 | Un de plus
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Ranya a dû laisser passer quelques longues secondes pour être sûre d’avoir parfaitement compris ce que vient de lui avouer Kasai. Et aucun doute, ce n’est pas un mensonge. Il a un crush sur Lissa.
La blonde ne la connait pas très bien en réalité. Plus de réputation. Mais aussi suite à cette mission il y a quelques mois. A la réflexion, la danseuse n’a vraiment pas été tendre avec la Pyroli. A cette époque, elle faisait tout pour éloigner le monde entier d’elle. Et sans aucun doute, sa partenaire de mission manquait cruellement de caractère pour s’opposer à l’archéologue au bord du gouffre, incapable à cette époque du faire du tri dans tous ses sentiments pour prendre les bonnes décisions. Elle n’était qu’une boule de descrution, prête à briser tout ce qui se passe, mais surtout elle-même.
Alors forcément, ce genre de révélation, ça surprend. Et le blond a l’air de réaliser l’implication de ces quelques mots en le disant. Le connaissant, Ranya imagine qu’elle est probablement la première à l’entendre. La première a qui il confie ce secret, si loin de l’image qu’il reflète et pourtant terriblement sincère. Il a des sentiments pour cette fille, des sentiments qui ne se contrôlent pas.
Bien vite, les rires de la Givrali s’arrêtent, ne voulant pas lui faire croire qu’elle ne le prend pas au sérieux. Malgré tout l’alcool qu’ils ont ingéré, le traumatisme de la scientifique est encore trop récent pour qu’elle se permette de faire subir à Kasai ce qu’elle-même a vécu.
Malgré tout, la jeune femme cherche des explications. Elle veut en savoir plus, évidemment. C’est tout de même une sacrée annonce, et le filtre pratiquement inexistant due à l’alcool ingéré renforce son insistance.
Et Ranya comprend d’autant plus à quel point il est sincère. L’alcool le fait apparaitre sous un autre jour, et dans les yeux du sportif, la blonde n’y voit aucune tromperie ni malice dont il est pourtant le maitre. Jamais il ne lui a paru aussi sincère. Aussi touchant finalement.
Cette fois-ci, le rire n’est pas pour les dernières révélations du Noctali, mais bien pour la mention d’un potentiel couple qu’ils auraient pu former. Peut-être que dans une autre temporalité, cela s’est produit. Et peut-être que comme Kasai le dit, dans cette temporalité là ils dominent le monde. Mais cela aurait été trop facile. Ici, il n’y a pas de sentiments entre eux. Il y a juste deux amis trop chaotiques mais qui, comme tous les jeunes de leur âge, ont terriblement besoin d’un ami cher pour les écouter et les aider.
A l’entente des propos de Kasai sur lui-même, la danseuse pose son verre un peu derrière elle puis, beaucoup moins délicatement, tire sur la nuque du sportif pour le forcer à s’allonger à même le sol, la tête sur les jambes de la Givrali. L’archéologue n’est pas aussi tactile d’habitude. Mais à nouveau, la dose d’alcool ingérée lui fait passer un certain nombre de limite. Puis, doucement, guidée par un drôle d’instinct, mais probablement surtout les souvenirs d’Angel le faisant pour elle-même, l’adolescente passe tendrement sa main dans les cheveux du blond, essayant de l’apaiser.
- Ne dis pas ça Kasai. Je ne suis pas trop pour toi. Et surtout tu n’es pas un connard. Un connard ne serait pas revenu vers moi après tout ce que j’ai fait ces derniers mois. Et surtout, un connard n’aurait pas pris le temps de m’écouter vider mon sac sans broncher, et surtout sans me juger après la bombe que j’ai lâchée. Tu es un peu étrange, excentrique, diabolique avec beaucoup d’ego, ça c’est certain. Mais tu n’es certainement pas un connard. Vraiment pas.
Les caresses se poursuivent tandis que le regard de la blonde alerte entre le mur et le visage de son ami, calé contre elle. Il n’y a pas d’ambiguïté entre eux. Seulement deux personnes, réalisant après une grande déclaration d’amitié qu’ils vivent des choses difficiles aussi, et que malgré l’air qu’ils se donnent à l’extérieur, ils ont besoin d’un peu de soutien.
- La réponse, c’est qu’on en sort pas vraiment. Les sentiments ça se contrôle pas. Ca nous tombe dessus. Et après on a deux options. Soit on les enterre en soit en espérant que cela passe. Soit on essaie de les exprimer, même s’ils ne seront peut-être pas réciproque. Bon tu vas me dire les deux options n’ont pas très bien fini avec moi, donc tu voudras peut-être pas trop écouter ce que j’en pense.
Ranya respire un grand coup, sentant l’angoisse lui monter à la gorge. Tout est amplifié dans cette situation, et la blessure est encore récente. Sentir Kasai, quelqu’un qu’elle estime beaucoup, dans cette même détresse fait remonter en elle beaucoup de choses qu’elle n’a pas encore vraiment surmonté. Ça viendra assurément, avec du temps, mais c’est encore un peu tôt pour en parler avec un parfait détachement.
- Mais je pense qu’ignorer ses sentiments est la pire des choses. C’est ça qui m’a fait câbler, qui m’a coupé de tout et fait faire n’importe quoi. C’est pour faire taire ces sentiments que je me suis mise à coucher avec tous ces gens de l’AES. Je ne sais pas si je regrette vraiment de l’avoir fait. Mais ce qui est sûr, c’est que je l’ai fait pour de très mauvaises raisons.
Toutes ces mains qui se sont posées sur son corps resteront à jamais dans un coin de son esprit. Elle a toujours été consentante, et toutes ces personnes n’ont pas grand-chose à se reprocher. Si ce n’est peut-être de ne pas avoir été capable de voir que cette attitude ne cachait qu’une grande détresse.
- Lissa est particulière elle-aussi. Mais tu as de vrais sentiments pour elle. Ça se voit à la manière que tu as de parler d’elle. Alors oui, ça ne va clairement pas être facile. Tu vas surement devoir ramer longtemps. T’adapter peut-être un peu aussi, mais sans jamais vraiment changer qui tu es. Il va falloir t’armer de patience pour lui faire comprendre que tu es sincère avec elle. Que tu ne veux que son bonheur, et aussi un peu le tiens. Mais c’est tout ce que tu pourras faire. Parce que tout le reste, ses propres sentiments, cela ne dépendra que d’elle.
La danseuse poursuit ses caresses, ravalant sa salive et en même temps les larmes qui commencent à monter. L’alcool, la situation, tout la rend émotive. Pourtant ce n’est pas son genre. Mais c’est difficile de parfaitement se contenir parfois.
- Et moi, je serais toujours de ton côté. Je t’aiderais du mieux que je peux. Pour que la prochaine personne qui te caresse les cheveux comme ça, ce soit celle que tu aimes.
Elle n’a pas réussi cela. Mais peut-être que Kasai lui le peut.