ce qui semble saugrenu, c’est qu’aucun témoin n’a vraisemblablement pu constater le phénomène dont nous avions été victime, ce qui détermine soit une grande rapidité d'exécution, soit une excellente capacité de camouflage. Dans le second cas, cela implique l’utilisation d’un Pokémon tel que Zoroark, tandis que dans le premier, un Méga-Alakazam me paraît tout désigné pour accomplir cette tâche... » Marie s’attrapa le menton en une mine pensive
« Or, qui dans l’académie possède de tels spécimens ? » Une main se leva dans l’assistance.
« -Wolfgang ? »La Mentali secoua la tête de droite à gauche en signe de négation.
« -Théorie intéressante dans la mesure qu’elle justifierait en plus l’absence d’alerte, mais non. Aux dernières nouvelles, notre cher surveillant n’est pas équipé de Gemme Sésame. -Pourquoi Méga-Alakazam forcément ? Ca ne peut pas juste être un Alakazam ?-Un peu de bon sens, enfin ! Une Vitesse de 150 justifie déjà à peine le délai d’éxecution, alors une Vitesse de 120, c’est parfaitement ridicule...-Mais, s’ils étaient plusieurs… ?-Insinuation absurde. N’avez-vous pas suivi les cours de Madesoielle Jauplin sur le phénomène de transposition matérielle par altération répartie de Téléport ? -… Non… ?-… Allons bon. »Le regard de Marie balaya les environs de la salle commune, et se posa sur le tableau blanc affichant en temps normal les dernières annonces du dortoir. D’un pas sûr, elle le rallia, et saisit le feutre noir placé en dessous…
***
« -… Et c’est ainsi que, moyennant la variante ɛ sur la constante α, il est possible de calculer une oscillation γ-périodique coïncidant avec le temps d’éxecution de l’attaque Téléport. »Marie marqua le point final de sa démonstration, et se retourna vers son public, complètement coi. Elle esquissa un fin sourire, satisfaite de son explication.
« -Évidemment, ce n’est qu’une vulgarisation triviale, vous vous en doutez, mais c’est ce qui nous permet d’affirmer que la pluralité d’utilisateurs communs d’une même attaque Téléport ne raccourcit pas le temps d'exécution. Est-ce que par hasard quelqu’un parmi vous a une ques…. ? Eh ! Vous ! Rangez cet Ipok immédiatement ! Ne saviez-vous pas qu’il est malpoli de consulter sa messagerie numérique pendant qu’un interlocuteur vous inculque son savoir ? »Un Noctali, piqué au vif, rangea son téléphone dans sa poche aussitôt repéré, alors que la Mentali reprenait son discours.
« -Si tout ceci est clair, vous me ferez une simulation d’utilisation de cette capacité par trois Pokémon Psy ayant respectivement une base d’attaque spéciale estimée à 30, 60 et 110, et conjecturez sur la corrélation entre les résultats obtenus, pour demain. Apportez l’exercice fait directement dans la salle commune de mon dortoir, je superviserai personnellement la correction. Vous pouvez disposer. »Tout un brouhaha s’éleva de la salle, et contentée, Marie la traversa pour retourner auprès d’Erika.
« -Bien ! Maintenant, nous allons pouvoir... » Elle eut un instant de flottement en se remémorant la situation.
« -… Nous faisions quoi, déjà ? »