Le début de matinée s'était avéré tourmenté voir traumatisant. Belle se séchait encore à mesure qu'elle se dirigeait vers le parc de l'établissement où y attendait les élèves, la douce Hortense. Belle alla s'installer dans les premiers rangs, prête à boire les paroles de l'enseignante. Si elle n'avait pas trouver son mentor en Jackie, cette misérable sadique, elle espérait être surprise par la sagesse et la douceur de Mademoiselle : deux choses dont elle avait bien plus besoin que de dynamisme et de masochisme. Dans tous les cas, elle avait déjà pour elle la beauté et un sourire des plus ravis et innocents. Elle avait de long cheveux couleurs de blés, pas aussi long que ceux de Belle mais bon, et des fleurs dans les cheveux comme si elle expirait de la nature champêtre. A ses côtés, un gros primate au pelage brun était assis en position du lotus, elle s'appelait Rose bien que son apparence ne laisse rien transpirer de féminin.
Histoire de prendre exemple sur ce qui serait peut-être son nouveau modèle, elle fit sortir Rodrigue de sa Pokéball, prenant bien soin de ne pas sortir ni Phèdre, ni Scapin pour ne pas qu'ils lui rappellent les événements de la matinée. Son petit primate au pelage beige croisa les jambes pour imiter Rose. Pour un machiste comme lui, c'était un exploit que de l'avoir fait prendre exemple sur une femme, mais c'était ce que leur inspiraient Hortense et Rose.
La professeure au si beau sourire et au regard azuré se mit à grattouiller le dos de son bestiau et Belle s'empressa de faire la même chose, une mimétique parfaite que Rodrigue rejoignait en souriant satisfait. Elle parla ensuite pour exprimer l'importance de la rencontre ce à quoi la jeune Pyroli répondit par un Moi aussi à peine murmuré. Son regard ne la quittait plus, ses yeux étaient écarquillés, ses oreilles tendues à ses lèvres, bref elle n'aurait pas pu être plus attentionnée. Elle ne fit pas attention à la jeune fille qui posa son sac à côté d'elle mais lorsqu'elle se mit à parler alors qu'Hortense était en train de le faire, Belle colla sa main sur le visage de Chiho et accompagna son geste d'un long Chuuuuut qui ne souhaitait pas perturber la quiétude dans laquelle le cours avait commencé.
Belle ne perdait pas une miette des propos d'Hortense, notant frénétiquement sur son carnet chaque proverbe et autres phrases consensuelles qu'elle leur offrait à tour de bras : l'union fait la force, à un cœur généreux l'avenir sourit etc. Voyant le plaisir que Rose recevait en étant piqué par les aiguilles, Belle s'extasia et se mit à applaudir au moment où le primate heurta le sol.
▬ Bravooo ! C'est fantastique !!!
Elle arracha un des livres au passage, une couverture assez laide et sûrement un contenu pauvre, mais Hortense ne dirait-elle pas : ne jugeons pas un livre à sa couverture les enfants... Alors que la voix de l'enseignante raisonnait dans le crane de la Pyroli, elle feuilleta le livre y découvrant principalement les emplacements de divers méridiens et l'utilité de piquer l'un et pas l'autre. Elle dévora les premières pages avant de se retourner vers … ce qui semblait être son groupe.
Chiho une jeune fille de son dortoir, présente au cours de Jackie la dernière fois, du moins présente à la fin ce qui n'était pas le cas de tout le monde et puis Chouchou... non... pas elle... Belle fit comme de rien était et les salua d'un geste de la main et d'un Bonjour furtif avant d'empoigner la peluche de Ouisticram promettant d'affirmer les macaques comme étant le thème du cours.
▬ Comme nous a dit Mademoiselle Hortense : le tout est dans la partie du tout et la partie d'une partie est bien évidement dans le tout... d'une partie ! Moi je serai capable de m'en charger !
Elle en profitait pour répondre à Chiho et pleine d'enthousiasme se munit d'aiguilles qu'elle refila à Rodrigue et lui présenta la poupée. Elle lui fit un petit cours de ce qu'elle avait compris de l'acupuncture, rien de bien scientifique et généralement plutôt faux même. Mais, l'intention y était, c'est le principal, non ? Elle pointa du doigt une partie du corps du Ouisticram, le Férosinge tenait l'aiguille du bout des doigts, de manière précautionneuse, avançant lentement et un peu tremblant vers la partie visée. Lorsque l'aiguille entra en contact avec la peluche, une giclée de liquide rouge en sortit.
▬ OH MON DIEU ! Tu l'as tué imbécile !! Et cette fois-ci tu peux pas reprocher ça à ton groin, hein ? Incapaaaaaaaable !
J’avais encore un signé un papier. Je maudissais mon ego de m’y avoir poussée. Je voulais tellement être meilleure et brillante que j’en devenais sotte. Un cours de Yoga, pourquoi ne pas tout de suite s’inscrire en mode ? J’y étais allée par devoir, incapable de contrarier les responsabilités dont je m’étais moi-même chargée. Mon minois était maussade et mes yeux baissés, je détaillais le sol grisâtre. Je traînais des pieds en gamine contrariée et ma propre attitude m’horripilait. En arrivant dans le Parc où se déroulerait notre cours, je n’avais qu’une hâte : trouvé un bouc émissaire sur lequel je pourrais me décharger. Si l’on omettait les raison pour lesquelles je m’y étais rendu, le lieu était charmant. J’admirais presque avec inquiétude la pelouse parfaite, les fleurs symétriques et frustes. Je m’égayais en entendant roucoulements divers de la faune. Si cette excursion était totalement aberrante elle aurait au moins le mérite de me faire profiter de la nature sauvage quelques heures. C’était une femme niaise et élancée qui nous donnait le cours. Tout chez elle respirait un amour et une tendresse qui intimidait tous ses élèves. Il y en avait peu pour oser s’élevait devant son ton maternel et confiant, ses propos par contre et totalement dépourvu de sens. Je découvrais avec raideur cette nouvelle forme d’autorité, ça m’angoissait. Facile d’imaginer un monde gouverné par des Grodoudous face à cet étrange pouvoir.
J’avais besoin de limites, d’un savoir rêche enseigné abruptement quitte à entrer en conflit avec l’instituteur. Je m’adaptais à la connaissance dès que je pouvais moi-même l’expérimenter. Autant dire qu’à par sa colossale Monaflemit et son sourire enjôleur, Hortense ne me tenait pas un discours très parlant. Pire, je commençais à la trouver un poil hautaine avec ses expressions datées et sa façon de nous sourire comme à des demeurés. Résolue à ne pas faire ma mauvaise tête dans un cadre aussi paisible je faisais sortir Prince de sa Pokéball. Le Baudrive s’en libéra dans un gémissement bien heureux. Enfin le jour et la lumière ! Il s’échappait déjà dans les airs, profitant avec entrain de la liberté que lui accordais. Je souriais doucement, me gargarisant de ce pouvoir possessif que je pouvais exercer sur sa tête gonflée d’hélium. Un petit tremblement de terre me fit sursauter. La massive partenaire de la frivole Mademoiselle venait de s’écraser le dos piqué d’aiguilles.
Cette science nouvelle capta enfin mon attention. D’autant que la jolie femme parlait déjà d’exercices pratiques… en groupe. Mes premières expériences ne m’avaient pas forcément laissée un souvenir impérissable et je fronçais les sourcils à cette perspective. Je sifflais doucement Prince qui revint vers moi à regret. Je flattais le corps de mon compagnon d’une caresse, murmurant à son intention.
« Tu vas être le prolongation de mes dextres Prince, je compte sur toi. »
Et je me retournais, fouillais du regard mon entourage. Une fille à la courte chevelure châtain se présentait déjà, brandissant avec dégoût son manuel déchiqueté. Le mien semblait pourtant dans un état convenable. Déjà l’autre demoiselle de notre fine équipe saluait. Belle ? Mes yeux s’arrondissaient avant que je ne les baissai précipitamment, un pacte était un pacte… J’avais bien envie de prendre notre petite équipe en main mais une voix me murmurait que si la nouvelle aux yeux noisette était sans doute suffisamment influençable et réservée pour se laisser asservir ce ne serait pas le cas de l’autre. Belle me le confirma en commençant à travailler dans son coin. Elle avait choisi « Rodrigue » comme partenaire. Ce choix me faisait déjà grincer des dents. La créature au nez porcin semblait pourtant attentive aux paroles de sa dresseuse, étrange… Mais ce n’étais pas le tout, si j’étais contrainte de travailler main dans la main avec mes « camarades » autant s’y prendre tôt. Alors que je toussotais pour attirer l’attention sur moi et ainsi faire meilleur effet, je fus éclaboussée. Un jus écarlate qui me fit littéralement voir rouge vint m’aveugler et souiller ma tenue d’une façon, très certainement, définitive.
Mon sang ne fit qu’un tour, jusqu’ici assise, je me redressais brusquement, pointant d’un index accusateur la fille pimpante à la chevelure exotique. Enfin je n’en étais pas bien sûr, le liquide violemment projeté dans mes prunelles m’empêcher de distinguer quoique ce soit en plus de me faire atrocement souffrir. C’était une douleur vive qui aurait arraché des cris à d’autres et qui, dans mon cas, faisait bouillonner une colère que ma grande patience était incapable de contenir. Des mois de retenu, de servitude et voilà comment j’étais récompensée !
« Si tu crois que tu vas t’en sortir comme ça ! C’est un travail d’équipe pas destiné aux petites écervelées qui veulent jouer en solitaire ! »
Mes propos furent suivis de quelques noms d’oiseaux élégants que j’avais pioché dans des bouquins moyenâgeux. J’essuyais d’une main rageuse le faux sang pour m’apercevoir que je venais d’insulter… une fougère. La similitude entre cette dernière et la chevelure de la coupable dut l’excuse la plus pitoyable que je m’inventais. Ma colère retomba d’un coup. Je me sentais terriblement ridicule et ne trouvais pas vraiment d’échappatoire à cette cruelle situation. Je me mettais de nouveaux face à mon groupe, toussotais si fort qu’on aurait pu croire que je m’étouffais avant de tenter de détourner le sujet.
« Hum… Oh ! Belle ! Je… Je pense qu’un Pokémon Combat n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus adapté… Nous devrions peut-être établir un plan de groupe en se concentrant sur un seul placement ? Hein ? Qu’en penses-tu… Chiho, c’est bien ça ? Chypre Hamilton, enchantée. »
Après avoir gueulé toutes les horreurs possibles à l'adresse de son petit macaque, elle se tourna vers ses coéquipières l'une s'excitait contre une plante et l'autre tenait son livre comme un bouclier avant de se mettre à rire. Belle n'était pas trop d'humeur à rire et voir sa camarade en colère contre un végétal ne lui inspirait que du dédain. Pour détendre l'atmosphère, Chiho rebondit sur une petite note d'humour avant de faire des insinuations qui ne plaisaient pas du tout à la Pokéathlète. Qu'il essayait de bien faire, évidemment, mais depuis quand vouloir bien faire et mal faire ne mérite pas de remontrances ?! La jeune fille laissa exploser son courroux :
▬ Je te ferai dire, Mademoiselle au bonnet complètement disproportionné, que mes Pokémon et moi voulons toujours bien faire et ce n'est pas avec des câlins après un raté qu'on s'améliore ! « Vouloir bien faire » ! C'est quoi cette philosophie de vie ? T'as voulu bien faire en venant me parler ? ET BAH T'AURAIS PAS DU !
Elle reprit son souffle, perdu par la longue tirade, et s'agenouilla auprès de Rodrigue le fixant d'un regard sévère. Elle sortit un mouchoir et essuya ses larmes avant de lui mettre une tatane sur la tête.
▬ T'es pas une flèche alors si tu pleurs à chaque fois que t'échoues on va bientôt pouvoir remplir une rivière. Et personnellement, j'ai pas envie de me baigner, j'ai eu ma dose pour la journée.
Elle dédia son regard à Chouchou qui se remettait tout juste de son dialogue avec la fougère. Cette dernière éclaircissait sa voix avant de s'adresser aux deux jeunes filles avec un ton consensuel emprunt de condescendance. Tout ce que Belle détestait, mais elle en avait eu assez des coups de gueule et préféra répondre à ses propos.
▬ Qu'il soit de type combat ou non je m'en fiche. Il n'est pas question de ses prédispositions physiques, on sait tous qu'il n'en a aucune. Il doit cependant devenir un Athlète accompli et cela passe par ces fichus aiguilles.
Elle attrapa les aiguilles, les regarda longuement, les examina de toute part. Elle repensait à tout ce qu'Hortense lui avait dit et le peu de choses lues dans le bouquin. Comme pour illustrer l'arrivée d'une brillante idée, elle se mit à sourire dévoilant ses dents, jeta un regard à l'adresse de ses camarades, regarda à nouveau l'aiguille … et se l'enfonça dans le front.
▬ AAAAAAAÏÏE ! Mais ça relaxe pas du touuuut !
Un petit filet de sang coulait de son front, elle se roula au sol, se recroquevillant de douleurs, de longs cris de souffrances accompagnaient ce moment dramatique. Rodrigue se rapprocha d'elle doucement et pensant qu'il s'agissait encore de ketchup, lécha le front de sa dresseuse.
▬ Mais t'es vraiment dégueulasse toi... Bon moi je vous regarde les filles, je suis en arrêt maladie.
Elle s'assit en tailleur, sortit de son sac une brique de jus de fruit et regarda tout sourire ses deux camarades.
A l’évidence, aussi malignes que soient mes jeunes camarades, elles étaient loin d’être assidue. La preuve en était de Chiho qui flânait toujours, guettant l’attention du malhabile Ferosinge de Belle. La dresseuse de l’hybride souligna discrètement nos péripéties de la matinée ce à quoi je répondais par un haussement de sourcils dédaigneux. Nous n’étions certainement pas là pour nous crêper le chignon aussi sujet de quelques broutilles d’adolescentes. Quoique si ce fût la guerre qu’elle voulait, je me ferais un grand plaisir de la lui déclarer dans d’autres circonstances. Je sifflais doucement Prince. Il ne vint pas. Cet échec je le tolérais assez mal, masquant à grand peine l’amertume capricieuse que mon cœur couvait. Mes pensées furent détournées par un beuglement qui heurta violement l’ambiance enchanteresse du Parc. L’enjouée Courbedor qui révélait enfin au monde sa nature masochiste venait de se planter une aiguille au milieu du front. Mes yeux s’arrondirent, je la regardais avec un mélange d’incompréhension et d’amusement. Son numéro m’amusait. Je la voyais sans cesse s’agiter cette petite brune, à croire qu’elle avait peur de disparaître de nos préoccupations. Si nous n’avions pas été en cours, je lui aurais peut-être tendu une paume ouverte de façon négligente. Je me serais intéressée à tout son cortège de bêtes survoltées pour mieux la cerner, elle et sa nature d’hyperactive. Avec des si, on aurait pu mettre Unionpolis en bouteille.
Rodrigue lui léchouillait déjà le front avec une application qui me consternait. Un peu. Sa dresseuse aussi apparemment puisqu’elle s’écarta après avoir violemment rabroué son complice. C’est à peu près à ce moment-là que Miss Hortense fit irruption. Elle joua à la perfection la pauvre nonne sortie tout droit du Moyen-Age, nous abreuvant chacune notre tour de mièvreries et de commentaires qui aurait froissé le plus aimable des gentlemans sans se départir de son expression lumineux. J’eus une moue contrariée à son égard, je me sentais bête. J’étais loin d’avoir un dixième de son aisance verbale, loin de lire toutes les subtilités de ses grandes expressions dont elle plombait chacune de ses phrases, ça me faisait enrageait. Quand la professeure nous eut ramené sa « tendre » avec un sourire trop honnête pour être vraie à mon goût, elle se désintéressa et partit voir ailleurs. Et ne reviens jamais ! La situation venait de prendre une tournure dramatique en quelques minutes. Entre l’humiliation dont j’étais victime, la maladresse grotesque de Belle et « Rose », j’en venais à me poser quelques questions sur mon karma.
Un soupir sombre s’échappa de mes lèvres, je lançais un coup d’oeil las à la Lime en lui tendant mon Manuel. Si je pouvais trouver quelqu’un à asservir en la personne trop clémente de la gamine ce serait toujours ça de gagner.
« Bon, je ne pense pas que Prince refasse surface. C’est un indépendantiste, il ne supporte aucune forme d’autorité. »
Je coulais un regard appuyé à notre acupunctrice en herbe qui avait reçu le « cadeau » de l’enseignante. J’époussetais un peu les pans de ma robe raccommodée et cherchais à analyser un peu mieux la situation. C’était peut-être ma seule occasion de prendre les rênes du petit groupe.
« Chiho tu feras la lecture des aiguilles nécessaire pour un placement de base, Belle puisque le Pokémon d’Hortense doit connaître par cœur ce genre d’exercice tu n’auras qu’à t’occuper de lui lire les placements. Je n’ai malheureusement plus de Pokémon pour m’aider. »
Je ponctuais mes propos d’un sourire tranquille tout en lançant une poupée Tiplouf qui traînait au centre de notre trio.
Les insultes de Chiho s'étaient perdus dans le vent alors qu'Hortense débarquait et que, de sa voix apaisante et câline, elle réussit à apaiser le cœur de Belle sur le point d'égorger sa camarade, la jeune fille restait suspendue à ses lèvres et rien des calomnies de Chiho pourrait la faire sortir de cet état d'extase trop intense pour être vrai. Elle admirait les fleurs de la belle Hortense, les longs cheveux couleurs de blé de la jeune femme son sourire si sincère et toute sa bienveillance... Belle eut comme une impulsion pour la prendre dans ses bras mais elle se retint. Il fallait qu'elle garde son calme, et qui sait, un jour peut-être les deux jeunes femmes apprendront à se connaître.
Elle appela son gracieux primate qui arriva sur le devant de la scène avec une grâce fabuleuse, ses larges pattes se déplaçant avec souplesse, émerveillé aux côtés de Belle, Rodrigue tentait d'imiter les mouvements de son modèle, se retrouvant à danser presque tout seul toujours de manière ridicule. Le grand singe posa son magistral postérieur sur le sol dans un grand nuage de poussière faisant sursauter tout le monde et la jolie professeur annonça en faire cadeau à Belle afin de continuer l'exercice. Tâchant de s'exprimer comme son modèle, la jeune Pyroli prit une inspiration et se lança :▬ A Galopa donné on ne regarde pas la bride, mademoiselle et je vous remercie de ce présent, bien qu'il soit imposant.
Belle la regarda partir avant de s'adresser à Chiho qui l'avait particulièrement énervé tout à l'heure, mais le calme retrouvé, elle serait d'autant plus cassante.▬ Ma très chère, cela m'en touche une sans faire bouger l'autre...
Et puis la jeune fille à la poitrine extravagante lui prit sa place et s'adressa à Rose que le professeur lui avait à confié, à elle ! Elle avait dit Mademoiselle Courbedor ! Belle ne put s'empêcher d'enfiler une aiguille dans le haut de la jeune fille de tel sorte que si elle se mettait à trop bouger elle la sentirait s'enfoncer dans son dos. Mais la poupée se mit hurler d'un cri des plus affreux faisant sauter la jeune fille dans les bras de Chouchou que Belle évitait de plus en plus de regard afin de ne pas se remémorer la matinée.▬ A laver la tête d'un ramolosse, on perd sa lessive ma chère Chichi. Et de vous voir collées ainsi ne peut que me rappeler une chose : ramolossus ramolossum fricat, le ramolosse frotte le ramolosse Ahahah. La prochaine fois tu sauras que ce n'est pas au Galifeu à chanter devant le Brasegali et tu fermeras ton bec !
Belle prit place en s'asseyant aux côtés de l'énorme Pokémon et lui grattouillant un peu la fourrure lui montra sa poupée et un lot d'aiguilles. Elle devait absolument réussir l'exercice car le cours commençait à devenir n'importe quoi, après tout elle était Pokéathlète il n'y avait pas de raison qu'elle ne puisse pas.▬ Rodrigue approche, tu vas pouvoir admirer le travail et la précision de Rose, à Kalos fait comme les Kalosiens ! Écoute Rose, je sais bien que Chaglam échaudé craint l'eau froide, mais tu dois me faire confiance, à Lainergie tondue, Arceus mesure le vent ! Tu dois me laisser ma chance, c'est en forgeant qu'on devient forgeron !
Rose acquiesça et Belle prit son livre et se mit à en regarder les détails en donnant quelques consignes prudentes au Monaflemit. Toujours sans prendre de risque, elle lui ordonnait de placer à des endroits assez superficiels les aiguilles ne provoquant aucune réaction chez la poupée.▬ Peut-être devrai-je... ? Oh et puis avec des si on mettrait Illumnis en bouteille ! Et puis il faut prendre des risques un peu, bon cavalier monte à toute main !
Les consignes devenaient de plus en plus hasardeuses et Belle finit par réussir en quelque sorte l'exercice en provoquant un long soupir d'extase de la part de la poupée, qui en devenait presque gênant donnant l'étrange impression d'être entré dans son intimité.▬ Le succès porte en soi le prix de la victoire ! Nous avons tous offerts de nos vêtements et de nos oreilles pour la bonne cause ! Chichi, saches que je ne t'en veux pas d'avoir été désobligeante, d'avoir une poitrine qui à elle seule pour offrir assez de lait pour sauver le monde de la famine, mais tu dois savoir que la fierté conduit à l'échec, la modestie à la victoire. Aux galopas maigres vont les mouches et Rodrigue ne m'en veut pas d'être si dur avec lui, il sait que sans ça il n'égalera jamais Rose.
Le petit primate à la fourrure blanche ne semblait pas tout à fait d'accord, mais un peu quand même, alors il sourit et continua de regarder Rose avec l'admiration qui lui était due.▬ Au fait si quelque chose t'as démangé au niveau du dos, il se peut que ce soit de ma faute !
Je comprenais mal que l’on puisse se soustraire à mes directives. Elles étaient guidées par le bon sens et l’intelligence pourquoi ces deux êtres dotées de raisons ne pouvaient pas bêtement hocher la tête et faire tourner la machine ? Ca me faisait un pincement au cœur d’imaginer une note ridicule sur mes bulletins à cause d’un trinôme qui ne prenait en compte aucune affinité. Toutes les deux à leur façon, frustrait ma nature hautaine et autoritaire. Depuis une bonne minute je me contentais de les toiser avec le dédain qui sied aux gens vexés. Je me sentais si déplacée au milieu de leur tintamarre de chamailleries. Leurs phrases sans que ni tête me faisaient rougir du sentiment d’être imbécile et je ne pouvais m’empêcher de laisser aller mon regard sur la colossale Rose. L’animal transpirait un bien-être tranquille. Sa bedaine plus ronde que toutes les bulles de savon du monde et son indifférence de brave bête piquaient ma curiosité. Lasse d’entendre les persifflages de mes acolytes, je me détachais un peu d’elles et attraper mon journal, Credo. Je décochais ensuite mon arme favorite : un stylo-plume à l’encre émeraude et notait.
« Panique générale au milieu de ce qui semble être une association inefficace. Je regrette mes travaux solitaires où la faute n’incombait qu’à moi. Il semble que nous soyons redevenues trois enfants au milieu d’un parc, se chamaillant inutilement pour le sort d’une poupée. Ici, je rencontre Rose, Monaflemit de Mademoiselle Hortense.
Monaflemit est immense. Elle ressemble aux énigmatiques géants dont la carrure impose un silence respectueux. Son flegme naturel la rend rapidement inaccessible. C’est un animal dont les poings font la taille de vos têtes et dont la démarche soulève poussières piquantes et angoisses primitives. Son visage aux traits las et empâtés ne laisse transparaître qu’une interminable fatigue que seule une poignée de voix peuvent altérer. Sous sa torpeur, le singe possède une intelligence rare qui lui permet de gouverner les siens à son aise en milieu sauvage. »
Un long hurlement suivit d’un choc brutal fit tomber le carnet de mes mains. C’était Chiho. La Pyroli était plaquée contre moi, ses mains solidement accrochées à mon cou me brûlaient et sa voix était brutalement devenue insupportable et nasillarde. Paniquée, j’essayais de la décrocher. Je ne supportais pas qu’on me touche alors qu’on m’enlace ! C’était la poupée qui la mettait dans un tel état ? Mais enfin, pourquoi moi ? Sous son poids mon corps maigre vacillait, il menaçait de s’écraser près de mon carnet qui gisait sans défense dans l’herbe. Je réfléchissais à toute allure à une façon de se débarrasser de mon fardeau. Un mensonge, un bon gros mensonge qui passe comme une fleur.
« C’est… C’est normal. C’est un signe de ravissement chez les Tiploufs. Aller, lâche-moi maintenant. »
Mon ton se voulait rassurant, il était assez sec et maladroit. On ne se refaisait pas que voulez-vous. Belle n’avait pas perdu une minute, à toute allure, elle débitait… n’importe quoi et semblait très fière du résultat. D’ailleurs elle n’avait pas tort puisque le fétiche de pingouin finit par soupirer de béatitude. J’haussais un sourcil, abasourdie. Mais le plus étrange restait à venir. L’intenable Courbedor prise d’une sorte de démangeaisons de la rédemption s’enflammait dans une déclaration à l’adresse de « Chichi ». Ce discours ne collait pas avec l’image insouciante que je me faisais de Belle, ni avec son attitude revêche et égoïste. Je ne compris le sens de cette démarche qu’en apprenant que la Lime avait été piégée. Cette découverte fut suivie par le refus net de mes jambes de supporter mon corps et celui d’une intruse plus longtemps. Je me vautrais lamentablement par terre, m’accrochant quelques touffes d’herbes dans les cheveux au passage. Le nez dans la pelouse que j’avais tellement admirée à mon arrivée, je grommelais faiblement.
« Ne riez pas. »
C’est à ce moment que le remarquais, juste devant mon nez. Mon journal. J’avais beau louché dessus, il ne partait pas se cacher plus vite dans mon sac. Je dégageais lamentablement une main pour essayer de l’attraper. Quand des petits moignons dorés vinrent s’en emparer à ma place. Prince planait quelques mètres au-dessus de moi, apparemment ravi d’avoir trouvé un moyen de pression. Le joyeux « Bauuu ! » qu'il m'adressa ne présageait rien de bon.