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parApsu
« Je ne suis pas toi. Je ne suis pas fainéante au point de ne pas vouloir faire d’effort. Je ne suis pas de mauvaise foi au point de refuser changer. Et je ne pense pas qu’abandonner quelqu’un soit une solution à ses problèmes. »
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Région d'origine : Sinnoh
Âge : 23 ans
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Ginji Labelvi
est un Adulte Champion Electrik


« Question de genre »


HRP :


« -… »

Je m’étire de tout mon long dans mon lit. D’une inspiration, je savoure l’odeur de mon oreiller, curieux mélange de lessive, de sueur et de bestialité. Cette dernière note est très certainement liée à la présence abondante de Pokémon sur ma couette, qui tant bien que mal, parviennent à y dormir en dépit de mes mouvements.

Dans une longue expiration, je me redresse. Je me sens étrangement lourd, et juge bon d’aller me débarbouiller dans la salle de bain. Délicatement, je retire mes pieds de la couverture afin de ne pas déranger Harissa, Meg, Spark, et mes trois Magnéti qui y dorment, puis les pose à terre. Mes mains viennent ensuite frotter mes yeux encore à moitié endormis, tandis qu’eux balayent la pièce pour y faire un peu de repérage. Voyons voir… Zelf et Punch dorment côte à côte près de mon armoire, Oz s’est posé sur sa queue aux côtés de Euphie, Webble s’est tissé un lit dans le coin juste au dessus de ma porte, et les Motismachines de tous mes Motisma sont posées contre un mur, à l’arrêt. Le passage jusqu’à la salle de bain n’est pas trop encombré… Je vais juste devoir faire attention à Lucina et Châtaigne qui dorment pas loin de celle-ci.

Tiens ? D’ailleurs…

« -… La crinière de Lucina a bien poussé… Il va peut-être falloir la réduire… »

Je m’immobilise à la fin de ma phrase. Mon expression se fait plus perplexe, et ma main gauche se porte jusqu’à mon cou.

« -… Ce… Cette voix ?… »

C’est moi ou elle est plus aiguë ? Elle n’est pas aussi fluette, d’habitude… Quoi, j’ai encore échangé mon esprit avec celui de quelqu’un d’autre ? Non, ça n’a pas de sens, je suis bel et bien dans ma chambre. C’est sûrement un simple mal de gorge… En plus de ça, mon corps est parfaitement norm…

« -… ! »

J’écarquille les yeux au moment de baisser la tête.

Euh.

Euh.

Euh.

Euuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuh.

…. C’est….

… C’est quoi…

… C’est quoi ces…

… Ces…

… C’est quoi ces formes ?

Complètement paralysé, je reste totalement tétanisé par la découverte de deux protubérances fixées juste sur mon buste. Je ne fais rien, je ne dis rien, je crois même que je ne respire plus : mon âme semble s’être complètement volatilisée à la vue des reliefs formés sous mon t-shirt.

Un très long moment de solitude et de silence s’ensuit. Je n’ose pas émettre le moindre mouvement, et ma main ayant tout juste relâché ma gorge reste suspendue dans les airs. Autour de moi, mes Pokémon dorment paisiblement, et le temps ne semble en rien s’être suspendu.

C’est cette prise de conscience qui me permettra de définitivement abaisser ma main. Déconnectant complètement mon regard de ces… Trucs… Je me lève enfin de mon lit, et me dirige, le pied ferme, vers ma salle de bain.

« -Il faut que je me passe de l’eau sur le visage… Raah, mais cette voix ! »

Un grognement est émis par quelques uns de mes compagnons lorsque je monte inconsciemment le ton. Je ne fais que leur jeter un court regard pour m’assurer qu’ils dorment toujours, et pénètre en trombe dans la salle de bain.

Je pose alors mes mains sur le rebord de l’évier, et observe mon reflet dans le miroir.

« -… »

C’est… C’est moi ?

De courts cheveux bruns. Les yeux marrons, un regard jeune et infantile… Mais…

… Avec un air anormalement efféminé.

C’est… C’est bien mon visage, j’en suis sûr ! Mais… Je ne saurai dire quoi, il a… Quelque chose de… De différent ! Et… En plus, il y a….

Mes yeux se dirigent vers le reste de mon corps. Je porte mon pyjama habituel… Un vieux t-shirt et un pantalon en tissu… Mes pieds sont nus, et je n’ai pas l’impression que ma taille ou ma corpulence ait beaucoup changé. Enfin… Si j’omets que… Mes cotes me semblent légèrement plus fines… Ce qui est contrebalancé par mes hanches, qui elles se… Sont élargies ?

Et… Il y a toujours ces choses qui…

« -… Oh merde. Oh merde oh merde... ! »

Je me prends le visage des mains, et recule de quelques pas, jusqu’à percuter l’armoire dans mon dos. Le tout fait un certain boucan, qui je l’entends, dérange mes compagnons de l’autre côté. Mais je suis bien trop bouleversé et perdu pour m’en soucier : mon cœur bat la chamade et ma respiration se fait lourde.

Ne me dîtes pas que… Je suis vraiment… ?!

« -Eh, c’est quoi ce bordel… ? »

Une voix familière vient m’interrompre. Enfin, familière… Je crois la reconnaître, mais… Elle aussi est beaucoup trop fluette pour être celle de… !

Oz surgit dans la salle de bain. En lévitation sur sa queue, il me foudroie du regard, avec un air à moitié endormi.

« -Je peux savoir ce qu’il se passe ? Il est encore super tôt…
-… O-oz ?! »

Son énervement laisse place à une mine perplexe. Tournant légèrement la tête, il semble s’interroger.

« -… Comment tu m’as appelée ? »

J’écarquille en grand les yeux. Comment ça, comment je l’ai appelé ?!

« -Bah… Par ton surnom… Oz ? »

Finalement, il récupère une mine blasée.

« -Bon sang… Qu’est-ce que tu me sors, de bon matin, Crétine ? »

Mon incompréhension se fait encore plus grande.

« -Que… Comment ça, "Crétine" ?! » je le dévisage avec effarement Ça ne te choque pas plus que ça que… ? » et à bout de nerf, je finis par prononcer l’invraisemblable « … Que je sois devenu une fille ?! »

En effet, cela n’a absolument pas l’air de le déranger. Visiblement agacé, mon starter se frotte le front d’une patte.

« -… Merde, mais à quoi tu joues ? Pourquoi ça me choquerait aujourd’hui ? Tu es une fille, tu l’as toujours été, et à ce que je sache, tu le resteras toujours... »

Alerté, je secoue la tête de droite à gauche en panique.

« -Non, non, je ne suis pas une fille !
-… Si, t’en es une.
-Non, non, non…
-… Si.
-NON ! »

La brusque élévation de ma voix est suivie par de nouveaux râles, émanant de la pièce d’à côté, et signe du dérangement provoqué par autant de bruits. Oz leur lance une courte œillade, et referme par télékinésie la porte, pour ensuite me fusiller du regard.

« -Bon, qu’est-ce qu’il se passe, à la fin ? »

Comme si j’étais sur le point de m’effondrer, je ressens le brusque besoin de m’asseoir. Je me pose alors sur le couvercle des WC, et cale mon front contre la paume de ma main droite.

« -I-il se passe que… Je ne suis pas censé être une fille, e-et… Même ma voix, elle… Et… Et toi aussi, d’ailleurs, tu… ! T-tu…  ? »

Je relève la tête en prenant conscience de quelque chose.

« -… Tu dis que c’est quoi, ton surnom ? »

Nonchalant, "il" me répond comme si c’était la chose la plus naturelle au monde.

« -Bah… Dorothée ? Que veux-tu que ça soit ? »

Mon menton redescend, cette simple réponse suffisant à ébranler le maintient de mon crâne.  

« -… Q-quoi ? » je ferme les yeux « Dorothée ? Comme… Comme l’héroïne du… Du roman... Le Magicien d’Oz… ? »

"Il"… Enfin, clairement… "Elle", semble avoir une réalisation suite à cette remarque.

« -Oh. Ça vient de là, le "Oz" dont tu parles ?  
-O-oui ! C’est… C’est de là que te vient ton surnom, normalement, mais… Ce n’est pas censé être Dorothée ! C’est Oz ! Et d’ailleurs, tu… Tu n’es pas supposé être une femelle, toi aussi ! »

"Dorothée" claque de la langue avec agacement.

« -Tu vas arrêter, avec tes histoires ? T’es pas censée être une femelle, je ne suis pas censée être une femelle non plus... Alors quoi, c’est quoi la suite ? Que Kuru n’est pas censé être un mâle ?
-Ku… Kuru ? » à nouveau, mes yeux s’écarquillent lorsqu’un cheminement se fait dans mon esprit « Attends… Comment tu appelles Lucina, toi ? »

Ma question la laisse perplexe.

« -Lucina ?… Tu parles de Lucien ? Quoi, ce n’est plus un mâle, lui aussi ?
-… ! »

Si sa crinière m’a semblé anormalement longue, tout à l’heure… C’est parce que Lucina est devenue un mâle ! Et que les Luxray mâle ont une toison plus développée que les femelles… Et… Et ce Kuru, dont il parle… C’est Euphie ? M-mais… Mais alors… Cela veut dire que ce n’est pas juste Oz et moi qui avons changé de genre ? C’est… Mon équipe toute entière qui a été touchée ?!

« -Et… Et Spark ?!
-Hum… Tu parles de Mark ?
-E-et… Et Arlo ?!
-Euh… Ariette, la Amagara ?...
-White Lady ?
-… Sir, plutôt, non ? White Sir ?
-… Sharon ?
-… Pourquoi tu me parles de la compagne de Terry ?
-… Hein ? Tu veux dire que c’est Terry, qui est dans notre équipe ?
-… Euh… Oui… ? On parle bien du Ptéra qui se prend pour le maître des cieux et hurle sur tout le monde ?
-… » mes épaules s’affaissent, et mes yeux fixent le sol « Ok, donc c’est bien Sharon. »  

C’est… C’est complètement fou ! Rien de tout ça n’a de sens ! Enfin… Si, il y en a un, mais… C’est comme si tout le monde a changé de sexe, et… Et que leur surnom s’y est adapté, comme si cela avait toujours été comme ça et qu’ils ont été nommés ainsi dès le départ ! C’est… C’est une histoire de dingue !

Face à mon air abattu, une expression plus désolée s’affiche sur le visage de celle supposée être "mon" starter, et qui se rapproche alors tout doucement de moi pour me rassurer.

« -… Hum, ok, Crétine, tu…  » incertaine, sa patte vient tapoter mon épaule « … Je ne suis pas sûre de comprendre ce qu’il se passe, mais… Tout va bien, ok ? Tout a toujours été comme ça, et… Tant qu’on se serrera les coudes, euh… Rien ne changera ? D’accord ?
-… »

Lentement, je relève la tête, et nos regards se croisent.

« -Tu… Tu pourrais m’appeler par mon prénom... S’il te plaît ?… Rien qu’une fois ? »

Ma demande l’étonne légèrement.

« -Euh…. Ok ? Si tu veux…  »

Je déglutis lentement.

« -… Ginette ? »
-... »

Ok. Là c’en est trop.

Je me lève d’un bond, passe à côté de la Raichu d’Alola, et ouvre la porte de la salle de bain.

« -Je dois aller prendre l’air.
-Quoi ?… Eh, attends ! »

Je ne l’attends pas. Coupant tout droit au travers de ma chambre, qui elle, n’a pas changé d’un poil, j’ouvre la porte et déboule dans le couloir.

Dont les murs sont d’un jaune extrêmement lumineux.

Cette découverte m’arrête dans mon élan, et je m’immobilise devant notre entrée. Assez longtemps pour qu’Oz… Hum, Dorothée, puisse me rejoindre, et refermer la porte derrière lui. Elle.

« -Nous… Nous sommes bien dans le dortoir Voltali ?
-… Oui ?
-Et… C’est toujours supposé être un dortoir pour hommes ?
-… Non ? »

Je sens mon cœur palpiter. Donc… Même le genre des dortoirs, c’est inversé ? Mais alors …

« -Je… Je dois m’assurer de quelque chose ! »

Me remettant en marche, je prends la direction de la sortie. Dorothée me suit du regard.

« -Et tu comptes aller où, comme ça ? Tout le monde dort, à cette heure-ci…  »

Je ne réponds pas, perdu dans mes pensées. Il… Elle finit par me suivre.

« -Je te rappelle que tu es toujours en pyjama, en plus. Tu n’es pas supposée te changer, d’abord ? »

A sa remarque, je baisse les yeux sur mon haut – et les relève immédiatement, rouge.

« -N-non. Ça ira pour aujourd’hui. »

Elle prend un air blasé.

« -Je ne sais pas contre quoi tu t’es cognée la tête en te levant, ce matin, mais je ne vais certainement pas te laisser sans surveillance. » son attention se focalise ensuite sur notre route « Je présume qu’on rattrapera notre sommeil demain matin. »

Je souris, quoique un peu crispé.

« -O-ouais. On fera ça. »

C’est si dérangeant.

Tout est à la fois si étrange et si familier. Que cela soit Oz ou moi-même… Je n’ai pas l’impression que tant de choses ont changé. Et pourtant… Impossible de me sentir à l’aise. Je ne me sens clairement pas à ma place. Il… Il s’est passé un truc, c’est certain, mais je n’arrive pas encore à mettre la main sur comment. Pourquoi suis-je le seul à me souvenir que nous étions tous les deux des mâles, jusqu’à hier ? Est-ce que… J’aurai été déplacé dans une sorte de dimension parallèle, où tous les genres sont inversés ? Cela n’a pas de sens ! Comment une telle chose serait possible ? Non, cela doit être une farce, une farce gigantesque, ou… Ou une hallucination, je ne sais pas… Peut-être que c’est… Une sorte de machination, on a pris une fille qui me ressemblait à peu près, on a fait un Permucoeur, et pouf ? Et tout ceci est une gigantesque caméra cachée aux dimensions démesurées ?

Peut-être que celui vers qui je me dirige saura m’apporter un élément de réponse. Ou peut-être pas. Je n’ai absolument aucune idée de ce qu’il peut m’apprendre, mais j’ai besoin de savoir !

Le campus n’a, lui, pas changé d’un poil. D’un pas ferme, je rallie le Dortoir Phyllali, et arpente ses couloirs complètement normaux jusqu’à une certaine chambre. Devant celle-ci, je m’arrête, et donne trois coups fermes.

« -Cael ! Tu es là ? »

Oz… Enfin, Dorothée, me lance un regard alerté, pour me rappeler que je n’ai pas besoin de faire autant de bruit. Je n’ai pas le temps de plus m’en soucier que rapidement, la porte s’ouvre, et laisse place à…

… A Cael. Il n’a pas l’air bien frais et ses cheveux sont en vrac, mais… C’est bien Cael !

« -Anh… Donc tu es bien un mec ! »

Un lourd silence de plomb s’ensuit. Le visage et les poings du Phyllali se ferment, avant que cela ne soit au tour de la porte, qui se claque juste devant mon nez. Surpris, je reste parfaitement droit, jusqu’à ce qu’à nouveau, elle se rouvre sur un Cael complètement blasé.

« -J’peux t’aider, aMIE, ou j’peux aller me recoucher ? »

… Je cligne de multiples fois des yeux, d’un air quelque peu hébété. Il me faut un court moment avant d’enfin balbutier quelque chose.

« -A-attends… Donc en fait, t’es une fille, toi aussi ? »

Mê… Même ici, Cael serait toujours autant… Androgyne ? Et c’est pour ça qu’il ne semble pas avoir changé ? Je n’en ai pas vraiment la certitude – d’autant que cette fois-ci, je ne peux pas me servir de l’astuce des dortoirs –, mais sa réaction m’en dit plutôt long. Après un long silence gênant, "Cael" me lance un regard inquiet.

« -… Réponds moi sincèrement… T’as bu ou mangé un truc pas net ? »

Restée silencieuse jusqu’alors, la Raichu d’Alola intervient.

« -Je te jure qu’elle n’a rien avalé d’anormal en ma présence, hier. »

… « Qu’elle » ?… Une minute... Oz-euh, Dorothée ! Insinuait déjà tout à l’heure que tout était normal jusqu’à hier. Le changement s’est effectué entre la fin de la journée, et ce matin… Faut-il que je retrace le fil de ma soirée pour comprendre ce qu’il s’est passé ?

« -H-hum… D… Désolé de t’avoir dérangé, coP… Euh, aMIE ! J-je dois te laisser ! A plus ! »

Toujours sans attendre de réponse, je repars au quart de tour, et m’éloigne le plus possible du Phyllali. Ma starter ne me suit pas immédiatement, et prend le temps d’échanger un regard dépité avec le… Ou la Ranger.

« -Je la surveille. On en reparlera plus tard. »

Et elle part me rejoindre.

Elle me rattrape à l’extérieur, alors que je l’attends justement à l’entrée du dortoir Phyllali. Enfin, attendre… Alors que je fais les cent pas et que mes mains viennent agripper mes cheveux pour les tirer, comme si la douleur m’aidait à y voir plus clair.

« -Tu… Tu me confirmes que le Dortoir Phyllali est un dortoir féminin, du coup ?
-… Oui.
-Et… Comment tu épelles Cael ? »

Elle lève les yeux au ciel, signe d’une courte réflexion.

« -C, A, E, L, L, E ? »

Je cesse de tourner en rond, et laisse mes mains glisser le long de mon visage.

Donc c’est bien une fille.

Ok… Donc pour tout le monde ici, le changement de genre est parfaitement normal, et l’entièreté de l’univers ne s’est jamais déroulé autrement. Enfin… Je crois ? Ne me dîtes pas que ma théorie la plus plausible est celle du changement de dimension ? Comme si cela pouvait exister, pareille dimension parallèle ! La probabilité que deux mondes parfaitement identiques, mais différents à l’échelle du genre de chaque individu, existent, est complètement nulle ! Et puis… Est-ce que ça voudrait dire que la version féminine de moi-même… Aka… Ginette… Serait actuellement dans mon corps à moi, dans mon monde ? Et est-ce qu’elle suivrait le même parcours, du coup ? Épaulée d’un Oz complètement blasé devant un Ginji au comportement étrange ?

Oh la la… Tout ceci devient bien trop tordu.

Complètement dépassé par les événements, je laisse mes pas me diriger lentement vers un banc, et m’y chois lamentablement.

« -Pouah… Mais qu’est-ce qu’il se passe… ? »

Tout à fait mutique, Dorothée se rapproche. Si un silence gênant s'installe entre nous, je finis néanmoins par lui lancer un regard désolé.

« -Pardon… Tu dois tellement me prendre pour un fou...
-Une folle.
-… Quoi ? »

Elle pose ses pattes sur ses hanches, et me fusille du regard, sévère.

« -C’est toi qui m’as appris les subtilités du langage humain, je te rappelle. Et comme vous êtes des gens tordus, vous insistez pour faire la distinction entre un fou mâle, et un fou femelle. » elle plisse les yeux « Donc toi, je te prends pour une folle. »

... Non, là je ne peux pas. Je lui rétorque en un soupir exaspéré.

« -Et est-ce que tu vas intégrer qu’actuellement, à l’intérieur, je suis un garçon ?… » mon expression s’illumine soudainement « … Mais oui, c’est ça ! Oz ! E-enfin… Dorothée ! Avec tes pouvoirs psychiques, tu peux analyser mon âme, pas vrai ? Mon moi profond ? »

La Raichu d’Alola se fait incertaine.

« -Euh… Oui ? »

Je me lève d’un bond, emballé par mon idée.

« -Alors vas-y ! Sonde mon âme ! Connecte toi à mon esprit ! Et tu verras qu’au fond, je suis… ! »

Elle me coupe net.

« -… Toujours la même Crétine.
-… Hein ? Mais attends ! Tu n’as même pas essay- !
-Si. » son ton impératif me coupe toute voie de contestation « Dès l’instant où je t’ai parlé, ce matin, je savais que c’était bien toi. Si ton esprit avait été échangé… Comme tu sembles le prétendre… Alors je l’aurai su. »

La bouche entrouverte, je ne sais quoi répondre. Alors… Ma théorie est inexacte ? Mon âme est toujours la même ? Dans ce cas… Nos corps ont été modifiés et nos souvenirs altérés, et je suis le seul à y avoir réchappé ? Enfin… Pour ce qui est de la seconde partie, du moins…

Ou alors… Peut-être que les similitudes entre Ginette et moi sont telles qu’Oz… Enfin, Dorothée, est parfaitement incapable de faire la différence ? Cela n’aurait rien d’improbable… Si elle et moi sommes les mêmes, au genre près… Pourquoi notre esprit différerait ? On est d’accord que le mental transcende la notion de corps, n’est-ce pas ?

Oui… Cela me paraît plus logique qu’une modification à l’échelle globale. Même si bon, ça implique que je sois quand même passé dans une autre dimension, mais… Bah, j’ai déjà changé de corps et de temporalité, pourquoi pas d’espace ?

En accord avec moi-même, je ne me laisse pas abattre par cet échec, et sers plutôt les poings d’un air déterminé.

« -Il faut que tu m’aides à retracer les événements de ma soirée d’hier ! J’ai dû faire quelque chose pour que tout devienne aussi confus ! »

Dorothée se gratte la tête, contrariée.

« -Je voudrai bien, mais… Nous nous sommes tous couchés après le dîner, tu te souviens ? S’il est arrivé quoi que ce soit d’anormal… C’était pendant que je dormais. »

Je fronce les sourcils. Oui, c’est vrai… Hier soir, après le repas, j’ai laissé mes Pokémon se disperser comme à leur habitude dans ma chambre… Et ils se sont tranquillement endormis. Mais… Dans mon souvenir, j’étais un garçon, et Oz aussi ! Et tout le reste était normal ! Il n’était aucunement question de genres inversés et de noms adaptatifs !

… Oui… Dans ma mémoire, absolument tout était normal… Sauf peut-être…

« -… Je ne suis pas allé me coucher tout de suite. Après que vous vous soyez endormis… J’ai quitté ma chambre pour aller quelque part.  »

Les oreilles de Dorothée se redressent, intriguées.

« -Ah bon ? Pourtant…  » elle reprend une mine pensive « Lorsque je suis allée observer les étoiles, au milieu de la nuit, tu étais de retour dans ton lit. »

J’acquiesce.

« -Parce que cela s’est produit entre 21h et minuit, à peu près…
-… Mais quoi, au juste ? Qu’est-ce que tu es allée faire, hier soir ?… »

Je me gratte la tête, incertain. Je me vois quitter ma chambre, et cheminer tranquillement au travers du dortoir Voltali… Pour finalement rejoindre le bâtiment principal. J’ai gravi les marches d’escalier, et… J’ai fini par me diriger vers…

« -… Le Docteur Ghost ? »

Oui. Je me suis arrêté devant l’entrée de son cabinet, puis… Il m’a ouvert la porte. Et après cela…

« -Tu veux dire, la ? »

La remarque de Dorothée me tire de ma réflexion. C’est vrai… Même le Docteur Ghost est une femme, dans ce monde ?

« -Hum. Pour le coup, je crois qu’on dit "le" quand même. Hum… A moins qu’on dise bien la Docteure ?… Ou la Doctoresse ? »  

La Raichu d’Alola soupire.

« -… Pff. Vous êtes vraiment compliqués, vous les humains. »

Je chasse ce débat d’un mouvement de la main.

« -Aucune importance. Nous devons aller le… Ou la voir. Elle doit forcément avoir un rapport avec tout ça ! »  

Elle opine du chef, et nous mettons tous deux en route vers le bâtiment principal.

Évidement, à cette heure-ci, le campus est totalement désert. A dire vrai, je doute même que son cabinet soit ouvert… Il nous faudra sans doute attendre qu’elle arrive pour lui poser des questions… Fort heureusement, le rez-de-chausser, lui, l’est, et nous n’aurons pas à attendre bêtement devant la bâtiment que quelqu’un nous ouvre.

Nous gravissons lentement les escaliers menant aux quartiers du personnel. Enfin, nous… Dorothée, en sa qualité de Raichu d’Alola, lévite tranquillement au dessus des marches. Je ne peux d’ailleurs pas m’empêcher de l’analyser de haut en bas au cours de notre ascension. Elle ressemble trait pour trait à Oz… A l’exception de sa voix mentale qui diffère légèrement, tout chez elle me rappelle mon starter. Ses réactions, son tempérament, la façon dont elle me traite… Même sa mine blasée est rigoureusement identique.

Je présume que je peux aisément étendre ça au reste de l’équipe. Lorsque je me suis réveillé, je n’ai absolument pas remarqué que la totalité d’entre eux avait changé de genre… J’ai juste relevé la crinière de Lucina anormalement longue, mais c’tout. Et de ce que j’ai entendu de Dorothée à propos de Terry, qui est, à n’en point douter, Sharon, leur comportement est tout autant fidèle à leur être d’origine que celui de la Raichu d’Alola l’est à Oz.

C’est… Assez étrange. Mais je ne sais pas si j’irai jusqu’à dire que c’est… Aussi dérangeant que je l'ai prétendu de prime abord. Je veux dire… Je n’ai encore côtoyé aucun des membres de cette équipe éveillés, à l’exception de Dorothée, donc peut-être que je présume un peu trop, mais… Je doute déceler une réelle différence dans l’attitude globale de ce groupe. Je parle avec Dorothée comme je communique avec Oz… Et réciproquement. Donc, dès lors…

Même si, pour autant, il est parfaitement hors de question que les choses restent ainsi. Je dois trouver comment tout ceci est arrivé et faire en sorte que tout revienne à la normale !

« -… Tu me trouves étrange ?
-Pardon ? »

Perdu dans mes pensées, j’ai continué de fixer la Raichu d’Alola sans prêter attention au fait qu’elle aussi, me regarde.

« -Eh bien, d’après toi, je suis censée être… Oz, c’est ça ? Et le fait que je ne le sois pas te perturbe ? »

Sa question est posée par parfaite curiosité, avec un flegme total dénué de reproche. Cette simplicité m’arrache un sourire attendri.

« -… Non. Je me disais justement que ça ne te changeait pas tant que ça.
-Hmm. » elle détourne le regard « Et donc, d’après ton délire de ce matin, nous avions tous un sexe et des prénoms différents jusqu’à hier ? Et tu serais la seule à t’en souvenir ? »

Je secoue la tête de droite à gauche.

« -Non. Je pense plutôt que… Toi, et toutes les personnes qui t’entourent, aviez toujours été les mêmes, mais… Que c’est Ginette et moi-même qui avons échangé nos places. Ou quelque chose dans le genre. »

Elle plisse les yeux.

« -Et comment ça serait possible ? »

Je hausse les épaules, peu convaincu.

« -Je ne sais pas. J’ai déjà fait la rencontre avec une créature capable d’intervertir les corps, et une autre pouvant altérer le temps… Il y a bien des légendes concernant des Pokémon susceptibles de modifier l’espace. Pourquoi pas un de ceux là ? »

Dorothée sourit.

« -Tu sais ce qui est le plus dingue, avec ton histoire ? » son regard vient se planter dans le mien « C’est que c’est typiquement le genre d’embrouilles dans lequel tu pourrais t’embarquer. »

Je lève légèrement les sourcils.

« -Môa… Tu parles de Ginette ? »

Elle lève les yeux au ciel.

« -De qui d’autre ? »

Nous arrivons tout juste à l’étage coïncidant avec celui du cabinet. Comme prévu, il n’y absolument personne, et les bureaux paraissent aussi déserts que les couloirs du bâtiment. Nous atteignons la porte assez rapidement, et déjà résigné à attendre, je me laisse glisser contre un mur.

« -Bon. Plus qu’à poireauter. »

Une fois assis, je prends conscience que je suis au plus près de ces… Formes, qui font momentanément parties intégrantes de mon corps. Dans une forte envie de m’en désintéresser, je relève la tête en direction de Dorothée, et l’interroge.

« -Et toi, alors ? Comment tu expliquerais cette… Folie passagère ? »

Postée contre le mur d’en face, paisiblement assise sur sa queue, elle hausse les épaules à son tour.

« -Ça ressemble à tous les autres délires que tu as pu avoir. Je pense que c’est juste toi qui disjonctes. » elle détourne le regard « De toute façon, je n’ai pas les connaissances pour établir une théorie farfelue comme toi, tu en es capable…  »

A nouveau, je souris.

« -Ouais. Ça te ressemble bien de dire ça. »

Mon starter a toujours eu cette fâcheuse tendance à refuser le débat sous prétexte de son manque de savoir. Suite à cette remarque, les yeux de Dorothée s’agrandissent légèrement, comme si elle retrouvait de l’intérêt dans la discussion.

« -Ah. Tu vois, tu te souviens bien de moi ! »

Ce n’est qu’après que je réalise la confusion de ma phrase, que je cherche à rectifier aussitôt.

« -Non, non ! » j’insiste d’un mouvement de la tête « Je parlais vis-à-vis d’Oz.
-… Eh bien, raison de plus alors. »

Je la dévisage sans comprendre, et elle développe.

« -Si tu reconnais toi-même que Oz et moi, c’est la même chose… Pourquoi ça ne serait pas le cas pour toi, et… Cette espèce de Ginette mâle pour qui tu te prends ?  »

J’entrouvre la bouche pour répliquer, mais ne trouve pas grand-chose à redire. Il est vrai que si pour moi, Oz n’a pas changé d’un poil, de son point de vue, les choses doivent être similaires. Même cette crise identitaire lui paraît anodine, placée aux côtés de mes autres lubies. Enfin, celles de Ginette, j’entends… La ressemblance doit être vraiment importante pour que Dorothée soit persuadée que mon âme soit bel et bien celle de sa dresseuse !

Pour autant, je ne suis pas convaincu que nous soyons les mêmes personnes. Mais puisque je suis incapable de justifier ce ressentiment, je ne peux que fuir le débat et détourner les yeux.

« -Ce n’est pas aussi simple…
-Et en quoi ?
-Eh bien, je… ! Je ne suis pas le même, voila tout. »

Pour la première fois depuis ce matin, j’ose focaliser mon attention sur mon enveloppe physique.

« -Ce corps, il… Il me dérange. Bien que… Je l’admets, il lui ressemble, mais… Ce n’est plus le mien. »

Dorothée soupire, et semble jeter l’éponge.

« -J’espère que tu vas rapidement recouvrer tes esprits, parce que cette histoire commence à vraiment devenir lourde. »

Je ne renchéris pas. Bien que cela ne soit pas pour les mêmes raisons, je suis au moins d’accord avec elle là-dessus… Si je pouvais retourner dans mon monde au plus vite, cela m’arrangerait. Et sans doute que cela arrangerait également Dorothée et… Ginette, par la même occasion.

L’attente me paraît anormalement longue, et je sens très distinctement les battements anxieux de mon cœur tambouriner sous ma poitrine. J’essaye de faire de mon mieux pour l’ignorer, mais… C’est plutôt compliqué, lorsque l’on s’efforce déjà d’occulter les sensations transmises par tout le reste de son corps…

Dorothée reste totalement muette, et dans l’expectative. J’aimerai bien relancer la conversation et briser ce silence gênant, mais je suis parfaitement incapable de trouver avec quoi. Cela, cumulé avec ma hâte que tout ceci se résolve, rend la situation plutôt inconfortable. Elle n’est d’ailleurs pas sans me rappeler les événements survenus lors de la Saint Valentin, passée aux côtés de Stella… L’avantage au moins, c’est que là, mon nouveau corps est vaguement supposé être le même que celui de base. Il y a eu seulement quelques… "Menus" changements. L’inconfort d’envahir un espace qui n’est pas le sien est toujours aussi présent, mais il est atténué par l’absence de l’homologue avec qui l’échange a eu lieu.

Cette réflexion m’amène à me poser une nouvelle question. Si tout le monde ici n’a plus le même genre, alors… Cela voudrait dire que Stella ?…

Au moment où je m’apprête à interroger Oz… Rah, décidément ! Dorothée, notre attention est attirée par des bruits de pas tout juste audibles, au bout du couloir. Empli d’espoir, je me lève d’un seul bond, et observe en détail la silhouette de la personne qui approche.

Plutôt grande et fine, c’est une femme au déplacement léger et quasiment silencieux. Elle est vêtue d’un grand manteau noir qui ne contribue qu’à peine à lui donner du volume, et de longs cheveux de jais, dont les pointes semblent anormalement blanches. Quelques cernes se dessinent sous les traits pâles de son menu visage, et contribuent à renforcer une allure fantomatique déjà délivrée par un regard éteint.

… Ghost. C’est complètement le Docteur Ghost… Et, je dois le reconnaître… Être une femme lui réussit plutôt bien.

Lorsqu’elle réalise notre présence, elle s’immobilise. Mais un fin sourire naît sur ses lèvres  quand elle semble me reconnaître.

« -Mademoiselle Labelvi ? Je ne t’attendais pas si tôt... »

Je me crispe quelque peu à la mention qui précède mon nom de famille. Je crois que je cerne un peu mieux ce que ressent Cael, lorsqu’il se fait mégenrer… Et c’est ce qu’a probablement ressenti Caelle tout à l’heure, lorsque je l’ai prise pour un garçon. Cela dit, le Cael de mon monde devrait lui, plutôt se réjouir d’avoir ici été pris pour un mec… Non ?

Mais je divague. Pressé, j’en viens directement aux faits.

« -Il faut que vous m’aidiez ! Aidez à moi à retrouver mon corps d’origine !  »

Une certaine surprise se révèle sur le visage de la Docteure.

« -… Ton corps d’origine ?
-Oui ! » par réflexe, je plaque mon poing au niveau de mon cœur « Ici, vous me connaissez en tant que Ginette, mais… En vérité, je suis un garçon, et je me nomme Ginji ! »

Dorothée m’observe du coin de l’œil. Je ne réagis pas, et me focalise plutôt sur la réponse de Ghost, qui… Se contente de me passer devant.

« -… Je vois. Suivez-moi à l’intérieur. »

Elle se met devant la porte du cabinet, et en déverrouille l’entrée. Une certaine sensation de soulagement envahit mon corps face à l’absence de rejet, tandis qu’une plus grande incompréhension s’affiche sur le visage de la Raichu d’Alola. Mais au final, nous rentrons tous les deux à la suite de la psychologue une fois qu’elle-même a passé le seuil de la porte, et prenons place devant son bureau après son invitation à le faire.

« -… Tu es en train de me dire, que… Tu es un adolescent et... Que tu te nommes Ginji, c’est bien cela ? »

Être appelé par ce nom là provoque en moi une étonnante satisfaction. Alerte, je hoche vivement la tête.

« -Oui, c’est bien cela.
-... Et c’est en te réveillant ce matin que tu as pris conscience que ce n’était plus le cas ? »

A nouveau, j’acquiesce.

« -Oui. D’abord, j’ai noté qu’il y a eu un léger changement chez ma Luxray, et c’est ensuite que… »

Elle me coupe la parole net.

« -Ta Luxray ?… Tes Pokémon aussi, ont changé de genre ? »

Bien qu’un peu hésitant à cause de son interruption, j’opine du chef.

« -Euh… Oui oui. Et pas que eux… Vous, les élèves des autres dortoirs… En fait, là d’où je viens, tous les rapports sont inversés !  »

La Docteur se fait de plus en plus pensive à mesure que je lui donne mes réponses. Elle médite quelques instants sur ce que je viens de lui révéler, avant de s’enquérir de tout autre chose.

« -Et… Si tu es venu me voir moi, c’est parce que… ? »

Cette fois-ci, ma réponse tarde un peu plus, puisque moi-même j’ai oublié la raison originelle de ma présence. Je me remémore toutefois avoir pris la direction de ce cabinet hier soir, et le lui explique.

« -Eh bien… La seule piste que nous avons, c’est ma présence ici, dans la soirée d’hier. Donc on s’est dit que peut-être, vous pourriez savoir…  »

Je ne finis pas ma phrase, hésitant quant à sa tournure, mais conscient que Ghost a tout à fait compris où je souhaite en venir. C’est alors à elle de lentement acquiescer, puis de se reculer pour tirer l’un des tiroirs de son bureau. Elle y attrape quelque chose, qu’elle jette devant moi.

« -Dis-moi… Te souviens-tu de ceci ? »

Perplexe, je saisis la pile de documents qu’elle m’a lancé. J’y lis, en guise de titre, « Études des pouvoirs psychiques et occultes sur les courants cognitifs classiques ». Autant vous dire que, sans les explications qui suivent, cela ne m’avance en rien sur ce que c’est.

« -C’est une thèse sur laquelle je penche depuis maintenant plusieurs semaines… Et pour laquelle j’ai récemment eu besoin d’un cobaye à titre d’observations. »

Ses doigts triturent habilement un stylo, qu’elle pointe dans ma direction.

« -Il m’a suffit de te promettre un an de dessert au réfectoire pour te convaincre de te porter volontaire… » elle sourit, malicieuse « Bien qu’elles soient parfaitement sans risque, tu te doutes bien que le rectorat ne m’aurait jamais autorisée à pratiquer ce genre d’expérimentations sur des étudiants… C’est d’ailleurs pourquoi il a fallu que tu viennes ici de nuit. »

Je fronce les sourcils.

« -… De quelles expérimentations vous parlez ? C’est… C’est à cause de ça que je me suis retrouvé dans ce corps ? » l’espoir d’avoir enfin une piste renforce ma conviction « ... C’est ça ? »

Elle ne répond pas tout de suite, et plisse lentement les yeux. Dorothée la fixe avec un regard profondément noir, n’appréciant pas du tout ce qu'elle a insinué.

« -… Pas tout à fait. Mon travail se focalise actuellement sur la capacité qu’ont les Neitram à altérer notre mémoire… »

Elle recule sa chaise, et se lève.

« -En demandant à l’un d’eux d’utiliser ses pouvoirs sur toi, j’ai cherché à établir dans quelle propension et dans quelle mesure ils sont capables de modifier les souvenirs… »

Elle contourne son bureau, et vient se poster à côté de moi. J’écoute sans trop comprendre le cheminement de son discours, et sens une certaine pression monter à mesure qu’elle développe son propos. Perdu, je lui demande donc des précisions.

« -… Hein ? Mais en quoi cela a pu me faire basculer de dimension ? »

Ce après quoi elle me fait un signe de négation du majeur.

« -Non non, tu n’y es pas du tout… Tu n’as jamais changé de dimension, ou… De monde, peu importe comment tu appelles ça. »

Elle s’écarte, et entreprend de retourner de son côté du bureau. Je parviens de moins en moins à la cerner.

« -Quoi ? Mais alors… C’est le monde entier qui a changé de genre ? »

Dorothée fixe la psychologue intensément, désirant elle aussi une réponse concrète. Ghost s’appuie contre sa table, et soupire.

« -Non. Ce que j’essaye de te dire, c’est que… »

Ses yeux se plongent dans les miens, avant qu’elle ne lâche son verdict. Un verdict froid, et sans appel.

« -Ginji n’a jamais existé, Ginette. »

Sa réponse me glace le sang. Complètement tétanisé, je ne peux que la fixer sans comprendre, ni saisir la situation. Loin de s’en soucier, elle reprend sa petite ronde autour de son bureau.

« -J’ai demandé à mon Neitram de remodeler ta mémoire, et de te faire croire que tu as toujours été un homme. Et je dois dire que le résultat est… Surprenant. Je n’aurai pas attendu à ce qu’il pousse l’expérience au point de modifier dans ta mémoire les sexes et les noms de toutes les personnes qui t’entourent. » elle s’immobilise, et prend une mine pensive « A moins qu’il n’ait fait cela par facilité ? Forcer ton cerveau à reconsidérer la notion des genres a peut-être induit un remaniement spontané de tes souvenirs, et un remodelage des noms de tes proches… Et de toi. Ainsi, le Neitram a rempli sa mission. » elle conclut d’un hochement de tête convaincu « Ta courte amnésie ne serait alors qu’une conséquence de la surcharge de ton cortex préfrontal ; heureusement, celle-ci semble parfaitement anodine. »

Elle s’arrête et me fixe. En dépit de mon absence de réaction, elle sourit tendrement.

« -Tu comprends où je veux en venir ? Ce que tu considères comme un changement d’univers n’est rien de plus qu’une modification de ta mémoire. C’est quelque chose qui se répare très facilement, d’ailleurs… Je t’avais bien dit, que tout ceci était sans risque. »

Cette dernière remarque me tire de ma léthargie.

« -Attendez... Quoi ? »

Furieux, je me lève d’un bond.

« -Sans risque ?!… Vous vous foutez de moi ?! A cause de vous, je ne suis plus dans le bon corps, et vous insinuez en plus que tout ce que j’ai connu n’existe pas ?! Moi… Moi le premier ?! »

La Docteure ne se laisse pas impressionner pour un sou. Tout à fait égale à elle-même, elle me répond du tac au tac.

« -Ta réaction est tout à fait légitime. Ce matin, tu t’es réveillée avec l’infime conviction d’être quelqu’un d’autre, et d’évoluer dans un monde totalement différent du nôtre… Et je t’apprends simplement qu’il n’en est rien. » elle soupire tristement « Se confronter à la futilité de ses souvenirs n’est pas une chose facile… Mais n’aie aucune crainte. Ce n’est pas parce que ta mémoire n’est plus tout à fait la même, que ton toi profond s’en retrouve changée. » de sa main de libre, elle commence une énumération « Tes goûts, ton comportement, tes émotions, ton attitude, ou même les liens qui te rapprochent des autres individus… Tout ceci est resté parfaitement intact, sois en assurée. »

Sa déclaration me panique plus qu’elle me calme. Prétendre que j’ai toujours été la même personne est mot pour mot ce que me répète Dorothée depuis ce matin. Et elle… Elle aurait raison ? Depuis le début, je… Je suis en fait exactement le même ? Voire… La même ? Et… Simplement, je suis… Je suis partie dans un délire psychotique dans lequel j’ai inversé les genres de tout le monde ? Moi… Moi la première…

… Ginette ?

« -J’insiste, mais une simple intervention de mon Netraim permettra de corriger l’intégralité ta mémoire. Laisse moi simplement le temps de le sortir de sa Pokéball, et tu verras que tout redeviendra vite comme av…
-N-Non ! »

Fébrile, je tends un bras pour repousser Ghost, puis recule de deux pas.

« -N… N’approchez pas ces créatures de moi ! Elles ont déjà fait assez de dégâts comme ça !  »

Mais ma protestation ne suffit pas à l’en convaincre, ni de lâcher l’affaire.

« -Je comprends ton appréhension, mais elles pourraient te procurer beaucoup plus de bien que tu ne le crois. Je peux même leur demander d’effacer cette désagréable mésaventure de ton esprit, si tu le souhaites...
-Quoi… ? »

Je recule un peu plus.

« -Vous voulez… Effacer Ginji ? Vous voulez... M’effacer MOI ?! Et tout le reste de mes souvenirs avec ?! »

Elle expire doucement.

« -Allons, Ginette, sois raisonnable… Je viens tout juste de te l’expliquer. Tous tes souvenirs sont les bons. Simplement... Il y a quelques éléments qu’il faut recalibrer.
-TAI… TAISEZ-VOUS ! Je refuse d’en entendre plus ! Si… Si vous ne voulez pas m’aider à regagner mon corps, et mon monde… Alors… Je me débrouillerai SEUL ! »

Et sans attendre de réaction, je fais volte-face. C’est énervé que je franchis la distance qui me sépare du couloir, et commence à avancer sans idée précise de ma destination. Mon cœur est en ébullition et mes nerfs à vif : le seul souhait que j’ai dans l’immédiat, c’est de m’éloigner le plus possible de cette psychologue complètement perchée.

Moi, avoir des souvenirs complètement détraqués ? Cela n’a aucun de sens ! Je… Je suis Ginji, je le sais ! Un étudiant parfaitement normal, qui vit une scolarité qui l’est certes un peu moins, mais dont les souvenirs sont totalement réels et palpables ! Je le sais ! Je le sais ! Je le sais, je le sais, je le sais !

JE LE SAIS !

Je suis MOI ! Et personne d’autre ! Au diable cette Ginette dont j’ai usurpé l’identité ! Tout mes souvenirs sont véridiques, ma mémoire est la bonne et je le ressens jusqu’au plus profond de mon âme ! Et je ne laisserai personne prétendre que tout ceci est erroné ! Personne !

Je trouverai une solution… J’ignore encore comment, mais… JE FINIRAI PAR TROUVER UN MOYEN ! Le moyen de retrouver mon corps, et… Que tout revienne à la normale !

TOUT !



« Je peux pas me ramener à la maison, et faire, "Chérie, regarde ça, j’ai ramené un cyborg du futur !" »
Ginji Labelvi
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Ginji Labelvi
est un Adulte Champion Electrik


« Question de genre »


***

Il n’y a plus un bruit. Plongé dans l’obscurité, c’est un silence de plomb qui règne dans la pièce où j’ai fini par me réfugier.

Du moins… Presque.

Le tapotement nerveux et énervé de mon pied s’entend dans toute la salle, vide d’une quelconque autre présence. S’y mêle également un bruit de mâchonnement, parfois interrompu par celui d’un craquement.

Et alors que je pense avoir la paix, une porte s’ouvre. Elle laisse filtrer quelques rayons du soleil à l’intérieur de la salle, pourtant noire grâce aux stores clos, et révèle ensuite une silhouette familière.

Enfin… Presque.

« -Si le Père Odie te trouve là, tu vas passer un sale quart d’heure. »

Toujours immobile, je dirige un regard noir vers Dorothée. Mais finalement je l’ignore, et croque une nouvelle fois dans ma tablette de chocolat. Indifférente, elle allume les lumières de la cuisine d’une simple pression de la patte sur l’interrupteur, et se dirige tranquillement vers moi.

« -… D’après Ghost, ta réaction relève de… La dissonance cognitive, je crois. Elle m’a dit de ne pas trop m’inquiéter.  »

Je la fixe alors d’un air encore plus furieux.

« -Parce que tu la crois encore ?…  Même après ce qu’elle m’a fait ? »

Elle passe complètement outre mon énervement, et vient simplement s’asseoir à côté de moi.

« -Tu lui as toujours fait confiance, toi. Assez pour accepter de te prêter à l’une de ses expériences. Contre une simple part de dessert... »

Je serre les dents.

« -Je fais confiance au Docteur Ghost. Le mec. Pas cette folle qui… Qui a complètement pété un boulon ! »

Agacé, je jette mon paquet de chocolat sur le plan de travail à proximité, sans que cela ne m’apaise pour un sou. Je sens à son ton que Dorothée cherche à me calmer.

« -Pourquoi tu laisses tout ça te prendre la tête ? Tu pourrais… Simplement accepter qu’elle te rende ta mémoire, et… Passer à autre chose ? »

Mais impossible de décolérer. Toute cette histoire me paraît simplement folle et insensée.

« -Mais puisque je te dis que tout ce que j’ai en tête est réel ! Il n’est absolument pas question de me rendre ma mémoire, puisque… J’ai DÉJÀ, toute ma mémoire !  »

Elle ne sait que répondre, et nous nous dévisageons un instant sans que l’autre ne trouve quoi que ce soit à dire. Puis d’un seul coup, une question me traverse l’esprit.

« -Une minute… Comment tu m’as retrouvé ? »

Je pensais pourtant avoir mis assez de distance pour complètement disparaître de son champ de vision, même après sa sortie du cabinet. La Raichu d’Alola écarquille légèrement les yeux, surprise par cette demande... Puis les plisse d'un air blasé.

« -Où d’autre voulais-tu que je te retrouve ? »

Presque vexé d’être aussi prévisible, je grommelle.

« -Grmbl. J'en sais rien. Ce sont juste mes pas m’ont naturellement conduit ici… » et je m’offusque tout de suite après « Mais cela ne change rien ! Tu… Tu ne connais rien de moi ! Je… Je ne suis pas Ginette ! »

Son expression se fait plus sévère.

« -Si, tu l’es.
-Non…
-Si. »

Je serre les dents.

« -Je te dis que non.
-Et moi je te dis que si.
-Mais bordel !… Est-ce que tu vas comprendre que je ne suis PAS ta dresseuse ?! »

Sblam.

Le coup semble être parti tout seul. A peine ai-je vu la queue de Dorothée se mettre en mouvement qu’une vive douleur m’a brûlé la joue. La tête tournée sur le côté à cause du choc, je n’ai toujours pas le temps de réagir lorsqu’elle se rapproche de mon visage, pour me hurler mentalement dessus.

« -CRÉTINE ! Je... Je T’INTERDIS de dire une chose PAREILLE ! »

Bien qu’elle m’en laisse le temps, je ne dis rien, complètement dérouté par ce brusque changement de ton. C’est presque avec crainte que je redirige lentement mon regard vers elle.

« -C’est quoi ton problème, à la fin ?! Pourquoi… Pourquoi est-ce que tu… Pourquoi est-ce que tu NOUS prends la tête avec ça ?! O-ok, je veux bien admettre que Ghost ait détraqué ta mémoire, mais… Est-ce que c’est vraiment une raison pour aller jusqu’à me renier ?! »

Cette fois-ci, j’essaye de répliquer, mais elle enchaîne.

« -J’ai été patiente jusque là ! Depuis CE MATIN, je te suis à droite et à gauche bien gentiment, parce que je TIENS A TOI et que tu serais fichue de te mettre encore plus dans la MERDE que tu le fais déjà, et tout ça pour quoi ? Pour qu’au final, je t’entende dire une chose aussi AFFREUSE ?! Est-ce que… EST-CE QU’A UN MOMENT, TU VAS Y METTRE UN PEU DU TIEN, AUSSI ? »

Et à nouveau quand le silence se fait, j’entrouvre la bouche pour répondre, mais aucun son n’en sort. Désolé, je détourne les yeux.

« -P… Pardon, Dorothée. Mais... »

Je fixe le plafond, et secoue la tête de gauche à droite, incertain.

« -C’est juste q-que… Tous ces souvenirs, que j’ai en tête… Ils me semblent si… Si concrets ! Je… Je me revois, découvrant dans les souterrains de Lansat ce Pikachu confié par le Collectionneur, et... Je nous revois aussi ralliant le Heylink pour découvrir le secret de ses origines, je… Tout comme je me revois, gêné lors de l’échange de corps produit par le Manaphy, mais pourtant hilare lorsque nous nous sommes travestis, avec les autres Voltali… »

A nouveau, je serre les dents.

« -Comment tout ceci pourrait être faux ? »

Elle tend le bras, énervée.

« -Mais CA NE L’EST PAS ! »

Je la regarde sans comprendre.

« -Toutes ces choses que tu as vécu sont bien réelles ! NOUS les avons vécu ! Ensemble ! Mais simplement, tu… Tu fais une fixation sur une question de genre qui n’a absolument RIEN A VOIR ! En quoi le fait que tu sois un mâle ou une femelle change quoi que ce soit à ces événements ?! Pour… Pourquoi les humains doivent toujours s’embarrasser de ce genre de détails ?! Je… Je suis la première à reconnaître que vous êtes une espèce bien plus intelligente que nous autres, Pokémon, mais sur ce coup là… Vous êtes de parfaits CRÉTINS ! Tu… TU n’es qu’une CRÉTINE, Ginette, tu m’entends ?! »

Les larmes aux yeux, Dorothée se rapproche, et s’agrippe à mon t-shirt.

« -S’il te plaît… Arrête de croire que cela puisse changer quelque chose… »

Elle finit par caler sa tête à la base de mon cou, et m’étreint.

« -Arrête de croire que cela suffit à... Ne plus faire de nous des... Des amies... »

Par réflexe, mes bras viennent l’entourer, et je l’enserre. Je sens ma poitrine être légèrement comprimée par sa proximité, mais je l’ignore. J’apprécie bien plus la sensation de mes doigts passant dans son doux pelage, son odeur légèrement sucrée atteignant mes narines et la chaleur de sa respiration contre ma peau.

« -Dorothée, je… »

J’ai été stupide.

Sous couvert de mon égarement, j’ai complètement rejeté notre lien. J’ai passé la matinée à admettre qu’elle et Oz sont en tout point similaires… Mais sans jamais accepter qu’elle tienne plus à moi qu’à mon enveloppe physique. En temps normal, je… Je n’aurai jamais repoussé mon starter de la sorte. Et… Certainement que Ginette non plus. Je me suis laissé aveugler par une quête d’identité, et parce que ce monde, puis mes souvenirs, m’ont paru friables, j’ai mis notre relation sur le même plan. Alors que...

Que ce soit en tant que Ginette ou Ginji, j’ai un rôle à tenir envers cette créature. Envers mon équipe. Et envers tous les autres…

Elle a raison sur toute la ligne.

« -… Je suis désolé. J’ai été une… Une parfaite Crétine. »

Lentement, elle relève la tête pour plonger ses yeux bleus dans les miens. Incertain, je plonge à l'intérieur pour y trouver un élément de vérité auquel me rattacher. Que je sois Ginji ou que ces histoires de changement de mémoire s'avèrent réels, il n'empêche que mes Pokémon tiennent à moi, et que le phénomène est réciproque. Je ne peux pas laisser la confusion imprégner mon esprit au point de l'ignorer... Je dois me ressaisir ! Au moins le temps de trouver le fin mot de cette histoire...

« -Je... Je te promets d’assumer, maintenant. Que ce soit… Dans ce monde, dans un autre, ou… Ou juste dans ma tête… Tu es ma starter. Et tu… Tu es mon amie. Et… Je le suis aussi. Et… Tu as parfaitement raison. C’est quelque chose qu’un changement de genre ne modifiera jamais.  »

Sentant moi-même les larmes monter, je l’étreins un peu plus fortement.

« -Pardon. J’ai été si… Odieuse. »

Un fin sourire naît sur ses lèvres. Elle replace alors sa tête contre moi.

« -Pour une fois que ce n’est pas moi… »

Elle parvient à m’arracher un léger rire, et je l'étreins un peu plus fort.



***

Mes pas sont toujours les seuls à résonner dans le couloir, Dorothée lévitant à mes côtés.

« -Tu es sûre que ça va aller ? »

J’acquiesce, décidé.

« -Oui. Quand je vois ce que ça a produit, il n’est plus jamais question qu’un Neitram cherche à m’approcher. » je plisse les yeux « Ghost peut bien garder ses desserts, je n’en veux plus. »

Mais la Raichu d’Alola ne semble pas aussi convaincue.

« -Mais pourtant, dans ta tête, tu te prends toujours pour un garçon, pas vrai ? Et toutes les personnes que tu connais n’ont plus le même nom…  ? »

Je secoue la tête de gauche à droite.

« -Ce n’est pas grave. Je m’y suis résignée. On fera avec en attendant que les choses se résolvent d'elles-même. Et je suis certaine de pouvoir vite prendre le pli... » je lui adresse un grand sourire « Tu vois, j’arrive déjà à respecter les règles de grammaire que je t’ai inculquées ! » je me reconcentre alors sur ma marche « Il va peut-être falloir que tu m’aides, au début. Histoire de bien tout restituer… Mais si c’est pour l’équipe, je suis prêt à le faire ! » je souris à nouveau, mais cette fois-ci, par gêne « Euh. Prête. »

Cela ne la rassure en rien.

« -Résignée ?… Au fond de toi, tu penses encore être Ginji, c'est cela ? »

Sa question m'arrache une légère grimace.

«-… Hmm… » je plaque ma main contre mon front, incertain « Si je m’interroge, j’ai l’impression que tout mon être me hurle que oui. Pour peu que j’y réfléchisse… Le sentiment d’être étranger à ce corps resurgit en môa. Mais…  » j’abaisse mon bras, et hausse les épaules « Même si c’est quelque chose… D’extrêmement dur à admettre…  La théorie selon laquelle ce sont mes souvenirs qui sont altérés… Est la plus plausible. Non seulement, cela expliquerait pourquoi tu n’as jamais détecté de variation dans mon âme, mais en plus, c’est quelque chose de bien plus facilement réalisable qu’un changement de dimension, ou qu'une modification des corps à l’échelle globale. »

Je sens une boule se nouer à mon estomac. Afin de l'apaiser, j’inspire profondément, et expire lentement. Jusqu'à parvenir à articuler mon verdict.

« -Donc… Non. » je lui souris « Je dois bien petre Ginette. »

Quelque chose au fond de moi me laisse toujours croire que, possiblement, tout revienne à la normale dès demain, mais… Je ne vois pas comment ni pourquoi ça arriverait. Je pense que je peux dès à présent faire une croix sur… Ce Ginji, que j’étais, et que j’ai l’infime conviction d’être. Il ne doit être qu’une… Sorte de vue de mon esprit.

… Ce qui n’est vraiment pas une chose aisée à reconnaître.

Mais, je l’ai dit à Dorothée… Pour elle et les autres, c’est quelque chose que je suis prêt à assumer.

Donc, si elle m’aide… Cela devrait aller ?

De toute façon, à force que tout le monde s’entête à m’enfoncer dans le crâne que je suis bien Ginette, ce n’est plus très compliqué à accepter….

Cette réponse semble rassurer Dorothée, qui sourit à son tour, et acquiesce.

« -Bon retour parmi nous, alors, Crétine. »

Elle m’arrache un léger rire. Mais son rictus disparaît bien assez vite, remplacé par un air pensif.

« -Par contre, comment on va expliquer tout ça au reste du groupe ? »

Je secoue la tête de gauche à droite.

« -On ne leur expliquera pas. Inutile de les inquiéter comme cela a pu t’inquiéter toi. »

Ma starter grimace.

« -Tu es sûre ?
-Certaine. » j’opine avec conviction « Et puis comme ça, cela fera un bon indicateur pour mon retour aux bases ! S’ils ne se rendent jamais compte de rien, alors c’est que les choses seront rapidement revenues à la normale.  »

Elle se fait alors plus narquoise.

« -Et tu penses pouvoir y arriver ? »

Nous arrivons devant la porte de la chambre. J’amène ma main à la poignée, et lui rends son regard défiant.

« -Laisse faire la pro. »

J’ouvre en grand la porte. Dans la pièce, laissée telle quelle après notre départ précipité de ce matin, mes Pokémon semblent tout juste émerger. Ils s’agitent déjà un peu plus suite à notre arrivée, mais je tape vivement dans mes mains pour pleinement les réveiller.

« -Bonjour à tous ! Désolée pour le boucan de ce matin, mais Dorothée et moi avions à faire. Et d’ailleurs, on ne va pas tarder à filer, donc je vais vous demander de tous rentrer dans vos Pokéballs… Je vous rangerai ensuite dans mon sac. »

S’ensuit un ballet qui m’est agréablement familier. Du moins, presque… Une Gravalanch quitte sa forme de boule et la Limonde qui gisait alors paresseusement au sol se met à léviter. Mes appareils ménagers s’animent, et ma Pharamp aide ma Amagara à s’équiper de sa capeline. Mon Pachirisu récupère lui un parapluie bleu foncé très chic, et mon Pikachu remet le haut de forme qui va avec sa tenue.

Après quelques cris de salutations à moitié éveillés, les créatures rentrent tour à tour dans leurs sphères. Personnellement, j’ai récupéré mon sac bandoulière qui… Ressemble plus à une grande besace, en fait, pour ensuite progressivement les remettre à l’intérieur. Le tout prend quelques minutes, avant qu’un grand calme ne retombe dans la chambre. Avec une expression ravie, je me tourne vers Dorothée, qui acquiesce doucement.

« -... Propre.
-T’as vu ça ? Comme une chef. »

Cela dit, elle est loin de s’en satisfaire. Elle croise les pattes, et m’interroge du regard.

« -… Et maintenant ?… Tu souhaites que je rentre dans ma Pokéball, moi aussi ? »

Je réfléchis quelques secondes. Je présume que la suite logique serait d’enchaîner avec ma routine quotidienne, tout en essayant d'appréhender ce monde dans lequel j'évolue… A priori, tout est sensiblement identique à ce qu'il se trouve dans ma mémoire. A part peut-être...  

« -Pas tout de suite. Il va falloir d’abord que tu me rappelles d’abord quelques trucs... »

Je traverse la pièce, et m’assois tranquillement sur mon lit.

« -Je peux essayer deviner le nom de certains de mes compagnons par rapport à mes souvenirs, mais je ne suis pas sûre pour tous. ‘Va falloir que tu me confirmes leur surnom…  »

Dorothée opine, et vient me rejoindre, toujours en lévitant.

« -Je présume que Soul se nomme toujours pareil ? Ainsi que Webble… Voyons voir, Thoron aussi doit être mixte, Mjöllnir pareil, Shy aussi… Les Motisma et les Magnéti devraient avoir les mêmes surnoms que dans mes souvenirs, puisqu'ils n'ont de base pas de sexe. Hmm... Est-ce que Harissa est mixte ?
-… Harissa ?
-… Ah ? Harissa, c’est le nom que je suis censée avoir donné à mon Emolga…
-Tu l’as appelé Wasabi. »

Je gonfle les joues, pour réprimer un rire, en vain.

« -… Ahaha, ok, je vois ! Très bien, partons sur Wasabi, alors. Hmmm… Châtaigne se nomme toujours pareil ?
-Oui.
-Ok, ok. Par contre, je ne vois pas trop comment j’aurai pu nommer mon Loupio et ma Pharamp… Dans ma mémoire, c’est Meg pour le premier, et Zelf pour la seconde.
-... Presque. Peg et Zelfie, tout simplement.
-Peg ?… Pourquoi pas. Et Cutie Cute ?
-… Cutie Cute ?
-Hum… Un Mimiqui très timide mais volontaire, et ayant potentiellement le béguin pour toi.
-… Ah. » elle détourne le regard, gênée par ma dernière remarque « Tu parles de Kawaï Kawaii. »

… Kawaï Kawaii ? Hmm, ça se tient. Ne reste plus que…

« -Et pour notre amie Gravalanch ?
-Joeffroy.
-… Ok, ça sonne proche de ce que j’ai en tête. Et avec ce que tu m’as déjà dit ce matin… Je crois que j’ai tout le monde, c’est bon ! »

Je me redresse, remotivée. Dorothée paraît partager cet enthousiasme.

« -Au final, tes souvenirs de nous ne sont pas si différents. »

J’acquiesce. Ça a quelque chose de rassurant, que le changement de rapport avec mes Pokémon soit moindre. Par contre… Je me demande si je peux en dire autant de mes autres relations.

« -Caelle est… Rigoureusement similaire à mes souvenirs, et Ghost fidèle à elle-même, mais… Qu’en est-il de mes… Frères ? »

Elle hausse les épaules.

« -Carl est taré et Louis ne fait que paniquer depuis qu’il a fait son entrée à l'académie.
-… Accurate. »

Hmm. Je présume que je peux m’y faire. Même si mémoriser à nouveau tous les noms de mon entourage paraît être une tâche fastidieuse… Au final, il s’agit seulement d’une variation du prénom enregistré dans ma tête. Donc, je devrai m’en sortir.

« -Ok. Je pense que pour le reste, je me baserai sur les contacts de mon répertoire !
-Comme tu veux. »

Puisque je n’ai plus besoin d’elle dans l’immédiat, elle va pour retourner dans sa Pokéball. Mais avant qu’elle ne le fasse, je lui adresse une dernière fois la parole.

« -Merci pour tout, Dorothée. Et… Désolée. »

Je me racle la gorge, gênée.

« -Pour ce que j'ai dit. Tout à l'heure. »

La Raichu d’Alola me toise un instant. Puis elle agite la patte avec nonchalance.

« -Ne t’en fais pas. » et elle se tourne vers sa sphère « Pense juste à t’habiller. »

Et elle disparaît dans un rayon de lumière rouge. Je reste immobile quelques secondes, avant d’abaisser les yeux sur mon haut de pyjama. Hmm… M’habiller.

… Ouais. Je vais le faire, mais d’abord… Je vais finir de reconstituer ma mémoire des noms, via mon Ipok.

Je récupère donc celui-ci, et m’installe confortablement sur ma chaise de bureau. En le déverrouillant, je remarque la même photo en fond d’écran, me montrant moi et mes Pokémon… Mais dans la configuration de genre actuelle, évidemment.

Je ne m’y attarde pas plus que ça et commence à faire défiler la liste des contacts. Comme je l’ai escompté, la quasi-totalité des noms s’avère finalement très similaire avec ceux que je leur assimile à la base, de sorte que je parviens rapidement à associer une identité à chaque profil. Cela va le faire… Je vais réussir à m'accoutumer à cette vie, je veux y croire !

Mon attention est alors captée par un nom en particulier. Je… N’ai jamais connu de Samuel, au cours de mon existence, mais… A en juger l’absence de Stella dans les contacts qui suivent, se pourrait-il que… ?

Incertaine, j’affiche le contact, et observe attentivement la photo de profil. C’est… Stella. Enfin, non… Samuel, du coup. Il… Il ressemble trait pour trait à ce que j’ai en mémoire. A… Quelques détails près.

Hmm. J’ignore pourquoi, mais ce constat là me dérange plus que le reste. Pourtant, Samuel occupe un temps de présence équivalent à beaucoup de mes relations dans mes souvenirs… Je ne vois pas pourquoi je devrai tiquer sur celui-ci plus qu’un autre…

Peut-être que le temps passé ensemble n’a rien à voir. Peut-être est-ce juste un soucis… D’intensité de la relation ?







Wait.

UNE MINUTE.



***

J’ouvre la porte avec suffisamment de rage pour lui faire percuter le mur de derrière en un audible fracas. Avant même que mes yeux se soient posés sur elle, mes pas m’ont dirigé vers son bureau.

« -GHOST ! Expliquez-moi ça ! »

Jusqu’alors tranquillement assise, elle lève un regard surpris en ma direction. Je viens me positionner juste devant elle, et plaque mes mains sur la table avec fureur.

« -Qu’est-ce que vous m’avez fait, à la fin ?! Je croyais que cette expérience ne devait avoir rien modifié d’autre que ma mémoire des noms et des genres ! »

Tout en me dévisageant, elle cligne plusieurs fois des yeux, dubitative. Elle repose lentement le stylo qu’elle tenait, et répond avec prudence.

« -… C’était effectivement l’objectif recherché.
-OK ! Alors comment vous expliquez ça ?! »

J’attrape mon téléphone, et le lui lance, toujours ouvert sur la même photo qu’à mon départ précipité de ma chambre. La psychologue s’en saisit, l’observe, puis me fixe avec la même expression incertaine.

« -Il s’agit de Samuel Douglas, anciennement Pyroli à l’académie… Et donc ?
-... Et donc ?! Pourquoi… Pourquoi je me sens si mal à l’aise, quand je regarde sa photo ?! Vous… Vous dîtes que même en me prenant pour un autre, au fond de moi, je suis toujours Ginette ! Et pourtant…  »

Je place une main sur mon cœur, et de l’autre, indique mon Ipok avec insistance.

« -Conformément à mes souvenirs, Ginette devrait avoir eu une attirance pour ce type, non ?! Puisque dans ma mémoire, j’ai été proche de lui en tant que Stella… Alors pourquoi… Pourquoi est-ce que je ne ressens que de la répulsion ?! Pourquoi… Est-ce que l’idée que Stella soit un homme me rebute autant ?! »

Ghost hausse les sourcils, visiblement étonnée par la tournure des événements. Avec précaution, elle analyse plus en détail la photo, qu’elle tourne ensuite lentement vers moi.

« -Est-ce que tu… Serais en train d'insinuer que...» elle plisse les yeux  « ... La modification de ta mémoire a influé sur ton orientation sexuelle ? »

Mes mains viennent agripper mes cheveux. Stella… Je l’ai aimée, c’est certain, tout comme j’ai pu être attiré par Sakura et aimer Erika. Mais pourtant, ce Samuel… Je ne ressens absolument rien de tel pour lui ! Je peux, lui associer le comportement et les images de Stella… Mais après, tout se bloque ! Mon estomac se noue, et un profond mal être m’envahit... Pourtant… Pourtant, si je suis bien Ginette, comme j’ai accepté de le croire, je devrai toujours éprouver quelque chose pour lui, non ?! Je suis toujours autant attachée à Dorothée en tant que Ginette que je le suis avec Oz dans mes souvenirs en tant que Ginji… Alors pourquoi cela ne marche plus avec lui ?!

« -Je… Je ne sais pas ! Je… Je ne comprends pas ! Pourquoi... Pourquoi est-ce que je n'arrive plus à éprouver le moindre attachement pour elle... OU LUI ! Bordel… Qui suis-je à la fin ?! Ginette ?! Ginji ?! Est-ce… Est-ce mes souvenirs qui sont réels, ou est-ce mes émotions qui sont tronquées ?! Que...  » je hurle presque au visage de Ghost « QUE DOIS-JE CROIRE, A LA FIN ?! Si même mon cœur n’est plus fiable pour définir qui je suis… Alors qu’est-ce que je suis supposé être, au juste ?! »

Un long silence plane dans le cabinet. Haletant, je dévisage la psychologue et refuse de détourner mes yeux des siens, comme si à force de vouloir la percer, je pouvais y lire le fond de ses pensées. Après tout, c’est à cause d’elle que je me retrouve en pleine crise identitaire, alors elle a intérêt à avoir une réponse à m’apporter !

Elle se contente pendant un certain moment de soutenir mon regard, pensive, mais finit néanmoins par se lever. Comme elle semble en avoir l’habitude, elle entreprend ensuite de contourner son bureau tout en déroulant le fil sa réflexion.

« -... Et si depuis le début, j’avais surestimé l’influence du Neitram, et sous-estimé celle de ton subconscient ? »

Je la regarde s’avancer vers moi sans comprendre. Elle passe derrière mon dos, et continue de m’analyser de haut en bas.

« -Dis-moi, es-tu certaine d’avoir été attirée par ce Samuel, par le passé ?.. Ou plutôt, penses-tu sincèrement que tels auraient été tes sentiments en tant que Ginette à son égard ? Et si depuis le début… Ce doute, ce mal être subsistait, mais que tu refusais simplement de l’admettre ? »

Je rétorque avec agacement.

« -Que… ? Où est-ce que vous voulez en venir ?! »

Elle hausse les épaules, et reprend la route vers son siège.

« -Eh bien… Simplement que, peut-être n’as-tu jamais été attirée par les hommes… Et que… Tu t’en es convaincue.  »

Mes sourcils se froncent sous la perplexité.

« -Quoi ? Mais… Je n'ai jamais été attiré par les hommes, justement, je... ! » je m'interromps « -A-attendez. Vous insinuez que la Ginette que je devrai être, et qui selon les changements de genre, est attirée par les hommes, ne le serait en fait pas ? Et que du coup, elle... Ou je... Refuserai de l'admettre ? »

Elle se rassoit avec nonchalance.

« -Les gens ont beau être plus ouverts de nos jours, la question de l’homosexualité reste taboue chez certains foyers... Majoritairement en milieu rural, d’ailleurs. »

Je lui lance un regard noir. Est-elle en train de faire référence à ma famille ?

« -Ma théorie, c’est simplement que… Ton attrait pour le genre féminin a toujours été réel, mais que… Par égard envers certains canons de société, tu as préféré refouler ça. Du moins, jusqu’à notre petite séance de hier soir où… Devenir ce Ginji s’est avéré être une belle opportunité pour toi de justifier tes... Préférences, dirons-nous. »

Je cligne des yeux, éberlué. Est-ce qu’elle est en train de se moquer de moi ?

« -Vous… Vous dîtes que je me suis inventée une autre personnalité pour faire corroborer mon attirance envers les femmes avec celle d’une personne hétérosexuelle ? »

Elle hoche la tête.

Je plaque à nouveau mes mains sur la table.

« -NON MAIS VOUS VOUS FOUTEZ DE MOI ?!... IL… IL VA PARTIR JUSQU’OÙ, VOTRE DÉLIRE ?! Que l’on ait trafiqué ma mémoire pour me faire confondre les genres, c’est une chose, mais ne m’accusez pas de mentir avec mes sentiments ! Ou alors… Ou alors, assumez que c’est à cause de vous qu’ils ont changé, ET REMETTEZ LES CHOSES EN PLACE ! »

Ghost sourit lentement. Sa main passe sous son bureau, et resurgit ensuite pour déposer une Pokéball sur la table.

« -Je te rappelle que tu as refusé mon aide, tout à l’heure… Je t’ai déjà expliqué que je pouvais réarranger tes souvenirs, et… Si tu souhaites te convaincre qu’en tant que Ginette - en tant que femme - tu aimes forcément les hommes, alors je peux également te plonger dans cette illusion.
-… MAIS ! Ce n’est absolument pas ce que je suis en train d'insinuer !
-Pourtant, c’est ce que tu fais. Après avoir vraisemblablement accepté ta féminité, tu la remets à nouveau en doute sous prétexte de ton attirance pour les femmes... »

J’entrouvre la bouche pour répliquer, mais aucun son n’en sort. Ce qu’elle dit paraît faire sens, mais… C’est pourtant elle qui a prétendu que la modification de mes souvenirs n’a en rien entraîné celle de mes sentiments ! Et je suis convaincu d’avoir aimé Stella et Erika ! Alors si je suis réellement Ginette, je devrai avoir tout autant aimé Samuel, non ?! Donc pourquoi il n’en est rien ?! Est-ce… Est-ce réellement parce que je me mentais à moi-même, ou est-ce parce que depuis le début, je suis et j’ai toujours été Ginji ?!

« -Néanmoins, si la perspective de voir ta mémoire à nouveau bafouée te dérange autant, il y a également d’autres alternatives. La science fait de merveilles, de nos jours, et… Si tu le souhaites, tu pourrais tout à fait faire de ce Ginji une réalité. »

J’écarquille lentement les yeux, complètement égarée. Que dois-je faire ? Que dois-je écouter ? A quoi me fier ? Que accepter ? Que rejeter ? Je ne sais plus ni où j’en suis ni ce que je veux être. Ginette ? Ginji ? Je préfère être attiré par Samuel ou par Stella ? Et dans quelle configuration ? Une fille qui aime un garçon, un garçon qui aime une fille, une fille qui aime une fille ? Qu’est-ce que c’est supposé changer ? Quelle importance ? Et Dorothée, dans tout ça ? Et les autres ? Et tous ? Devrai-je les consulter ? Les avertir ? Leur demander ? A qui me confier ? A quoi me conformer ? Est-ce que ce choix ne me concerne que moi ou concerne-t-il tous mes proches ? Et dans quelle propension ? Est-ce un bien ou un mal ? Pourquoi est-ce aussi compliqué ? Pourquoi est-ce que tout part autant en live ?!

Pourquoi est-ce que ça ne peut juste pas s’arrêter ?!

A la fois épuisé mentalement et physiquement, je finis par me laisser tomber sur la chaise, juste devant le bureau de Ghost. Cette dernière n’a pas bougé d’un iota et me contemple avec le même œil analytique.

Son doigt se pose alors sur la Pokéball devant elle, et commence doucement à la faire tournoyer.

« -… Alors ?... Ne te sens pas pressée, personnellement, j'ai tout mon temps, mais... »

Elle sourit tendrement.

« -Il va bien falloir que tu fasses un choix. »





















***

Jamais je n’aurai un jour pensé être la cible de ces tourments là.

Comment est-ce qu’une simple question de genre peut-elle à se point bouffer quelqu’un ?

On a beau tout faire pour passer outre, on a beau tout faire pour l’ignorer, il est indéniable qu’une certaine pression s’exerce sur la vie d’un être humain, et qui diffère selon le fait qu’il soit un homme, ou une femme.

Cela ne m’avait jamais pleinement traversé l’esprit. Je n’en avais jamais saisi toute la substance, et si rien de tout ça ne serait arrivé, sans doute que l’interrogation ne se serait jamais posée.

Au final, il m’a fallu choisir. Par quoi me définir ? Mon genre ? Mes attirances ? Ou la cohésion entre les deux ? Ce n’est pas le genre de dilemme que l’on résout facilement, ou que l’on peut simplement laisser couler. Il y a un moment où une résolution doit se prendre, et s’appliquer pour retrouver un équilibre mental sain.

Ginji, Ginette… Je me plais à croire qu’au final, cela n’a pas d’importance. Que quelque soit le choix effectué, les choses seront celles qu’elles ont toujours été.

Mais au fond de moi, je me doute que ce ne sera pas aussi simple. Il y aura des habitudes à prendre. Des réflexes à récupérer. Pour moi… Ou pour les autres.

Je crains qu’il n’y ait aucune vérité, ni solution miracle. A moins peut-être, de complètement se débarrasser de cette notion de genre qui me pose tant de problème ?… Mais est-ce qu’au final, cela ne reviendrait pas à amoindrir notre identité humaine ?

… Ah. Pas comme si je pouvais y faire grand-chose, hélas.

Notre monde est tel quel. Et il faut savoir évoluer en son sein…

Et effectuer les choix qui nous semblent les plus justes.

C’est… A peu près tout.


C’est juste comme ça que les choses marchent.



« Je peux pas me ramener à la maison, et faire, "Chérie, regarde ça, j’ai ramené un cyborg du futur !" »
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