« Question de genre »HRP :
Univers : celui de PC.
Contexte détaillé : un matin lambda, Ginji se réveille. Mais... Quelque chose a changé.
Rp solo, PV ou ouvert à tous ? : C'est un one shot, donc un solo !
Pokémon : yeah ils sont là oklm.
* tousse * ALORS.
J'ai rédigé cet UA sur un coup de tête, et... Hum.
Je m'excuse par avance envers les potentiels lecteurs ! Tout simplement parce que l'histoire ne se veut pas être un simple "oh la la je suis une fille c'est trop gênant" comme on peut naturellement s'y attendre dans ce genre de contexte. Il y a une volonté de soulever des questions derrière, et... J'ai peur que le tout soit juste trop perché, tordu ou maladroit. Idk, en fait, si ça se trouve je me pose juste trop de questions. Mais dans tous les cas, si vous pouvez me faire des retours sur cet essai, je prends volontiers !
« -… »Je m’étire de tout mon long dans mon lit. D’une inspiration, je savoure l’odeur de mon oreiller, curieux mélange de lessive, de sueur et de bestialité. Cette dernière note est très certainement liée à la présence abondante de Pokémon sur ma couette, qui tant bien que mal, parviennent à y dormir en dépit de mes mouvements.
Dans une longue expiration, je me redresse. Je me sens étrangement lourd, et juge bon d’aller me débarbouiller dans la salle de bain. Délicatement, je retire mes pieds de la couverture afin de ne pas déranger Harissa, Meg, Spark, et mes trois Magnéti qui y dorment, puis les pose à terre. Mes mains viennent ensuite frotter mes yeux encore à moitié endormis, tandis qu’eux balayent la pièce pour y faire un peu de repérage. Voyons voir… Zelf et Punch dorment côte à côte près de mon armoire, Oz s’est posé sur sa queue aux côtés de Euphie, Webble s’est tissé un lit dans le coin juste au dessus de ma porte, et les Motismachines de tous mes Motisma sont posées contre un mur, à l’arrêt. Le passage jusqu’à la salle de bain n’est pas trop encombré… Je vais juste devoir faire attention à Lucina et Châtaigne qui dorment pas loin de celle-ci.
Tiens ? D’ailleurs…
« -… La crinière de Lucina a bien poussé… Il va peut-être falloir la réduire… »Je m’immobilise à la fin de ma phrase. Mon expression se fait plus perplexe, et ma main gauche se porte jusqu’à mon cou.
« -… Ce… Cette voix ?… »C’est moi ou elle est plus aiguë ? Elle n’est pas aussi fluette, d’habitude… Quoi, j’ai encore échangé mon esprit avec celui de quelqu’un d’autre ? Non, ça n’a pas de sens, je suis bel et bien dans ma chambre. C’est sûrement un simple mal de gorge… En plus de ça, mon corps est parfaitement norm…
« -… ! »J’écarquille les yeux au moment de baisser la tête.
Euh.
Euh.
Euh.
Euuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuh.
…. C’est….
… C’est quoi…
… C’est quoi ces…
… Ces…
… C’est quoi ces
formes ?
Complètement paralysé, je reste totalement tétanisé par la découverte de deux protubérances fixées juste sur mon buste. Je ne fais rien, je ne dis rien, je crois même que je ne respire plus : mon âme semble s’être complètement volatilisée à la vue des reliefs formés sous mon t-shirt.
Un très long moment de solitude et de silence s’ensuit. Je n’ose pas émettre le moindre mouvement, et ma main ayant tout juste relâché ma gorge reste suspendue dans les airs. Autour de moi, mes Pokémon dorment paisiblement, et le temps ne semble en rien s’être suspendu.
C’est cette prise de conscience qui me permettra de définitivement abaisser ma main. Déconnectant complètement mon regard de ces… Trucs… Je me lève enfin de mon lit, et me dirige, le pied ferme, vers ma salle de bain.
« -Il faut que je me passe de l’eau sur le visage… Raah, mais cette voix ! »Un grognement est émis par quelques uns de mes compagnons lorsque je monte inconsciemment le ton. Je ne fais que leur jeter un court regard pour m’assurer qu’ils dorment toujours, et pénètre en trombe dans la salle de bain.
Je pose alors mes mains sur le rebord de l’évier, et observe mon reflet dans le miroir.
« -… »C’est… C’est moi ?
De courts cheveux bruns. Les yeux marrons, un regard jeune et infantile… Mais…
… Avec un air anormalement efféminé.
C’est… C’est bien mon visage, j’en suis sûr ! Mais… Je ne saurai dire quoi, il a… Quelque chose de… De différent ! Et… En plus, il y a….
Mes yeux se dirigent vers le reste de mon corps. Je porte mon pyjama habituel… Un vieux t-shirt et un pantalon en tissu… Mes pieds sont nus, et je n’ai pas l’impression que ma taille ou ma corpulence ait beaucoup changé. Enfin… Si j’omets que… Mes cotes me semblent légèrement plus fines… Ce qui est contrebalancé par mes hanches, qui elles se… Sont élargies ?
Et… Il y a toujours ces choses qui…
« -… Oh merde. Oh merde oh merde... ! »Je me prends le visage des mains, et recule de quelques pas, jusqu’à percuter l’armoire dans mon dos. Le tout fait un certain boucan, qui je l’entends, dérange mes compagnons de l’autre côté. Mais je suis bien trop bouleversé et perdu pour m’en soucier : mon cœur bat la chamade et ma respiration se fait lourde.
Ne me dîtes pas que… Je suis vraiment… ?!
« -Eh, c’est quoi ce bordel… ? »Une voix familière vient m’interrompre. Enfin, familière… Je crois la reconnaître, mais… Elle aussi est beaucoup trop fluette pour être celle de… !
Oz surgit dans la salle de bain. En lévitation sur sa queue, il me foudroie du regard, avec un air à moitié endormi.
« -Je peux savoir ce qu’il se passe ? Il est encore super tôt…-… O-oz ?! »Son énervement laisse place à une mine perplexe. Tournant légèrement la tête, il semble s’interroger.
« -… Comment tu m’as appelée ? » J’écarquille en grand les yeux. Comment ça, comment je l’ai appelé ?!
« -Bah… Par ton surnom… Oz ? »Finalement, il récupère une mine blasée.
« -Bon sang… Qu’est-ce que tu me sors, de bon matin, Crétine ? » Mon incompréhension se fait encore plus grande.
« -Que… Comment ça, "Crétine" ?! » je le dévisage avec effarement
Ça ne te choque pas plus que ça que… ? » et à bout de nerf, je finis par prononcer l’invraisemblable
« … Que je sois devenu une fille ?! »En effet, cela n’a absolument pas l’air de le déranger. Visiblement agacé, mon starter se frotte le front d’une patte.
« -… Merde, mais à quoi tu joues ? Pourquoi ça me choquerait aujourd’hui ? Tu es une fille, tu l’as toujours été, et à ce que je sache, tu le resteras toujours... » Alerté, je secoue la tête de droite à gauche en panique.
« -Non, non, je ne suis pas une fille !-… Si, t’en es une.-Non, non, non… -… Si.-NON ! » La brusque élévation de ma voix est suivie par de nouveaux râles, émanant de la pièce d’à côté, et signe du dérangement provoqué par autant de bruits. Oz leur lance une courte œillade, et referme par télékinésie la porte, pour ensuite me fusiller du regard.
« -Bon, qu’est-ce qu’il se passe, à la fin ? » Comme si j’étais sur le point de m’effondrer, je ressens le brusque besoin de m’asseoir. Je me pose alors sur le couvercle des WC, et cale mon front contre la paume de ma main droite.
« -I-il se passe que… Je ne suis pas censé être une fille, e-et… Même ma voix, elle… Et… Et toi aussi, d’ailleurs, tu… ! T-tu… ? »Je relève la tête en prenant conscience de quelque chose.
« -… Tu dis que c’est quoi, ton surnom ? »Nonchalant, "il" me répond comme si c’était la chose la plus naturelle au monde.
« -Bah… Dorothée ? Que veux-tu que ça soit ? » Mon menton redescend, cette simple réponse suffisant à ébranler le maintient de mon crâne.
« -… Q-quoi ? » je ferme les yeux
« Dorothée ? Comme… Comme l’héroïne du… Du roman... Le Magicien d’Oz… ? »"Il"… Enfin, clairement… "Elle", semble avoir une réalisation suite à cette remarque.
« -Oh. Ça vient de là, le "Oz" dont tu parles ? -O-oui ! C’est… C’est de là que te vient ton surnom, normalement, mais… Ce n’est pas censé être Dorothée ! C’est Oz ! Et d’ailleurs, tu… Tu n’es pas supposé être une femelle, toi aussi ! »"Dorothée" claque de la langue avec agacement.
« -Tu vas arrêter, avec tes histoires ? T’es pas censée être une femelle, je ne suis pas censée être une femelle non plus... Alors quoi, c’est quoi la suite ? Que Kuru n’est pas censé être un mâle ? -Ku… Kuru ? » à nouveau, mes yeux s’écarquillent lorsqu’un cheminement se fait dans mon esprit
« Attends… Comment tu appelles Lucina, toi ? » Ma question la laisse perplexe.
« -Lucina ?… Tu parles de Lucien ? Quoi, ce n’est plus un mâle, lui aussi ?-… ! » Si sa crinière m’a semblé anormalement longue, tout à l’heure… C’est parce que Lucina est devenue un mâle ! Et que les Luxray mâle ont une toison plus développée que les femelles… Et… Et ce Kuru, dont il parle… C’est Euphie ? M-mais… Mais alors… Cela veut dire que ce n’est pas juste Oz et moi qui avons changé de genre ? C’est… Mon équipe toute entière qui a été touchée ?!
« -Et… Et Spark ?! -Hum… Tu parles de Mark ?-E-et… Et Arlo ?! -Euh… Ariette, la Amagara ?...-White Lady ? -… Sir, plutôt, non ? White Sir ?-… Sharon ? -… Pourquoi tu me parles de la compagne de Terry ? -… Hein ? Tu veux dire que c’est Terry, qui est dans notre équipe ? -… Euh… Oui… ? On parle bien du Ptéra qui se prend pour le maître des cieux et hurle sur tout le monde ?-… » mes épaules s’affaissent, et mes yeux fixent le sol
« Ok, donc c’est bien Sharon. » C’est… C’est complètement fou ! Rien de tout ça n’a de sens ! Enfin… Si, il y en a un, mais… C’est comme si tout le monde a changé de sexe, et… Et que leur surnom s’y est adapté, comme si cela avait toujours été comme ça et qu’ils ont été nommés ainsi dès le départ ! C’est… C’est une histoire de dingue !
Face à mon air abattu, une expression plus désolée s’affiche sur le visage de celle supposée être "mon" starter, et qui se rapproche alors tout doucement de moi pour me rassurer.
« -… Hum, ok, Crétine, tu… » incertaine, sa patte vient tapoter mon épaule
« … Je ne suis pas sûre de comprendre ce qu’il se passe, mais… Tout va bien, ok ? Tout a toujours été comme ça, et… Tant qu’on se serrera les coudes, euh… Rien ne changera ? D’accord ?-… »Lentement, je relève la tête, et nos regards se croisent.
« -Tu… Tu pourrais m’appeler par mon prénom... S’il te plaît ?… Rien qu’une fois ? »Ma demande l’étonne légèrement.
« -Euh…. Ok ? Si tu veux… »Je déglutis lentement.
« -… Ginette ? »-... »Ok. Là c’en est trop.
Je me lève d’un bond, passe à côté de la Raichu d’Alola, et ouvre la porte de la salle de bain.
« -Je dois aller prendre l’air.-Quoi ?… Eh, attends ! »Je ne l’attends pas. Coupant tout droit au travers de ma chambre, qui elle, n’a pas changé d’un poil, j’ouvre la porte et déboule dans le couloir.
Dont les murs sont d’un jaune extrêmement lumineux.
Cette découverte m’arrête dans mon élan, et je m’immobilise devant notre entrée. Assez longtemps pour qu’Oz… Hum, Dorothée, puisse me rejoindre, et refermer la porte derrière lui. Elle.
« -Nous… Nous sommes bien dans le dortoir Voltali ?-… Oui ?-Et… C’est toujours supposé être un dortoir pour hommes ?-… Non ? »Je sens mon cœur palpiter. Donc… Même le genre des dortoirs, c’est inversé ? Mais alors …
« -Je… Je dois m’assurer de quelque chose ! »Me remettant en marche, je prends la direction de la sortie. Dorothée me suit du regard.
« -Et tu comptes aller où, comme ça ? Tout le monde dort, à cette heure-ci… »Je ne réponds pas, perdu dans mes pensées. Il… Elle finit par me suivre.
« -Je te rappelle que tu es toujours en pyjama, en plus. Tu n’es pas supposée te changer, d’abord ? »A sa remarque, je baisse les yeux sur mon haut – et les relève immédiatement, rouge.
« -N-non. Ça ira pour aujourd’hui. »Elle prend un air blasé.
« -Je ne sais pas contre quoi tu t’es cognée la tête en te levant, ce matin, mais je ne vais certainement pas te laisser sans surveillance. » son attention se focalise ensuite sur notre route
« Je présume qu’on rattrapera notre sommeil demain matin. »Je souris, quoique un peu crispé.
« -O-ouais. On fera ça. »C’est si dérangeant.
Tout est à la fois si étrange et si familier. Que cela soit Oz ou moi-même… Je n’ai pas l’impression que tant de choses ont changé. Et pourtant… Impossible de me sentir à l’aise. Je ne me sens clairement pas à ma place. Il… Il s’est passé un truc, c’est certain, mais je n’arrive pas encore à mettre la main sur comment. Pourquoi suis-je le seul à me souvenir que nous étions tous les deux des mâles, jusqu’à hier ? Est-ce que… J’aurai été déplacé dans une sorte de dimension parallèle, où tous les genres sont inversés ? Cela n’a pas de sens ! Comment une telle chose serait possible ? Non, cela doit être une farce, une farce gigantesque, ou… Ou une hallucination, je ne sais pas… Peut-être que c’est… Une sorte de machination, on a pris une fille qui me ressemblait à peu près, on a fait un Permucoeur, et pouf ? Et tout ceci est une gigantesque caméra cachée aux dimensions démesurées ?
Peut-être que celui vers qui je me dirige saura m’apporter un élément de réponse. Ou peut-être pas. Je n’ai absolument aucune idée de ce qu’il peut m’apprendre, mais j’ai besoin de savoir !
Le campus n’a, lui, pas changé d’un poil. D’un pas ferme, je rallie le Dortoir Phyllali, et arpente ses couloirs complètement normaux jusqu’à une certaine chambre. Devant celle-ci, je m’arrête, et donne trois coups fermes.
« -Cael ! Tu es là ? »Oz… Enfin, Dorothée, me lance un regard alerté, pour me rappeler que je n’ai pas besoin de faire autant de bruit. Je n’ai pas le temps de plus m’en soucier que rapidement, la porte s’ouvre, et laisse place à…
… A Cael. Il n’a pas l’air bien frais et ses cheveux sont en vrac, mais… C’est bien Cael !
« -Anh… Donc tu es bien un mec ! »Un lourd silence de plomb s’ensuit. Le visage et les poings du Phyllali se ferment, avant que cela ne soit au tour de la porte, qui se claque juste devant mon nez. Surpris, je reste parfaitement droit, jusqu’à ce qu’à nouveau, elle se rouvre sur un Cael complètement blasé.
« -J’peux t’aider, aMIE, ou j’peux aller me recoucher ? »… Je cligne de multiples fois des yeux, d’un air quelque peu hébété. Il me faut un court moment avant d’enfin balbutier quelque chose.
« -A-attends… Donc en fait, t’es une fille, toi aussi ? »Mê… Même ici, Cael serait toujours autant… Androgyne ? Et c’est pour ça qu’il ne semble pas avoir changé ? Je n’en ai pas vraiment la certitude – d’autant que cette fois-ci, je ne peux pas me servir de l’astuce des dortoirs –, mais sa réaction m’en dit plutôt long. Après un long silence gênant, "Cael" me lance un regard inquiet.
« -… Réponds moi sincèrement… T’as bu ou mangé un truc pas net ? »Restée silencieuse jusqu’alors, la Raichu d’Alola intervient.
« -Je te jure qu’elle n’a rien avalé d’anormal en ma présence, hier. »… « Qu’elle » ?… Une minute... Oz-euh, Dorothée ! Insinuait déjà tout à l’heure que tout était normal jusqu’à hier. Le changement s’est effectué entre la fin de la journée, et ce matin… Faut-il que je retrace le fil de ma soirée pour comprendre ce qu’il s’est passé ?
« -H-hum… D… Désolé de t’avoir dérangé, coP… Euh, aMIE ! J-je dois te laisser ! A plus ! »Toujours sans attendre de réponse, je repars au quart de tour, et m’éloigne le plus possible du Phyllali. Ma starter ne me suit pas immédiatement, et prend le temps d’échanger un regard dépité avec le… Ou la Ranger.
« -Je la surveille. On en reparlera plus tard. »Et elle part me rejoindre.
Elle me rattrape à l’extérieur, alors que je l’attends justement à l’entrée du dortoir Phyllali. Enfin, attendre… Alors que je fais les cent pas et que mes mains viennent agripper mes cheveux pour les tirer, comme si la douleur m’aidait à y voir plus clair.
« -Tu… Tu me confirmes que le Dortoir Phyllali est un dortoir féminin, du coup ?-… Oui.-Et… Comment tu épelles Cael ? »Elle lève les yeux au ciel, signe d’une courte réflexion.
« -C, A, E, L, L, E ? »Je cesse de tourner en rond, et laisse mes mains glisser le long de mon visage.
Donc c’est bien une fille.
Ok… Donc pour tout le monde ici, le changement de genre est parfaitement normal, et l’entièreté de l’univers ne s’est jamais déroulé autrement. Enfin… Je crois ? Ne me dîtes pas que ma théorie la plus plausible est celle du changement de dimension ? Comme si cela pouvait exister, pareille dimension parallèle ! La probabilité que deux mondes parfaitement identiques, mais différents à l’échelle du genre de chaque individu, existent, est complètement nulle ! Et puis… Est-ce que ça voudrait dire que la version féminine de moi-même… Aka… Ginette… Serait actuellement dans mon corps à moi, dans mon monde ? Et est-ce qu’elle suivrait le même parcours, du coup ? Épaulée d’un Oz complètement blasé devant un Ginji au comportement étrange ?
Oh la la… Tout ceci devient bien trop tordu.
Complètement dépassé par les événements, je laisse mes pas me diriger lentement vers un banc, et m’y chois lamentablement.
« -Pouah… Mais qu’est-ce qu’il se passe… ? » Tout à fait mutique, Dorothée se rapproche. Si un silence gênant s'installe entre nous, je finis néanmoins par lui lancer un regard désolé.
« -Pardon… Tu dois tellement me prendre pour un fou...-Une folle.-… Quoi ? »Elle pose ses pattes sur ses hanches, et me fusille du regard, sévère.
« -C’est toi qui m’as appris les subtilités du langage humain, je te rappelle. Et comme vous êtes des gens tordus, vous insistez pour faire la distinction entre un fou mâle, et un fou femelle. » elle plisse les yeux
« Donc toi, je te prends pour une folle. »... Non, là je ne peux pas. Je lui rétorque en un soupir exaspéré.
« -Et est-ce que tu vas intégrer qu’actuellement, à l’intérieur, je suis un garçon ?… » mon expression s’illumine soudainement
« … Mais oui, c’est ça ! Oz ! E-enfin… Dorothée ! Avec tes pouvoirs psychiques, tu peux analyser mon âme, pas vrai ? Mon moi profond ? »La Raichu d’Alola se fait incertaine.
« -Euh… Oui ? »Je me lève d’un bond, emballé par mon idée.
« -Alors vas-y ! Sonde mon âme ! Connecte toi à mon esprit ! Et tu verras qu’au fond, je suis… ! »Elle me coupe net.
« -… Toujours la même Crétine.-… Hein ? Mais attends ! Tu n’as même pas essay- !-Si. » son ton impératif me coupe toute voie de contestation
« Dès l’instant où je t’ai parlé, ce matin, je savais que c’était bien toi. Si ton esprit avait été échangé… Comme tu sembles le prétendre… Alors je l’aurai su. » La bouche entrouverte, je ne sais quoi répondre. Alors… Ma théorie est inexacte ? Mon âme est toujours la même ? Dans ce cas… Nos corps ont été modifiés et nos souvenirs altérés, et je suis le seul à y avoir réchappé ? Enfin… Pour ce qui est de la seconde partie, du moins…
Ou alors… Peut-être que les similitudes entre Ginette et moi sont telles qu’Oz… Enfin, Dorothée, est parfaitement incapable de faire la différence ? Cela n’aurait rien d’improbable… Si elle et moi sommes les mêmes, au genre près… Pourquoi notre esprit différerait ? On est d’accord que le mental transcende la notion de corps, n’est-ce pas ?
Oui… Cela me paraît plus logique qu’une modification à l’échelle globale. Même si bon, ça implique que je sois quand même passé dans une autre dimension, mais… Bah, j’ai déjà changé de corps et de temporalité, pourquoi pas d’espace ?
En accord avec moi-même, je ne me laisse pas abattre par cet échec, et sers plutôt les poings d’un air déterminé.
« -Il faut que tu m’aides à retracer les événements de ma soirée d’hier ! J’ai dû faire quelque chose pour que tout devienne aussi confus ! »Dorothée se gratte la tête, contrariée.
« -Je voudrai bien, mais… Nous nous sommes tous couchés après le dîner, tu te souviens ? S’il est arrivé quoi que ce soit d’anormal… C’était pendant que je dormais. »Je fronce les sourcils. Oui, c’est vrai… Hier soir, après le repas, j’ai laissé mes Pokémon se disperser comme à leur habitude dans ma chambre… Et ils se sont tranquillement endormis. Mais… Dans mon souvenir, j’étais un garçon, et Oz aussi ! Et tout le reste était normal ! Il n’était aucunement question de genres inversés et de noms adaptatifs !
… Oui… Dans ma mémoire, absolument tout était normal… Sauf peut-être…
« -… Je ne suis pas allé me coucher tout de suite. Après que vous vous soyez endormis… J’ai quitté ma chambre pour aller quelque part. »Les oreilles de Dorothée se redressent, intriguées.
« -Ah bon ? Pourtant… » elle reprend une mine pensive
« Lorsque je suis allée observer les étoiles, au milieu de la nuit, tu étais de retour dans ton lit. »J’acquiesce.
« -Parce que cela s’est produit entre 21h et minuit, à peu près… -… Mais quoi, au juste ? Qu’est-ce que tu es allée faire, hier soir ?… »Je me gratte la tête, incertain. Je me vois quitter ma chambre, et cheminer tranquillement au travers du dortoir Voltali… Pour finalement rejoindre le bâtiment principal. J’ai gravi les marches d’escalier, et… J’ai fini par me diriger vers…
« -… Le Docteur Ghost ? »Oui. Je me suis arrêté devant l’entrée de son cabinet, puis… Il m’a ouvert la porte. Et après cela…
« -Tu veux dire, la ? »La remarque de Dorothée me tire de ma réflexion. C’est vrai… Même le Docteur Ghost est une femme, dans ce monde ?
« -Hum. Pour le coup, je crois qu’on dit "le" quand même. Hum… A moins qu’on dise bien la Docteure ?… Ou la Doctoresse ? » La Raichu d’Alola soupire.
« -… Pff. Vous êtes vraiment compliqués, vous les humains. »Je chasse ce débat d’un mouvement de la main.
« -Aucune importance. Nous devons aller le… Ou la voir. Elle doit forcément avoir un rapport avec tout ça ! » Elle opine du chef, et nous mettons tous deux en route vers le bâtiment principal.
Évidement, à cette heure-ci, le campus est totalement désert. A dire vrai, je doute même que son cabinet soit ouvert… Il nous faudra sans doute attendre qu’elle arrive pour lui poser des questions… Fort heureusement, le rez-de-chausser, lui, l’est, et nous n’aurons pas à attendre bêtement devant la bâtiment que quelqu’un nous ouvre.
Nous gravissons lentement les escaliers menant aux quartiers du personnel. Enfin, nous… Dorothée, en sa qualité de Raichu d’Alola, lévite tranquillement au dessus des marches. Je ne peux d’ailleurs pas m’empêcher de l’analyser de haut en bas au cours de notre ascension. Elle ressemble trait pour trait à Oz… A l’exception de sa voix mentale qui diffère légèrement, tout chez elle me rappelle mon starter. Ses réactions, son tempérament, la façon dont elle me traite… Même sa mine blasée est rigoureusement identique.
Je présume que je peux aisément étendre ça au reste de l’équipe. Lorsque je me suis réveillé, je n’ai absolument pas remarqué que la totalité d’entre eux avait changé de genre… J’ai juste relevé la crinière de Lucina anormalement longue, mais c’tout. Et de ce que j’ai entendu de Dorothée à propos de Terry, qui est, à n’en point douter, Sharon, leur comportement est tout autant fidèle à leur être d’origine que celui de la Raichu d’Alola l’est à Oz.
C’est… Assez étrange. Mais je ne sais pas si j’irai jusqu’à dire que c’est… Aussi dérangeant que je l'ai prétendu de prime abord. Je veux dire… Je n’ai encore côtoyé aucun des membres de cette équipe éveillés, à l’exception de Dorothée, donc peut-être que je présume un peu trop, mais… Je doute déceler une réelle différence dans l’attitude globale de ce groupe. Je parle avec Dorothée comme je communique avec Oz… Et réciproquement. Donc, dès lors…
Même si, pour autant, il est parfaitement hors de question que les choses restent ainsi. Je dois trouver comment tout ceci est arrivé et faire en sorte que tout revienne à la normale !
« -… Tu me trouves étrange ?-Pardon ? »Perdu dans mes pensées, j’ai continué de fixer la Raichu d’Alola sans prêter attention au fait qu’elle aussi, me regarde.
« -Eh bien, d’après toi, je suis censée être… Oz, c’est ça ? Et le fait que je ne le sois pas te perturbe ? »Sa question est posée par parfaite curiosité, avec un flegme total dénué de reproche. Cette simplicité m’arrache un sourire attendri.
« -… Non. Je me disais justement que ça ne te changeait pas tant que ça.-Hmm. » elle détourne le regard
« Et donc, d’après ton délire de ce matin, nous avions tous un sexe et des prénoms différents jusqu’à hier ? Et tu serais la seule à t’en souvenir ? »Je secoue la tête de droite à gauche.
« -Non. Je pense plutôt que… Toi, et toutes les personnes qui t’entourent, aviez toujours été les mêmes, mais… Que c’est Ginette et moi-même qui avons échangé nos places. Ou quelque chose dans le genre. » Elle plisse les yeux.
« -Et comment ça serait possible ? »Je hausse les épaules, peu convaincu.
« -Je ne sais pas. J’ai déjà fait la rencontre avec une créature capable d’intervertir les corps, et une autre pouvant altérer le temps… Il y a bien des légendes concernant des Pokémon susceptibles de modifier l’espace. Pourquoi pas un de ceux là ? » Dorothée sourit.
« -Tu sais ce qui est le plus dingue, avec ton histoire ? » son regard vient se planter dans le mien
« C’est que c’est typiquement le genre d’embrouilles dans lequel tu pourrais t’embarquer. »Je lève légèrement les sourcils.
« -Môa… Tu parles de Ginette ? » Elle lève les yeux au ciel.
« -De qui d’autre ? »Nous arrivons tout juste à l’étage coïncidant avec celui du cabinet. Comme prévu, il n’y absolument personne, et les bureaux paraissent aussi déserts que les couloirs du bâtiment. Nous atteignons la porte assez rapidement, et déjà résigné à attendre, je me laisse glisser contre un mur.
« -Bon. Plus qu’à poireauter. » Une fois assis, je prends conscience que je suis au plus près de ces… Formes, qui font momentanément parties intégrantes de mon corps. Dans une forte envie de m’en désintéresser, je relève la tête en direction de Dorothée, et l’interroge.
« -Et toi, alors ? Comment tu expliquerais cette… Folie passagère ? » Postée contre le mur d’en face, paisiblement assise sur sa queue, elle hausse les épaules à son tour.
« -Ça ressemble à tous les autres délires que tu as pu avoir. Je pense que c’est juste toi qui disjonctes. » elle détourne le regard
« De toute façon, je n’ai pas les connaissances pour établir une théorie farfelue comme toi, tu en es capable… »A nouveau, je souris.
« -Ouais. Ça te ressemble bien de dire ça. » Mon starter a toujours eu cette fâcheuse tendance à refuser le débat sous prétexte de son manque de savoir. Suite à cette remarque, les yeux de Dorothée s’agrandissent légèrement, comme si elle retrouvait de l’intérêt dans la discussion.
« -Ah. Tu vois, tu te souviens bien de moi ! »Ce n’est qu’après que je réalise la confusion de ma phrase, que je cherche à rectifier aussitôt.
« -Non, non ! » j’insiste d’un mouvement de la tête
« Je parlais vis-à-vis d’Oz.-… Eh bien, raison de plus alors. »Je la dévisage sans comprendre, et elle développe.
« -Si tu reconnais toi-même que Oz et moi, c’est la même chose… Pourquoi ça ne serait pas le cas pour toi, et… Cette espèce de Ginette mâle pour qui tu te prends ? »J’entrouvre la bouche pour répliquer, mais ne trouve pas grand-chose à redire. Il est vrai que si pour moi, Oz n’a pas changé d’un poil, de son point de vue, les choses doivent être similaires. Même cette crise identitaire lui paraît anodine, placée aux côtés de mes autres lubies. Enfin, celles de Ginette, j’entends… La ressemblance doit être vraiment importante pour que Dorothée soit persuadée que mon âme soit bel et bien celle de sa dresseuse !
Pour autant, je ne suis pas convaincu que nous soyons les mêmes personnes. Mais puisque je suis incapable de justifier ce ressentiment, je ne peux que fuir le débat et détourner les yeux.
« -Ce n’est pas aussi simple… -Et en quoi ?-Eh bien, je… ! Je ne suis pas le même, voila tout. »Pour la première fois depuis ce matin, j’ose focaliser mon attention sur mon enveloppe physique.
« -Ce corps, il… Il me dérange. Bien que… Je l’admets, il lui ressemble, mais… Ce n’est plus le mien. »Dorothée soupire, et semble jeter l’éponge.
« -J’espère que tu vas rapidement recouvrer tes esprits, parce que cette histoire commence à vraiment devenir lourde. »Je ne renchéris pas. Bien que cela ne soit pas pour les mêmes raisons, je suis au moins d’accord avec elle là-dessus… Si je pouvais retourner dans mon monde au plus vite, cela m’arrangerait. Et sans doute que cela arrangerait également Dorothée et… Ginette, par la même occasion.
L’attente me paraît anormalement longue, et je sens très distinctement les battements anxieux de mon cœur tambouriner sous ma poitrine. J’essaye de faire de mon mieux pour l’ignorer, mais… C’est plutôt compliqué, lorsque l’on s’efforce déjà d’occulter les sensations transmises par tout le reste de son corps…
Dorothée reste totalement muette, et dans l’expectative. J’aimerai bien relancer la conversation et briser ce silence gênant, mais je suis parfaitement incapable de trouver avec quoi. Cela, cumulé avec ma hâte que tout ceci se résolve, rend la situation plutôt inconfortable. Elle n’est d’ailleurs pas sans me rappeler les événements survenus lors de la Saint Valentin, passée aux côtés de Stella… L’avantage au moins, c’est que là, mon nouveau corps est vaguement supposé être le même que celui de base. Il y a eu seulement quelques… "Menus" changements. L’inconfort d’envahir un espace qui n’est pas le sien est toujours aussi présent, mais il est atténué par l’absence de l’homologue avec qui l’échange a eu lieu.
Cette réflexion m’amène à me poser une nouvelle question. Si tout le monde ici n’a plus le même genre, alors… Cela voudrait dire que Stella ?…
Au moment où je m’apprête à interroger Oz… Rah, décidément ! Dorothée, notre attention est attirée par des bruits de pas tout juste audibles, au bout du couloir. Empli d’espoir, je me lève d’un seul bond, et observe en détail la silhouette de la personne qui approche.
Plutôt grande et fine, c’est une femme au déplacement léger et quasiment silencieux. Elle est vêtue d’un grand manteau noir qui ne contribue qu’à peine à lui donner du volume, et de longs cheveux de jais, dont les pointes semblent anormalement blanches. Quelques cernes se dessinent sous les traits pâles de son menu visage, et contribuent à renforcer une allure fantomatique déjà délivrée par un regard éteint.
… Ghost. C’est complètement le Docteur Ghost… Et, je dois le reconnaître… Être une femme lui réussit plutôt bien.
Lorsqu’elle réalise notre présence, elle s’immobilise. Mais un fin sourire naît sur ses lèvres quand elle semble me reconnaître.
« -Mademoiselle Labelvi ? Je ne t’attendais pas si tôt... »Je me crispe quelque peu à la mention qui précède mon nom de famille. Je crois que je cerne un peu mieux ce que ressent Cael, lorsqu’il se fait mégenrer… Et c’est ce qu’a probablement ressenti Caelle tout à l’heure, lorsque je l’ai prise pour un garçon. Cela dit, le Cael de mon monde devrait lui, plutôt se réjouir d’avoir ici été pris pour un mec… Non ?
Mais je divague. Pressé, j’en viens directement aux faits.
« -Il faut que vous m’aidiez ! Aidez à moi à retrouver mon corps d’origine ! »Une certaine surprise se révèle sur le visage de la Docteure.
« -… Ton corps d’origine ?-Oui ! » par réflexe, je plaque mon poing au niveau de mon cœur
« Ici, vous me connaissez en tant que Ginette, mais… En vérité, je suis un garçon, et je me nomme Ginji ! »Dorothée m’observe du coin de l’œil. Je ne réagis pas, et me focalise plutôt sur la réponse de Ghost, qui… Se contente de me passer devant.
« -… Je vois. Suivez-moi à l’intérieur. » Elle se met devant la porte du cabinet, et en déverrouille l’entrée. Une certaine sensation de soulagement envahit mon corps face à l’absence de rejet, tandis qu’une plus grande incompréhension s’affiche sur le visage de la Raichu d’Alola. Mais au final, nous rentrons tous les deux à la suite de la psychologue une fois qu’elle-même a passé le seuil de la porte, et prenons place devant son bureau après son invitation à le faire.
« -… Tu es en train de me dire, que… Tu es un adolescent et... Que tu te nommes Ginji, c’est bien cela ? » Être appelé par ce nom là provoque en moi une étonnante satisfaction. Alerte, je hoche vivement la tête.
« -Oui, c’est bien cela.-... Et c’est en te réveillant ce matin que tu as pris conscience que ce n’était plus le cas ? » A nouveau, j’acquiesce.
« -Oui. D’abord, j’ai noté qu’il y a eu un léger changement chez ma Luxray, et c’est ensuite que… » Elle me coupe la parole net.
« -Ta Luxray ?… Tes Pokémon aussi, ont changé de genre ? » Bien qu’un peu hésitant à cause de son interruption, j’opine du chef.
« -Euh… Oui oui. Et pas que eux… Vous, les élèves des autres dortoirs… En fait, là d’où je viens, tous les rapports sont inversés ! » La Docteur se fait de plus en plus pensive à mesure que je lui donne mes réponses. Elle médite quelques instants sur ce que je viens de lui révéler, avant de s’enquérir de tout autre chose.
« -Et… Si tu es venu me voir moi, c’est parce que… ? » Cette fois-ci, ma réponse tarde un peu plus, puisque moi-même j’ai oublié la raison originelle de ma présence. Je me remémore toutefois avoir pris la direction de ce cabinet hier soir, et le lui explique.
« -Eh bien… La seule piste que nous avons, c’est ma présence ici, dans la soirée d’hier. Donc on s’est dit que peut-être, vous pourriez savoir… » Je ne finis pas ma phrase, hésitant quant à sa tournure, mais conscient que Ghost a tout à fait compris où je souhaite en venir. C’est alors à elle de lentement acquiescer, puis de se reculer pour tirer l’un des tiroirs de son bureau. Elle y attrape quelque chose, qu’elle jette devant moi.
« -Dis-moi… Te souviens-tu de ceci ? » Perplexe, je saisis la pile de documents qu’elle m’a lancé. J’y lis, en guise de titre, « Études des pouvoirs psychiques et occultes sur les courants cognitifs classiques ». Autant vous dire que, sans les explications qui suivent, cela ne m’avance en rien sur ce que c’est.
« -C’est une thèse sur laquelle je penche depuis maintenant plusieurs semaines… Et pour laquelle j’ai récemment eu besoin d’un cobaye à titre d’observations. » Ses doigts triturent habilement un stylo, qu’elle pointe dans ma direction.
« -Il m’a suffit de te promettre un an de dessert au réfectoire pour te convaincre de te porter volontaire… » elle sourit, malicieuse
« Bien qu’elles soient parfaitement sans risque, tu te doutes bien que le rectorat ne m’aurait jamais autorisée à pratiquer ce genre d’expérimentations sur des étudiants… C’est d’ailleurs pourquoi il a fallu que tu viennes ici de nuit. » Je fronce les sourcils.
« -… De quelles expérimentations vous parlez ? C’est… C’est à cause de ça que je me suis retrouvé dans ce corps ? » l’espoir d’avoir enfin une piste renforce ma conviction
« ... C’est ça ? »Elle ne répond pas tout de suite, et plisse lentement les yeux. Dorothée la fixe avec un regard profondément noir, n’appréciant pas du tout ce qu'elle a insinué.
« -… Pas tout à fait. Mon travail se focalise actuellement sur la capacité qu’ont les Neitram à altérer notre mémoire… » Elle recule sa chaise, et se lève.
« -En demandant à l’un d’eux d’utiliser ses pouvoirs sur toi, j’ai cherché à établir dans quelle propension et dans quelle mesure ils sont capables de modifier les souvenirs… » Elle contourne son bureau, et vient se poster à côté de moi. J’écoute sans trop comprendre le cheminement de son discours, et sens une certaine pression monter à mesure qu’elle développe son propos. Perdu, je lui demande donc des précisions.
« -… Hein ? Mais en quoi cela a pu me faire basculer de dimension ? »Ce après quoi elle me fait un signe de négation du majeur.
« -Non non, tu n’y es pas du tout… Tu n’as jamais changé de dimension, ou… De monde, peu importe comment tu appelles ça. » Elle s’écarte, et entreprend de retourner de son côté du bureau. Je parviens de moins en moins à la cerner.
« -Quoi ? Mais alors… C’est le monde entier qui a changé de genre ? »Dorothée fixe la psychologue intensément, désirant elle aussi une réponse concrète. Ghost s’appuie contre sa table, et soupire.
« -Non. Ce que j’essaye de te dire, c’est que… » Ses yeux se plongent dans les miens, avant qu’elle ne lâche son verdict. Un verdict froid, et sans appel.
« -Ginji n’a jamais existé, Ginette. » Sa réponse me glace le sang. Complètement tétanisé, je ne peux que la fixer sans comprendre, ni saisir la situation. Loin de s’en soucier, elle reprend sa petite ronde autour de son bureau.
« -J’ai demandé à mon Neitram de remodeler ta mémoire, et de te faire croire que tu as toujours été un homme. Et je dois dire que le résultat est… Surprenant. Je n’aurai pas attendu à ce qu’il pousse l’expérience au point de modifier dans ta mémoire les sexes et les noms de toutes les personnes qui t’entourent. » elle s’immobilise, et prend une mine pensive
« A moins qu’il n’ait fait cela par facilité ? Forcer ton cerveau à reconsidérer la notion des genres a peut-être induit un remaniement spontané de tes souvenirs, et un remodelage des noms de tes proches… Et de toi. Ainsi, le Neitram a rempli sa mission. » elle conclut d’un hochement de tête convaincu
« Ta courte amnésie ne serait alors qu’une conséquence de la surcharge de ton cortex préfrontal ; heureusement, celle-ci semble parfaitement anodine. » Elle s’arrête et me fixe. En dépit de mon absence de réaction, elle sourit tendrement.
« -Tu comprends où je veux en venir ? Ce que tu considères comme un changement d’univers n’est rien de plus qu’une modification de ta mémoire. C’est quelque chose qui se répare très facilement, d’ailleurs… Je t’avais bien dit, que tout ceci était sans risque. » Cette dernière remarque me tire de ma léthargie.
« -Attendez... Quoi ? »Furieux, je me lève d’un bond.
« -Sans risque ?!… Vous vous foutez de moi ?! A cause de vous, je ne suis plus dans le bon corps, et vous insinuez en plus que tout ce que j’ai connu n’existe pas ?! Moi… Moi le premier ?! »La Docteure ne se laisse pas impressionner pour un sou. Tout à fait égale à elle-même, elle me répond du tac au tac.
« -Ta réaction est tout à fait légitime. Ce matin, tu t’es réveillée avec l’infime conviction d’être quelqu’un d’autre, et d’évoluer dans un monde totalement différent du nôtre… Et je t’apprends simplement qu’il n’en est rien. » elle soupire tristement
« Se confronter à la futilité de ses souvenirs n’est pas une chose facile… Mais n’aie aucune crainte. Ce n’est pas parce que ta mémoire n’est plus tout à fait la même, que ton toi profond s’en retrouve changée. » de sa main de libre, elle commence une énumération
« Tes goûts, ton comportement, tes émotions, ton attitude, ou même les liens qui te rapprochent des autres individus… Tout ceci est resté parfaitement intact, sois en assurée. » Sa déclaration me panique plus qu’elle me calme. Prétendre que j’ai toujours été la même personne est mot pour mot ce que me répète Dorothée depuis ce matin. Et elle… Elle aurait raison ? Depuis le début, je… Je suis en fait exactement le même ? Voire…
La même ? Et… Simplement, je suis… Je suis partie dans un délire psychotique dans lequel j’ai inversé les genres de tout le monde ? Moi… Moi la première…
… Ginette ?
« -J’insiste, mais une simple intervention de mon Netraim permettra de corriger l’intégralité ta mémoire. Laisse moi simplement le temps de le sortir de sa Pokéball, et tu verras que tout redeviendra vite comme av… -N-Non ! »Fébrile, je tends un bras pour repousser Ghost, puis recule de deux pas.
« -N… N’approchez pas ces créatures de moi ! Elles ont déjà fait assez de dégâts comme ça ! »Mais ma protestation ne suffit pas à l’en convaincre, ni de lâcher l’affaire.
« -Je comprends ton appréhension, mais elles pourraient te procurer beaucoup plus de bien que tu ne le crois. Je peux même leur demander d’effacer cette désagréable mésaventure de ton esprit, si tu le souhaites...-Quoi… ? »Je recule un peu plus.
« -Vous voulez… Effacer Ginji ? Vous voulez... M’effacer MOI ?! Et tout le reste de mes souvenirs avec ?! »Elle expire doucement.
« -Allons, Ginette, sois raisonnable… Je viens tout juste de te l’expliquer. Tous tes souvenirs sont les bons. Simplement... Il y a quelques éléments qu’il faut recalibrer. -TAI… TAISEZ-VOUS ! Je refuse d’en entendre plus ! Si… Si vous ne voulez pas m’aider à regagner mon corps, et mon monde… Alors… Je me débrouillerai SEUL ! »Et sans attendre de réaction, je fais volte-face. C’est énervé que je franchis la distance qui me sépare du couloir, et commence à avancer sans idée précise de ma destination. Mon cœur est en ébullition et mes nerfs à vif : le seul souhait que j’ai dans l’immédiat, c’est de m’éloigner le plus possible de cette psychologue complètement perchée.
Moi, avoir des souvenirs complètement détraqués ? Cela n’a aucun de sens ! Je… Je suis Ginji, je le sais ! Un étudiant parfaitement normal, qui vit une scolarité qui l’est certes un peu moins, mais dont les souvenirs sont totalement réels et palpables ! Je le sais ! Je le
sais ! Je le sais, je le sais, je le sais !
JE LE SAIS !
Je suis MOI ! Et personne d’autre ! Au diable cette Ginette dont j’ai usurpé l’identité ! Tout mes souvenirs sont véridiques, ma mémoire est la bonne et je le ressens jusqu’au plus profond de mon âme ! Et je ne laisserai personne prétendre que tout ceci est erroné ! Personne !
Je trouverai une solution… J’ignore encore comment, mais… JE FINIRAI PAR TROUVER UN MOYEN ! Le moyen de retrouver mon corps, et… Que tout revienne à la normale !
TOUT !