A bout de bruwh
avec Bruce Hedge
Mes doigts tabassèrent mon réveil. 7h01 précise. En aucun cas il est envisageable que je referme l’œil. Le programme du jour est bien plus important que mon sommeil. L’excitation commence à me piquer les jambes. Ni une ni deux, les pantoufles aux pieds, mon reflet dans la glace en dit long sur mon état. On ne peut pas dire que je sois charmante au réveil. Plairais-je un matin à quelqu’un ? Seul Silk m’aime telle que je suis, dans n’importe quelle situation. Malade, sur mon 31 et sur le trône, rien n’y fait ; sa truffe humide se frottant contre ma cuisse est toujours présente pour un moment gratouille. Assise en tailleur face à lui, il est mon compagnon du jour. Je lui enfile l’une de mes dernières créations, par ces temps froids, un pull tendance ne se refuse pas. Il n’a pas l’air forcément content d’être vêtu, les Cerfrousses sont peut-être un peu too much. Ma préparation terminée, une robe pull sur les épaules et des chaussettes hautes pour cacher mes jambes translucides, nous quittons la chambre pour retrouver mon deuxième compagnon du jour. Bruce Hedge attendait derrière la porte, ponctuel. Trop. Le style vestimentaire ne change donc pas peu importe les saisons. Il est imperturbable. Son petit sourire de coin laisse couler un instant de gêne sur la situation : un peu psychopathe le gars à attendre juste devant la porte. Mais pas le temps de blablater ou de rire, la mode ne nous attendra pas.
Le trajet en bus fut long, trèèèsss long. Heartnett n’arrêta pas de parler, et personne n’avait l’air intéressé. Même pas du tout. Mes interrogations sur l’accord de Bruce à m’accompagner restent sans réponses. Est-il trop gentil pour refuser quoi que ce soit ? Ou l’envie de devenir plus raffiner lui a traversé l’esprit ? J’aurais alors gagné un sacré combat. Le professeur manqua de tomber quand le bus marqua l’arrêt, la tristesse marqua ses lèvres en voyant que nous étions arrivés. Il ne restait que quelques centaines de mètres pour arriver à notre destination mystérieuse. Les ruelles du village médiéval regorgent de secrets étranges, et le regard des habitants nous oppresse. Un immense bâtiment se dressa face à nous au tournant de deux ruelles. Impressionnant et grandiose. Cette bâtisse n’a pourtant pas l’air d’être toute jeune et le bruit doit surement donner les frissons au crépuscule. Les uns après les autres, nous sommes entrés. Je restai bouche bée de voir tant de machine et d’hommes travailler ici. Entre claquements, tintements et sifflements, le bruit ne manqua pas. Dans ce vacarme, notre accompagnateur nous demanda de nous assoir. Je cherchai un banc mais compris vite que rien n’était ; seule la terre battue accueillerait mes fesses.
Les consignes sont simples : un accessoire, on oubliera aujourd’hui l’idée de se vêtir. Y-a-t-il des défilés d’accessoires ou de bijoux ? Et comment s’habille-t-il alors ? Sont -ils n… ? Bruce me tira de mes questions très peu existentielles, le professeur nous appelait pour nous donner notre matière. De son air coquet, il semblait réfléchir à la matière qu’il allait nous donner alors qu’il a déjà tout prévu. Il glissa son doigt sur nos noms, et son regard en dit assez. La tâche n’allait pas être simple.
Dans les ruelles, le pas pressé, mon compagnon semblait essouffler à me suivre. Mes pensées fusent, c’est assez vague. Toutes autres matières auraient été plus faciles, bien plus faciles c’est sûr.
« On fait quoi alors la miss ? Tu as dû y réfléchir depuis des semaines non ? »
Je tournai les talons pour lui faire face. Décidément, le tact n’est pas son point fort.
« Je te rappelle qu’on est deux pour le projet, et que non, je suis perdue, j’en sais rie du tout. LE BOIS ! Tu te rends compte ? A part construire nos cercueils, j’ai aucune inspiration. »
Il me regarda comme si j’avais insulté son Igualta, mélangé entre la colère et l’étonnement. Je venais de m’énerver devant une dizaine de piétons mais surtout devant lui. Il resta statique au milieu de la rue, même pas un simple mot ou une once de réflexion. Demi-tour toute, je marmonna en serrant les poings vers la forêt qui apparue au loin.
©BBDragon