Il n’y a qu’une fausse confiance dans les yeux de la jeune femme. Une confiance factice qui lui sert simplement à essayer de prouver à celui qu’elle a tant aimé qu’elle n’a pas besoin de lui. Qu’elle n’a plus besoin de lui. Mais c’est faux. C’est complètement faux. Tout son être lui hurle de laisser ses doigts courir contre sa main, d’essayer de retrouver toutes les sensations qui la maintenaient en vie il y a quelques années déjà.
Tout son être brûle. Mais ce feu n’a pas de consistance. Ce feu n’a pas de cohérence.
Il brûle juste, détruisant un peu plus le cœur des deux jeunes adultes brisés.
Ilea est horrible. Elle ne s’est jamais entendue aussi horrible de toute sa vie.
«
Tu es tout mon monde »
«
Mais j’aimerai tellement que tu ne sois personne pour moi »
Contrairement à Enzo qui a dévoilé à sa manière ses sentiments les plus reculés, Ilea n’y parvient pas. C’est trop dur. C’est trop lui en demander. C’est trop difficile pour elle d’admettre que 5 ans après elle n’a pas tourné la page. Que 5 ans après, elle tient encore à cet homme comme à la prunelle de ses yeux. C’est trop dur de reconnaitre que son combat d’une vie n’a servi à rien, car à chaque fois au bout du chemin, elle voit cet océan destructeur qui l’a déjà brisé une fois et qui pourrait recommencer à tout moment.
Mais qui pourrait aussi l’accueillir comme il l’a fait lorsqu’ils étaient adolescents.
Bien sûr que non elle ne veut pas qu’on la mette dans une petite maison.
Ne voit-il pas qu’elle est très heureuse ainsi, en colocation avec sa meilleure amie, sa propre petite amie ?
Bien sûr que non elle ne veut pas être calée avec des gosses comme il les appelle.
Elle en gère déjà tellement au quotidien, en plus de ce petit frère qui la rejette de tout son être. Pourquoi en voudrait-elle d’autres ?
Bien sûr qu’elle ne veut pas de cette petite vie rangée qu’il décrit.
N’est-il pas le premier à avoir vu dans son regard la douleur que de s’imaginer médecin dans l’hôpital familial ?
Pourquoi fait-il ça ? Pourquoi lui crée-t-il une vie qu’il sait pourtant que la jeune femme rejette en bloc depuis des années ? Pourquoi ne veut-il juste pas la regarder véritablement et comprendre à quel point malgré toute la douleur qui lui a infligé, elle n’attend qu’une chose, c’est que ses bras retrouvent les siens ?
Pourquoi ne voit-il pas tout ça ?
Peut-être que depuis le début le problème, ce n’était pas lui, mais c’était elle. Après tout, ne s’épanouit-il pas aujourd’hui dans les bras de Caroline ? Une femme très belle, pleine d’assurance et d’entrain qui semble tout lui donner ? Peut-être bien plus que ce que l’adolescente qu’elle était ne lui a donné par le passé. Peut-être qu’après tout, s’il a mis les voiles, c’est aussi pour ne plus la voir. Pour ne plus la voir elle. Pour ne plus voir ce château de sable instable qui s’est écroulé à son départ.
Il est reparti comme la mer.
Découvrir des endroits qui lui apporteraient bien plus que ce que la jeune femme avait à lui offrir.
Alors, quand il lui adresse ces quelques mots, quand elle voit sa tête qui se penche pour la saluer comme si c’était la dernière fois, elle souffre. Elle souffre le martyr. Alors c’est ça ? Alors c’est comme ça que ça va se passer ? C’est la dernière fois que le mot princesse sortira de sa bouche ?
Ça ne devrait pas lui faire autant de mal.
Alors pourquoi quand elle le voit tourner les talons et s’éloigner d’elle, elle a mal comme ça ? Pourquoi a-t-elle l’impression que tout est en train de se retourner contre elle ? Pourquoi a-t-elle l’impression qu’encore une fois, il l’abandonne ?
Pourtant elle l’a senti. Elle n’est pas folle. Elle l’a senti cette douleur. Cette douleur de les voir ensemble, l’un à côté de l’autre, sans pouvoir s’approcher ni se toucher. Elle l’a senti sa douleur dévorante chez lui autant que chez elle. Alors pourquoi n’est-il pas resté ?
Lorsque le corps de l’être tant aimé, trop aimé, disparait au détour du couloir, c’est le corps d’Ilea qui s’écroule à genoux sur le sol, noyée dans ses pleurs. Avec dans sa tête une seule pensée dévorante.
Pourquoi, encore une fois, n’est-il pas resté ?