Il fait bien chaud pour une journée d’Août, peu de nuages, peu de vent, un contexte des plus désagréable pour toi, les terres tempérées de Vestigion, ombragées par le Mont Couronnée sont loin. Pourtant, tu ne peux rester inactif, la maison ne va pas tourner seule, les boissons ne peuvent se vendre seules, tu es bien obligé d’y aller. Si Attila et Catherine tiennent le bar, le transfert des marchandises se fait plus difficilement, surtout au mont Skiddo. Qu’on se le dise, rien n’est aisé, bien au contraire, tu apprécierais volontiers de l’aide. La marche est difficile et tu observes Tomyris chargée au possible, bien que tu fasses pousser tes propres baies, tu dois parfois acheter à quelques maraîchers des produits frais pour quelques expériences, mêler certains cépages, varier ton eau-de-vie, tu refuses de faire stagner la progression et tu désires plus que tout obtenir des liqueurs qui soient héritées des Reece, mais qui porte bien ta marque à toi.
La route principale n’est pas ombragée, malgré les arbres, le soleil à son zénith ne pardonne rien, mais les affres du business t’oblige à avancer. Exceptionnellement, ta flasque personnelle s’accompagne de quelques bouteilles d’eau que tu laisses à Néfertiti, au moins, elle ne sirote pas l’eau en secret. La route est calme, il n’y a pas un pèlerin à cette heure, à quelques jours de la rentrée, ça se comprends, les élèves s’installent, prennent leurs marques, te voilà parti pour une nouvelle année, tu as hâte d’observer les nouveaux clients majeurs venir se perdre par chez toi. Après tout, comment se gâcher ce plaisir. Tu rêves à tes affaires, la progression de la Vestal, que lui ajouter, que rénover ? Tu ne sais pas trop, c’est pourtant bien spécifique, le bar te convient tel quel, tu y sens ton énergie, tu te sens enfin chez toi à Adala. Ta sœur n’est pas loin, pour ton plus grand bonheur.
Il y a bien ces fiançailles arrangées aussi, tu es supposé te marier dans un mois, pourtant, tu ne communiques pas avec la jeune Keelin. La nouvelle a été perçue de façon bien différentes, Elizabeth à très mal réagit. Forcément, on lui vole son frère, on lui enlève sa part d’elle-même. Te concernant, tu n’as pas omis d’objections, si la famille réclame ton mariage à une femme pour une alliance avantageuse… Alors soit. Pourquoi pas ? Tant que c’est nécessaire pour la famille, tu te plieras à l’obligation. Cette femme qui est supposé te suivre jusqu’à la mort, qui devra endosser le rôle d’héritière, celle qui devra donner un premier enfant fort et robuste, en est-elle capable ? Pourra-t-elle se plier convenablement aux règles ? Si l’on en croit les Keelin, ils le peuvent, compte tenu de ce que tu as vu à Frimapic, tu en doutes, il faudra la dresser. Le problème avec les chiens errants, c’est qu’il faut toujours les dresser sévèrement, sans quoi ils finissent par vous bouffer le mobilier avec un air ingrat. Ta sœur ne manquera pas de saigner ta femme au moindre écart, elle ne risque pas de se sentir accueillis, puis Lizzie sera maintenant la seule non accompagnée aux repas, tu te sens coupable d’abandonner ton célibat sans lui trouver un homme à sa mesure. Tu vois difficilement une héritière légitime et de premier ordre devenir Tantine… l’air grave se creuse sur ton visage à cette simple pensée bien désagréable. Tu t’y refuses. Profondément.
Tu secoues alors la tête pour penser à autre chose, mais au fond de toi, tu as l’impression de quitter ta sœur, qui reste la femme de ta vie, cet amour perdu et retrouvé, la seule capable de réellement te comprendre. Voilà qui est problématique. Sauf que tu le sais, que tôt ou tard, tu devras abandonner (du moins en apparence) la vue de son corps drapés de ton odeur.
Un cailloux manque de te faire trébucher et tu sors de ta torpeur. Quelques pas plus loin, tu t’es redressé, arrêté et soupire, un simple regard te permet de voir que Tomyris est à bout, fatiguée et exténuée du trajet sous ce soleil de plomb, cette chaleur ne lui rend pas service, pour accentuer le tout, tu l’as à peine laissé boire. Dans ces attitudes, on sait parfaitement où tu veux en venir, tu ne veux pas de faibles, que des pokémons et des alliés qui vont de l’avant par eux-mêmes. Il est temps pour Tomyris de grandir réellement et sortir de sa zone de confort.
Quelques minutes plus loin, un bruit sourd. Tomyris pose un genou au sol, dégoulinante de sueur, langue sortie, le regard suppliant.
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De l’eau t’attends au bar, mais si tu traînes comme ça, tu n’en verras jamais la transparence.
C’est cruel Henry, comme toujours, cette Tiboudet pleine de joie te suit depuis maintenant six mois, l’âge de l’enfance, le temps accordé pour découvrir le monde en surface.
Mais il est temps.
Tu l’observes se traîner, difficilement de quelques pas, vaciller, mais revenir sur ses appuis, ça n’a rien de simple pour elle, tu le comprends bien, quoi de plus nécessaire. Ce que tu veux c’est une monture, forte, implacable, qui tienne chaque condition difficile, pas d’un petit canasson fragile comme ceux de l’Hippodrome.
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Si tu fais tomber la cargaison, je te laisse ici. Tu as bien vu que je n’ai aucun faible autour de moi et je ne compte pas faire dans la compassion.
Le hennissement faible parvient à tes oreilles, presque suppliant, bien que tu es fais éclore cet œuf toi-même, ton regard n’a que du mépris, tu serais réellement prêt à la laisser mourir de soif ? Peut-être pas, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle serait en refuge pour pokémon avant la fin de la semaine si elle ne parvenait pas maintenant à se dépasser.
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Bon et bien, tant pis, je viendrai avec une nouvelle monture plus vaillante. Adieu Tomyris, vient Néfertiti, on rentre.
Tu tournes alors les talons et commence à marcher, le pas lent, aussi silencieux que possible, malgré les pleurs enfantins de ton pokémon. Tu te doutes que si elle évolue, elle risque de t’en vouloir un petit moment, tu laisseras Catherine apaiser les tensions, c’est la première à avoir subi ce traitement désagréable. Tu t’éloignes, dix, vingts, cinquante mètres sans que tu te retournes et Néfertiti t’imite parfaitement.
Puis il y a cette lumière blanche qui intensifie ton ombre. Un rictus aux lèvres prend place sur ton visage. Tu es bien heureux de ce que tu proposes. Un puissant cri brise le silence, de la colère, de l’agacement. Un vacarme si fort qu’il semble réveiller quelque chose. Ou plutôt quelqu’un. Un sourire passe tes lèvres, deux pierres d’un coup, les reines s’appellent entre elles.
Tu sors de ton sac cet œuf rougeâtre que Yuna t’a confié il y a plusieurs mois, mais il semblerait que l’éclosion soit longue pour cette Malosse qui perfore enfin son œuf, un regard déjà noir réclamant de savoir qui a briser le sommeil.
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Et bien, Boadicée, te voilà bien ronchonne. Tu la saisis dans tes bras venant caresser son ventre alors que tu observes la Bourinnos visiblement remonter.
Tu comprendras Tomyris, tu comprendras où j’ai voulu en venir, mais je refusais de savoir que l’adorable Tiboudet toute naïve que j’avais, se condamner à la douceur dans un monde qui ne lui en offrira pas. Allé, on rentre. D’ailleurs Boadicée, tu vas marcher seule comme une grande.
Tu déposes la Malosse au sol, doublée par l’imposante monture, que chacun se démerde, on grandit par soi-même. Un sourire borde ton visage, ça y est, le trio que tu espérais tant s’est mis en place, maintenant, ils peuvent avoir peur.
HRP :
Eclosion de Malosse: Boadicée
Evolution de Tomyris, de Tiboudet en Bourrinos.