C'était comme si c'était la fin. Je ne sentais plus mon corps, mes sensations avaient complètement disparu, je n'avais encore pour moi que la vue et mon esprit pour réfléchir et parler. Je ne pouvais pas bouger, ne serait-ce que d'un petit pouce, je ne me sentais même pas flotter dans ce vide blanc qui m'entourait et m'enveloppait comme une piscine de peinture transparente et entouré par des murs blancs. Je ne respirais pas, mais je ne me noyais pas non plus. Je ne sentais rien, je n'avais aucune douleur. Ma vie s'était sans doute achevé soudainement par le coup violent que m'avait asséné Anysia. Pourquoi ce coup ? Pourquoi elle ? J'avais bizarrement des souvenirs flous des évènements comme de tout mes souvenirs, mais j'identifiais encore parfaitement le son de sa voix, et les mots qui en provenait. Elle m'avait dit qu'elle y était obligé. Impossible, je connaissais assez bien cette fille pour savoir qu'elle ne ferait jamais ça et ce, à n'importe quel prix. Mais, et si je ne savais au final sur elle ? Si elle avait monté tout un simulacre sur sa vie pendant son séjour à l'académie, pourquoi l'aurait-elle fait ? Tout se chamboulait dans ma tête, je ne savais pas quoi penser. Et je ne pouvais rien faire de mieux que remettre tout cela en place. J'en avais parfaitement le temps, selon moi. J'étais sûrement mort à l'heure qu'il est, alors je n'avais pas à me presser. Je voyageais entre les morceaux de mes questions et tentait lentement de tout ramener à une unique réponse, le tout sans sourciller d'un millimètre. Mes recherches furent cependant stoppés par la soudaine apparition de mes pokémons. Il y avait mon Embrylex, ma Ponyta, mon Cabriolaine, mon Salamèche et mon Galifeu, qui m'observait en effectuant, eux, une nage digne d'un humain normal. Leur regard était rivé vers moi, ils m'observaient avec un silence insupportable. Pas un cri, pas un bruit soulignant leurs déplacements, comme si le vide les englobaient complètement. Une voix, puis deux, puis quatre, s'exprimèrent soudainement dans ma tête. Je ne connaissais pas ces voix, pourtant je savais : mes pokémons me parlaient. Une voix rauque mais attendrissante pour Embrylex, une enjoliveur et douce pour Ponyta, une calme et réfléchi pour Cabriolaine, une joueuse et enfantine pour Salamèche, et une joyeuse et mignonne pour Galifeu. Chacun avait la sienne, et instinctivement, je discernais chacune d'elles pour chacun d'entre eux.
«
Cesse tes actions, tu vaux mieux que ça ! lança le type roche et sol.
-
Mais … Je veux savoir pourquoi … répondis-je dans une gêne non prononcé, et surpris de pouvoir lui répondre sans problème par pensée.
-
Ton esprit se torture … Ne le détruis pas comme ça … Nous t'aimons … enchaîna la type feu.
-
Mais si je ne sais pas pourquoi, comment pourrais-je me sentir comblé ? renchéris-je.
-
L'ignorance t'es préférable. Nous avons besoin de toi, de ce que tu es. Tu es devenu notre seconde moitié dès l'instant où nous sommes devenus tes compagnons. Ne l'oublies surtout pas. poursuivit Cabriolaine.
-
Et … Que se passerait-il si je découvrais la vérité ? demandais-je alors.
-
Tu … Tu serais plus notre dresseur adoré ! répondit Salamèche, presque une larme dans la voix.
-
Vous êtes mon bonheur. L'un de mes bonheurs, c'est vrai, mais un grand bonheur. Je ne tiens pas à vous perdre. Je ne chercherais pas plus, et je ferais en sorte de n'être mis au courant de rien. Je vous le promets. déclarais-je sincèrement.
-
C'est la bonne solution. Nous t'en serons entièrement redevable. remercia Galifeu avant de me saluer de la main, rapidement imité par les autres, m'apprenant que j'allais partir. »
Mais où ça ? Pour moi j'étais mort. J'allais donc tout simplement disparaître. Ma décision m'avait conduit à perdre ce qu'il me restait de conscience. Je me laissais tranquillement porté par le courant fantôme qui m'emportait soudainement dans une immense noir obscure où ma vision se perdait peu à peu. Je fermais les yeux, je ne pensais à rien, je me laissais faire. Une bonne minute passa. Une minute ? Je n'en vais en fait aucune idée. L'impression que j'avais eu me l'avait indiqué. J'ouvris soudainement lentement les yeux. Le calme avait été remplacé par le brouhaha du cirque. J'ouvris peu à peu mes paupières, et laissait mes sens reprendre leurs droits. Je me sentais de nouveau jusqu'au bout des orteils, mon souffle calme était reparti, mon palais goûtait enfin pour la seconde fois l'air, mes narines avait à nouveau l'odeur fumante des flammes des lieux, et ma vision était resté la même. Je sentais une légère douleur au niveau du crâne, logiquement celui porté par Anysia pour m'assommer, mais je n'arrivais pas à m'en rappeler. Le coup de tête m'avait complètement flouté mes souvenirs les plus récents, en dehors de ce rêve étrange, que je ne trouvais bizarrement pas si étrange que ça. J'étais saucissonné comme un paquet-cadeau, pourtant je souriais. Les voix de mes compagnons m'avaient largement ramené à la raison. Pourtant, il fallait mettre plusieurs choses au clair. Je réussis à me lever avec difficulté, et avançait lentement vers la piste, sortant de ma cachette. Mon corps était quelque peu fatigué, mais il tenait bon. Il ne s'était pas trop reposé. J'aurais largement de quoi trouver un petit coin d'herbe pour me poser et réfléchir un peu. Mais avant, je devais m'assurer que tout était bien terminé ici, ce qui semblait être le cas. Tous les pokémons monstrueux avaient été maté, les flammes maîtrisés, et une sortie avait même été fait dans un coin du cirque pour permettre aux élèves de retourner à l'école avec les professeurs, qu'ils soient assommé ou pas. Un homme me vit marchait tout seul, ligoté comme j'étais, et vint à mon secours gentiment pour me libérer de mes liens. Il semblait intrigué par ma situation, et chercha à en savoir plus. Il fallait qu'au vu des évènements, on devait presque tous se poser des questions, moi le premier.
«
Dis-moi, mon garçon. Il n'engageait pas très bien la conversation.
Comment as-tu fait pour te retrouver ainsi ficelé ? Bien que cette soirée se soit fini par un véritable fiasco, tu es la première personne qui a fini ainsi pour l'instant. demanda-t-il sans se douter un instant de la vérité.
-
Merci de vous inquiéter pour moi, mais je tiens pas à ce que cela se sache, même par une seule personne. Je vous souhaite une bonne fin de soirée. répondis-je tout simplement.
-
Très bien, si tu le veux. Cependant, je te conseilles d'aller voir un médecin ou aller directement à l'hôpital, parce que tu saignes méchamment sur le côté droit de ton crâne. Je touchais mon front au même moment et découvrait que c'était vrai. Le coup avait été particulièrement violent, visiblement.
-
Merci de m'avoir prévenu, monsieur. Je vous souhaites encore une bonne fin de soirée. dis-je ensuite avant de me diriger vers la sortie. »
Les personnes sur mon chemin ne semblèrent pas très surpris de me voir saigner ainsi de la tête. Je les comprenais parfaitement. Le spectacle avait été particulièrement mouvementé. Voir passer quelqu'un blessé ne devait être alors quelque chose de choquant pour eux. Je marchais tranquillement sans trop prêter attention à leurs regards, cherchant juste mon chemin. Tous revenaient vers l'académie, je m'arrêtais bien avant, sur une petite colline bien à l'écart des chemins et de la vue des autres, mais pourtant bien éclairé par un lampadaire blanc qui plongeait précisément sur le point où je me posais calmement avant d'attraper mes pokéballs pour en sortir mes pokémons. Tous étaient, tous me fixaient avec leur regard triste. Ils semblaient avoir déjà compris les sentiments qui me traversaient. J'étais triste, mais j'essayais de me consoler en trouvant de vieils justifications à mes questions. Je soupirais à chacune d'elle, me disant que chacun mauvaise réponse ne me faisait que souffrir d'un mensonge dont j'oublierais un jour l'origine, peut-être. J'en avais même la conviction, et je me remontais un peu le moral en y pensant. Jusqu'à l'arrivée d'Anysia. Elle avait changé de tenue, mais je ne le savais, ou plutôt, je ne pouvais plus en avoir connaissance. Elle portait une robe pétillante noirâtre qui dévoilait parfaitement ses véritables formes qui étaient celles d'une femme d'une vingtaine d'année, peut-être plus. Des escarpins également noir mais celles-ci en verre plutôt qu'étincelantes. Son visage était sublime, silencieux, décoré comme pour un rendez-vous, une chevelure magnifiquement coiffé. Elle me fixa quelques secondes, puis s'approcha de moi, et porta son regard à mon visage plongé dans l'ombre du lampadaire, triste. Elle s'attrista elle aussi, et essaya de discuter avec moi.
«
Lucas … Je sais que tu trouves mes actions injustifiables, mais sache que j'ai de très bonnes raisons, et je peux te les révéler ici et maintenant. commença-t-elle. Un instant de silence, puis je répondais lentement.
-
Non, je ne veux pas savoir … Je ne veux pas savoir pourquoi tu … Nous as trahis, moi et Ryan, même si tu as fait en sorte que … Qu'il ne s'en souvienne pas. Moi je n'oublierais jamais. Peu importe tes raisons … Tu n'avais pas à le faire. Je préférerais encore … Que tu disparaisses, pour toujours. répondis-je, presque froidement sur les derniers mots. Un nouveau silence, suivi de la réponse d'Anysia.
-
Si tel est ton envie, je ne peux que l'exaucer. Adieu, Lucas. Tu sais, j'aurais pu te faire également oublié mon existence, mais je pouvais pas … Pas à toi. J'avais de véritables sentiments envers toi, et ces quelques mois passés à tes côtés étaient magiques. Je n'oublierais jamais nos moments passés ensemble, ceux que … salua calmement la demoiselle.
-
VA-T-EN ! l'interrompis-je violemment en criant de toutes mes forces pour montrer que je ne souhaitais avoir sa présence ici. »
Anysia resta silencieuse, et partit rapidement des lieux, sans même daigner m'accorder un simple regard. Je ne disais, je ne pensais rien, mais je me sentais triste. Un pan entier de ma vie venait de se briser, de disparaître à jamais. Mais je ne me plaignais pas. J'en avais décidé ainsi. Pour moi, pour mes pokémons, pour mon avenir. J'avais déjà eu l'idée de changer un peu, mais cela ne se ferait qu'une fois les vacances d'été arrivé. Pour l'instant, je restai encore Lucas Emerillon, ce fameux blond connu pour avoir dormi avec Ikiala et son ami Ryan dans la boutique de l'école peu après la rentrée, et je m'en contentais très bien. Mais sans m'en rendre compte, j'étais complètement triste. J'étais bouleversé. Moi aussi, j'avais eu un coup de foudre pour elle, mais je ne pouvais pas accepter ce qu'elle m'avait fait. Je tremblais de tout mon être, et me perdait peu à peu dans les méandres de ma conscience. Mais mes pokémons étaient là pour me soutenir. Ils avaient suivi calmement la rapidement discussion entre moi et la demoiselle, il comprenait parfaitement mes ressentis. Et pour palier à cela, ils décidèrent de m'entourer tous ensemble pour m'offrir le meilleur câlin possible. J'ouvrais grand les yeux de surprise, et les entendait chacun criait pour manifester, semble-t-il, de la joie mêlé d'un remerciement étrange. M'aurait-il donc vraiment parlé pendant que j'étais inconscient, ou était-ce simplement un coup du hasard ? Je n'en savais rien, mais cela n'avait pas d'importance. J'avais tenu ma promesse, c'est tout. Et maintenant, je pleurais. De joie. Je n'avais jamais été aussi redevable qu'aujourd'hui envers mes compagnons. Jamais je n'oublierais leur compassion. Ils sont mes pokémons, je suis leur dresseur. C'est moi qui devrait les soutenir dans leurs moments difficiles. Cependant, ce rôle que je jouais se répercutait maintenant sur moi. Comme j'ai toujours essayé d'être gentil avec eux, du mieux possible, ils essayent de l'être aussi, et en cela, leur compréhension de mes sentiments s'exprimaient complètement. Je pouvais être fier d'eux, et je me fis pas prier pour le leur dire.
« Merci ! »
M'exclamais-je entre deux sanglots de joie. J'étais heureux.