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« Le truc, avec la perfection, c’est que ça n’existe pas. »
« Plaisir partagé ! J’ai également hâte qu’on travaille ensemble sur un nouveau sujet d’étude ! Attends, quoi ?? »
« Moi Apsu, fils du grand Bahamut, Héritier du dragon créateur, Futur souverains des Carchacrok de l'ancien Hisui, avatar de la Sainte baie Nanana, sauveur légendaire d'oeuf draconique, et libérateur des opprimés de la prison de cristal, je ne laisserai personne faire du mal à l’humaine qui m’aidera à monter aux sommets. »
parApsu
« Je ne suis pas toi. Je ne suis pas fainéante au point de ne pas vouloir faire d’effort. Je ne suis pas de mauvaise foi au point de refuser changer. Et je ne pense pas qu’abandonner quelqu’un soit une solution à ses problèmes. »
« Tout à l’heure, tu m’as demandé ce qu’était le spectre de l’hétérosexualité. Ça n’a rien à voir avec Star Wars ou les fantômes. »
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Ginji, Cael, Max et Idalienor sont disponibles (principalement) sur Discord pour répondre à vos questions !
année 11, semestre 2
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Bienvenue sur Leiar ! Une île hébergeant la Pokémon Community, campus universitaire accueillant de tous les profils, humains comme Pokémon. Élève ou adulte, vous vivrez au jour le jour une vie trépidante au sein du campus, votre quotidien ponctué de mille et unes folles histoires typiques de la Pokémon Community. Cette île couverte de cristaux vous réserve quelques surprises, tout ça entre deux cours ou mission pour devenir le meilleur dans vos spécialités respectives ! En savoir plus ?
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Prédéfinis

Lissa Labelvi
https://pokemoncommunity.forumactif.org/t8372-lumiere-et-ombre-lissa-labelvi#84921
https://pokemoncommunity.forumactif.org/t8381-lissa-labelvi-pyroli#84980
Icon : Pikachu Explorateur, à votre service !
Taille de l'équipe : 2
Région d'origine : Sinnoh
Âge : 18
Niveau : 25
Jetons : 17279
Points d'Expériences : 977
Pikachu Explorateur, à votre service !
2
Sinnoh
18
25
17279
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pokemon
Pikachu Explorateur, à votre service !
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Lissa Labelvi
est un Coordinateur Éleveur
Coucou ! Encore un RP beaucoup trop long et sans intérêt made in Ginji !

Déjà désolé, parce qu'il reprend un trope que j'ai déjà poncé avec mon autre perso. Pardon, je ne sais pas me renouveler.

Ensuite, je vous propose une petite synthèse sur Lissa et son équipe, parce que ce RP fait des références à gogo à des éléments apparus dans des textes précédents et je sais que personne ne veut relire ça

Lissa et son équipe
Lissa - Campagnarde partie étudier pour devenir éleveuse. Elle manque cruellement de confiance en elle. Dernièrement, elle a intégré les Volontaires, et depuis, elle multiplie les interventions d'urgence.

Majesté - Vipélierre et starter de Lissa. D'un égo à toute épreuve, il insupporte tout le monde, sauf sa dresseuse. Il exècre les combats et la violence, mais suite à l'éveil des cristaux de Leiar, il a été exposé aux radiations d'un cristal noir et s'est changé en Pokémon Obscur pendant quelques minutes.

Aniel - Lucario élevée et dressée par Yuna. Ginji lui en a passé commande car il craignait que Lissa et Majesté ne puissent se défendre seuls. Elle est effacée, mais très appliquée à la tâche qui est sienne. Majesté et elle ne semblent pas très bien s'entendre.


Hors de l'équipe de Lissa

Perfection - Majaspic chromatique douée de parole. Célèbre actrice du Pokéwood, Lissa et Majesté ont eu la chance de s'entretenir avec elle et sa dresseuse. Néanmoins, le Vipélierre a rapidement mis fin à l'entrevue, obligeant Lissa à retourner la voir seule bien plus tard.

Soan - Lockpin chromatique naturellement doué pour tout. Lorsqu'il n'était qu'un Laporeille, il était acteur au Pokéwood, mais le jet privé qui le transportait s'est écrasé dans les montagnes de Gratia. Après avoir passé trois jours livré à lui-même, il a évolué, ce qui l'a décidé à rester à l'état sauvage.


LISSA LABELVI

rp solo
« Dîtes à mes amis que je m’en vais »


Clic.

En un son caractéristique, mon téléphone enregistre l’image reproduite sur son écran. Je doute que l’angle et la qualité soient dignes des plus grands photographes, mais… Pour l’usage que j’en ferai, je pense que ça ira.

Et puis, je préfère m’attarder sur ces gravures avec mes yeux, plutôt qu’à travers mon Ipok. Doucement, mes doigts effleurent la surface de leur paroi. Quelque chose me dit que ça non plus, ce n’est pas une attitude très scientifique… Mais cela fait probablement des centaines d’années que ces glyphes sont ici, et ils restent pour la plupart très visibles. Ce ne sont pas mes frêles doigts qui vont les mettre à mal, pas vrai ?

Sans parvenir à en détacher mon regard, j’avance le long de la galerie. Les stries dans la roche semblent dessiner les contours d’une montagne. Des silhouettes humanoïdes progressent le long de son dénivelé, accompagnés par des êtres plus atypiques. Ils avancent pas à pas, tous tournés vers le sommet.

Mais au fur et à mesure de cette ascension, les silhouettes humaines s’effacent. Elles se font de moins en moins nombreuses, jusqu’à ne laisser place qu’à un cortège de créatures bestiales.

Pourtant, une fois au sommet, les humains sont de nouveau là. Ils se tiennent aux côtés des bêtes, et contemplent l’aurore australe.

Tous ensemble.

Pourquoi est-ce que les humains s’éclipsent pendant l’ascension ? Empruntent-ils un chemin différent à mi-parcours… ? Peut-être que cette gravure cherche à révéler l’emplacement d’une galerie secrète au sein de cette montagne.

Je ne sais pas trop. Je ne suis pas très bonne archéologue…

De toute façon, je ne suis pas là en tant que telle.

En ce moment, la situation est tendue, à Paldea. Notre académie est censée être en vacances là-bas, mais pourtant… Nous sommes confrontés à des interventions impromptues de la part d’organisations peu scrupuleuses. Celles-là même qui nous ont causé du tort dans l’archipel Mythis…

Les vacances se sont transformées en une sorte de chasse aux Sorcilence. Tout le monde cherche à mettre la main sur des membres du Coven Chôwa, de la Section Mana ou à comprendre ce qu’ils cherchent à faire…

Et…

Je n’ai pas supporté cette ambiance anxiogène.

Déjà, nous venons de passer un semestre entier à rétablir l’ordre au sein de l’académie, à renforcer la sécurité, et à faire des pieds et des mains pour empêcher une nouvelle fermeture. En tant que Volontaire, j’ai été appelée à l’aide sur tous les fronts, au fil des mois, au point de devoir empiéter sur mon temps libre, et même parfois, sur mes études.

Et donc… Je commence à fatiguer.

Je suis lasse de tout ça. Je souhaite juste… Me reposer. Me détendre, un peu, sans avoir à penser à toutes ces histoires… Je sais que c’est égoïste de ma part. Je vais probablement décevoir beaucoup de monde parmi mes collègues. Je me suis délestée du fardeau que représentent le Coven et la Section, et c’est un poids que mes camarades vont devoir porter sans moi. Je passe probablement pour une sans-cœur, auprès d’eux.

Mais c’est une décision que j’ai prise envers ma propre culpabilité.

Nous avons profité des vacances scolaires pour retourner dans les montagnes de Gratia. C’est un décor bien différent des plages et de la chaleur de Paldea. Mais en dépit de notre rivalité avec l’Adala Elite School, j’avais bien apprécié notre séjour sur place, donc…

Je viens de Sinnoh, une région très froide. Je ne suis pas contre revenir à un décor plus montagneux et frais. Puisque nous sommes dans l’hémisphère sud, notre arrivée coïncide avec celle de l’hiver, d’ailleurs.

Cela reste un hiver beaucoup plus chaud que dans les régions du nord, mais c’est un hiver malgré tout.

On peut ainsi voir de la neige au sommet des montagnes. Et surtout…

J’ai entendu parler des aurores australes, qui se manifestent le soir. Il s’agit là de notre objectif actuel, la raison pour laquelle nous avons entamé cette ascension. Nous sommes partis de bonne heure pour rallier le pic, dans l’espoir de profiter de la vue.

Et justement…

Nous arrivons au bout de cette galerie.

La lumière au bout du tunnel, littéralement. En l’apercevant, je m’y précipite avec un certain enthousiasme. Le changement de luminosité me pique les yeux un instant, mais je m’y accoutume rapidement. Je les plisse le temps de, et me tourne vers mes compagnons.

« -Majesté, Aniel… Nous y sommes presque !
-Rio. »

La Lucario acquiesce, et émerge à son tour de la grotte. Le plateau marquant le sommet de la montagne n’est plus très loin. Il n’est désormais question que de quelques minutes…

« -Vip, vipélierre... »

… Du moins, si Majesté arrête de traîner la patte.

Marmonnant d’inaudibles paroles dans sa barbe, mon starter prend tout son temps pour nous rejoindre. Pourtant, je n’ai eu de cesse de m’arrêter et ralentir le pas, au fil de l’ascension ; il ne devrait pas avoir autant de retard sur nous. Et je l’ai porté sur les trois quarts du trajet, donc aucune raison qu’il soit fatigué non plus…

« -Qu’est-ce qu’il y a, Majesté ? Est-ce que… Tu t’es foulé la patte, ou quelque chose ?
-Vipé, vipélierre ! Lierre, vipélierrre… »

Le voila qui se met à râler, sans raison apparente. Je perçois bien son ton agacé, mais ne m’impatiente pas pour autant. J’ai l’habitude de ses exigences… Je m’accroupis auprès de lui, et essaie plutôt de me montrer conciliante.

« -Dis-moi ce qui ne va pas, Majesté…
- Lierre. »

En guise de réponse, j’ai le droit à un geste de la patte qui me dit « laisse tomber ». Il me passe devant, et continue son chemin avec la mine renfrognée, sans même un regard.  Tout en l’observant s’éloigner, je me relève en une moue plus dépitée.

« -… D’accord… »

Aniel et moi nous échangeons un bref regard, auquel elle ne peut ajouter qu’un vague haussement d’épaules. Je décide d’en passer outre, et prends la suite de Majesté : tant qu’il avance, ça me convient parfaitement.

Heureusement, mon intuition s’avère bonne. Nous arrivons à hauteur du plateau… Cela nous aura pris plusieurs heures, mais nous y sommes. Le sommet est à nous…

« -… Aah… Regardez comme nous sommes hauts ! »

Je cherche immédiatement à me retourner pour contempler le paysage. Aniel fait de même, tandis que Majesté vient prendre place sur un rocher.

Le plateau en lui-même n’est pas bien vaste, mais la vue sur la vallée de Gratia est sublime. Ses différents flancs se révèlent à nous, pour la plupart tous recouverts par la verdure. A cause de la végétation, voir le sentier que nous avons emprunté n’est pas facile, mais je remarque tout de même le pont que nous avons traversé en tout début de promenade. Placé en amont d’un lac, il chevauche une rivière qui découle d’un autre pic, adjacent au nôtre. Le ciel dégagé et le soleil éclatant donnent une luminosité forte au panorama, et confèrent à l’eau un aspect chatoyant, presque scintillant. Au loin, on peut même percevoir les bâtiments et maisons du village de montagne, où Majesté, Aniel et moi séjournons. Peuvent-ils nous voir, eux, depuis leurs toits ? J’aurai dû penser à prendre une longue-vue pour vérifier…

Un doux vent souffle sur le sommet, et me fait frissonner un instant. Avec lui, il finit par apporter quelques nuages, et les ombres qu’ils projettent contrastent avec la vivifiante lumière des rayons solaires. Je lève la tête et les observe, pensive. Ils semblent arriver de plus en plus nombreux…

« -… Hm… J’espère qu’ils ne nous voileront pas la vue pour les aurores…  »

Derrière moi, j’entends un profond soupir. Majesté se redresse, et quitte déjà son rocher, l’air exaspéré. Sans un mot, il entreprend de… Faire demi-tour ? En tout cas, il retourne en direction de la galerie que nous venons de quitter. Incrédule, je l’interpelle.

« -Ma… Majesté ? Où… Où est-ce que tu vas ?
-Lierre. »

Son ton est ferme, tranchant. Je ne suis néanmoins pas prête à accepter une réponse si incisive.

« -Qu’est-ce qu’il y a ? Tu… Tu veux déjà rentrer ? »

Il s’arrête, et me toise du coin de l’œil.

« -Vip. »

Et il reprend sa marche aussitôt. Atterrée, je fais un pas vers lui.

« -Mais… Mais attends, nous... Nous venons à peine d’arriver ! Tu.. Tu ne veux pas voir l’aurore australe ?
-Vipélierre.
-On… On vient de faire tout le trajet ! Nous sommes même revenus spécialement de Paldea pour ça, tu… Tu peux bien attendre, non ? On a juste à patienter, le temps de…
-Lierre.
-Q… ! » je le dévisage avec effarement « M-mais… ! Pourquoi ? Tu… Tu étais d’accord, à la base, non ? Q… Qu’est-ce qu’il se passe, Majesté ? »

Il me jette une nouvelle œillade, mais m’ignore et reprend sa marche. Je reste bouche bée, incapable de réagir, alors Aniel s’avance à son tour, et l’interpelle.

« -Rio ! Luc ario ! »

Elle se veut bien plus autoritaire que je ne le suis. Majesté s’arrête net, se retourne, et s’emporte.

« -Vipélierre ! Lierre, vipélierre ! 
-Lu… Lucario ! »

Le ton monte également du côté d’Aniel. Je n’aime absolument pas ce qu’il se passe, alors je me place entre les deux.

« -E… Eh ! C… Calmez-vous ! »

Une forte bourrasque vient souffler sur le plateau. Dans l’espoir d’obtenir de vraies réponses, je me tourne vers Majesté.

« -E… Explique moi, s’il te plaît ! Qu’est-ce qui ne va pas, est-ce que… Est-ce que c’est parce qu’il fait froid ? »

Il balaie ma question d’un geste de la patte.

« -Vipélierre. »

Insistante, je scrute ses yeux à la recherche d’une quelconque réaction.

« -C’est la hauteur ? Est-ce que… Tu aurais le vertige, Majesté ?
-Lierre...
-C’est la faim ? Tu veux rentrer manger un morceau ?
-Lierre.
-Est-ce que tu es juste fatigué ? Tu veux rentrer dans ta Pokéball ?
|-Lierre ! »

Le vent souffle de plus en plus fort, mais je n’y prête aucune attention. J’essaye uniquement d’obtenir des réponses de Majesté.

« -Parle moi ! Dis moi ce qui ne va pas ... Est-ce que j’ai fait quelque chose de travers ?
-LIERRE !
-Mais… ! P… Pourquoi est-ce que tu t’énerves ?!
-LIERRE, VIPELIERRE !
-Arrête de crier, bon sang ! Je veux juste… !  »

L’ensemble de mes questions a fini par l’agacer, et le voila qui se met en colère contre moi. Sa voix couvre même le sifflement produit par l’air à l’entrée de la grotte.

« -VIPELIERRE, VIPE ! 
-M-Mais… ?! Pourquoi faut-il que tu t’emportes ?!
-LIERRE ! VIPE ! VIPELIERRE !
-R… Rio ?...
-Bon sang, Majesté ! Je… !
- VIPELIERRE !
-Arrête de crier ! Je ne te comprends pas ! »

Le son d’une violente explosion retentit lorsque la foudre tonne à la fin de ma phrase. Majesté et moi-même nous interrompons, avant d’observer notre environnement proche. Le cri d’Aniel s’est perdu dans notre échange, mais… Celle-ci a déjà remarqué l’étrange changement climatique qui s’est opéré sur le plateau.

« -D’où… D’où viennent ces nuages ?! Et ce vent… ? »

Le ciel est brusquement devenu orageux. Je veux bien que quelques nuages aient pointé le bout de leur nez, mais… Il n’y en avait pas autant, une minute auparavant ! En un instant, l’horizon s’est obscurcit, la température a baissé, et pire que tout… Le vent se met à souffler de plus en plus fort. Au point que même rester droite sur mes pieds devient difficile !  

« -Qu’est-ce qu’il se passe.... ?! J-Je…. ! »

Le voila qui se déchaîne avec une férocité rare. Sa violence rivalise avec les tempêtes qui s’abattent parfois sur les rives de la Route 222. Un tel vent pourrait parfaitement nous emporter, et nous faire basculer dans le vide ! Comment… Est-ce qu’une telle tempête a pu se lever d’un coup ? Cela devient extrêmement dangereux ! Il faut vite que nous… !

-LUCARIO ! 
-Vi… Vipélierre ?! »


J’essaye de rejoindre mes compagnons, mais la bourrasque m’entraîne en avant. Je n’ai même pas le temps de demander à mes Pokémon de se rapprocher de moi…

C’est comme si le monde se dérobait sous mes pieds. J’ai l’impression de tomber irrévocablement. Un peu comme lorsqu’on s’apprête à dormir, mais que notre corps éprouve une brusque et inexplicable sensation de chute. C’est la même chose, sauf que… En plus de mon corps, je sens que mon esprit s’embrume également. Je crois… Que je suis en train de perdre conscience.

Je cherche à saisir quelque chose, à m’accrocher, mais mes doigts se renferment dans le vide. En fait… C’est comme s’ils se décomposaient…






Puis c’est le néant.








***


« -… »

Urgh… Ma tête…

Lorsque je rouvre les yeux, une désagréable sensation parcourt l’ensemble de mon corps. Automatiquement, je porte ma main à mon front pour me masser les tempes…

C’est alors qu’une voix, étrangement familière, résonne tout près de moi.

« -Allons, doucement… C’est une sacrée chute que tu viens de faire, laisse-toi le temps de reprendre tes esprits…  »

Une voix mielleuse, quoique un peu enraillée, que je n’ai pas entendu depuis des mois maintenant. Je lève les yeux vers sa source, et avec un certain étonnement, découvre le visage d’une vieille femme aux rides marquées. Sa peau est basanée, se yeux dissimulés derrière d’épaisses lunettes noires, et un épais turban blanc est noué autour de son crâne.

« -M… Mama Odie ?! »

… Oui ! C’est ça ! C’est la cantinière en charge du réfectoire de l’académie, à l’époque d’Adala ! Elle était encore en poste lorsque je suis entrée à l’école, mais elle est partie suite au changement d’administration. Ginji m’en avait chanté toutes les louanges, et c’est vrai qu’en plus d’être très agréable, elle cuisine merveilleusement bien. Elle se tient juste là, penchée par dessus une casserole posée sur un feu improvisé. Elle prépare quelque chose, une boisson semble-t-il.

Mais… Qu’est-ce qu’elle fait ici ?

En fait…

Où est-ce que nous sommes ?

J’ai visiblement quitté le plateau. Nous sommes aux abords d’un lac, et je suis assise à même l’herbe qui couvre le sol. Des arbres nous encerclent, derrière nous, signe que nous sommes à la lisière d’une forêt. Par delà, je remarque des falaises, et…

… La montagne…

… Que nous avions escaladé, mes Pokémon et moi.

« -Je… Suis de retour au pied de la montagne ?…  »

Mais comment ? Et par quel miracle ?… Mama Odie s’approche de moi, et me tend un gobelet rempli d’une sorte de thé.

« -Ne t’inquiètes pas, tout va bien. Bois ça, ça te remettra d’aplomb !
-M… Merci ! »

Je l’attrape de mes griffes, et observe la préparation d’un air pantois. C’est moi où… Il est particulièrement grand ? En fait, même Mama Odie est bien plus imposante que dans mes souvenirs. Et quand j’y regarde de plus près… Que ce soit les arbres, la végétation, le lac, ou même la montagne en elle-même… Tout est beaucoup plus grand que dans mon souvenir…

« -… »

Mes… Mes griffes ?!

Je sursaute, et me redresse d’un coup en réalisant l’état de mes bras. Évidemment, ma boisson m’échappe, et se déverse sur le sol. Pourquoi… Mes mains sont-elles recouvertes de fourrure orange ? Et pourquoi ai-je des griffes sur le bout de mes doigts ?!

En fait… Il n’y a pas que mes mains ! Mes pieds ont subi le même sort, et… ! Même mon ventre est… ! Où… Où sont passés mes habits ?! Et mes affaires ?! Et pourquoi… Suis-je aussi petite ?!

« -Q… Qu’est-ce qu’il se passe ?! »

Je me précipite au bord de l’eau. Dans son reflet, ce n’est pas mon visage que je perçois.

Mais celui d’un petit ourson.

« -Je… Suis une Teddiursa ?! »

***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :

Que ?

Je ?

Comment ?

Mais… Pourquoi ?!

Complètement abasourdie, je glisse un regard décontenancé à Mama Odie. Mais celle-ci semble agacée par tout autre chose

« -Ooooh, mais attention ! Mon thé… ! J’avais même pensé à incorporer un peu de miel…  »

Je me tourne vers elle tout en m’agrippant le visage, effarée.

« -M… Mama Odie ! Qu… Qu’est-ce qu’il m’arrive ?!
-Cela ne sert à rien de t’agiter comme ça, ma petite ! Je ne comprends pas un strict mot de ce que tu racontes…
-… ! »

Je ne le réalise que maintenant, mais même mes mots on changé. On dirait que je ne suis plus capable que de prononcer mon nom – en tout cas, celui de mon espèce. Pourtant, ils apparaissent clairs dans mon esprit… !

« -Ne t’en fais pas. Il y a une origine à ce qu’il t’arrive... »

Son propre gobelet entre les mains, elle vient s’asseoir auprès de moi, les jambes croisées.  Après en avoir bu une gorgée, elle pivote légèrement ses épaules pour toiser la montagne.

« -Cette montagne que tu as gravi n’est pas ordinaire. Elle servait autrefois pour d’antiques rituels… Ici, la confiance entre humains et Pokémon est placée au dessus de tout. Alors… Les esprits qui l’habitent sont très exigeants. » elle se tourne vers moi « Avec le temps, de plus en plus de trappeurs humains sont venus y pratiquer le braconnage. Si la chasse fait partie de l’ordre naturel des choses, son usage déraisonné a quelque peu… Agacé les esprits. » elle se penche en avant, sur le ton de la confidence « Depuis, il leur arrive de mettre à l’épreuve les humains qui la gravissent. Pour renforcer leur lien avec le monde sauvage, ils les changent "en ce qu’ils ne comprennent pas". » elle se redresse, et reprend une gorgée « D’une façon ou d’une autre, tu as dû fâcher les esprits sur le sommet de la montagne. Et… Voilà maintenant ce qu’il t’arrive. »

Je cligne des yeux, perplexe. Je ne saisis pas… Qu’est-ce que j’ai fait ? C’est parce que je ne comprends pas mes Pokémon que j’ai été changée en l’un d’entre eux… ? Mais pourtant, c’est normal, pour un humain, non ? De ne pas comprendre ce que disent les Pokémon… ? Je veux dire, Mama Odie elle-même est incapable de me comprendre, maintenant ! Ce n’est pas pour autant qu’elle va se changer en vieux Noarfang devant moi… ! Si… ?

Et… Et à ce propos ! Je me redresse subitement, et regarde partout autour de nous.

« -M… Majesté ! Aniel ! Où… Où sont-ils ?! »

Mama Odie prend une énième gorgée de sa boisson, avant de rire doucement.

« -Si tu t’inquiètes pour tes compagnons… N’aie crainte. Je les ai secourus avant toi… Je leur ai dit que s’ils voulaient te revoir, ils te retrouveraient au sommet. Ils sont déjà en marche vers celui-ci, à l’heure qu’il est.
-… ! »

Lentement, elle se relève, et se tourne en direction de la montagne.

« -Si tu souhaites retrouver ta forme originelle, tu vas devoir remonter là-haut. Avec ton nouveau corps, ce ne sera certainement pas une mince affaire, mais… Je suis sûre que tu peux y arriver ! »

Une perle de sueur glisse le long de mon visage. Dans la peau d’un Teddiursa, le trajet jusqu’au sommet paraît vingt fois plus longs. Comment suis-je censée l’atteindre sans l’aide de mes Pokémon ? En suis-je… Seulement capable ?

Aaah… Bon sang !

Cela devait juste être des vacances reposantes, à la base…



***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :

Narrateur omniscient

« -…
-… »

Un silence de mort règne auprès des deux partenaires. Par ailleurs, le terme « partenaire » est peut-être un poil illusoire : cela impliquerait qu’un quelconque lien unisse Majesté et Aniel en dehors de leur filiation avec leur dresseuse, Lissa.

L’air toujours aussi renfrogné, le Vipélierre ouvre la marche. C’est non sans un certain agacement qu’il avise leur destination, le sommet de la montagne. Devoir le rallier une fois avait déjà été pénible, il ne comptait certainement pas y retourner une seconde. Hélas, il n’a guère d’autres choix s’il souhaite retrouver sa vassale.

Il pourrait bien requérir qu’Aniel le porte, mais il refuse formellement d’être transporté par qui que ce soit d’autre que sa dévouée dresseuse. C’est son rôle, après tout – s’il devait s’en remettre à un tiers, la pertinence de Lissa en tant que vassale serait remise en cause.

Et quand bien même il devait accorder à un autre l’insigne honneur d’officier en tant que piédestal royal, ce n’est certainement pas à la Lucario qu’il confierait cette tâche. Cette impertinente prend une place bien trop importante dans le quotidien de sa vassale, et a l’outrecuidance de jouer les innocentes. Il est parfaitement hors de question que Majesté s’en remette à elle d’une quelconque façon que ce soit.

Celle-ci suit pourtant avec grande assiduité les pas de son aîné. De part sa taille, elle pourrait sans mal le distancer ; mais elle sait pertinemment ce qu’un tel acte provoquerait. Et si Aniel non plus, ne porte pas Majesté bien haut dans son cœur, ce n’est pas pour autant qu’elle va s’amuser à le provoquer gratuitement. D’autant que, une fois n’est pas coutume, il est le seul à qui elle peut s’en remettre : il est le plus à même à valider ou non l’unique piste qu’ils ont pour retrouver leur dresseuse.

Voulant s’assurer du bien-fondé de leur entreprise, elle se permet justement de l’interroger à ce propos.

« -Tu es certain que nous pouvons faire confiance à cette vénérable humaine ?… Comment peut-elle savoir que notre dresseuse se trouve toujours là-haut ? »

Majesté ne lui adresse qu’une brève œillade. Il est vrai qu’Aniel n’a pas beaucoup connu Mama Odie.

« -Elle nous a nourri pendant longtemps, ma vassale et moi. Je ne vois pas pourquoi elle voudrait nous induire en erreur. » il continue sur un ton à moitié circonspect, à moitié méprisant « Tu n’es pas censée pouvoir lire l’aura des autres êtres vivants ? Tu n’es pas capable de le déterminer par toi-même ? »

Aniel détourne le regard, honteuse.

« -Eh bien, son aura inonde de bienveillance et de gentillesse, mais aussi d’une grande force de volonté. En vue de son âge avancée, je ne serai pas surprise qu’elle ait percé les secrets de la maîtrise de l’aura, et qu’elle puisse moduler la sienne pour m’induire en erreur…
-… »

Majesté préfère ne pas relever la naïveté d’une telle réflexion. De toute façon, le chemin qu’ils suivent est en train de bifurquer vers l’ouest, et le Vipélierre s’arrête un instant pour aviser la pente qui leur fait face. Techniquement, ce sentier, qu’ils ont déjà emprunté ce matin, mène bel et bien au sommet. Mais s’ils s’en détournent pour continuer en ligne droite, et qu’ils traversent directement la forêt… Ils atteindront le sommet plus vite.

Sans consulter son escorte, Majesté s’écarte donc du chemin de montagne, et continue tout droit, en suivant strictement le sens de la pente. Aniel l’interpelle dès qu’elle le réalise.

« -O… Où est-ce que tu vas ? Le sentier continue par là. »

Elle pointe l’ouest du doigt. Le Vipélierre ne lui adresse même pas un regard.

« -Nous ne sommes plus en balade. Si nous voulons retrouver ma vassale au plus vite, continuons tout droit.
-Mais… L’humaine nous a dit de suivre le chemin, non ? Si l’on s’écarte, nous pourrions nous perdre. »

La pente s’accentue rapidement, et Majesté arrive au pied d’un monticule. Il tend un bras, et deux lianes s’échappent des excroissances à la base de son cou. Elles s’enroulent autour des branches d’un arbre situé en amont, et tracte le Vipélierre en haut sans le moindre effort.

« -Tu fais comme tu veux. Je m’en moque. »

Et sans attendre de réponse, il se remet en marche, laissant la Lucario seule sur le sentier en contre-bas. Cette dernière entrouvre la bouche, ne sachant que répondre. Elle observe alternativement la route, et la silhouette de Majesté disparaissant juste au dessus. Pendant un instant, elle se dit qu’elle ne devrait pas le laisser sans surveillance. Mais au fond d’elle, elle a la certitude que s’écarter du chemin est une terrible idée.

De plus, elle n’est pas sûre de vouloir céder à un énième caprice de Majesté.

« -Dans ce cas… Je continue sur la route. Ne… Ne viens pas te plaindre si tu t’égares… ! »

Elle perçoit un geste nonchalant de la patte de Majesté en guise de salutation, et il s’évapore derrière la végétation.

Les poings serrés, Aniel s’en détourne. Qu’il s’écarte si ça lui chante… Elle, elle continue le long du sentier ! On leur a donné une consigne très simple à respecter pour revenir auprès de sa dresseuse, elle compte bien s’y tenir.

Avec ou sans Majesté.

« -Je… Je vous retrouverai, Lissa. »


***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :
Lissa

Mes yeux ne cessent de papillonner ci et là. Avec une certaine anxiété, je détaille le moindre élément qui m’entoure. Les troncs d’arbre sont devenus gigantesques, les fourrées bien plus bruyantes, et les empreintes laissées par les Pokémon sauvages me paraissent étrangement plus menaçantes. Mes propres pieds rentrent à peine dans celles-ci. Je suis vraiment devenue toute petite…

Je pousse un profond soupir. Avec ces pattes, je vais mettre des heures à atteindre le sommet. J’aurai pensé que Mama Odie m’aiderait à le rallier, mais… Pas du tout. Après m’avoir dispensé ses consignes, elle m’a juste souhaité bonne chance, puis a disparu.

Bon… Je n’ai qu’à commencer par retrouver le sentier vers le sommet. Si mon sens de l’orientation n’est pas trop mauvais, je devrai avancer par là. Avec un peu de chance, je retrouverai mes Pokémon sur le trajet. Je serai beaucoup plus rassurée de les avoir à mes côtés…

Je continue donc de progresser, les bras recroquevillés sur moi-même, le pas fébrile. Je dois probablement constituer une cible facile pour quiconque souhaiterait s’en prendre à moi. C’est que... Je ne sais pas du tout quel comportement adopter… ! Est-ce que je dois avancer en me cachant dans la végétation ? Ou au contraire, me frayer un chemin à travers celle-ci à l’aide de mes griffes ? Peut-être dois-je me déplacer d’arbres en arbres, de branches en branches… ? Toutes ces idées me paraissent bien trop saugrenus. Je préfère… Marcher simplement, et… Prier pour ne croiser personne sur la route…

… Tac tac tac tac tac tac tac !

Je m’immobilise en entendant des bruits de pas, toujours plus proches. Quelqu’un est en train de marteler le sol de ses pieds, et… !

… Je crois qu’il fonce vers moi…

... A vive allure !

Je n’ai même pas le temps de réagir, ni même de réfléchir à la situation. Une bourrasque de vent se créée lorsqu’une silhouette émerge des buissons à proximité. L’imposante créature effectue une pirouette dans les airs, et atterrit…

Juste devant moi.

« -Halte. Où comptes-tu aller ainsi ?
-HIIIIIIIIIIIIIII ! »

Je me mets immédiatement en posture défensive. Ce qui, dans mon cas, consiste à détourner le regard, puis à dissimuler mon visage derrière mes bras. Et ce, dans l’espoir que la menace finisse par s’évaporer par elle-même.

Une stratégie qui, étrangement, s’avère inefficace.

« -Tu avances vers mon territoire. Je ne t’ai jamais vue ici. Quelles sont tes intentions ? »

Son ton est ferme. Pourtant, il ne paraît pas spécialement énervé ou remonté. Pense-t-il que je représente une quelconque menace ? Si c’est le cas, eh bien… Il peut être rassuré…

Hésitante, j’écarte mes mains et dirige lentement mon regard vers lui. Mais lorsqu’il se pose sur mon interlocuteur, la surprise me fait entrouvrir bêtement la bouche.

C’est… Un Lockpin ! Un très grand Lockpin ! Il se tient au dessus de moi, et garde la jambe levée, prêt à attaquer. Ah, mais c’est vrai… Je suis une Teddiursa, maintenant ! Je dois pouvoir comprendre les autres Pokémon, et… Naturellement, ceux-ci me paraissent bien plus imposants…

Mais… Surtout…

« -T… Ton pelage ! Il scintille ! Il… Il est tout rose… ! »

Il avise son propre pelage, puis me dévisage. Ma remarque le laisse visiblement circonspect.

« -… Et ? »

Je me sens un peu prise de court par sa question. Gênée, je tapote mes griffes entre elles.

« -Hum. C’est la première fois que je vois un Lockpin chromatique. Désolée. Je suis juste… Impressionnée.
-… »

Passé un instant à me toiser en silence, il rabaisse sa jambe. Puis il s’agenouille pour être au plus près de mon niveau.

« -… Tu ne m’as pas l’air bien dangereuse. Laisse-moi répéter ma question : vers où te diriges-tu ? »

J’ai un petit sursaut en réalisant avoir ignoré sa première interrogation.

« -O-oh ! Désolée !... » je m’incline respectueusement « Je, hum… Je m’appelle Lissa, et… Je dois retrouver mes… Amis… Au sommet de la montagne. »

Je me redresse, et nerveusement, triture mes doigts. Ce qui s’avère plus difficile qu’à l’accoutumée à cause de mes griffes.

« -Pardon, je… Je ne voudrais pas empiéter sur ton territoire, mais… Si tu pouvais simplement m’autoriser à passer… »

C’est quand même pratique, de pouvoir directement communiquer avec les Pokémon, plutôt que de devoir deviner leurs intentions. Le Lockpin continue de me toiser, me jaugeant silencieusement, pour finalement se redresser.

« -Le sommet ?… Si c’est réellement ton objectif, je peux te montrer un raccourci.
-… ! »

Mon regard s’illumine.

« -C’est… C’est vrai ?... »

Il acquiesce lentement, et se tourne dans la direction opposée à mon trajet initial.

« -Nous allons passer par les galeries. Suis-moi. »

Sans attendre, il se remet en marche. A la va-vite, je me précipite à sa suite.

« -A-ah ! M-Merci infiniment, monsieur Lockpin ! »

Je ne suis partie que depuis quelques minutes, je ne pensais pas faire la rencontre d’un Pokémon sauvage aussi sympathique, si rapidement. Peut-être que la situation aurait été radicalement différente s’il m’avait rencontré en tant qu’humaine. Être une Teddiursa doit beaucoup jouer…

Suite à mes remerciements, il m’adresse une courte œillade.

« -Tu peux m’appeler Soan.
-… ? »

Je le regarde avec étonnement.

« -Tu… Tu as un dresseur ? »

A son tour de me toiser.

« -… Qu’est-ce qui te fait croire ça ? »

Mon visage se tord en une légère grimace, pensive.

« -Je… J’imaginais juste que les Pokémon sauvages ne se donnaient pas de surnom…
-…  »

Il se détourne de moi pour plutôt se focaliser sur le chemin, et répond, une fois encore, par une autre interrogation.

« -Tu as un dresseur, "Lissa" ?
-… ! »

Je ! Il… ! Je… Qu’est-ce que…

Qu’est-ce que je suis censée répondre à ça ?!

Comprenant que je ne pourrai pas m’en sortir avec cette conversation, je juge bon d’y mettre court.

« -On… On peut dire ça, oui… »

Malgré l’aspect vague de ma réponse, il s’en contente. Il me fait un petit signe de la tête, et m’incite à presser le pas.

« -Dépêchons, dans ce cas. Si tu veux le retrouver là-haut, il vaut mieux se mettre en route. »

J’opine vivement du chef, et me presse derrière lui.

« -O-Oui ! Merci infiniment ! »

C’est ainsi que je me retrouve guidée par un Lockpin chromatique à travers la montagne.

***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :
Narrateur omniscient

Il siffle de la langue, et peste.

Secouant sa patte, Majesté tente d’en retirer la saleté qui s’est posée dessus. Certes, le chemin qu’il emprunte paraît plus rapide. Mais il est aussi bien moins aménagé que le sentier de montagne prévu initialement.

Vouloir se lancer à corps perdu dans l’inconnu, comme ça, cela ne lui ressemble guère.

Mais que voulez-vous ? La situation est particulière. Depuis qu’elle est à son service… Majesté n’a pas souvenir d’un seul jour où il a été séparé de sa vassale. Il aimerait autant réduire cette durée à son minimum. Non pas qu’il soit perdu sans elle – ah ça non ! Majesté est fort et indépendant, tout le monde le sait. Seulement…

Il n’aime pas ça. Le simple fait de rester enfermé dans sa Pokéball et de n’avoir aucun regard sur elle l’inquiète. Alors, la savoir loin de lui...

Depuis quelques temps, il sent comme une distance entre Lissa et lui. Il ne voudrait certainement pas que cette séparation spontanée accroisse ce ressentiment.

« -... »

Il s’arrête un instant, et pose ses pattes sur ses hanches. Placide, il observe les alentours. Les paroles d’Aniel résonnent alors dans son esprit : « Ne viens pas te plaindre si tu t’égares. »

Tant qu’il continue de suivre le sens de la montée… Cela devrait aller, non ?



***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :
Lissa

De mes petits yeux, je scrute les parois de cette grotte. Malgré l’absence de luminosité, je parviens parfaitement à en discerner les contours. Aurai-je acquis une meilleure vision dans le noir avec cette forme ? Je présume que les Teddiursa doivent être capables de survivre même dans l’obscurité…

… D’ailleurs, pourquoi un Teddiursa ? Je n’aurai pas été contre des jambes plus grandes…

Tout en le suivant, j’avise celles de mon guide. J’ai déjà vu plusieurs Lockpin, à Sinnoh, mais celui-ci est vraiment un beau spécimen. Malgré qu’il ne soit pas domestiqué, il semble porter grand soin à l’entretien de son pelage. J’aurai imaginé que pour un Pokémon sauvage, cela aurait été un détail de moindre importance, mais visiblement, je me méprends encore…

Soan n’a pas ajouté grand-chose depuis notre rencontre. Il paraît extrêmement taciturne. En temps normal, le silence ne me dérange pas. Mais, et c’est peut-être car je peux désormais le comprendre, je me sens mal de rester mutique tout le long du trajet.

« -Hum… Ces galeries… Elles mènent jusqu’au sommet de la montagne ? »

Il secoue lentement la tête de gauche à droite.

« -Pas tout à fait. Mais elles nous mèneront à mi-hauteur bien plus vite que par la forêt, ou le sentier des humains. Une fois là-bas, tu pourras continuer par la route classique. »

J’acquiesce avec attention. Il semble bien connaître les lieux. J’ai beaucoup de chance d’être tombée sur lui… Ou plutôt, qu’il me soit tombé dessus.

Mais alors que nous avancions à bon rythme, il s’immobilise brusquement. Il tend son bras devant moi pour m’inciter à faire de même, et j’obtempère de facto. Surtout, je remarque que ses imposantes oreilles tressaillent tout doucement.

« -Q… Qu’est-ce qu’il se passe ? »

Il prend une profonde inspiration. Puis il lève une jambe en anticipation, et déclare sobrement :

« -Nous allons nous faire attaquer. »

CRACK. A l’instant où il termine sa phrase, les roches autour de nous s’agitent. Des craquement se font entendre à mesure qu’ils émergent du sol et des parois. De minces filets de poussières glissent le long des pierres quand elles s’en extirpent, et avec épouvante, j’observe leurs orifices s’aligner pour tous nous fixer.

Ce ne sont pas de simples pierres. C’est toute une horde de Nodulithe et de Géolithe que nous venons de réveiller.

« -H… HIIIIII ! »

Par réflexe, je viens me placer près de Soan. Celui-ci me regarde de travers.

« -Tu devrais te préparer à te défendre. Ta garde laisse trop d’ouverture.
-Q… Qué ? »

Je le dévisage, observe mes pattes, mes griffes, puis le dévisage à nouveau.

« -Je… Je dois me battre ?! O-On… On ne peut pas leur demander la permission de passer, plutôt ?! »

Je ne m’en rends pas compte, mais un Nodulithe vient de balancer une pierre en notre direction. En pivotant sur son pied d’appui, Soan déploie sa jambe et frappe un grand coup dedans. Cela suffit à la briser en deux, et à la dévier de sa trajectoire.

« -Ils ont l’air de vouloir discuter ? »

De mes pattes, j’essaye de protéger mon visage des retombées de poussière.

« -M-m-m-mais, j-je…. ! Je ne sais pas me battre, moi !
-NOTRE. TERRITOIRE. NOTRE. TERRITOIRE. »

Les grincements produits par les Pokémon sauvages résonnent comme d’obscures menaces à mes oreilles. Lentement, ils avancent dans notre direction pour nous encercler, et nous prendre en tenaille.

« -Tu plaisantes ? Ton dresseur a bien dû t’apprendre quelques attaques. Éclate-Roc, au moins. »

Tout en fermant les yeux, je secoue vivement la tête de gauche à droite. Soan pousse un profond soupir.

« -… Je vois… »

Il saute. Son premier pied vient s’écraser contre la corne d’un Géolithe, et il utilise cet appui pour rebondir. Après avoir pivoté sur lui-même, il effectue une balayette via sa deuxième jambe, et éjecte le Pokémon droit vers les deux Nodulithe se trouvant derrière. Son attaque Double Pied effectuée, il atterrit de nouveau près de moi.

« -A défaut de te salir les griffes, sers-toi au moins de ta frimousse.
-Huh…. ? »

C’est une façon de me dire de me servir de ma tête ? Ou… Il parle littéralement ? Non sans une profonde appréhension, je toise les deux Nodulithe les plus proches de moi. Si je ne fais rien d’un instant à l’autre, ils vont en profiter pour m’attaquer – et j’ignore à quel point Soan peut me couvrir. Mais je suis bien trop terrorisée pour pouvoir aller au contact. Et puis, pour faire quoi ?! Je n’y connais pas grand-chose en combat Pokémon, mais je suis à peu près certaine que ces petites griffes seront sans effet sur leur peau rocailleuse !

En désespoir de cause, je les implore du regard.

« -S… S’il vous plaît ! Laissez-nous passer... Je ne vous veux aucun mal ! »

Je perçois une étrange énergie émaner de mon corps au moment de prononcer ces mots. A ma grande surprise, les deux Nodulithe s’interrompent dans leur mouvement, et soudain, je perçois qu’ils sont plus hésitants à l’idée de passer à l’acte.

Ni une ni deux, Soan en profite pour s’interposer. De deux attaques Mach Punch, il écarte purement et promptement les menaces. Puis il m’adresse un hochement de tête satisfait.

« -Bien. Continue les Regards Touchants, et je profiterai qu’ils soient distraits pour attaquer. »

R… Regard Touchant ?

Parce que je viens vraiment de lancer une capacité, là ?!

Je… Présume qu’il y a des moyens autres que les attaques frontales pour combattre. N’ayant fait des affrontements qu’aux côtés d’Aniel, je n’ai jamais vraiment réfléchi autrement… Mais si je peux déstabiliser mes adversaires, même un instant, je… Je suppose que ça vaut le coup d’essayer ?

Je déglutis, et acquiesce fébrilement.

« -D… D’accord ! »

Bon, Lissa… Il est temps de faire jouer ton charme de petit ourson !



***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :


Le pas lourd, je continue d’avancer sans trop réfléchir. Mon corps frissonne encore à cause de la peur, et… Je crois bien que mon pelage est tout hérissé…

« -Je… Je n’en reviens pas que nous soyons passés… »

Par réflexe, je cherche à m’essuyer les yeux, asséchés par les Crocos Larmes. J’oublie néanmoins que mes doigts ont légèrement changé, et au final, je ne fais que me piquer avec l’une de mes griffes. Dépitée, je me frotte le visage à l’aide du bras, et essaye de passer outre.

A mes côtés, Soan est bien plus désinvolte.

« -J’avais déjà observé le terrain en avance. Je comptais m’approprier cette portion de la montagne tôt ou tard. Merci pour le coup de patte. »

J’expire de façon bien audible.

« -Je n’ai pas fait grand-chose… »

Je prends à peine conscience de ce qu’il vient de dire, et dévisage le Lockpin avec effarement.

« -Tu… Tu as fait exprès de nous faire passer par là ?! »

Il sourit doucement.

« -Comme tu as un dresseur, j’ai pensé que combattre ne te dérangerait pas. Pardon de t’avoir mêlée à ça. »

Incertaine, je détaille son expression. Je ne pense pas qu’il mente, même s’il est loin de culpabiliser pour autant. Quand bien même je serai restais passive durant tout l’affrontement, il aurait quand même fini par l’emporter, en vue de sa force. Tant que je restais à ses côtés, je n’étais probablement pas en danger.

Je me demande…

« -Soan… Tu m’as l’air très calme, patient, et… Contrairement à ces Pokémon, tu as discuté avec moi ; tu m’as même aidée, quand tu as compris que je ne voulais pas me battre. Alors… Pourquoi as-tu tant tenu à affronter ceux-là ? »

Bien que ma question soit posée, je détaille ma pensée.

« -Tu as pris le simple fait que je me dirige vers ton territoire pour une menace, tout à l’heure. Et pourtant, tu souhaites t’approprier le leur. Tu as même fait du repérage dans cet optique… Pourquoi être si... » j’hésite sur la formulation « … Belliqueux ? Avec ta vitesse, ou un autre chemin, je suis sûre qu’on aurait pu éviter le combat… »

Je suppose que c’est un comportement typique de Pokémon sauvage,voire de Pokémon tout court. Qu’il n’y a pas d’autres explications à ces confrontations que l’instinct primitif, ou la nécessité de survivre. Justement, c’est peut-être purement pratique, une question de nourriture ou de point d’eau à récupérer…

Malgré tout, je suis surprise de constater qu’un être visiblement placide comme Soan soit à ce point déterminé à se battre. Il me fait énormément penser à Aniel, en ce point. Elle est douce, calme, et mesurée, mais pourtant… Elle est irrévocablement attirée par le combat.

Si je peux profiter de ma situation pour la comprendre un tant soit peu, autant en profiter.

La mine du Lockpin se fait pensive, signe qu’il réfléchit sérieusement à la question. Étonnement, sa réponse s’avère plus complexe que je ne l’espérais.

« -Suis-je vraiment digne du nom de Soan si je ne cherche pas à me dépasser ? »

Je le dévisage sans trop comprendre. Il doit le percevoir, puisqu’il développe.

« -Puis-je être "moi", si je ne cherche jamais à améliorer qui "je" suis… ? Tu dois tenir à ton dresseur, j’imagine. Même sans que tu aies à te battre, il y a certainement des choses que tu fais pour l’aider ? Et pour cela, tu dois t’améliorer. Devenir plus forte, agile ou attentive… Eh bien, c’est un peu la même chose pour moi. »

Il appose sa patte contre son buste.

« -Sauf que la seule personne que je cherche à satisfaire n’est autre que moi-même. Je me bats pour devenir plus fort, car je veux devenir la meilleure version de moi-même. »

Je suis surprise qu’il ait poussé cette question si loin. Je m’attendais à une réponse beaucoup plus terre à terre, ou même, vague. J’apprécie qu’il y ait réfléchi sérieusement. Bien que…

« -Au final… Ce n’est pas un peu… Se battre… Juste pour se battre ? Je veux dire… Quelle finalité à cette force ? »

Même si je comprends l’intention, j’ai du mal à percevoir la fin. Pourquoi Soan a besoin de devenir plus puissant pour être satisfait de lui-même ? J’ai peur de minimiser ce besoin en posant cette question, mais heureusement, il ne semble pas le prendre mal. Il se feint même d’un léger sourire.

« -Ne t’en fais pas. Je ne me dédie pas qu’à de la violence gratuite. » il regarde droit devant lui « Lorsque je suis arrivé sur cette montagne, les Pokémon des environs se sont montrés très… Inhospitaliers, à mon égard. J’ai… Bien failli y passer, à cause de cela. » puis il jette une œillade en arrière « Comme tu as pu le constater, les Pokémon que nous avons affrontés ont la fâcheuse tendance à attaquer quiconque passe à proximité. Maintenant qu’ils ont reçu une bonne correction, ils devraient se tenir plus tranquilles. Si je peux aider à rendre la montagne plus sûre pour les Pokémon comme toi, alors ma force n’est pas vaine. »

J’ai la sensation que cette conséquence à ses pulsions combatives est assez secondaire. Que ce n’est pas tout à fait le plus important pour lui. Néanmoins, pacifier les environs reste une bonne chose, quelle que soit l’objectif premier de ses actes. Même si j’aimerai qu’une méthode plus douce existe, j’imagine que le monde sauvage fonctionne ainsi, et qu’il n’y a rien d’autre à y faire.

Je présume qu’Aniel doit répondre à des principes similaires. Elle a été élevée dans l’unique but de me protéger… Pour elle, combattre doit être un moyen de s’améliorer pour remplir cet objectif.

J’espère avoir l’occasion de discuter avec elle du sujet.

Soan reprend la parole. Je m’attends à ce qu’il prolonge sa réflexion, mais il n’en est rien.

« -Nous arrivons. »

Je regarde droit devant nous, et constate qu’effectivement, une vive lumière pointe au loin. La sortie ! Ces galeries commencent à devenir étouffantes, surtout après l’attaque que nous avons subie… Alors, je ne suis pas mécontente d’en voir le bout. Sa vision me redonne l’énergie nécessaire pour me précipiter en avant.

Le souffle de la brise qui s’engouffre à l’intérieur de la grotte apporte une fraîcheur bienvenue, et emplit mes narines d’une centaine de senteurs. Arrivée à la frontière entre les galeries et l’extérieur, je marque un temps d’arrêt pour prendre une profonde inspiration. Aux odeurs de poussière et d’humidité de la grotte se mêlent des notes boisées, ainsi que la fragrance marquée des pins.  

Derrière moi, Soan suit plus tranquillement. Lorsque je me retourne pour le voir approcher, je remarque un élément situé entre nous.

« -... Tiens ? »

Je ne l’ai pas vue en passant devant, car elle jonche le côté de la grotte. Mais une carcasse de Pokéball est là. En m’en approchant, je constate que non seulement, elle a rouillé, mais qu’en plus, le système d’ouverture est cassé en deux. Curieuse, j’en rapproche mon visage pour l’observer de près.

« -... On dirait qu’elle a été perdue il y a un long moment. » je me redresse, songeuse « J’espère que le Pokémon qu’elle contenait a pu retrouver son dresseur. »

Soan arrive à mon niveau, et avise la carcasse métallique.

« -... »

Mais son regard ne s’attarde qu’un instant dessus. Il passe devant, et observe plutôt l’extérieur.

« -Les conditions climatiques sont bonnes. Tu ne devrais pas avoir trop de mal à rallier le sommet. »

Je me détourne également de la Pokéball, et le suis dehors. En effet, il fait bon et le ciel est dégagé. Impossible néanmoins de voir le sommet de la gigantesque paroi qui fait face à la grotte, à cause de l’inclinaison. En l’observant, j’ai un instant de panique.

« -Je… Je vais devoir grimper là-haut ?! »

Soan secoue la tête de gauche à droite, visiblement amusé. Il s’écarte du passage, et m’indique une direction de la patte.

« -En allant par là, tu trouveras une futaie. Suis la pente, et tu croiseras le chemin des humains ; en l’empruntant, tu finiras par arriver au sommet. »

J’ai effectivement souvenir d’avoir traversé une forêt de pin, lors de ma première ascension avec Majesté et Aniel. Je situe donc mieux où nous nous trouvons – et pour sûr, ces galeries nous ont fait gagner beaucoup de temps !

Je me tourne vers le Lockpin, et m’incline respectueusement. Je comprends à ses consignes qu’il ne compte pas me suivre ; j’aurai aimé qu’il m’accompagne plus longtemps, mais je ne vais certainement pas lui forcer la main.

« -Merci infiniment, Soan. Tu m’as été d’une grande aide. » je me redresse, et l’interroge du regard « Et toi ? Que vas-tu faire ensuite ? »

Tout en croisant les bras, il sourit tendrement.

« -Je t’en prie, petit ourson. » puis il observe le lointain « Hmm… Je n’ai pas grand-chose d’autre à faire aujourd’hui. Peut-être pourrai-je… »

Il s’interrompt au milieu de sa phrase. Alors que j’avais espoir qu’il se propose pour m’escorter, ses oreilles vibrent doucement, et ses yeux se plissent. Son regard se fait brusquement plus sérieux.

« -Quelqu’un vient d’entrer dans mon territoire.
-… ? »

Je le toise avec de grands yeux. Soan prend immédiatement une posture plus alertée, et entreprend d’ores et déjà de s’éloigner.

« -Désolé, mais je dois aller voir de quoi il en retourne. »

Je l’observe s’écarter sans savoir que faire. Un peu inquiète, je l’interpelle.

« -C… Ça va aller ? Tu as besoin d’aide ? »

Mais il reprend un regard doux à mon intention.

« -N’aie crainte. Ce n’est rien qui puisse me mettre à mal. »

Il plie ses jambes, et d’un bond, atteint les branches d’un arbre à proximité. Une fois perché dessus, il m’indique à nouveau la direction du sommet.

« -Suis la pente, puis le chemin. Je suis sûr que tu retrouveras ton dresseur. Et si jamais tu as besoin d’aide... » il fléchit à nouveau ses genoux, prêt à repartir « Sache que tu es sous ma protection. »

Il saute encore, augmentant d’un cran la distance qui nous sépare.

« -Prends soin de toi, Lissa ! »

Et il disparaît rapidement. Je suis quelque peu décontenancée par un départ aussi précipité, mais ne m’en formalise pas. Je joints mes deux mains, et l’observe disparaître, le sourire aux lèvres.

« -Merci, Soan. »

Quel Lockpin remarquable. Entre son chromatisme, sa force et sa gentillesse, il dénote vraiment de tous les autres Pokémon sauvages qu’il m’ait été donné de rencontrer. J’ai eu de la chance de pouvoir discuter avec lui.

Était-ce ce qu’espéraient les esprits de la montagne, en me transformant ? J’espère vraiment satisfaire leurs attentes.

Arf, j’aurai dû porter plus de soins aux gravures que j’ai observées lors de ma première ascension… A tous les coups, ils n’ont pas apprécié que je les touche de mes doigts poisseux !

Je souffle un coup, et me redresse. Je n’ai fait que la moitié du chemin. Majesté et Aniel… Ils doivent m’attendre en haut. Ils doivent certainement être inquiets… Il faut que je me dépêche de les retrouver.

Allez, Lissa… Haut les cœurs !





«  Je suis une Labelvi ! Fille de la campagne ! Je n’ai pas peur de traîner dans la boue, ni de me salir ! Alors, ce n’est pas un parquet tout propre tout ciré qui va me faire peur… »
Lissa Labelvi
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« Dîtes à mes amis que je m’en vais »


***
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Narrateur omniscient

Le regard d’Aniel est focalisé sur ses pattes. Diligemment, elle suit le sentier de montagne, et avance à bon rythme. Ses bras vont et viennent pour marquer la cadence ininterrompue de ses pas.

De l’extérieur, on verrait là une Lucario tout ce qu’il y a de plus concentrée et appliquée.

C’est pourquoi je vous propose un petit aperçu de ses pensées internes.

Qu’est-ce que j’ai fait ? Pourquoi ai-je laissé Majesté sans surveillance ? Et s’il lui arrivait quelque chose ? Qu’on le retrouvait blessé ? Ou pire ! Qu’on ne le retrouvait pas du tout ? Que dirait maîtresse Lissa ? Déjà que je l’ai perdue, elle ! Si ça se trouve, elle aussi encourt un grave danger ! Et moi, qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai laissé son premier partenaire livré à lui-même ! Dans la nature ! Il va se perdre. C’est sûr, il va se perdre. Je suis une piètre Lucario. Je ne mérite pas ma dresseuse. J’ai déshonoré maîtresse Yuna et ses enseignements. J’ai failli à ma mission et je ne suis qu’une moins que rien ! Majesté va se perdre, dépérir dans la nature et ce sera entièrement de ma faute.

Voilà voila.

Depuis que Majesté et elle ont emprunté des chemins différents, elle a quelques fois songé à faire demi-tour et le rattraper. Néanmoins, l’incertitude quant au fait que ce soit la bonne chose à faire, qu’elle soit en mesure de le rejoindre et la nécessité de retrouver sa dresseuse l’ont poussée à continuer tout droit. Cela n’a en rien apaisé ses doutes, et bien au contraire, son anxiété ne fait qu’augmenter à mesure qu’elle réalise que plus elle avance… Et plus il serait complexe pour elle de faire machine-arrière.

Si seulement il n’avait pas voulu n’en faire qu’à sa tête ! Pourquoi… Pourquoi faut-il toujours qu’il fasse des siennes ? La vénérable humaine leur a donné une consigne ! UNE ! Suivre le chemin jusqu’au sommet… Et c’est tout ! Ils n’avaient qu’à faire ça pour retrouver tous deux Lissa… Mais non ! Une fois encore, Majesté a décidé qu’il n’était soumis à aucune consigne, et il a juste… Continué tout droit.

« -Raaah ! »

De frustration, Aniel frappe une pierre de son pied, et pile net. Resserrant ses poings, elle ferme les yeux et se concentre sur sa respiration.

« -D’accord. Il faut que je me calme. Je n’arriverai à rien si mon aura est agitée… Je dois prendre une pause, et évacuer ma colère. »

Elle souffle un bon coup, et rouvre les yeux. L’endroit où elle s’est arrêtée lui est familier. La route passe en effet à proximité d’un champ de baies, dont les buissons, disposés en cercle, arborent de nombreux fruits bleutés. Des Baies Oran. De la rivière à proximité émane un agréable ruissellement, et la lisière de la forêt proche confère une ombre agréable à la clairière.

A l’instar de son camarade, Aniel finit par s’écarter du chemin. La différence entre elle et lui étant que cet égarement n’est que temporaire : cet endroit est parfait pour une courte séance de méditation. Les lieux sont calmes, il fait frais, l’air est empli d’agréables senteurs et le son de l’écoulement de l’eau a quelque chose d’apaisant.

Voilà ce qu’elle va faire. Elle va s’arrêter un instant… Quelques minutes à peine. Le temps de s’installer, jambes croisées, sur une pierre. Et se concentrer sur le flux de son aura…

L’objectif pour elle n’est pas seulement de se calmer. Elle doit être capable de retrouver Lissa et Majesté dans cette vaste montagne… Et pour ça, il va lui falloir aiguiser ses sens. Si Aniel sait utiliser son aura à des fins combatives, elle est loin d’exceller dans la contemplation et la perception. Elle doit réussir à ouvrir son esprit, et à élargir sa zone de détection. Au moins pour la suite de son ascension.

Peut-être sera-t-elle alors capable de retrouver Lissa ou Majesté à l’aide de leurs auras seules.

Alors…

Elle se concentre.

Et ressent.

La première chose qu’elle éprouve est le contact de la pierre avec son corps. Sous ses jambes, elle perçoit d’abord sa dureté, la froideur qui en émane, et son implacable immobilité. En second vient un léger courait d’air, qui vient se faufiler entre les poils de son pelage, pour naviguer entre eux, les agiter, et faire doucement remuer ses tresses. L’air rentre aussi par ses narines, pour descendre à travers sa gorge, et emplir puis vider ses poumons dans une cadence régulière. Elle ressent alors la porosité de la pierre en dessous, et les petites vibrations qui passent aussi à l’intérieur, pour finalement en réchapper de l’autre côté. Ces petites particules frôlent alors l’herbe, qui, de leurs extrémités, chatouillent le rocher.

Elle parvient ainsi à étendre sa perception au delà du contact direct. Cette végétation qui l’entoure ne réagit que faiblement au vent, mais elle se balance malgré tout à son gré. Subrepticement, les brins oscillent, tantôt à gauche, tantôt à droite. Il en va de même pour les feuilles des buissons, qui encerclent avec chaleur les fruits bientôt mûrs de leur hôte. Ces derniers ne respirent guère, mais puisent leur énergie dans les branches du plant qui leur a donné vie. La sève s’écoule en une lenteur presque léthargique, mais, avec toute la patience du monde, elle retourne se vitaliser dans les racines une fois les baies nourries. En effet, ce buisson s’étend par delà la terre, creusant cette dernière pour permettre à ses extrémités d’y glaner les ressources nécessaires à leur survie. Les nutriments, mais aussi l’eau… Cette même eau, qui depuis la rivière, s’infiltre à travers les pierres pour se propager en toute discrétion dans le sol. Elle a parcouru un long chemin avant d’échouer ici, et il reste encore beaucoup à parcourir pour celle qui continue de s’écouler en aval…

Toute cette mécanique bien huilée, d’une parfaite apathie, qui n’éprouve ni ne ressent, mais qui vit… Aniel, à cet instant, la ressent. Elle sait néanmoins que ce n’est pas ça qu’elle cherche. Alors… Elle se concentre. Elle cerne toute cette émulsion, et la pousse... Un peu plus loin. Maintenant qu’elle a embrassé son environnement de tout son aura…

Elle ignore le superflu. Elle écarte ce qui n’est ni humain, ni Pokémon… De sorte à ne cerner qu’eux.

Si quelqu’un, qui que ce soit, se trouve à proximité… Elle doit pouvoir le trouver.

Elle doit pouvoir retrouver sa dresseuse.

Il le faut.

Et justement.

C’est à cet instant précis, au paroxysme de sa concentration, qu’elle perçoit.

Elle perçoit… Une aura. Une seule, dans tous les environs.

Cette aura est justement dirigée vers elle. Et ce qui est curieux, c’est l’émotion qu’elle dégage. Il n’en émane aucune animosité, et pourtant…

Aniel sent une féroce envie de combattre.

Et cette-dite envie… Est en train de lui foncer directement dessus.

« -…. ! »

Rouvrant les yeux, Aniel croise ses deux bras, et avec, intercepte le coup de pied qu’elle s’apprêtait à recevoir. Tout en serrant les dents, elle cherche à maintenir son équilibre sur son rocher, avant, d’un coup, repousser son assaillant.

Celui-ci effectue une pirouette dans les airs, et retombe sobrement sur le sol. Sautillant sur place, le Lockpin lui adresse un hochement de tête approbateur.

« -Je me suis fait le plus discret possible, et pourtant, tu as pu parer mon attaque. Je suis impressionné. »

La Lucario le toise, et lentement, descend de son piédestal. Incertaine quant à la suite, elle se met, par principe, en posture de combat. Tout en préparant sa défense, elle détaille son opposant.

« -Tu as su effacer ta présence au point que je ne détecte ton aura qu’au dernier moment… Si je n’avais pas été pleinement concentrée, j’aurai été incapable d’éviter ton coup.
-Mon… Aura ? »

La type Combat rend au Pokémon sauvage l’air circonspect qu’il lui adresse.

« -Tu veux dire que… Tu as fait ça inconsciemment ? »

Le Lockpin étire ses bras.

« -J’ignore de quoi tu parles.»

Puis plie ses jambes.

« -Mais sache que je ne laisse rien au hasard. »

Et il bondit. Sauf qu’au lieu de lui foncer directement dessus, il prend appui sur un tronc d’arbre à proximité, et saute encore plus haut. Réduisant peu à peu la distance qui les sépare, Soan attaque désormais Aniel par au dessus. Cette dernière, le voyant venir, se prépare à encaisser.

« -Qu’est-ce que tu me veux ? »

Sur le point d’atteindre son point culminant, l’attaquant effectue une nouvelle pirouette dans les airs pour donner de l’élan à son coup.

« -Tu es sur mon territoire. »

Puis il fond sur Aniel. Le pied tendu, il cherche à atteindre son crâne.

« -Je dois donc t’en chasser ! »

Et il l’abat sur elle. Serrant les crocs, la Lucario bloque l’attaque avec ses deux bras. Si le choc est violent, elle parvient à repousser la frappe en faisant dévier le Lockpin. A nouveau, ce dernier parvient à atterrir debout en un parfait équilibre. Il toise Aniel d’un air épaté.

« -En général, mon attaque Rebond suffit à mettre à mal les Pokémon Combats dans ton genre. »

La concernée remue un instant les épaules pour dissiper la douleur. Mais bien vite, elle retourne en posture défensive.

« -Je suis aussi de type Acier. Il t’en faudra plus pour me vaincre. » elle plisse les yeux, et son ton se fait plus agressif « Maintenant, dis moi la vérité. Qu’est-ce que tu me veux ? »

Soan hausse les sourcils.

« -Ce que je veux… ? Je te l’ai dit, que tu quittes mon territoire…
-Tu mens.
-… ? »

Devant son air interrogateur, Aniel lui tend une patte accusatrice.

« -Ton aura bout de m’affronter. Tu te moques que je sois sur ton territoire. Tu souhaites juste me combattre. »

La mine du Lockpin se fait plus songeuse. Son sourire s’efface doucement.

« -Cette "aura" fait beaucoup de choses, dis moi… » il la toise avec sérieux « J’ai dû perdre de mon talent d’acteur, je présume.
-... »

La Lucario ne relève pas, et préfère attendre qu’il s’explique de lui-même. Ce qu’il finit par faire.

« -Tu es de type Combat et Acier. Moi, je suis de type Normal. En tant que tel, seuls les Pokémon de type Combat représentent une menace pour moi. » à son tour de désigner Aniel de la patte « Je me suis donc donné pour mission de combattre tous ceux que je croise. Et de les surpasser. »

Il serre ses poings, et se prépare à attaquer.

« -Ce n’est pas contre toi spécifiquement. Tu m’as l’air d’être un adversaire à la hauteur… C’est tout. »

Aniel, toujours sur la défensive, soutient son regard. Son pelage propre et scintillant lui donne un aspect précieux, mais il est bien plus redoutable qu’il en a l’air. Ses jambes et ses bras sont musclés, et il paraît naturellement robuste. Il semble également avoir une parfaite maîtrise de son corps. S’il l’avait attaquée pendant qu’elle ressassait ses pensées, un peu plus tôt, il l’aurait mise au tapis sans aucun mal.

C’est typiquement le genre de combattant que la Lucario souhaite elle aussi affronter. Là où sa dresseuse et elle vivent, les Pokémon de ce genre ne manquent pas. Malheureusement pour elle, Lissa n’est pas très portée sur les combats, et Aniel n’a d’autres choix que de s’entraîner seule, la plupart du temps.

« -... »

Et malheureusement pour ce Lockpin, c’est également pour Lissa qu’elle va devoir décliner.

Elle défait purement et promptement sa posture, puis se détourne.

« -Je suis désolée. Je t’aurai combattu avec plaisir, mais j’ai quelque chose de plus urgent à accomplir. »

Soan lui-même, surpris, défait complètement la sienne.

« -Comment… ? »

Aniel ne le regarde que du coin de l’œil au moment de s’écarter.

« -Je dois retrouver mes partenaires en haut de la montagne. Navrée, mais je n’ai pas le temps pour ça. » elle se concentre sur la route « Je quitte ton territoire. Donc tu n’as plus de réelle raison de m’attaquer, maintenant. »

L’expression, d’abord ébahie du Lockpin, devient progressivement plus intriguée. Retrouver ses partenaires en haut de la montagne ? Cette histoire… Il l’a déjà entendu, tout récemment. Et…

Quelque chose lui dit que ça ne tient pas du hasard.

« -Alors toi aussi, tu dois atteindre le sommet… ?
-… ! »

La Lucario s’immobilise, et se retourne.

« -Comment ça ? Tu… Tu as rencontré quelqu’un dans le même cas ? »

Se pourrait-il qu’il ait croisé la route de Lissa ou Majesté ? A ces questions, le fin sourire de Soan ressurgit.

Lentement, il lève un bras, puis une jambe, prêt à se battre.

« -Si tu me bats… Je te dirai ce que je sais. »

Au fond, il a une pensée coupable envers la jeune Teddiursa qu’il a escorté. Cette Lucario fait probablement partie des amis qu’elle doit retrouver en haut. S’il l’aidait dès à présent, ils pourraient certainement la rattraper en quelques minutes.

Mais il sait aussi qu’une telle opportunité de combat ne se présente pas deux fois. Si la type Combat représente déjà un adversaire digne de ce nom, elle va être encore plus redoutable maintenant qu’un enjeu est mis sur la table.

Alors, quoiqu’il arrive à l’issue de cet affrontement, il se promet de faire en sorte qu’elle atteigne le sommet sans crainte. Cela sera sa manière de s’excuser pour le contre-temps qu’il lui impose.

Enfin… Ça, elle n’a pas besoin de le savoir. Donc…

« -Tu en dis quoi ? »

Aniel serre la mâchoire. Non seulement se battre serait une perte de temps, mais elle risque en plus de se retrouver sévèrement blessée. Ce serait plus que contre-productif. Néanmoins…

Si ce Lockpin dispose de la moindre information concernant Lissa, ou même la situation de Majesté, Aniel ne peut pas l’ignorer. C’est peut-être la seule piste à laquelle elle aura le droit au cours de l’ascension.

Il a l’air fort. Mais grâce à sa méditation, l’aura d’Aniel est exaltée. Elle peut le battre. Au pire… Il y a toujours ces baies Oran.

Qu’elle gagne ou qu’elle perde, il faut juste que ça aille vite.

Aniel serre son poing, et lève ses deux bras.

« -Je vais te faire cracher le morceau. »

Soan sourit.

« -Nous pouvons rester courtois, tu sais. »

La Lucario concentre son énergie dans sa paume. Son pied trace un arc de cercle dans le sol au moment de se positionner derrière elle, et lorsqu’elle prend appui dessus, il la propulse en direction du Lockpin. Bras levé, elle met toute sa force dans la frappe à venir.

« -AH ! »




***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :

Majesté continue d’avancer.

Contrairement à la Lucario, il ne s’est pas posé beaucoup de question au cours de son ascension. Son intuition était bonne : il a fini par retrouver l’itinéraire de la randonnée, et progresse dessus… A son rythme.

Puisqu’il a persisté à suivre le sens de la montée, il a le souffle court. Mais il ne s’est pas beaucoup dépensé lors de la première ascension, donc il n’est pas à court d’énergie non plus.

Heureusement, car le simple fait de devoir monter une deuxième fois représente pour lui une véritable punition. Il a tout sauf envie d’être là, à marcher bêtement… Et il espère bien en finir au plus vite avec cette histoire.

C’est bon, la promenade, il a assez donné.

Mais alors qu’il continue de progresser, il s’arrête. Il entend des bruits de pas derrière lui. Quelqu’un est en train de courir dans sa direct-

« -MAJESTÉ ! »

Un cri réjoui retentit dans la futaie. L’instant d’après, une boule de poils orangée bondit sur le Vipélierre, et… L’encercle de ses bras. Ce dernier se tétanise, complètement pris au dépourvu. C’est quoi ça, une attaque ? Alors… Pourquoi est-ce qu’on lui fait un câlin ?! Et d’où ce Pokémon connaît son nom, d’ailleurs ?… Et à ce propos…  Cette voix… Il aurait juré que…

Très vite agacé par l’étreinte, il se libère de son emprise d’un geste de la patte.

« -Q… Mais pour qui tu te prends ?! »

Il dévisage son interlocuteur d’un air outré. La jeune Teddiursa qui lui fait face se met subitement à se triturer les pattes, gênée.

« -A-ah ! Hum, oui… Comment expliquer ça… ? »


***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :

Lissa

Majesté a un mouvement de recul, sous le choc.

« -V… Vassale ?! »

Mal à l’aise, je me gratte la joue.

« -O-oui. C’est moi… » j’avise mon corps un bref instant, et souris « Enfin, à peu près ! »

Le Vipélierre, tout en continuant de me dévisager, croise les bras.

« -Et tu dis que c’est la vieille qui t’a trouvée comme ça… ? » il plisse les yeux « Elle t’aurait jeté une malédiction, ou quelque chose du genre ? »

J’agite vivement mes mains devant moi.

« -N-Non ! Mama Odie ne ferait jamais une chose pareille !... » je lève la tête « Elle dit que c’est la montagne qui m’a fait ça. Et que je dois retourner au sommet si je veux redevenir comme avant. Elle m’a aussi prévenu que vous alliez dans cette direction… » puis je joins de nouveau mes mains, ravie « Alors, quand je t’ai aperçu de dos, j’ai tout de suite su que c’était toi, Majesté ! Je… Je suis si heureuse de t’avoir trouvé ! »

Il penche légèrement sa tête sur le côté, continuant de me détailler de haut en bas. Il n’a pas l’air convaincu par mon histoire, mais… Il finit par lâcher un soupir.

« -Hm. Je présume que c’est bien toi, oui… »

Je souris, gênée.

« -Désolée, je sais que c’est étrange. Mais… Regarde ! »

Je me rapproche de lui pour être au plus près.

« -Je peux te parler, maintenant ! Et surtout…. »

J’écarte mes bras, et entoure le Vipélierre avec.

« -Je suis pile à la bonne hauteur pour te faire câlin ! »

Malgré mon enthousiasme, je le sens un peu crispé. Il doit avoir du mal à se convaincre que c’est réellement à moi qu’il fait face, et pas un Pokémon inconnu. Il finit néanmoins par se détendre, et me tapote doucement le dos.

« -En effet… »

Il m’attrape les épaules, et me fait reculer un peu, de sorte à pouvoir me regarder droit dans les yeux.

« -Donc, il faut quand même qu’on remonte là-haut, c’est bien ça ? »

J’acquiesce tout doucement. Il soupire une seconde fois, mais de pure lassitude cette fois-ci.

« -Je présume qu’on ne peut pas te laisser dans cet état. Allons-y, dans ce cas. »

J’opine du chef, et il se retourne pour se remettre en marche. Je presse le pas pour me positionner à son niveau, et marcher à ses côtés.

« -Et Aniel ? Tu l’as vue ?… J’aurai pensé qu’elle était avec toi. »

L’air de Majesté se fait instantanément plus blasé.

« -On ne peut pas lui faire confiance. Elle n’a pas voulu écouter mes directives, et est partie de son côté. Alors qu’au final, c’est moi qui ai eu raison : regarde, c’est moi qui t’ai retrouvée le premier. »

Cette nouvelle ne me rassure guère. Donc Aniel est seule de son côté, sur cette montagne ?

« -Donc… Vous vous êtes séparés ? »

Majesté hausse nonchalamment les épaules.

« -Peut-être qu’elle nous retrouvera au sommet. Ou peut-être pas. Va savoir ce qu’elle a voulu faire. »

Je baisse les yeux, attristée. J’aurai été plus rassurée de la savoir avec Majesté. Mais bon… Je peux déjà m’estimer heureuse d’avoir croisé la route de mon starter, je suppose. Au moins, nous pouvons finir le trajet ensemble. Aniel est sûrement en train de progresser de son bord… Et s’il y en a bien une de nous trois qui peut se débrouiller seule, c’est elle.

« -J’espère que tout va bien, de son côté. »


***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :
Narrateur omniscient

Elle sent un vif courant d’air passer à proximité de la partie gauche de son visage.

De peu, Aniel évite le coup de pied de Soan. Elle plaque immédiatement son bras contre la jambe du Lockpin pour le repousser. Puis, par sécurité, elle fait un bond en arrière, et prend du recul pour réajuster ses défenses.

Elle lève ses deux bras, prête à parer la prochaine attaque à venir. Mais le Lockpin reste sur place, et ramène sa jambe près de lui, la maintenant malgré tout levée.

« -Hmm. Tu es vraiment très prudente. »

La Lucario soutient son regard, sans pour autant défaire sa posture. Il ne souhaite vraisemblablement pas poursuivre sa réflexion, ce qui l’oblige à le relancer.

« -… Et donc ? »

Soan hausse les épaules.

« -Les Pokémon Combats que j’ai affrontés sur cette montagne étaient bien plus… Directs. » il sourit « Cela m’étonne. Je pensais t’avoir énervée, mais tu parviens quand même à garder ton sang-froid. » son ton se fait plus sérieux « Enfin. Ça ne rend le combat que plus intéressant. Je trouverai comment percer tes défenses, tôt ou tard. »

L’expression d’Aniel se renfrogne. Il a raison. Dès l’instant où elle l’a attaqué, il a commencé à riposter, et son jeu a par la suite consisté à éviter ses coups. Elle prend le temps d’analyser la posture du Lockpin, et tant qu’elle ne perçoit pas d’ouverture, elle reste précautionneuse. Certes, ainsi, elle évite de subir des dommages – mais par extension, lui non plus n’ont subi aucun.

Elle qui voulait expédier ce combat rapidement… C’est mal parti, à ce rythme.

Si elle veut avoir une chance de le toucher, il faut qu’elle se mette plus en danger. Le problème, c’est que…

Tout son entraînement, et toute sa façon de combattre, consiste à être prudente. Elle ne se bat pas pour mettre à tout prix son adversaire au tapis, mais pour protéger sa dresseuse. Et même celle-ci met tout en œuvre pour qu’Aniel ne se blesse qu’au minimum.  De toute façon, elle deviendrait incapable de défendre Lissa si elle se retrouvait en mauvais état : alors, c’est une stratégie qui va dans leurs deux sens. Aniel fait en sorte d’agir précautionneusement pour assurer la sécurité de sa dresseuse, et cette dernière l’assiste à grand renfort de soins.

Mais ça ne marchera pas, ici. Déjà, parce que vouloir rester prudente pour protéger Lissa alors qu’elle n’est pas là est un concept stérile. Mais surtout, ce Lockpin est bien trop agile… Chercher à l’approcher sans s’exposer est vain. Aniel ne pourra jamais prendre l’ascendant tant qu’elle est dans l’expectative d’une erreur de sa part.

Pour le vaincre, il faut qu’elle parvienne à passer outre ses habitudes de combat. Qu’elle soit plus véhémente. Plus agressive.

Quand bien même elle saisit parfaitement l’idée, elle ne parvient pas à s’en convaincre pleinement. Veut-elle se montrer plus imprudente car c’est la bonne chose à faire, ou parce qu’elle commence à perdre patience ? Si elle agit en réponse aux provocations du Lockpin, elle finira perdante, c’est sûr.

Mais même là, Aniel perçoit un doute. Craint-elle cela parce que le risque est réel… Ou est-elle simplement réticente quant au fait de trahir ses réflexes ? Changer sa façon de combattre de but en blanc, quand on n’est habituée à rien d’autre, c’est loin d’être évident. Surtout avec une Lucario aussi appliquée qu’Aniel.

Pour basculer sur une telle stratégie… Il aurait fallu qu’elle s’entraîne au préalable, qu’elle réfléchisse à une approche, une méthode par laquelle commencer…

Peut-elle réellement improviser un nouveau style de combat, là, comme ça ?

En est-elle vraiment capable ?

« -Tu rêvasses, jeune louve. »

En tout cas, elle n’évitera pas l’attaque Double Pied de Soan. Perdue dans ses pensées, elle se prend un premier coup de pied dans l’épaule, et le deuxième, directement dans la joue. Sans difficulté, le Lockpin parviendra à se réceptionner juste devant elle, pour ensuite éviter le poing qu’elle tend par réflexe. Il en profitera alors pour reculer d’un pas.

Mince ! Aniel peste intérieurement. A force d’hésiter, elle a fini par recevoir non pas une, mais deux frappes. Elle se frotte la joue pour atténuer la douleur, mais la désagréable sensation qui lui emplit la bouche l’oblige à cracher un coup. Soufflant ensuite, elle cherche à se focaliser sur son adversaire.

Il faut… Il faut au moins qu’elle essaye. Sinon, ils y passeront la journée.

Et elle n’a pas le temps pour ça.

Il n’y a pas à dire, la détente de ce Lockpin fait honneur à sa race. Il peut mouvoir ses jambes dans les airs sans le moindre problème, et malgré tout retomber sur ses pattes à la réception. Il n’hésite pas à se servir de ses poings non plus, et depuis qu’il a compris que la Lucario est de type Acier, il a recours à des capacités du type Combat.

Maintenant, il faudrait qu’Aniel le touche également.

Serrant les crocs, elle balance son poing dans sa direction. Mais celui-ci se contente de se baisser pour l’éviter. A ce moment là, Aniel sent son pied d’appui pivoter par réflexe : dans ce genre de situation, sa première action est de reculer, au cas où l’adversaire en profite pour contre-attaquer.

Non ! C’est le même schéma qu’elle répète à chaque combat. Alors, sur l’espace d’une demi-seconde, elle prend la décision de passer outre ses habitudes. Ses pattes arrières se crispent, et ses orteils se plantent dans le sol, pour lutter contre ce geste-réflexe.

Elle ne reculera pas.

« -RAH ! »

Elle sent ses nerfs tendus par ce changement abrupt de direction. Mais tant pis. Son aura s’en retrouve attisée, alors qu’elle ramène son deuxième poing en direction de Soan. Ce dernier, alors sur le point de riposter, esquisse un faible sourire. Il ne s’attendait clairement pas à une deuxième attaque.

« -… ! »

Tout en se redressant, il effectue un pas de côté. Le bras d’Aniel frôle de peu l’épaule de Soan. Le poing de Soan s’enfonce directement dans le ventre d’Aniel.

Cette capacité Mach Punch lui arrachera un cri étouffé. Elle sent sa salive remonter dans sa gorge et s’y coincer. La douleur dans ses tripes lui fait perdre un instant la perception de son environnement, mais elle n’a hélas pas le temps pour encaisser la douleur.

Recule ! Cette pensée est immédiatement suivie par une deuxième. NON ! La Lucario ne veut pas retourner à un style de combat défensif. Elle doit continuer d’attaquer tant qu’elle est aussi proche de son adversaire.

« -GNN !... »

Alors, Aniel cherche également à loger son poing dans l’estomac de son opposant. Ce dernier, haussant les sourcils, est clairement surpris par la riposte. Il pensait vraiment qu’elle allait reculer, cette fois-ci, ne serait-ce que par réflexe. Elle vient de recevoir cette capacité super efficace de plein fouet, ses sens devraient lui hurler de fuir. Mais elle est vraisemblablement résolue à en découdre, désormais.

Le rictus de Soan se renforce.

« -Tu te réveilles. »

Une fois encore, il esquive, en bondissant en arrière. La réactivité du Lockpin est exceptionnelle, alors il parvient à éviter l’attaque sans trop de problème.

Maintenant qu’il a pu convaincre son opposante de baisser sa garde, il va pouvoir s’en donner à cœur joie. Sa fuite en arrière dissimule un rocher, sur lequel il prend appui pour rebondir. Passant au dessus de la Lucario, il atterrit promptement dans son dos, et profite de l’élan pour effectuer un balayage du pied.

Aniel n’a même pas le temps de se retourner. Elle se prend l’attaque Balayette dans les côtes, et sa mâchoire se serre toujours un peu plus. Les larmes au bord des yeux, son esprit hurle avec intensité. Fuis ! Recule ! Va-t-en ! Mais elle ne doit pas. Elle doit tenir bon, et le battre. Si elle s’en va, elle n’aura pas accès à ses informations. Si elle perd, non plus. Si elle abandonne, pareil.

Ce qu’elle doit faire, c’est le mettre au tapis. Peu importe la douleur qui lui ronge l’épaule, la joue, le ventre ou la côte. Peu importe le tressaillement de ses jambes. Peu importe le ralentissement de son souffle. Peu importe les tâches noires qui emplissent peu à peu son champ de vision…

Peu importe si elle doit prendre des coups…

Tant que ça lui donne une opportunité à saisir, elle encaissera.

« -Soit tu es intouchable, soit tu es complètement exposée. Tu ferais mieux de trouver un entre-deux, car… »

Dans un cas comme dans l’autre, tu ne parviens pas à me toucher. C’est ce que Soan s’apprête à dire, lorsqu’il sent une pression au niveau de son tibia.

Aniel vient de profiter du coup reçu dans les côtes pour saisir la jambe du Lockpin. Le sourire de ce dernier se tord. Attendre que l’adversaire vienne à soi pour l’attraper est une stratégie simple, mais pas moins efficace. A-t-elle fait exprès de ne pas se retourner ? Afin qu’il pense avoir l’ascendant de la vitesse ?

S’il regrette de s’être laissé prendre bêtement, ce n’est pas pour autant que Soan se considère vaincu. La Lucario a reçu bien plus d’attaques que lui, qu’elle parvienne à lui en infliger une maintenant ne changera rien.

Pourtant, ses oreilles se redressent. En temps normal, cela n’arrive que lorsqu’un violent bruit retentît dans le lointain ; mais au cours de sa vie de Pokémon sauvage, il a réalisé autre chose.

L’esprit de Soan est suffisamment aiguisé pour pressentir le danger. Même s’il n’entend, ne voit ou ne sent rien de préjudiciable, quelque chose dans son inconscient parvient à analyser l’imminence d’un problème. Cet instinct, il se manifeste par une boule dans l’estomac, son pelage qui se hérisse, ou… Ses oreilles, qui se relèvent, dans l’espoir vainc de capter l’information qui lui a manquée.

Malheureusement pour lui, la source de son problème ne produit aucun son. La seule chose qui aurait pu l’aiguiller sur le danger à venir, est la lueur qu’il perçoit, au dernier instant, dans les yeux d’Aniel.

Il est incapable de ressentir l’aura. Si cela avait été le cas, il aurait remarqué que toute celle qui englobait la Lucario a disparu. N’en reste qu’une faible concentration dans son regard, résidu de l’effort que lui demande sa concentration…

Et tout le reste, se situe dans la paume de sa patte.

Paume qu’elle rapproche dangereusement de lui.

En tirant sur sa jambe, elle a pu ramener le Lockpin vers elle. Et de sa patte de libre, elle vient délicatement apposer ses doigts sur son buste.

Pour relâcher toute la pression qu’elle y a accumulé.

Contre.

Sur l’ensemble des capacités d’Aniel, aucune n’a le potentiel de mettre Soan hors d’état de nuire en une seule frappe.

Aucune, sauf Contre.

Son principe est simple. Plus les PV du lanceur sont bas, et plus cette attaque est puissante.

« C’est dans ces moments là que l’aura des Lucario est la plus forte. Plus leur situation est critique, et plus puissants sont leurs coups. »

Au moment où elle déclenche son attaque, les paroles du frère de Lissa résonnent dans son esprit. Déchargeant en une seule fois l’ensemble des dégâts infligés par Soan, elle noie son corps d’une énergie féroce. Une vive lumière naît dans le creux de sa patte, et génère une impulsion sur son torse. Une onde de choc en réchappe, tandis que le Lockpin sent, l’espace d’une seconde, les battements de son cœur s’arrêter net.

Il n’aura même pas le temps de ressentir la douleur qu’il se retrouvera éjecté. Son corps rebondit contre le sol, une fois, deux fois, trois fois, et aurait probablement continué à ricocher s’il n’avait pas fini par rentrer en contact avec un tronc d’arbre. Le craquement qui en résulte pourrait tout aussi bien provenir du végétal que du dos du Lockpin ; heureusement pour le Pokémon, sa colonne vertébrale n’en tirera aucune séquelle, soyez-en rassurés.

Néanmoins, cela marque pour lui la fin du combat.

Parce que Aniel a reçu tous ces coups, sa puissance s’en est retrouvée décuplée ; autant grâce à son aura qu’à la nature de la capacité utilisée. Si elle avait esquivé les attaques de Soan, elle n’aurait jamais pu espérer lui infliger d’aussi lourds dégâts. Pareillement si les frappes du Lockpin avaient été plus faibles. Il fallu que le Pokémon sauvage la mette au bord du KO pour qu’elle soit en mesure de riposter convenablement.

L’affrontement s’est joué à peu de choses.

C’est dans un bruit lourd que Soan finira sa course, en s’effondrant au sol. Crachant presque ses poumons, il lutte pour assimiler la douleur. Son esprit ne doit pas tomber inconscient. Il doit encore être capable de se relever. Et de courir, s’il le faut. Alors, il tousse, tousse, et tousse, pour évacuer la salive et le sang qui bloquent sa respiration, et l’empêchent de se ressaisir.

Se retrouver dans cet état, au milieu de ce champ de baie, éveille en lui un souvenir vif. Il visualise sans le moindre mal la silhouette de ce Machopeur, avancer vers lui pour lui asséner le coup fatal. D’ailleurs… La voila qui approche. S’il ne se relève pas tout de suite, Soan va…

Il va… !

« -… ! »

La démarche groggy de son opposant le ramène à la réalité.

Il ne fait plus face à un Pokémon sauvage souhaitant protéger sa réserve de nourriture. Certes, il est toujours question d’un type Combat qui avance vers lui après l’avoir mis au sol…

Mais cette fois-ci, ses intentions sont des plus pacifistes.

Clopin-clopant, Aniel approche du Lockpin. Dans les creux de ses pattes se trouvent plusieurs Baies Oran, qu’elle a négligemment arrachées à leurs buissons.

Arrivée devant lui, elle les laisse choir au sol. Elle-même manque de tomber en posant un genoux à terre. Mais elle parvient malgré tout à se stabiliser, et à attraper le Lockpin par les bras, pour l’aider à se relever.

Soan accepte l’aide, sans lutter. Il prend appui sur elle, et parvient à se redresser, au moins pour se mettre en position assise. Aniel l’imite rapidement, et dans le silence le plus complet, attrape une Baie Oran pour croquer dedans.

Très vite, Soan fait de même.

Vidés de leurs forces, les deux Pokémon se toisent dans un profond mutisme. Tous deux se sont faits bien trop mal au cours des dernières minutes pour pouvoir discuter banalement. Ils se concentrent plutôt sur la mastication de leur baie. L’une tente de dissiper la sensation de douleur qui se répand encore dans son estomac, l’autre essaye de mouvoir doucement ses membres ankylosés.

Ce n’est qu’une fois remis de leurs émotions, que Soan se décide à reprendre la parole.

« -Toutes ces attaques que je t’ai infligées. Tu as fait exprès de les recevoir ?
-... »

Aniel plonge son regard dans le sien, tandis qu’elle porte une Baie Oran à ses lèvres. Elle hésite un instant avant de répondre, en proie à une obscure réflexion. Finalement, elle croque à pleine mâchoire dans le fruit, et après avoir avalé cette bouchée, détourne les yeux.

« -Non. » tout en mastiquant, elle développe « Lorsque j’ai quitté ma posture défensive, je cherchais réellement à te toucher. Mais je n’y arrivais pas. Tu étais juste trop rapide. »

Elle termine sa baie, puis pose ses pattes sur ses genoux. Les paumes tournées vers le ciel, elle les fixe une par une.

« -Mais, tandis que tu me frappais, je me suis rappelée d’une façon d’utiliser mon pouvoir. C’est une manière de faire qui ne coïncide pas avec la volonté de ma maîtresse, car elle implique que je sois lourdement blessée. Mais… Je pense qu’il n’y avait que comme ça que je pouvais te vaincre. » elle toise de nouveau Soan « Tu es plus rapide que moi, et ta technique est bien meilleure. Je ne pouvais compter que sur mon aura. Pardon d’avoir employé une méthode aussi brutale. »

Le Lockpin soutient son regard, avant de souffler du museau, amusé.

« -D’autres auraient trouvé injuste que tu aies utilisé ton talent inné pour l’emporter. Mais je serai mal avisé de t’en faire le reproche. » il lui tend sa patte « Tu as gagné. Félicitations, jeune louve. »

La Lucario l’observe, surprise, mais finit par accepter la poignée.

« -Merci. Tu… Tu peux m’appeler Aniel. »

Son interlocuteur se relève, et effectue une brève révérence.

« -Soan, à ton service. » il commence à s’étirer les jambes et les bras « Bon… Il me semble que j’avais une récompense à te donner. »

A cette phrase, Aniel se rappelle l’origine du combat. D’un bond, elle se redresse à son tour.

« -Tu dis que tu as des informations sur l’un de mes compagnons, c’est bien ça ? Dis moi ce que tu sais, je t’en prie ! »

Ce à quoi Soan sourit.

« -Je peux faire mieux que ça. »

Et lui adresse un clin d’œil.

« -Je peux t’amener directement à sa rencontre. »




«  Je suis une Labelvi ! Fille de la campagne ! Je n’ai pas peur de traîner dans la boue, ni de me salir ! Alors, ce n’est pas un parquet tout propre tout ciré qui va me faire peur… »
Lissa Labelvi
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« Dîtes à mes amis que je m’en vais »


***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :

Lissa

Nous avançons tous deux côte à côte. A force de marcher, Majesté et moi avons fini par rallier une galerie. L’itinéraire menant au sommet traverse cette grotte, que nous avons déjà empruntée plus tôt dans la journée. Si nous continuons dans cette direction, nous finirons par retrouver les fresques que j’ai prises en photo, et juste après, le plateau en haut de la montagne.

Les yeux levés, mon Vipélierre est plongé en pleine réflexion. Après un instant à se gratter le menton, il finit par hausser nonchalamment les épaules.

« -Je dirai que ce que je préfère… Ce sont les petits gâteaux que tu prépares. Les jaunes, notamment. »

En une petite expiration satisfaite, je serre les poings.

« -Les poffins acides ! Je le savais ! »

Bien moins enthousiaste, Majesté me toise.

« -Tu… En as encore beaucoup, des questions ? Je commence à manquer de souffle, avec toute cette marche… »

Cela fait un moment maintenant que je noie mon starter sous les interrogations en tout genre. En le réalisant, j’affiche un sourire gêné.

« -P… Pardon, j’arrête. C’est juste que… Comme j’ai l’occasion de mieux te connaître… »

Le Vipélierre sourit à son tour. Bien que tout cet interrogatoire l’ennuie, il est visiblement amusé par mon implication.

« -J’apprécie que tu prennes ton rôle de vassale à cœur, mais… » il soupire « Ok… Je t’autorise une dernière question, d’accord ?
-Une dernière ?... »

A mon tour prendre un air pensif. C’est que, il y a tellement de choses que j’ai besoin de savoir ! Son histoire préférée, son style de musique favori, l’accessoire auquel il tient le plus… Comment choisir parmi toutes ces options ?

Ma réflexion se prolonge lorsque je me mets à réfléchir à des sujets moins triviaux. Ce serait en effet l’opportunité d’évoquer des choses importantes avec mon Vipélierre. Si je ne le fais pas maintenant, quand le pourrai-je ? Par exemple… Comment gère-t-il l’accident qui lui a valu une brûlure grave il y a deux ans ? Est-il traumatisé des flammes, désormais ? Est-ce qu’il espère un jour pouvoir remonter sur scène ?…

A force de réfléchir, une idée me vient en tête. Pour toutes ces questions là… Je dois être capable de cerner mon Pokémon, sans qu’il ait à s’expliquer. C’est là mon rôle en tant que dresseuse, et même éleveuse de surcroît. Mais… Il y a un sujet… Dont je pourrai difficilement obtenir une réponse autrement que par sa bouche…

Incertaine quant à la façon de l’amener, j’essaye de replacer le contexte.

« -Majesté, tu… Tu te souviens, quand nous sommes allés voir cette Majaspic qui parle, l’an dernier… Perfection…  »

Le Vipélierre me toise un instant. Sa réponse mêle une nonchalance qui se veut détachée, à une étonnante fermeté.

« -Non. »

Une négation qui me prend un peu de court.

« -O-oh ! C’est que… » je détourne le regard, mal à l’aise « Sa dresseuse et elle travaillent pour le Pokéwood. C’est une grande maison de spectacle. Nous y étions allés pour recevoir des conseils, et… J’ignore ce qu’il s’est passé, mais tu as voulu partir tout de suite après les avoir rencontrées. Tu avais l’air assez insistant là-dessus, donc… J’aurai pensé que tu t’en souviendrais… »

Majesté ne répond pas, et se contente de fixer la route devant nous. Il n’a pas l’air décidé à se remémorer cet événement. Malgré son absence d’envie de prolonger la discussion, je continue.

« -Eh bien, hum… Comme nous les avons, euh… Laissées en plan… Je suis retournée les voir, le jour de leur départ, pour m’excuser. »

A nouveau, mon Vipélierre m’observe du coin de l’œil. On dirait que j’ai attiré son attention. Je me gratte l’arrière de la tête, nerveuse à cause de la question à venir.

« -Elles ont accepté mes excuses, et puis… C’est là que… Il y a eu ce moment bizarre, où… Perfection a… »

Je scrute attentivement le visage de mon compagnon, en quête d’une quelconque réaction.

« -Elle m’a demandé de prendre soin de toi en... Te désignant comme son… "Petit frère"…. »

La-dite réaction ne se fait pas attendre. Majesté pile net, et s’immobilise. Après s’être retourné, il me dévisage, empreint d’une soudaine irritation.

« -Elle a dit QUOI ?!... Petit frère ? »

Je m’arrête à mon tour, et le regarde avec de grands yeux. Incertaine, je tapote nerveusement mes griffes entre elles.

« -… Oui ? »

Il siffle de la langue. Puis, reprenant tout aussi brusquement la marche, il s’avance en grommelant.

« -Tss. Elle raconte n’importe quoi. »

Quelque peu déconcertée, je m’élance à sa suite. Je suis même obligée de presser le pas pour me tenir à sa hauteur.

« -A-ah… Ah ? Elle… Elle m’aurait donc menti ? »

Peut-être qu’en tant que Majaspic, elle considère tous les Vipélierre comment étant ses petits frères et sœurs ? En fait, c’est probablement l’explication la plus logique. Les Pokémon n’ont pas forcément le même rapport à la famille que les humains, après tout. Elle n’a peut-être pas voulu insinuer que Majesté et elle formaient réellement une fratrie…

« -Bien sûr que c’est un mensonge ! Elle et moi venons de la même portée. En quoi cela ferait de moi le "petit" frère ?
-… ?! »

A mon tour de m’arrêter. Mais contrairement à moi, Majesté ne le remarque pas tout de suite et avance encore un peu, emporté par son agacement.

« -Pourquoi ? Parce que son œuf a éclos quelques minutes avant le mien ?! Ou parce qu’elle a évolué, et pas moi ?! Tss ! Elle se croit vraiment tout permis ! "Petit" frère… Et puis quoi encore ?...
-A… Attends, une petite minute ! Majesté ! »

Il s’arrête enfin, et se retourne. J’ai de nouveau son attention.

« -Donc… Perfection et toi… Vous êtes VRAIMENT frère et sœur ? Vous… Vous avez le même âge, en plus ?! »

Mon starter croise les bras, et souffle, agacé. Son regard fuit le mien au moment de répondre.

« -Ça pose un problème ? »

La bouche entrouverte, je secoue doucement la tête de gauche à droite. Je comble ensuite le peu de distance qui nous sépare d’un pas lent.

« -N… Non, pas du tout ! C’est juste que… ! »

Lorsque je lui fais face, des étoiles apparaissent dans mes yeux.

« -C’est incroyable ! Ta… Ta sœur est une Majaspic de renom ! C’est une actrice douée, elle sait se battre, et en plus… Elle peut parler le langage des humains ! » je joints mes deux mains, rêveuse « Penses-tu qu’un jour… Toi aussi, tu pourrais… ?! »

Majesté serre les dents, et grimace.

« -Désolé de te décevoir. Mais je ne suis pas elle. »

Mon enthousiasme s’évapore aussitôt.

« -O-oh. » je baisse les yeux, honteuse « Pardon. Je me disais que ça pouvait être héréditaire, ou quelque chose comme ça…
-Eh bien non. Elle est née chromatique, je ne le serai jamais. Elle est naturellement douée au combat, moi pas. Elle est suffisamment intelligente pour apprendre le langage des humains, et moi, je ne suis qu’un Vipélierre stupide.
-… ? »

Je relève la tête devant l’étonnante dépréciation de Majesté. Mais celui-ci s’est déjà retourné pour avancer.

« -Tu dois être déçue, pas vrai ? Tu aurais pu avoir la littérale Perfection à tes côtés. Mais à la place, tu m’as moi. »

Sa voix transpire l’amertume. Je… Je n’aurai jamais pu croire qu’un Pokémon aussi assuré et fier que Majesté puisse avoir un tel complexe d’infériorité. Soudainement, je comprends sans trop de mal les raisons qui l’ont poussé à partir, l’an dernier. Il a dû ressentir une violente jalousie en voyant où sa sœur en était dans sa vie de Pokémon domestique. Cela explique également pourquoi les deux se sont toisés en Ponchien de faïence lorsqu’ils se sont rencontrés…

A la hâte, j’essaye de le rattraper.

« -M… Majesté ! Tu… Tu sais bien que ce n’est pas ce que je pense ! »

Cette fois-ci, il ne s’arrête pas. Il ne cherche même pas à me regarder.

« -Ah oui ?
-B… Bien sûr que oui ! Tu es mon starter, quoiqu’il arrive, et… Je suis déjà très heureuse de t’avoir à mes côtés ! »

Je presse le pas pour lui passer devant, et me placer face à lui.

« -Écoute, t-tu… Tu n’as peut-être pas les mêmes dons innés que Perfection, mais… Qu’est-ce que ça peut me faire ? Moi, je m’en moque de tout ça ! Tu… Tu me conviens amplement tel que tu es ! Je n’ai besoin de rien d’autre que toi, Majesté ! »

Puisque je lui bouche le passage, il s’immobilise, mais ses yeux me fuient toujours. Sa réponse, quant à elle, se fait particulièrement sèche.

« -Ce n’est pas l’impression que tu me donnes, pourtant. »

Mon expression se décompose.

« -C… Comment ça ? »

Il serre de nouveau la mâchoire. D’une patte, il s’agrippe le bras ; il est tellement tendu que tout son corps semble crispé.

« -Si je te convenais vraiment, tu n’aurais jamais pris Aniel avec toi.
-… ! »

Je reste bouche bée face à sa réponse. Elle me prend tellement de court que je suis incapable de rétorquer quoi que ce soit. Pourtant, si je ne veux pas qu’il s’en persuade, il va vraiment falloir que je trouve quelque chose à y redire !

« -M-Mais…. ! Majesté… ! Tu…. ! »

Je ne parviens guère à balbutier quoi que ce soit. Mon Vipélierre continue de fuir mon regard, et son expression se renfrogne un peu plus face à mon silence. Doucement, mes épaules s’affaissent.

« -Est-ce que… C’est pour ça que…  Tu t’es toujours opposé à ce que je capture d’autres Pokémon ?
-... »

Il ne semble pas décidé à me répondre, alors je creuse un peu plus.

« -Est-ce que tu as peur qu’ils… Te remplacent ?
-... »

Majesté reste profondément mutique. Mais cette fois, ses yeux se sont tournés vers moi. Je lis une certaine acrimonie dans ses iris ; un reproche sourd qu’il ne cherche pas à verbaliser. Complètement abasourdie, je cherche aussitôt à me justifier.

« -Cela n’arrivera jamais, Majesté. Tu es mon premier Pokémon. Mon starter. Un profond lien nous unit, et… ! » je plisse les yeux « Tu sais, pour un dresseur, c’est normal de vouloir rencontrer d’autres compagnons. Cela ne veut pas dire que je t’aime moins, simplement… Si je souhaite pouvoir un jour devenir éleveuse, il faut bien que je sois capable de m’occuper d’autres Pokémon, non ? »  

Il ne dit toujours rien. Malgré ça, je pressens qu’il n’est absolument pas convaincu par mon discours. Et je pense comprendre pourquoi. Honteuse, je plaque mes bras dans mon dos.

« -Tu ressens ça parce que je m’occupe moins de toi depuis qu’Aniel est là ? »  

Cette fois, il baisse les yeux. Je sens que je touche au but, que je commence à comprendre pourquoi mon starter se comporte étrangement depuis plusieurs mois.

« -Je suis désolée si je t’ai donné cette impression. Vraiment. J’ai toujours tenu à respecter ta volonté, et d’ailleurs… Conformément à celle-ci, je n’ai jamais capturé qui que ce soit. J’ai même refusé le Métamorph offert par l’académie ! Seulement… Aniel est un cas à part. C’est mon frère qui m’en a fait cadeau, et Yuna a passé tellement de temps à l’entraîner… Je n’allais pas refuser, tu comprends ? D’autant que… Tu sais, elle est là pour nous protéger, tous les deux ? Si elle est à nos côtés, c’est pour assurer notre sécurité, avant tout. Je... » je baisse la tête « Je serais terrifiée qu’il t’arrive quelque chose sans qu’on ne puisse rien y faire, Majesté.  
-... »

Il expire lentement.

« -Moi, c’est depuis qu’elle est là, que je m’inquiète pour toi.
-… ? »

Il croise les bras.

« -Tu dis qu’elle est là pour nous protéger, pour assurer notre sécurité. Mais la vérité, c’est que… Depuis qu’elle est à tes côtés, elle ne fait que te pousser vers le danger. »

J’écarquille les yeux, surprise par cette allégation. Je souhaite rétorquer, mais il enchaîne bien avant.

« -Je crois que tu ne réalises pas l’influence qu’elle a sur toi. Quand il y avait un problème, avant… Nous restions en retrait. Nous nous mettions à l’abri, et tu aidais les personnes déjà blessées, loin des problèmes. Cela m’allait très bien. Mais maintenant… »

Il se tend, et tout son visage se crispe. Je perçois dans ses yeux une lueur inquiète.

« -Tu n’as de cesse d’aller au front. Tu te présentes directement au danger, sans même chercher à comprendre. Tu t’exposes en première ligne, sous prétexte qu’Aniel est devant en train de combattre, et tu ne prêtes même plus attention aux risques que nous encourrons. Alors… Qu’est-ce que ça signifie ? Que c’est OK de nous placer dans une situation précaire tant qu’elle est là ? Qu’elle peut encourir tous les risques à notre place ? Et… Le jour où elle n’y arrivera pas, il se passera quoi ? Est-ce que nous aurons le temps de battre en retrait ? Ou… Est-ce que tu nous sacrifieras pour pouvoir voler à son secours ? »

La protestation qui souhaite sortir de ma bouche s’étouffe dans ma gorge. Je ne m’attendais certainement pas à ce que Majesté remette en cause les facultés d’Aniel à nous protéger. Mais surtout, je reste sans voix devant les faits qu’il avance. J’ai toujours assumé que nous étions plus en sécurité, avec la Lucario à nos côtés… Et c’est justement bien ce qui l’inquiète. Que je me repose sur ses facultés et que je nous expose à un danger ingérable.

Sa dernière question me fait l’effet d’un pieu dans le cœur. Je visualise, sans mal, Aniel face à cette Ultra-Chimère, et moi, juste derrière elle, avec Majesté en panique dans mon sac. S’il était arrivé quoi que ce soit à la Lucario… Qu’aurai-je fait ?

La réponse me semble évidente.

Je me serai précipitée à ses côtés, et j’aurai entraîné mon starter avec moi.

Bien que nous soyons sans défense.

« -Depuis qu’elle est là… Chaque incident devient un prétexte à combattre. Tu as même rejoint cette… Cette organisation, là… Dès que ta machine sonne, tu plaques tout pour te confronter à des problèmes qui nous dépassent. Et parfois, j’ai l’impression d’être le seul que ça perturbe ! Même ta famille humaine semble ravie de te voir te mettre en danger. Est-ce que… »

Son regard capte enfin le mien.

« -Est-ce que je suis le seul qui s’inquiète pour toi, Lissa ? Je sais très bien que… Tu ne peux pas t’empêcher de vouloir aider les autres… Ce n’est pas pour rien que j’ai fait de toi ma vassale, mais… Maintenant que tu veux prendre part activement aux ennuis, ce n’est plus pareil. Tu prends trop de pression sur toi. Tu es tout le temps anxieuse, tu dors à peine et… ! » il détourne à nouveau les yeux « … J’ai du mal à accepter tout ça. »

Mes lèvres remuent vainement, elles tentent de former des mots que mon esprit n’a même pas synthétisés. Je m’en veux terriblement. J’ai passé les dernières semaines – les derniers mois ! – à courir à droite et à gauche pour les Volontaires. C’était une façon pour moi de me rendre utile. D’aider à la pérennité du campus. J’avais bien conscience que cela empiétait sur ma santé mentale et physique, et c’est bien pour ça que j’ai fini par faire ce break avec mes Pokémon. Mais j’ignorais que Majesté était sensible à tous ces changements. Cela n’a dû faire que renforcer son sentiment de négligence. Je n’ai pas su prêter une oreille attentive à ses craintes, et… C’est pourquoi il se montre aussi tendu.

« -Je suis… Si désolée… »

C’est finalement ce que je parviens à formuler. En quête de rédemption, je scrute attentivement ses pupilles.

« -Je… Je te promets d’être plus prudente, à l’avenir ! C’est vrai, je… Nous n’avons pas besoin de nous exposer au danger pour pouvoir aider les gens. J’ai pris de vrais cours de secourisme, maintenant, alors… Même si je ne remplacerai jamais un vrai médecin… Je dois pouvoir me montrer efficace tout en nous tenant à l’écart des problèmes… !
-Et tu penses que ça suffira?
-… ! »

Sa question est purement rhétorique. Il n’en est pas convaincu.

« -C’est également ce que tu voulais faire, à la base. Tu te souviens ? La simple idée de combattre t’horrifiait, autant que moi. » il plisse les yeux, frustré « Mais ce n’est pas ce que veut Aniel. Elle aime combattre. Tu le sais. Elle ne se dédie qu’à ça, et elle ne peut pas vivre sans. Alors... » il me toise « Petit à petit, elle t’a convaincu de la laisser se battre, et voilà où on en est aujourd’hui. Tu penses que maintenant, tu sauras la refréner ? Lui refuser l’affrontement ? »

Face à ma réticence évidente à apporter une réponse ferme, il le fait de lui-même.

« -Non, ça ne suffira pas. L’histoire va simplement se répéter, jusqu’à ce que toi ou moi finissions blessés. Tant qu’Aniel sera là… Elle te poussera à combattre. »

Je dévisage Majesté. Qu’est-ce… Qu’il insinue ?

« -O… Où veux-tu en venir ? »

Cette fois-ci, il ne détache pas son regard du sien, la mine grave.

« -Tu le sais très bien. Tant qu’Aniel sera là, tu t’exposeras au danger. » il conclut sobrement « Le mieux serait qu’elle quitte l’équipe. »

Je manque de m’étouffer face à sa proposition. Cependant, je parviens pour une fois à rétorquer quelque chose.

« -Mais… Mais enfin, Majesté ! Je… Je ne peux absolument pas faire ça ! Je ne vais pas l’abandonner comme ça ! »

Il hausse les épaules.

« -Rien ne t’oblige à la relâcher dans la nature. Tu peux tout aussi bien la rendre à sa dresseuse d’origine, ou à ton frère. Tu l’as dit toi-même, non ? Tu n’en voulais pas spécialement, à la base. Ce sont eux qui t’ont obligée à la prendre. Si tu leur expliques que ça se passe mal entre nous, ils ne devraient pas y avoir de problème. Je suppose.
-M-mais, Majesté, j-je… ! Je ne peux pas faire ça à Aniel ! »

Majesté ne se démonte pas un seul instant. Il semble convaincu de bout en bout par son argument.

« -Tu ne penses pas que ça lui rendrait service, également ?… Nous ne sommes pas des combattants, toi et moi. Aniel ne pourra jamais s’épanouir à nos côtés, quoi qu’il arrive. Même si tu décidais de t’investir dans les combats Pokémon, au fond de toi, tu sais qu’elle n’obtiendra pas les mêmes opportunités qu’avec sa dresseuse d’origine ou ton frère. Alors qu’eux… Les combats, c’est leur domaine, non ? Et le nôtre, c’est la scène. »

Si ma voix était déjà fébrile, mes bras se mettent eux aussi à trembler, à mesure que mon regard se perd dans le vide. Plus mon starter détaille sa pensée, et moins je parviens à trouver de contre-argument.

« -Aniel sera plus heureuse ainsi. Et nous, nous pourrons à nouveau vivre comme avant… Regarde, elle n’est même pas là, actuellement. Et pourtant, on tient bon, pas vrai ? Elle doit probablement être en train de se fritter avec des Pokémon sauvages, à l’heure qu’il est. C’est bien la preuve qu’on ne peut pas compter sur elle, de toute évidence. » il baisse la tête, peiné « Je sais que c’est triste, mais… La rendre à sa maîtresse est probablement ce qu’il y a de mieux pour nous trois. »

Majesté voit très bien que l’idée d’abandonner notre partenaire me terrifie. Je suis tellement secouée que je ne parviens ni à le regarder, ni à lui répondre. Cette idée me tétanise.

Alors, il se rapproche, et de ses pattes, il vient saisir les miennes. Mes yeux, embués par les larmes, viennent automatiquement raccrocher aux siens, plus calmes.

« -Hey. Ça va aller, vassale. Rappelle-toi… »

Il enroule ses bras autour des miens, et me serre contre lui.

« -Nous sommes bien, rien que tous les deux. On n’a pas forcément besoin d’elle. » il ferme les yeux « Notre binôme fonctionnait très bien avant, et il continuera très bien de fonctionner après. Ne t’en fais pas pour ça… Moi, je suis là. »

J’ai beau hésiter un instant, je lui rends vite son étreinte. En tant que dresseuse, je n’ai jamais eu plus de deux Pokémon à mes côtés. L’idée qu’un ensemble si faible puisse s’effondrer, ça me terrorise profondément. Là, tout de suite, j’ai absolument besoin de la présence et du réconfort de mon starter. Contre moi.

C’est peut-être bien là la preuve que je n’ai pas les épaules pour gérer plus de Pokémon, de toute façon. La preuve ! Je n’ai que deux Pokémon. L’un s’inquiète inutilement pour moi, et l’autre… Je gâche tout son potentiel.

Alors, même si ça me fait terriblement mal de l’admettre… Je pense que Majesté a raison.

En fait…

Il avait raison depuis le début. Dès nos premières Sorties Captures.

Il vaut peut-être mieux que nous restons seuls, rien que tous les deux.


***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :
Narrateur omniscient

Leurs jambes piétinent le sol, mais à des rythmes bien différents. Si la Lucario opte pour une course soutenue, avec de nombreuses foulées, le Lockpin chromatique, lui, effectue des bonds à mi-hauteur pour franchir en une seule fois de longues distances.

Au final, tous deux avancent sensiblement à la même vitesse. En temps normal, Soan devrait pouvoir distancier Aniel, mais puisque 1) ils sont fatigués après avoir joyeusement combattu 2) il doit la guider jusqu’à sa partenaire, ils se sont tacitement accordés sur une vitesse de croisière.

Ils sont arrivés à l’entrée de la galerie il y a quelques minutes à peine. Selon les estimations du Lockpin, ils ne devraient plus être très loin.

« -Si ton amie a bien suivi le chemin que je lui ai indiqué, nous allons tomber dessus à tout moment. » il renifle un instant « Je pense reconnaître son odeur, donc nous sommes sur la bonne voie. »

A cette remarque, Aniel réalise qu’elle dispose de quelque chose un peu plus précis qu’un flair. Tout en continuant de courir, elle ferme les yeux, et se concentre. Elle ignore si sa méditation fait encore effet après le combat qu’ils ont livré, mais elle peut au moins essayer…

Elle réalise bien vite qu’il n’y a plus trop de monde, à cette altitude. Les auras aux alentours se font rares. Et notamment… Elle en détecte principalement deux, droit devant.

« -… ! »

Aniel rouvre les yeux, et accélère brusquement sa course. Les deux auras qu’elle a senti… Ce sont celles de Majesté… Et de Lissa !

« -Ma dresseuse est là ! »

Devant sa pointe, Soan n’a d’autres choix que de presser le pas, lui aussi.


***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :

Lissa

Après cette longue, et éprouvante, discussion, Majesté et moi avons fini par reprendre la route.

D’ici quelques minutes, nous allons trouver les premières inscriptions sur les murs. Il faudra alors avancer encore un certain temps avant d’atteindre le sommet, et me permettre de reprendre ma forme d’origine.

Est-ce que Aniel sera là-haut ? Une partie de moi l’espère. L’autre, appréhende nos retrouvailles…

Suis-je vraiment… Capable d’avoir cette conversation avec elle ?

« -MAÎTRESSE ! »

Un cri retentit à travers la galerie, et me fait sursauter. Je n’ai même pas le temps de me retourner que des bras m’encerclent, et m’attirent contre un poitrail plein de fourrure. Majesté fait immédiatement volte-face, pris lui aussi par surprise.

« -Qu’est-ce que… ?!
-HIIIII !
-Je suis si heureuse de vous retrouver ! J’étais si inquiète ! Pardon d’avoir mis autant de temps à vous… ! »

Lorsque la voix s’interrompt, je lève les yeux, et reconnais immédiatement… Le museau d’Aniel. C’est ma Lucario ! Cette dernière me dévisage avec un drôle d’air, et je lis une profonde incompréhension dans son regard.

« -… Maîtresse Lissa…. Pourquoi êtes-vous… Si petite… ? Et si... » elle penche la tête sur le côté, et tâte une de mes oreilles « Pelucheuse ? »

Pourquoi… Elle me parle de façon aussi révérencieuse ?! Malgré le choc et la surprise des retrouvailles, je suis si soulagée de la voir que je décide de passer outre toute considération. Spontanément, je lui rends son étreinte.

« -Aniel ! Tu vas bien ! » ce n’est qu’une fois cela fait que je m’écarte, et souris nerveusement « C’est… Une longue histoire. M-mais… Comment tu m’as reconnu, d’ailleurs ?! »

Elle sourit tendrement, et appose une patte contre son cœur.

« -Je reconnaîtrai votre aura entre mille. »

J’entends des pas juste derrière elle. Une quatrième personne arrive ? Lorsque sa silhouette nous rattrape, je la reconnais immédiatement, et affiche une mine réjouie.

« -S… Soan ! Tu es là aussi ! »

Aniel me dépose délicatement au sol, et s’écarte pour que je puisse le voir. D’un geste extrêmement classieux de la patte, le Lockpin écarte l’une de ses oreilles, un peu comme un humain l’aurait fait avec une mèche de cheveux.

« -Ravi de te revoir, petit ourson. Je crois avoir trouvé quelqu’un que tu connais... »

Son regard va ensuite derrière moi, et se pose sur Majesté. Puis Soan fronce les sourcils, et il passe les alentours en revue.

« -… Tu n’avais pas dit que tu avais vu ta dresseuse, Aniel ? Je ne vois personne d’autre. »

La Lucario, visiblement ravie, me désigne de la patte, la queue balayant vivement de gauche à droite.

« -Si, elle est juste là !
-...
-... »

Elle ignore son air CLAIREMENT circonspect pour se placer devant lui, et effectuer une révérence polie.

« -Merci infiniment. Je ne sais pas si je l’aurai retrouvée sans ton aide. »

Il cligne des yeux, dubitatif.

« -Il… N’y a pas de quoi… ? »

Puis il se rapproche d’elle pour observer attentivement son visage.

« -Tu… Es sûre que je ne t’ai pas cogné un peu trop fort, tout à l’heure ?
-Hum hum. »

Le raclement de gorge de Majesté retentit dans toute la grotte. Visiblement, il n’aime pas trop être laissé à l’écart de la discussion. Hautain, il toise le nouvel arrivant de bas en haut.

« -Je… Peux savoir qui c’est ?
-A-ah ! C’est vrai ! »

Je viens me placer entre les deux, et les désigne tour à tour.

« -Soan, je te présente Majesté, mon start… Enfin, le deuxième compagnon que je devais retrouver au sommet. Et Majesté… Voici Soan. Il vit sur cette montagne, et il m’a aidée à te retrouver. Et, visiblement... » je me tourne vers la Lucario « Il a aidé Aniel à faire de même. »

Le Lockpin lui fait un signe de la patte nonchalant en guise de salutation. Majesté continue de le jauger, avant de… Lui tourner le dos.

« -Eh bien, merci à lui, mais on n’a plus besoin de son aide, maintenant. Nous n’avons plus qu’à rejoindre le sommet, pas vrai ? Il peut disposer. »

Je tends un bras pour l’arrêter.

« -M… Majesté ! Attends, ça ne se fait p… ! »

Mais je n’ai pas le temps de finir ma phrase. D’un bond, Soan passe au dessus de nous, et atterrit tout juste devant le Vipélierre. Ce dernier pile net, tandis que le Lockpin se penche en avant pour rapprocher son visage du sien.

« -Ooooh. Je sens que je vais t’aimer, toi. »

Majesté se crispe immédiatement, et serre les dents. Il fusille le Pokémon sauvage du regard.

« -Écarte ton pelage tout scintillant du passage, tu veux bien ? »

Soan sourit, et en parfaite contradiction, s’accroupit un peu plus.

« -Pourquoi… ? Il t’éblouit ? »

D’un mouvement de la patte, Majesté cherche à écarter l’une des oreilles du Lockpin, trop proche à son goût.

« -Non. Il empeste. Alors dégage. »

Le sourire de Soan se renforce toujours plus à mesure qu’il se rapproche de Majesté.

« -Et sinon… Quoi ? »

Le Vipélierre cesse d’agiter la patte pour précautionneusement planter son regard dans le sien. On croirait voir une étincelle se créer entre les deux. Complètement prise de court par la tournure des événements, je m’approche pour essayer de désamorcer la situation.

« -Hum, les amis, peut-être qu’on devrait- »

Je m’approche ? Non, absolument pas. Je souhaite m’approcher, pour être plus exact. Car au moment où je prends la parole, et effectue un pas pour avancer dans leur direction…

Une explosion retentit.

D’un coup, le sol, les murs et même le plafond de la galerie se mettent à trembler. Je trébuche immédiatement, incapable d’arrêter mon mouvement. Quant aux trois Pokémon à mes côtés, ils se sont redressés, et tentent tant bien que mal de garder l’équilibre.

« -HIIIIII !
-C’est quoi ce… ?!
-Qu’est-ce qu’il se passe ?!
-… ! »

Soan lève bien haut les oreilles, et… Son air devient instantanément plus grave.

« -La galerie…. Elle va s’effondrer ! »

Il attrape immédiatement Majesté par les côtes.

« -ECARTEZ-VOUS ! »

Et il saute en arrière avec. Je n’ai même pas le temps de me relever que je sens les pattes d’Aniel m’entourer, et elle aussi m’emporte en reculant.

L’instant d’après, les parois du plafond se fissurent, et d’énormes pans de roche et de terre s’effondrent dans la galerie. Aniel et moi perdons toute visibilité sur le Vipélierre et le Lockpin, et je ne peux hélas rien faire d’autre que crier leur nom depuis les bras de la Lucario.

« -MAJESTE ! SOAN ! »

La galerie continue de trembler, et les nuages de poussière qu’elle soulève ne s’estomperont que bien après la fin de cet effondrement. Lorsqu’un silence de plomb retombe dans la grotte, il n’est interrompu que par nos toussotements, à Aniel et moi. Il nous faut un instant supplémentaire pour constater l’étendue des dégâts, et…

Réaliser que la galerie est maintenant complètement obstruée.

Mais surtout. Que nous n’avons aucun signe de vie des deux autres Pokémon.

Instantanément, je cherche à me libérer de l’emprise d’Aniel. Celle-ci ne s’attend pas à devoir me relâcher si tôt, alors je m’extirpe de ses bras et chute promptement au sol. Pas le temps pour moi de me plaindre du choc, je me relève et me précipite vers l’amoncellement de pierre.

« -MAJESTE ! SOAN ! VOUS ALLEZ BIEN ?! »

A mon grand soulagement, une première voix résonne depuis l’autre côté.

« -Tout va bien ! Nous nous sommes écartés à temps ! »

Des larmes perlent aussitôt aux coins de mes yeux.

« -C’EST VRAI ?!… Majesté ! Tu vas bien ?! »

Même si le son de sa voix est étouffé par les couches de pierre qui nous séparent, elle parvient malgré tout jusqu’à nous.

« -NON. CETTE JOURNÉE EST CATASTROPHIQUE. »

Je soupire de soulagement. Parfait, il est en pleine forme. Je serre les poings, et me tourne vers Aniel.

« -Tu… Tu crois que tu peux réussir à ouvrir un passage ? »

La Lucario regarde un instant ses poings, puis l’effondrement. Ensuite, elle échauffe doucement ses épaules.

« -Je peux tenter...
-N’essayez surtout pas de passer de force ! Vous pourriez étendre l’éboulement à toute la galerie !
-… !
-… ? »

Aniel et moi nous rapprochons au plus près du mur pour communiquer avec le Lockpin.

« -M-mais…. ! C… Comment on va faire, alors ?!
-Votre point de rendez-vous… C’est le sommet, pas vrai ?
-O-Oui !
-Alors c’est très simple... »

Il marque un temps de pause, pendant lequel, je suppose, il toise Majesté.

« -Je me charge d’escorter la mauvaise graine jusque là-haut. C’est le chemin des humains, donc vous n’avez pas à vous en faire pour nous, ça sera facile. Quant à vous... » il parle un peu plus distinctement pour être sûre qu’on entende « Si vous rebroussez chemin, vous devriez pouvoir trouver un autre passage dans la montagne ! Je ne peux pas vous le montrer, malheureusement, mais… Tendez l’oreille ! Et guettez l’écoulement de la rivière ! Cela vous aidera ! »

Aniel et moi nous échangeons un bref regard, incertaines. Malgré tout, je finis par acquiescer, bien que Soan ne puisse pas le voir.

« -Je te confie Majesté ! Prends soin de lui, s’il te plaît !
-Compte sur moi, petit ourson. »

A nouveau, je laisse s’échapper une expiration soulagée. La journée a bien failli tourner au drame, mais heureusement, nous pouvons encore nous rattraper.

« - Nous nous retrouvons au sommet !… Allez, en avant !
-TU ME DONNES PAS D’ORDRE !… EH ! LACHE-MOI ! »

Les voix de Soan et Majesté s’estompent rapidement. Aniel s’agenouille près de moi, et me toise avec inquiétude.

« -Tout va bien, maîtresse ? Je suis désolée, j’ai paniqué et je vous ai laissée chuter au sol !… »

J’acquiesce avec conviction.

« -Tout va bien, grâce à toi. Dépêchons-nous, Aniel, d’accord… ? »

Elle hoche la tête, et toutes les deux, nous nous retournons. Pas le choix, nous allons être contraintes de rebrousser chemin…

Une partie de moi ne peut s’empêcher d’être inquiète vis-à-vis des deux Pokémon restés de l’autre côté. Mais Soan lui-même l’a affirmé :  ils ont l’itinéraire balisé. Tant qu’ils le suivent, ils devraient pouvoir atteindre le sommet sans crainte.

Du moins… Je l’espère.



***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :

Narrateur omniscient

Un violent son de fracas résonne lorsqu’une pierre s’éclate contre une paroi. Ahuri, Majesté fait volte-face, après avoir esquivé de justesse cette attaque.

« -Q... Qu’est-ce tu nous veux, toi ?! »

Émergeant d’une galerie proche, une imposante silhouette vient d’arriver dans le dos des deux Pokémon. D’un pas lourd, elle s’avance, non sans fusiller le chromatique du regard.

« -IL NE PEUT Y AVOIR QU’UN SEUL MAITRE SUR CETTE MONTAGNE, LOCKPIN. FINISSONS-EN. »

Soan, placé juste devant le Vipélierre, grimace.

« -Hm. Je me disais bien que vaincre ces Nodulithe avait été trop aisé… »

Il détaille attentivement le Gigalithe qui vient d’arriver, dépité.

« -… Il manquait leur chef. »

Cela explique certainement l’effondrement qu’ils viennent de subir. Il devine sans mal que ce Pokémon a préparé cet éboulement pour lui tendre une embuscade, en représailles de l’attaque contre la horde de Nodulithe et Géolithe survenue plus tôt. Techniquement, c’était de la légitime défense, mais…

Pas besoin d’être expert en psychanalyse pour comprendre que le Gigalithe est particulièrement remonté. Pour qu’il ait risqué de provoquer un éboulement sur toute la galerie, il doit être sacrément déterminé. La bonne nouvelle, c’est qu’il semble n’avoir d’yeux que pour lui. Et le Lockpin a beau tendre l’oreille, il ne détecte la présence d’aucun autre Pokémon aux alentours.

Le petit ourson et la jeune louve devraient être tranquilles, de leur bord.

Le souci, c’est que maintenant, il a entraîné leur troisième ami la vipère dans ses petites querelles territoriales. Enfin, en vue de son sale caractère…

Un petit règlement de compte lui fera le plus grand bien, non ?

Levant une jambe, Soan se tient prêt à se battre.

« -Bon, mauvaise graine. Je sais qu’il a l’air imposant, mais entre mes attaques Combats et tes attaques Plantes… Il n’a aucune chance. »

Majesté le toise d’un air sceptique.

« -… Attends, tu comptes sur moi pour combattre, là ? »

Il le fixe à son tour.

« -… Oui ? Je sais que nous sommes partis sur de mauvaises bases, mais tu as bien conscience que cela ira plus vite si nous nous y mettons à deux… ? »

Le Vipélierre agite vivement ses pattes devant lui, en signe de refus.

« -Oula. Non. C’est mort. Tu te débrouilles. C’est après toi qu’il en a.
-Attends… Tu es sérieux, là ? »

En même temps qu’il lui répond, Majesté commence à s’écarter.

« -Oui, parfaitement. Ce n’est pas contre toi, hein. Enfin, ça aurait pu, mais… Juste. Je ne me bats pas. C’est tout. »

Le Lockpin se retient bien fort de lever les yeux au ciel. C’est quoi, ce trio de Pokémon domestique qui refuse toujours de se battre ? Enfin, à défaut d’y mettre de la bonne volonté, Aniel s’avère un minimum compétente dans le domaine. Mais Lissa et Majesté, eux, semblent à peine fichus de lancer la moindre capacité… A se demander comment leur dresseur compte s’y prendre pour les faire évoluer !  

Malheureusement pour Soan, ils représentent ses deux seuls alliés dans cette série d’affrontement. Et s’il était certes parvenu à arracher un peu de soutien à la Teddiursa… Il sent bien qu’il n’aura pas cette chance avec Majesté.

« -Tss… Fais au moins en sorte de ne pas me gêner, alors. »

Ce Vipélierre peut s’estimer heureux que ses deux amies aient suffisamment de capital sympathie pour eux trois. Si Soan ne leur avait pas promis de le ramener en haut de la montagne, il l’aurait d’ores et déjà délaissé.

Faisant tourner son pied dans le vide, il avise le Gigalithe.

« -Ok… Ramène toi, tas de gravier.
-RAAAH ! »

Réceptif à la provocation, le Pokémon sauvage lui fonce dessus. Le terme « foncer » étant tout à fait relatif, compte tenu de la nette différence de vitesse entre les deux individus. Au milieu de sa course, il frappe brutalement le sol de ses pieds, et fait jaillir des Lames de Roc dont les extrémités pointues visent le Lockpin. Ce dernier bondit pour les éviter, et s’il parvient à les esquiver à temps, il a mal évalué la hauteur des parois et est rapidement arrêté par le plafond de la grotte. D’une patte, il prend appui dessus pour réajuster sa trajectoire, et se laisse retomber au niveau d’une des lames rocheuses. Son autre patte s’y agrippe, et avec l’élan, Soan tournoie autour pour gagner encore plus de vitesse. Il s’éjecte ensuite en direction du Gigalithe, pieds devant.

Il le frappe avec le premier, le deuxième, puis rebondit sur sa tête pour atterrir dans son dos. Appréciant peu l’attaque Double Pied, le Pokémon sauvage se retourne en grommelant.

« -REVIENS ICI ! »

Sachant qu’il n’arrivera pas à le rattraper, il commence à accumuler une vive énergie multicolore sur le sommet d’une de ses pointes. Cette capacité Rayon Gemme chargée, une lumière rectiligne en émerge, et vise directement la tête du Lockpin. Soan, au lieu de s’écarter, effectue une élégante pirouette vers l’arrière. Sur son passage, un étrange miroitement vient remplacer sa silhouette, et lorsque le Rayon Gemme l’atteint… Le Voile Miroir renvoie aussitôt la capacité vers son envoyeur.

Gigalithe reçoit sa propre attaque de plein fouet, ce qui soulève un nuage de poussière sur sa position. Conscient du danger que cela représente, il le balaie d’un mouvement des pattes… Une seconde avant que Soan surgisse par l’ouverture qu’il vient de créer.

« -Si tu y tiens. »

Le Lockpin a suffisamment de force dans les jambes pour faucher celles du Gigalithe d’une attaque Balayage. Perdant tout équilibre, la masse rocheuse chute sur le côté et tombe misérablement à terre.

Elle cherche à se relever, mais le chromatique l’en empêche en posant son pied sur sa tête. Tout en maintenant l’adversaire au sol, Soan se penche auprès de lui.

« -La prochaine fois que tu voudras me défier, essaye de me faire des dégâts à moi, plutôt qu’à la montagne. »

Avant qu’il puisse rétorquer quoi que ce soit, le Gigalithe se fait mettre K.O. par le Mach Punch du Lockpin.

Satisfait, Soan se redresse et frotte ses pattes entre elles. Il affiche une moue plus contrariée en réalisant que son pelage est plein de poussière, maintenant. Tout en l’essuyant, il revient tranquillement au niveau de Majesté, resté sagement en retrait. Le Vipélierre ne le toise que du coin de l’œil, très peu impressionné par cette démonstration de force.

« -Tu as fini ? »

En une posture faussement servile, le Lockpin désigne la suite du chemin en une élégante courbette.

« -Navré pour ce malheureux contretemps, Ô votre Altesse. Après vous… »

Le Pokémon Plante ne cherche pas à relever son cynisme, et se met en marche. Soan prend immédiatement sa suite, un fin sourire aux lèvres.


Dernière édition par Lissa Labelvi le Ven 26 Avr - 16:12, édité 1 fois




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« Dîtes à mes amis que je m’en vais »


***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :

Lissa

Aniel ne cesse de me dévisager, tandis que nous avançons en quête d’une autre sortie.

« -Alors… Vous retrouverez votre forme humaine une fois au sommet de la montagne ? »

Je hoche doucement la tête.

« -Normalement… »

Je me retourne pour observer le chemin d’où nous venons. S’il n’y avait pas eu cet effondrement, nous n’aurions été qu’à quelques minutes de là-haut. Quel dommage que les choses aient mal tourné…

Enfin… Soan a dit qu’il existait un autre chemin, alors je ne dois pas perdre espoir. Tout ce que nous avons à faire, c’est tenir bon, et… Continuer d’avancer !

« -… ! »

Mon pied bute sur une pierre, et je me vautre immédiatement au sol. Je laisse s’échapper un petit cri de surprise, qui alerte Aniel. Alors que je me relève, elle se précipite à mes côtés, inquiète.

« -Tout… Tout va bien ?
-O-Oui… »

Je prends appui sur sa patte pour me redresser.

« -C’est juste que… Je commence à fatiguer. Marcher avec de si petites jambes… Ça me demande deux fois plus d’effort…
-…. »

La Lucario me fixe d’un air pensif, avant d’approcher sa deuxième patte.

« -Si vous permettez… »

Délicatement, elle vient m’entourer avec. Bien que surprise, je me laisse faire, et sens mes pieds décoller du sol. Je m’accroche fermement à ma partenaire, et cette dernière finit par me placer sur son épaule.

Elle s’assure d’abord que j’ai une bonne prise avant de me lâcher. Mais lorsqu’elle constate que je tiens en équilibre, elle me laisse me tenir à son pelage de moi-même.

« -Accrochez-vous bien. Vous êtes plutôt légère, ainsi, donc je devrai pouvoir vous porter jusqu’au sommet. »

Impressionnée, j’avise le sol en contre-bas. Tout parait si immense quand on est haute comme un Teddiursa ! J’ai l’impression qu’une chute de l’épaule d’Aniel suffirait à me briser les os. Mais je sais aussi que les corps moins denses souffrent moins des effets de la gravité… Et les Pokémon sont plus résistants que les humains, globalement. M’est avis que je ne risque pas grand-chose, même si je venais à tomber.

Je souris, et m’installe donc confortablement sur son épaule. C’est une drôle d’expérience, mais elle est très amusante.

« -Wow… ! Je comprends pourquoi Majesté aime autant se laisser porter. Merci Aniel ! » enthousiaste, je lève un poing « Youhouuu ! En avant !
-Bien ! »

Satisfaite, la Lucario se remet en marche. Même si j’ai un peu honte de me laisser assister de la sorte, il faut bien admettre que nous irons plus vite ainsi.

A peine a-t-elle commencé à avancer que je remarque quelque chose. À la suite de l’effondrement, je n’y ai pas trop prêté attention, mais maintenant que je suis postée sur son épaule, c’est assez flagrant.

« -Aniel… Tu es blessée ! »

Elle a une sorte d’hématome, sur la joue. Je me redresse, et profite de ma position pour observer la blessure avec attention. Mais la Lucario se fait bien moins alerte que je ne le suis.

« -Ce n’est rien, maîtresse. Je saurai m’en rétablir. »

Un regard sur son poitrail, et je réalise que sa fourrure porte plusieurs égratignures. Honteuse, j’affiche un air désolé.

« -Pardon, Aniel. C’est parce que tu as dû me protéger pendant l’éboulement que c’est arrivé... »

Mais ma partenaire se veut rassurante, et secoue la tête de gauche à droite.

« -Non, n’ayez crainte. Je n’ai subi aucun dommage durant l’effondrement. » elle passe rapidement une patte sur sa côte « C’est arrivé bien avant nos retrouvailles. »

Je la dévisage avec étonnement.

« -Tu… Tu t’es fait attaquer ?! »

Elle sourit, tout en niant de la tête.

« -Ce n’était pas vraiment une attaque, puisque j’ai été incitée à combattre, et que j’y ai répondu favorablement. Mais si j’avais décliné, je suis sûre que Soan m’aurait laissée partir.
-… ! T… Toi et Soan vous êtes battus ?
-Oui… Oh ! Mais cela s’est bien passé. Nous avions de quoi nous soigner, et finalement, cela m’a permis de vous retrouver. »

Pantoise, ma bouche reste entrouverte. En vue de l’ecchymose sur sa joue et des quelques traces de sang sur son pelage, l’affrontement n’a pas dû être de tout repos, même avec du soin. Surtout que j’ai déjà vu Soan combattre… Je sais très bien de quoi il est capable ! Comment peut-elle prendre cela avec autant de légèreté… ?

Mais je crois que ce qui me déstabilise le plus… C’est qu’elle ait effectivement accepté de se battre contre un Pokémon inconnu…

« Elle doit probablement être en train de se fritter avec des Pokémon sauvages, à l’heure qu’il est. »

Les paroles de Majesté, et l’ensemble de son discours, s’imposent immédiatement à moi. Je sens une boule se nouer dans mon estomac. Lentement, je lève mes yeux vers ceux d’Aniel, et la toise attentivement au moment de lui poser la question.

« -Et… Cela t’a plu ? »

Son regard semble s’éclaircir un peu plus.

« -Oui. C’était très instructif… ! Ce Lockpin est vraiment très doué. J’avais beau avoir l’avantage du type, il m’a tenu en respect tout du long… C’était un combat très exaltant. »

Quelque chose se resserre au niveau de ma gorge. « Nous ne sommes pas des combattants, toi et moi. Aniel ne pourra jamais s’épanouir à nos côtés, quoi qu’il arrive. » Je souhaite la relancer, pour approfondir la question, mais je n’ai même pas à le faire : la queue de la Lucario commence doucement à s’agiter lorsqu’elle se rappelle de quelque chose.

« -A ce propos ! Je pense avoir mis au point une nouvelle technique ! C’est votre frère qui nous l’avait suggéré, il me semble. »

« Même si tu décidais de t’investir dans les combats Pokémon, au fond de toi, tu sais qu’elle n’obtiendra pas les mêmes opportunités qu’avec sa dresseuse d’origine ou ton frère. Alors qu’eux… Les combats, c’est leur domaine, non ? »

« -Elle est assez risquée, puisqu’elle implique que je sois dans une situation défavorable. Mais je pense que bien maîtrisée, elle pourra me permettre d’exploiter ma pleine puissance, lorsque nous ferons face au danger. »

« Tu te présentes directement au danger, sans même chercher à comprendre. Tu t’exposes en première ligne, sous prétexte qu’Aniel est devant en train de combattre, et tu ne prêtes même plus attention aux risques que nous encourrons. »

« -Je me demandais si… Vous accepteriez que je m’entraîne à la développer. Je manque encore d’entraînement, et… Je ne pense pas la maîtriser complètement. Bien sûr, cela implique que je me mette dans un contexte périlleux, mais…  »

« Elle aime combattre. Tu le sais. Elle ne se dédie qu’à ça, et elle ne peut pas vivre sans. Alors... »

« -Vous m’aiderez à prendre toutes les précautions nécessaires, pas vrai ? Je sais que vous ne souhaitez pas que je me blesse inutilement…  »

« Petit à petit, elle t’a convaincu de la laisser se battre, et voilà où on en est aujourd’hui.»

« -Mais je pense qu’il serait dommage de négliger cette possibilité stratégique.  »

« Tu penses que maintenant, tu sauras la refréner ? »

« -Et puis…  »

« Lui refuser l’affrontement ? »

« -… Cela me ferait plaisir, si je pouvais combattre un peu plus. »

« Depuis qu’elle est à tes côtés, elle ne fait que te pousser vers le danger. Je crois que tu ne réalises pas l’influence qu’elle a sur toi. »

« -Q… Qu’en pensez-vous ? »

« Moi, c’est depuis qu’elle est là, que je m’inquiète pour toi. »

« -… Maîtresse ? »

« Tant qu’Aniel sera là, tu t’exposeras au danger. »

« -… Maîtresse Lissa ? »

« Le mieux serait qu’elle quitte l’équipe. »

« -M… Maîtresse Lissa, tout va bien ?
-… ! »

Face à mon mutisme, la Lucario s’arrête net. Ce n’est que lorsqu’elle m’interpelle avec un peu plus d’insistance qu’elle me tire de mes pensées. Quelque peu déconcertée, je lui rends un air hébété, et constate en retour sa mine inquiète.

« -Que se passe-t-il ? Je… » elle plisse les yeux « Je sens que… Votre aura est troublée. »

Incertaine, je détourne le regard. Cette conversation ne laisse hélas plus de place au doute. N’ayant d’autres choix que de me confronter à la réalité, je prends une profonde inspiration pour m’y préparer.

« -Est-ce que… Tu peux me poser, un instant, s’il te plaît ? »

Aniel acquiesce, et conciliante, me saisit tout aussi délicatement que la fois précédente. Elle me dépose ensuite sur un rocher à proximité, de sorte que je puisse rester à hauteur d’yeux. Une fois cela fait, j’ai besoin d’un instant supplémentaire pour regrouper mes pensées, et prendre la parole.

« -Aniel… Est-ce que parfois, tu regrettes d’avoir quitté l’équipe de Yuna ? »

Elle me dévisage avec un drôle d’air, surprise par la question.

« -Comment ça ?… Pourquoi je le regretterai ?  »

Je détourne les yeux, mal à l’aise.

« -Elle est bien plus investie dans les combats que moi, pas vrai ? Et puis, à ses côtés, tu avais de vrais partenaires d’entraînement….  »

Aniel prend un instant pour réfléchir à la question.

« -Eh bien… J’ai un profond respect pour maîtresse Yuna. Elle m’a élevée, m’a aidée à développer ma technique, et à devenir plus forte… C’est grâce à elle que j’en suis là aujourd’hui.  » elle joint ses deux pattes entre elle, et s’incline « Je serai toujours reconnaissante envers elle. »

Je sens mon estomac se tordre un peu plus, mais elle enchaîne très vite.

« -Pour autant, ma place est à vos côtés. Mes anciens compagnons me manquent parfois, mais… C’est votre présence qui me guide, à présent. »

Ses mots me font plaisir. Mais ils ne me rassurent pas pour autant. Nerveusement, je m’agrippe le bras.

« -Tu es sûre… ? Pourtant, je n’ai rien à t’offrir. Et je ne fais que te restreindre… Te limiter dans ton potentiel. Tu penses vraiment que… Tu pourras t’épanouir auprès de moi ?  »

La Lucario plisse les yeux. Je constate à son expression que mes propos la perdent.

« -Pourquoi en douterai-je ? » elle m’observe avec inquiétude « Pourquoi ces questions ?... Il y a un problème ? » elle baisse la tête « J’ai… Fait quelque chose de mal ? »

J’agite immédiatement les mains pour l’en dissuader.

« -N-Non ! Non ! Tout va bien ! C’est… C’est juste que… » je me renferme aussitôt sur moi-même « Je vois très bien que… Combattre n’est pas qu’une nécessité, pour toi. Tu aimes réellement ça, et… »

Je laisse ma phrase en suspens. Si je continue à tourner autour du pot comme ça, nous n’en verrons jamais le bout. Je dois lui dire le fond de ma pensée, même si c’est difficile… Il n’y a que comme ça que nous pourrons avancer. Alors, je prends une profonde inspiration, et la regarde droit dans les yeux.

« -… Il est clair que je ne pourrai jamais te satisfaire sur ce plan. Ni… Majesté ni moi n’aimons, ni ne voulons combattre… Et quand bien même, je serai sans doute mauvaise à ça. Et puis… Tu dis être bien à mes côtés, mais… Tu ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi, pas vrai ? Tu… Tu ne penses pas que… ? »

Je manque de me mordre la lèvre. Les mots que je prononce me font atrocement mal.

« -Tu souhaites rester auprès de moi uniquement parce que Yuna et mon frère te l’ont ordonné ? Ça ne t’arrive pas de te dire que… Tu serais plus heureuse, ailleurs, avec un autre dresseur, et d’autres compagnons… ? »

Ses yeux s’écarquillent lentement. Je ne crois pas avoir déjà vu Aniel aussi expressive. D’ailleurs, sa voix fébrile trahit elle aussi ses émotions.

« -Vous… Suggérez que je m’en aille ? Vous pensez que… Je devrai rejoindre une autre équipe ? »

Je serre les dents. Je souhaite entrouvrir la bouche pour répondre, mais elle me prend de vitesse. Ses pattes se posent sur le rocher sur lequel je me tiens, et son visage se rapproche du mien.  

« -C’est… C’est parce que j’ai laissé Majesté s’éloigner tout seul, c’est ça ? Ou… Parce que je me suis battue ? O-ou… ! C’est à cause de ce que je vous ai dit ? Parce que je voulais intensifier mon entraînement ? Je vous ai déçue, c’est ça ?! Je… Je m’excuse ! Je suis désolée ! Oubliez tout ça, je… Je ne le pensais pas ! P… Pardonnez-moi ! Je suis navrée ! Plus jamais je ne vous proposerai une telle chose, c’est promis ! »

Je fais de mon mieux pour fuir son regard implorant. Cette discussion est vraiment très difficile, et elle me brise un peu plus le cœur à chaque seconde qu’elle persiste.  

« -Ce n’est pas ça, Aniel ! Au contraire, je… ! Je m’en voudrais que tu ternisses tout ton potentiel par ma faute ! Tu comprends ? Je… ! » je prends une profonde inspiration, et la regarde de face « Je pense seulement que… Tout irait mieux pour toi si tu avais un dresseur plus compétent. Tu pourrais enfin t’adonner cœur et âme au combat, et… Majesté cesserait de s’inquiéter pour nos affrontements.
-… ! »

Cette dernière phrase provoque chez elle une réaction. Peu à peu, son expression se fait moins déconcertée, et plus… Pensive. Tressaillant de gauche à droite, ses yeux parcourent le vide en même temps qu’elle semble réaliser quelque chose.

« -C’est… A cause de Majesté, c’est ça ?
-… ? »

Je n’ai pas le temps de rebondir. Sa détresse apparente a laissé place à une triste résignation, alors qu’elle détourne le regard.

« -Je… »

Elle ferme les yeux, et serre la mâchoire.

« -Je comprends. Après tout… C’est lui, votre premier compagnon. »

Je devine aussitôt où elle veut en venir. Je souhaite l’interrompre pendant qu’elle se redresse….

« -A… Aniel, attends… ! »

Mais déjà, elle me tourne le dos.

« -Mes excuses. Je… Je ne souhaitais en aucun cas m’immiscer entre vous… »

Elle m’adresse une courte œillade.

Ses iris rouges se sont rétractées, au point qu’on ne perçoit plus que ses pupilles noires. Elles frémissent en me dévisageant. Les extrémités de ses oreilles sont tombantes, de même que sa queue. Sa gueule entrouverte tremble, et peine à former la suite, mais c’est emplie d’une profonde tristesse qu’elle y parvient.  

« -Je ne vous importunerai plus, dorénavant. »

Alors seulement, elle se retourne définitivement. Elle croise les bras, et baisse la tête. C’est finalement le pas lourd qu’elle se remet en marche…

« -ANIEL, S’IL TE PLAÎT !... »

Et que je l’interromps.

Ma protestation est suffisamment ferme pour l’inciter à s’arrêter net. Sans trop réfléchir, j’avise le sol en contre-bas, et prends appui sur le rocher pour en descendre. J’arrive à me réceptionner avec étonnement peu de mal, et me précipite à la suite de la Lucario. Je ne m’arrête que lorsque je passe devant elle, que je lève la tête, et que j’écarte les bras pour (tenter) de lui bloquer le passage.

« -STOP ! Arrête tout ! C’est… C’est moi qui m’excuse ! D’accord ? Je… ! »

Je ferme les yeux, autant car je suis incapable de la regarder, que pour m’éviter de pleurer.

« -Je n’ai pas à remettre en cause ton attachement à mon égard, ni même à te demander une justification pour ça ! Si tu dois partir… C’est uniquement parce que tu le souhaites, et pas pour apaiser mes doutes ou satisfaire Majesté. Je… ! » lorsque je les rouvre, c’est pour fixer le vide devant moi « La vérité, c’est que je suis incapable de gérer deux Pokémon. Je n’arrive pas à conjuguer les exigences de Majesté et ton désir de progresser. Mais ça, c’est de ma faute à moi. Pas la tienne ! Et tu n’as pas à en subir les désagréments ! Je… »

Je lève de nouveau la tête pour la regarder. Mais cela ne marche qu’à moitié, puisque les larmes qui perlent aux coins de mes yeux embrument mon champ de vision.

« -Je suis une horrible dresseuse ! Pardon ! Je me disais que si tu avais un maître plus doué, il parviendrait à t’apporter ce dont je suis incapable, mais… La vérité, c’est que je ne veux pas que tu partes ! Encore moins si ce n’est pas ce que tu souhaites ! Je ne veux pas te rendre malheureuse, Aniel, et je ne veux pas non plus te perdre ! Je… JE SUIS SI PROFONDÉMENT DÉSOLÉE ! »

Les larmes ont raison de ma capacité à me justifier. Je me mets à pleurer, et me frotte les yeux du dos de mes mains pour tenter d’arrêter ça. Je renifle bruyamment, et hoquette, incapable de garder une quelconque forme de constance.

Lorsque j’ai vu Aniel s’éloigner, j’ai senti mon cœur s’arrêter. J’ai beau n’avoir rien trouvé à redire au raisonnement de Majesté, j’ai beau savoir que je ne pourrai jamais satisfaire mes deux Pokémon, la seule chose dont j’étais convaincue, c’est que je ne voulais pas de ça.

J’ai vu, dans le regard de la Lucario, toute la tristesse et toute la déception que mes paroles ont provoqué. Elle non plus, n’a jamais voulu de tout ça. Je suis incapable de lui apporter les combats qu’elle désire, elle doit toujours gérer nos problèmes à elle seule et je ne suis qu’une piètre dresseuse, indigne de la guider… Mais malgré tout, j’ai bien senti qu’elle ne souhaitait en rien changer de vie.

Et ce, pour rien au monde.

Elle n’a pas besoin de raison pour être heureuse à mes côtés. Le simple fait que je sois avec elle, et que je m’intéresse à elle, suffit.

Rien que de revoir la façon dont elle m’a prise dans ses bras, à nos retrouvailles…

A ce moment-là, j’aurai dû comprendre que mes doutes étaient stupides.

D’ailleurs…

Je le réalise encore lorsque, de nouveau, elle s’accroupit.

Et m’enlace.

« -Je... Sais très bien que vous ne souhaitez que mon bonheur, maîtresse. Mais, s’il vous plaît… N’insinuez plus jamais une chose pareille. Pas… Pas si vous ne le souhaitez pas réellement. D’accord… ? »

Je renifle bruyamment, et enfonce ma tête dans son pelage.

« -SNIF Oui. Pardon. Je suis désolée. C’est promis. snif »

J’inspire un coup, et m’écarte pour la regarder droit dans les yeux.

« -Je veux t’aider à devenir plus forte. snif Je mettrai tout en œuvre pour t’aider à développer ta nouvelle technique. Et je… snif »

Je me frotte le nez pour stopper mes reniflements.

« -D’ailleurs, j’en discuterai avec Majesté. Je veux qu’il comprenne qu’il… Qu’il peut compter sur toi pour nous protéger.
-… »

L’expression d’Aniel redevient pensive. Elle semble hésiter au moment de reprendre la parole.

« -A… A ce propos… »

Mais finalement, elle se ravise.

« -Hum. Nous… Nous devrions nous remettre en route. Sinon, il risque de nous attendre au sommet. »

Toujours en me tenant, elle se relève. Et avec toute la délicatesse du monde, elle me pose sur son épaule. Une fois qu’elle s’est assurée que je suis bien installée, elle se remet marche, et nous progressons de nouveau dans les galeries. Mais moi, je ne la lâche pas du regard : j’ai bien senti qu’elle s’apprêtait à ajouter un truc.

« -… Qu’est-ce qu’il y a, Aniel ? Tu… Tu veux me dire autre chose ? »

Elle secoue la tête de gauche à droite.

« -N-Non. Ce n’est rien. Nous… Nous venons d’avoir un échange intense, je ne voudrai pas… »

Je la coupe, et la toise avec ferveur.

« -Parle, je t’en prie ! Si tu ne t’ouvres pas à moi maintenant… Quelle autre occasion aurons-nous ? »

Tout en continuant d’avancer, elle baisse la tête. Elle semble vraiment incertaine à l’idée de parler, mais mon argument la convainc. Elle ne me toise alors que du coin de l’œil.

« -Il… »

Puis elle prend une grande inspiration.

« -Il y a quelque chose… Que vous devriez savoir… A propos de Majesté. »


***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :
Narrateur omniscient

La patte du Vipélierre dérape sur une portion du chemin plus sablonneuse que le reste. Même s’il se rattrape de justesse, il peste de facto.

« -Maudite montagne. »

A sa suite, Soan le toise de haut.

« -Tu devrais éviter de la calomnier. » il lui passe devant et continue d’avancer « L’humaine qui vit en contrebas prétend qu’elle est sacrée. »

Majesté le suit d’un regard mauvais. Même s’il est tenté de relever le lien potentiel entre le Lockpin et Mama Odie, il préfère s’abstenir.

« -Je ne t’ai pas sonné. »

Soan pile net. En une volte-face gracile, impossible sans sa grande souplesse, il se penche en avant pour rapprocher instantanément son visage de Majesté.

« -Dis donc, toi. Je t’ai aidé, j’ai aidé tes deux amies, et je continue de t’aider actuellement. Tu ne te dis pas qu’à un moment, il pourrait être judicieux de me parler… Au moins, poliment ? »

Peu impressionné, le Vipélierre le toise sans broncher.

« -… Et sinon quoi ? Tu vas me passer à tabac, comme l’autre Pokémon ? »

Puis il le contourne pour reprendre sa route.

« -Tu leur as promis de m’escorter jusqu’au sommet, non ? S’il m’arrivait quoi que ce soit, Lissa serait très déçue. »

Soan se redresse, et plisse les yeux en l’observant s’éloigner. Ce Pokémon est une véritable peste. Il se croit sans danger, mais… Le Lockpin pourrait peut-être le secouer un peu, et prétendre qu’ils se sont fait attaquer sur le chemin… Ce qui est vrai, dans l’absolu. Alors, les quelques bleus qu’arboreraient sa peau végétale ne surprendraient personne…

Mais bien que cela soit pénible à admettre, il n’a pas tort. Non seulement Soan n’est pas du genre à frapper gratuitement un Pokémon plus faible que lui (et encore, serait-ce vraiment gratuit ?), mais en plus, il ne voudrait pas décevoir la petite oursonne et sa partenaire louve. Ce qui l’amène à se demander…

… Comment Arceus peuvent-elles tenir à un Pokémon aussi… Insupportable ?

« -… Wow. J’en ai connu, des Pokémon égocentrés qui envoient balader tout le monde… Mais toi, tu fais fort. »

En quelques bonds, il rattrape le Vipélierre, puis calque son rythme de marche sur le sien.

« -Dis moi tout. Qu’est-ce qu’elles te trouvent, au juste ? Est-ce que sous cette carapace de pierre se cache un cœur sensible que seule une amitié véritable peut révéler ? Tu leur as un jour sauvé la vie, même par accident, et depuis elles te sont éternellement redevables ? Ou alors, tu es une sorte de superstar pour les humains, et ta vie revêt bien trop d’importance pour être mise en danger ? »

Majesté hésite avant de répondre. Il n’est absolument pas certain de vouloir se lancer dans une quelconque forme de discussion avec le Lockpin. Pour autant, il finit par répliquer sobrement.

« -Non. Rien de tout ça. »

Ce qui lui vaut un haussement de sourcil de la part de Soan.

« -… Vraiment ? Donc tu es juste sincèrement méchant, elles ne te doivent absolument rien, et tu n’as pas le moindre palmarès ? »

Ce n’est qu’alors que le Vipélierre le toise du coin de l’œil, toujours aussi renfrogné. Le chromatique s’attend à une protestation cinglante, mais finalement, Majesté se concentre de nouveau sur la route.

« -J’ai été sur une scène, une fois.
-… »

Est-ce… Vraiment le seul point qu’il cherche à contester ?

« -… Et donc ? »

Ses yeux se plissent un peu plus.

« -J’ai brûlé. »

Il accélère alors le pas, comme s’il voulait mettre de la distance pour que la conversation n’aille pas plus loin. Malheureusement pour lui, Soan est bien mieux équipé, en termes de jambes, et il n’a donc aucun mal à se caler sur sa cadence.

« -… D’accord, superstar. Donc vous êtes juste tous les trois amis, et… Vous avez le même dresseur ? C’est votre seul point commun ? »

Majesté grimace. Son interlocuteur n’a pas l’air d’avoir compris que la Teddiursa était sa dresseuse. Et il a sincèrement la flemme de s’expliquer. De toute façon, non pas que ça change grand-chose à l’idée derrière sa réponse.

« -Lissa est ma vassale, et Aniel un boulet qu’elle se traîne aux pieds. Mais… Ça, ça ne sera bientôt  plus un problème. Je pense qu’elle ne devrait pas tarder à passer à autre chose. »

Il jette une brève œillade derrière lui. Avec un peu de chance, sa dresseuse est en train de régler ses comptes avec la Lucario. S’ils pouvaient se séparer d’elle une fois le sommet atteint, ça serait top. Même s’il y a fort à parier que Lissa la traînera d’abord jusqu’à l’académie pour plutôt la rendre à sa dresseuse d’origine…

A moins que…

« -Aniel et toi êtes deux brutes. Ça ne t’irait pas, de la garder avec toi sur cette montagne ? »

Cette question coïncide avec leur sortie de la caverne. Alors qu’ils traversent le seuil de la galerie pour arriver à l’extérieur, Soan s’arrête à nouveau, et oblige Majesté à faire de même. Bras croisés, il juge sévèrement le Vipélierre.

« -… Je crois que je commence à cerner votre dynamique, à tous les trois. Dis moi… » il le pointe du doigt « Tu es jeune, non ? Ces Pokémon là sont tes premiers amis… ? »

Sentant la morale arriver, Majesté tente de balayer tout ça d’un geste de la patte.

« -Ca va, je plaisantais… »

Mais le Lockpin passe outre.

« -Peut-être que la vie était facile pour toi, jusqu’à présent. Mais penses-tu vraiment qu’avec un tel caractère, cela va durer ? Que leur amitié t’est acquise, et qu’elles vont continuer de te subir éternellement ?... »

Le Vipélierre serre la mâchoire, et le foudroie du regard.

« -Eh. Je ne t’ai pas demandé de conseil. »

Et Soan fait de même.

« -Un jour, tu te retrouveras seul. Et quand ça arrivera… Rien de ce que tu pourras faire ou dire ne pourra rectifier tout ce que ton sale caractère leur a fait subir. » il se redresse, et le juge de haut « Sans effort, tu iras droit au mur. Crois moi… J’ai vu des Pokémon se reposer sur leurs lauriers, et se faire complètement délaisser par leurs dresseurs. Quelle que soit ta plus-value auprès du tien, elle ne vaudra plus rien si tu continues de te comporter ainsi.
-Occupes-toi de tes affaires, tu veux ? »

Majesté fait quelques pas pour mettre de la distance entre eux, et lui tourner le dos.

« -De toute façon, quels conseils ai-je à recevoir d’un Pokémon sauvage ? » il plisse les yeux « A moins… Que tu as déjà été domestiqué. Et si c’est le cas… » il se remet à marcher, effectuant un geste nonchalant de la patte « L’opinion d’un Pokémon s’étant fait abandonner n’a aucune valeur. »

Malgré la provocation, Soan ne réagit pas. Il observe cette frêle et insupportable créature avancer avec assurance, sans la moindre animosité à son égard. Le Lockpin pourrait être en colère, il pourrait s’énerver, mais… Non. Soan est un être parfait, alors il ne perd pas son sang-froid pour si peu.

Actuellement, il ne ressent qu’une froide et implacable apathie à l’égard du Vipélierre.

En dépit de toutes ses bonnes intentions, il refuse de l’écouter. Soit. Ce n’est pas comme si quelqu’un d’aussi buté allait retrouver la raison soi-même, d’un seul coup. Sinon, à quoi bon être buté de base ?

Majesté ne prendra conscience de ses erreurs qu’une fois devant le fait accompli…

Soan a beau être doué dans, plus ou moins, tous les domaines…

Ce n’est pas lui qui va calmer les ardeurs d’un Pokémon comme Majesté.

Alors il finit par expirer du museau, avec un sourire aussi blasé qu’amusé.

« -Pff. Ta franchise est bien ta seule quali… »

Et il s’interrompt.

A peine a-t-il voulu emboîter le pas à Majesté que le Lockpin s’est arrêté. Assez naturellement, il a relevé la tête pour regarder devant lui. Depuis qu’ils sont sortis de la grotte, c’est la première fois qu’il ne focalise pas toute son attention sur le Vipélierre.

Cela fait plusieurs mois maintenant que Soan vit sur cette montagne. Bientôt un an, pour être exact. Lorsqu’il a atterri ici, sa seule et unique obsession était de rallier les hauteurs des falaises pour y retrouver les traces du jet privé qui le transportait.

Mais face à l’hostilité de la faune autant que de la flore, il a, chaque jour, dû repousser son ascension au lendemain. D’abord pour trouver un abri, ensuite pour manger, enfin, pour vaincre le Pokémon qui l’empêchait de faire tout cela. Ce n’est qu’une fois ceci accompli qu’il a pu évoluer, et comprendre que la vie de Pokémon sauvage avait peut-être plus à lui offrir que sa vie de Pokémon domestique.

Il a alors repoussé son ascension d’une semaine dans l’optique de cerner son potentiel. Il a confirmé sa supériorité physique auprès de son premier Némésis, puis s’est mis en tête d’ancrer ses repères spatiaux. Il a donc longé la rivière pour voir jusqu’où son terrain de jeu pouvait s’étendre. Il a découvert à son aval des traces de civilisation humaine, et a pu ainsi délimiter précisément quelles allaient être les limites de son territoire.

Et donc, ce qu’il pouvait inclure à l’intérieur.  

Sept jours plus tard, il s’était lancé à la conquête des portions exposés du flanc. Si les zones dégagées étaient simples à conquérir, il passa un peu plus de temps sur les amoncellements rocheux. Cela lui prit environ deux semaines pour y affermir sa domination.

Il lui en fallut quatre de plus pour faire ployer la forêt et ses habitants. Une fois sous son contrôle, il constata rapidement que couvrir autant de terrain allait lui demander une certaine flexibilité, mais également une grande autorité auprès des Pokémon désormais sous sa responsabilité. Il passa les semaines suivantes à apprendre comment maintenir une présence sur un si grand domaine, et à affirmer son statut de Pokémon dominant.

Deux mois après, l’entièreté de la portion visible de ce flanc était à lui. Trois possibilités s’offraient à lui : conquérir les galeries, conquérir le sommet, ou conquérir le second flanc de la montagne. Il choisit cette dernière option de façon assez arbitraire.

Au bout d’un mois supplémentaire, l’ensemble des forêts, chemins et clairières étaient sous son contrôle, peu importe de quel côté de la montagne vous vous trouviez. Maintenant qu’il possédait une grande partie de la surface, il lui sembla logique de s’attaquer à ce qui se trouvait en dessous.

Mais les galeries et grottes n’étaient pas son environnement de prédilection. Non seulement il était difficile pour lui d’y combattre, mais se faire une carte mentale des lieux était également une tâche qu’il avait sous-estimée. Enfin, surpasser des Pokémon pour qui tout ceci n’avait rien de compliqué représentait un objectif laborieux. Deux mois et demi s’étaient alors avérés nécessaires rien que pour le repérage.
 
Il fit un jour la découverte d’une habitation humaine au pied de sa montagne. S’il n’était pas rare d’en croiser quelques-uns faisant l’ascension, aucun n’avait jusqu’à présent cherché à s’y installer durablement. Cela déplut à Soan qui chercha à déloger la malotrue : une vieille femme qui derrière ses lunettes noires et son visage ridé, abritaient une vénérable dresseuse de Pokémon Combats.

Ce qu’il prit d’abord comme un affront devint un nouveau défi à surmonter. Sa volonté d’asseoir sa domination se changea peu à peu en intérêt envers ses opposants, puis en respect. Passés trois mois à les affronter chaque jour ou presque, à s’entraîner à leur côté et finalement, à les mettre au tapis un par un, Soan accepta leur présence au pied de la montagne.

Il profita du mois suivant et de l’expérience acquise pour prendre l’ascendant sur les Pokémon Roches des galeries.

Et ce n’est que lors de la confrontation du jour avec Gigalithe et sa horde que Soan a mis fin à cette croisade.

En résumé, suite à ces jours, semaines et mois, Soan avait pu cartographier les clairières, les forêts, les galeries, conquérir les flancs nord et sud, les souterrains, et devenir ainsi le maître incontesté de 98% du territoire montagneux.

Que représentent les 2% restant ?

Le sommet.

Sur lequel Soan n’a jamais mis les pattes.

C’était son objectif initial, et pourtant. Jusqu’à maintenant, il ne s’y est jamais rendu. Il sait que des humains s’y rendent régulièrement, accompagnés de leurs Pokémon. Il sait aussi que la présence de Pokémon sauvage y est faible. D’ailleurs, il sait très bien quels chemins emprunter pour s’y rendre.

Et pourtant. Il ne l’a jamais fait.

En un an.

Cela fait un an que, inconsciemment, il repousse l’étape un de son aventure.

Sauf que maintenant, il n’a plus d’excuse. Il n’en a tellement plus que même en voulant venir en aide à de parfaits inconnus, il se retrouve quand même propulsé en direction du sommet.

C’est là littéralement tout ce qu’il lui reste à accomplir.

Atteindre le haut des falaises.

Et c’est tout.

Du coup…

Voila.

Il y est.

La raison pour laquelle Soan s’est interrompu au moment de lever la tête, c’est parce que son regard a croisé un certain élément du décor. Un élément ignoré par Lissa, Aniel, et Majesté lors de leur première ascension, et que Majesté ignore de nouveau lors de sa deuxième. Il passe devant sans y prêter attention, car même si c’est un élément curieux, il n’a rien de vraiment intéressant. Après tout, il y avait déjà quelque chose de similaire, sur Adala. Et comme dit, il en a un peu rien à faire, de base. Cela ne représente rien d’important pour lui.

Mais pas pour Soan.

En dépit de tout son flegme, malgré tout son sang-froid, quand bien même il est resté imperturbable devant les restes décrépits de sa propre Pokéball…

Il ne peut rester insensible devant l’épave de l’avion qui l’a amené ici.

La dernière fois qu’il a vu ce tas de ferraille, il était encore aux côtés de son dresseur. Mais l’instant d’après, le véhicule s’était écrasé, et sa Pokéball avait chuté au contre-bas d’une falaise. Et dès lors…

Un an s’est écoulé.

Et son dresseur ? Disparu. Pas la moindre nouvelle. Même en faisant sienne 98% de la montagne, il n’en a pas vu une trace. La vérité, c’est qu’il est fort probable que lui et les autres occupants de l’avion ont été évacués dès le lendemain du jour qui a suivi le crash. A ce moment là, Soan devait grelotter de froid dans une grotte, ou mourir de faim près d’une rivière.

Peu étonnant qu’après autant de temps, il n’ait aucune autre nouvelle.

Il doit probablement être mort aux yeux de son dresseur. De ses amis. De ses collègues du Pokéwood. De ses quelques fans. S’il y a eu des recherches, elles ont dû s’interrompre rapidement. Peut-être même que Soan les a manqués de peu.

Et s’ils les avaient croisés ?

S’ils avaient rencontré des gens venus le secourir ?

Le sauver ?

Serait-il retourné auprès d’eux ?

Auprès de son maître ?

« -… »

Il l’ignore.

« -Eh. Un problème ? »

A sa grande surprise, Majesté a remarqué son égarement mental.

Et il s’est même arrêté pour s’enquérir de son état.

Finalement, peut-être a-t-il un peu d’empathie en lui.  

« -Si tu veux continuer à phaser, aucun soucis. Le plateau n’est plus très loin, je doute avoir encore besoin de toi. »

Ou pas.

L’attitude acariâtre de son escorte ramène Soan à lui. A cause du choc de la découverte… Il a bien failli laisser ses émotions reprendre le dessus.

« -N’espère pas te débarrasser de moi aussi facilement, superstar. »

Majesté siffle de la langue, agacé.

« -Tss. »

Soan arrive à son niveau, et tous deux se remettent en marche. Le Lockpin adresse néanmoins un dernier regard à la carcasse du jet privé qu’il souhaitait tant retrouver jadis…

Mais au bout du compte, il lui tourne le dos, et avance.




***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :

Lissa

Le ruissellement de l’eau est un son particulièrement apaisant. Une légère et cristalline persistance qui s’écoule paisiblement… Sa résonance dans la caverne accentue l’aspect éthéré de la mélodie, qu’Aniel et moi suivons avec diligence.

En appliquant les conseils de Soan, nous avons pu trouver un chemin dérobé. Il semblerait qu’un passage mène jusqu’à la source de la rivière qui s’écoule tout du long de la montagne. Et si l’eau parvient à quitter cette grotte, alors nous y parviendrons aussi.

Malgré ce cadre apaisant, je n’ai pas vraiment à cœur de m’imprégner de la magie des lieux. Je suis bien plus attentive à ce que me raconte la Lucario, perchée sur son épaule.

« -Après notre combat contre ce Léviator, nous avons été contraints de nous déplacer vers un autre territoire, n’est-ce pas ? Sauf qu’une fois là-bas, nous avons été confrontés à ces cristaux.  »

J’opine du chef.

« -Oui. Leiar est moins habitée qu’Adala, mais il s’y passe des phénomènes tout aussi étranges. »

Aniel acquiesce.

« -Lorsque les pierres se sont éveillées, vous avez très vite compris que les toucher impliquaient des effets indésirables sur notre corps ou notre esprit. Vous nous avez alors formellement interdit d’entrer en contact avec, Majesté et moi. Puis nous avons rallié les autres humains pour comprendre ce phénomène. »

Pour l’instant, la Lucario ne fait que me résumer les événements qui se sont produits lors de notre installation sur Leiar. Cela remonte à plus d’un an, désormais.

« -Il y a eu deux groupes. Nous étions celui en charge des Météno, et les autres s’occupaient des Strassie. Nous avons rencontré beaucoup de Pokémon sauvages impactés par les cristaux. Finalement, les deux groupes ont découvert les installations du Coven Chôwa et de la Section Mana, et les détruire fut suffisant pour interrompre le phénomène. »

Aniel me toise du coin de l’œil.

« -Oui. Mais à ce moment là, nous n’étions plus avec eux, pas vrai ? Nous nous étions éloignés des autres dresseurs et de leur Pokémon.  »

Je baisse les yeux, peinée.

« -Peu avant le sommet, je vous ai perdus de vue, Majesté et toi. Et lorsque je vous ai retrouvés… Majesté était corrompu par un cristal.
-C’était un cristal noir. Le tout premier que vous aviez découvert.
-Celui qui change les Pokémon en Pokémon Obscurs. » je soupire « Majesté a commencé à s’en prendre à nous. Mais heureusement, les machines ayant activé les cristaux ont été découverts au même moment, et leurs effets se sont instantanément dissipés. Au final, il y a eu plus de peur que de mal… »

La Lucario détourne le regard, gênée.

« -C’est de ça dont je souhaitais vous parler. Savez-vous… Comment Majesté est rentré en contact avec le cristal ? »

Je la fixe, incertaine quant à là où elle veut en venir.

« -... Eh bien, il s’était éloigné car je l’avais trop secoué depuis mon sac. Je suppose qu’il a trébuché dessus par erreur. Et en sentant son aura changer, tu as accouru vers lui... C’est bien ça ? »

Mais Aniel fait non de la tête.

« -Non. C’est l’inverse. D’abord j’ai vu Majesté, et ensuite il est rentré en contact avec le cristal.
-… ? »

Ma partenaire comprend à mon air confus qu’elle va devoir rentrer un peu plus dans les détails, et soupire à son tour.

« -Je l’ai vu s’éloigner du groupe. Alors je l’ai suivi pour ne pas qu’il se retrouve isolé. Mais… » elle plisse les yeux « Il s’est arrêté lorsqu’il a réalisé que les explosions provoquées par notre combat avaient révélé un nouveau cristal. Un noir. Majesté s’est immobilisé juste devant, et l’a longuement complété. »

Aniel serre la mâchoire.

« -Puis il s’est penché en avant, et l’a saisi. »

Je cligne des yeux, dubitative.

« -P… Pourquoi aurait-il fait ça ? Il savait très bien quels effets cela allait provoquer !... »

La louve acquiesce.

« -C’est bien là le problème, maîtresse Lissa. »

Son expression devient plus sévère, et son ton, plus accusateur.

« -Je pense que Majesté a choisi en connaissance de cause de toucher ce cristal. J’en ignore la raison, pour être honnête. Mais j’ai perçu dans son aura… Une forte résolution, au moment de se pencher en avant. Il savait très bien ce qu’il faisait, maîtresse.
-… ! »

Je bégaie, incrédule.

« -M-Mais… Mais pourquoi… ? »

A nouveau, Aniel fait non de la tête.

« -Je ne sais pas. Je ne l’ai jamais interrogé à propos de cet incident, donc je n’en sais pas plus. Mais… Tout à l’heure, lorsque vous avez mentionné que nos combats l’inquiétaient… Cela m’a fait me demander… » son regard se perd dans le vide « Si Majesté se soucie réellement de votre sécurité, alors pourquoi a-t-il délibérément saisi ce cristal ? D’autant que, suite à cela, vous avez été réellement blessée. Par sa faute. Je… »

Sa patte gauche vient saisir son bras droit, en une gestuelle qui me rappelle mes tics nerveux. Elle semble réellement mal à l’aise avec ce qu’elle avance.

« -Jamais je ne remettrai en doute le lien qui vous unit, Majesté et vous, maîtresse.  Il est votre partenaire de toujours, après tout. Je ne cherche pas non plus à rejeter toute la responsabilité de cet événement sur ses épaules ; si j’avais été plus réactive, j’aurai pu empêcher tout cela. Pour autant… Je m’en voudrai de vous cacher un acte aussi important. »

C’est vraiment terrible. Plus j’en apprends sur mes Pokémon, et plus je réalise que je ne sais rien à leur propos. Les craintes de Majesté, la passion combative d’Aniel, son désir ardent d’être à mes côtés, et maintenant… L’étrange décision de mon starter. Sans parler de la discordance qui règne entre les deux…

Bon sang… Je ne connais pas dresseuse plus incapable que moi…

Pour affirmer ma présence à ses côtés, je presse ma main contre l’épaule d’Aniel avec un peu plus de force.

« -Aniel. Que Majesté soit mon premier Pokémon et toi le second ne change rien. Je te fais confiance, et, si ce que tu dis est vrai… » je regarde droit devant nous  « Alors Majesté nous doit des explications. »

Bien qu’elle ne paraisse pas totalement convaincue par mes propos, la Lucario acquiesce. N’ayant rien d’autre à ajouter, cela met fin à la discussion. Elle continue donc d’avancer dans l’optique de nous guider hors de la grotte…

***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :

C’est un air ravi qu’affiche mon visage lorsque je sens un vent frais souffler dessus.

« -L’extérieur… Tu as réussi ! »

Aniel presse le pas pour nous guider jusqu’à la sortie de la grotte. La rivière qui sillonne la montagne prend sa source d’ici, et longe la pente pour s’écouler en contre-bas. J’ai eu peur que nous ayons à nous tremper pour sortir d’ici, mais ça ne sera pas nécessaire : il y a une ouverture dans la paroi qui nous permet de quitter la grotte au sec.  

Lorsque nous débouchons dehors, c’est pour constater deux choses : le sommet n’est plus très loin, et… La nuit est en train de tomber.

« -… On dirait que nous sommes de l’autre côté du flanc. Le plateau est tout proche ! »

La Lucario hoche silencieusement la tête.

« -Dépêchons-nous avec qu’il fasse entièrement noir !
-Hm ! »





«  Je suis une Labelvi ! Fille de la campagne ! Je n’ai pas peur de traîner dans la boue, ni de me salir ! Alors, ce n’est pas un parquet tout propre tout ciré qui va me faire peur… »
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« Dîtes à mes amis que je m’en vais »


***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :
Narrateur omniscient

Un silence de plomb règne sur le sommet de la montagne.

Majesté a pris place sur le même rocher que ce matin. Ses pattes tiennent nonchalamment sa tête, ennuyée par toute cette marche, et cette attente. La présence persistante de Soan doit également y être pour quelque chose.

Le Lockpin se tient au centre du plateau, et les bras croisés, observe le décor. Même s’il commence à faire nuit, il souhaite profiter du paysage panoramique. C’est la première fois qu’il est gratifié d’une telle vue sur Gratia et ses alentours. Même sa montagne, aussi impressionnante soit elle, fait pâle figure comparée à l’ensemble de la chaîne.

Son territoire ne représente qu’une portion insignifiante de tout ce que le monde sauvage a à offrir, finalement.

Mais assez d’introspection. L’une de ses oreilles s’agite en entendant des bruits de pas. Si au début, il n’entend qu’une personne, il semblerait qu’un deuxième individu décide de finir le trajet à pattes, en approchant du sommet. Soan se retourne, prêt à accueillir les deux nouvelles arrivantes. Majesté, qui finit également par les entendre approcher, lève la tête en leur direction.

« -Majesté ! Soan !... Nous sommes là ! »

***
C'est la carte, c'est la carte ♪ :

Lissa

Le souffle court, je me précipite vers le centre du plateau.

Nous y sommes ! Nous l’avons fait !

« -Hiiiii, je suis si contente ! »

Majesté descend à peine de son rocher, que je me jette dans ses bras. Cette fois, il anticipe un peu plus mon geste et me réceptionne. C’est probablement la dernière fois que cette occasion se présente, mais… Je suis si heureuse de pouvoir lui faire ce genre de câlin !

L’étreinte terminée, je m’écarte pour me tourner vers Soan. Je suis ravie de constater que le Lockpin a tenu sa promesse.

« -Merci beaucoup ! Sans toi, nous n’y serons pas arrivés. »

Aniel, qui s’est placée derrière moi, acquiesce en signe d’approbation. Le chromatique se contente de hocher la tête en retour, ne souhaitant visiblement pas se formaliser.

Majesté croise les bras, et m’avise moi, puis la Lucario.

« -Alors ? Tu lui as parlé ? »

Je me tourne vers mon starter, et hoche la tête. Cela m’arrange qu’il aborde déjà le sujet – je ne souhaite pas perdre plus de temps avec ces histoires.

« -Oui ! A ce propos… » j’échange un regard entendu avec elle « Finalement… J’ai compris que je voulais garder Aniel à nos côtés. C’est aussi ce qu’elle souhaite, donc… Je ne pense pas la rendre à Yuna. »

Le Vipélierre plisse les yeux.

« -Quoi ? Pourtant… » et il la foudroie du regard « Sa soif de combattre est incompatible avec notre binôme. Je pensais avoir été clair... »

Ne souhaitant pas rester spectatrice d’une conversation qui la concerne, Aniel intervient.

« -En fait, maîtresse Lissa est d’accord pour s’intéresser un peu plus à la discipline.  Nous allons nous entraîner, et je deviendrai plus efficace pour assurer votre protection. A tous les deux. »

Je continue de hocher la tête en signe d’approbation. Côtoyer Aniel de cette façon m’a fait comprendre que je pouvais faire plus d’effort pour l’aider à s’affirmer. Ma conversation avec Soan m’a aussi beaucoup aidé.

Ce qui ne ravit guère mon starter.

« -Tu plaisantes ?! » à mon tour d’être foudroyée du regard « Vassale ! Je t’avais pourtant dit que… ! »

Sentant qu’il va s’emporter, Majesté expire un coup. Il prend un instant pour se calmer, et enchaîne plus posément.

« -Tout ça a une mauvaise influence sur toi. Un jour… Il t’arrivera quelque chose de grave, et je… » il marque une courte pause « Je ne suis pas prêt à endurer ça. »

Je me rapproche, et lui saisis délicatement les pattes. Comme je sais qu’il est inquiet, je veux faire de mon mieux pour le rassurer.

« -Je sais, Majesté. Mais… Ce n’est pas incompatible, tu sais ? Je peux aider Aniel à repousser ses limites. La préparer à de simples combats amicaux comme à des situations plus extrêmes… Mais cela ne nous empêchera pas de nous tenir à l’écart pendant les moments de crise. J’ai bien compris que… J’étais devenue plus hardie, dernièrement… Et que cela t’angoissait. Donc… Si je prends toutes les précautions nécessaires, nous pourrons faire en sorte que... »

Je n’ai hélas pas le temps de finir ma phrase. Majesté retire ses mains des miennes, et fait un pas de recul, frustré.

« -Donc en fait, tu te moques de ce que je pense ? C’est bien ce que je pensais… Dès que tu as pu obtenir un nouveau partenaire, tu t’es détournée de moi. »

En retrait, Soan observe attentivement la scène. Il passe ses bras derrière sa tête lorsque Majesté commence à s’emporter, et que je cherche, tant bien que mal, à l’apaiser. S’il ne s’amuse pas particulièrement de la situation, je le sens dans l’expectative.

« -Ne t’énerve pas, Majesté… ! Écoute, je sais que je t’ai habitué à avoir toute mon attention, mais… Tu ne crois pas que… Tu t’en fais un peu trop… ? »

Je développe avant qu’il n’ait le temps de répliquer.

« -Tu es un Pokémon fier, sûr, et empli d’assurance, mais pourtant… Je crois que… Tu te sous-estimes. M’est avis… Que tu peux être bien moins dépendant de moi que tu ne le crois. Peut-être… Que tu penses avoir besoin de moi pour avancer. Que seul, tu es incapable de te défendre, de te débrouiller, ou que… Ta sœur aura toujours un temps d’avance sur toi…  Mais pourtant… Regarde-toi ! Aujourd’hui, nous avons été pratiquement séparés toute la journée, et… Malgré ça, tu as gravi la moitié d’une montagne à toi tout seul ! En fait… Tu as même fait la quasi-totalité du trajet sans moi. C’est bien la preuve que… Il n’est plus nécessaire que je te couve autant, tu ne crois pas ? Je ne dis pas que je ne veux plus m’occuper de toi, ou te délaisser, seulement… » j’hésite sur la formulation de ma phrase « Que l’on peut apprendre à se tourner vers d’autres personnes, désormais ? »

Je glisse une œillade au Lockpin. Je ne me leurre pas sur le fait qu’il ait dû aider mon compagnon à arriver jusqu’ici. Et je pense que c’est la preuve que… Majesté doit apprendre à pouvoir compter sur d’autres personnes. Pas seulement moi.

Malgré tout ce que j’ai dit, il semble que seule une portion de mon discours le fait réagir.

« -Moi, me sous-estimer ? Pour qui tu me prends ?! Je sais très bien ce que je vaux. Si ma sœur a plus de succès que moi, c’est uniquement parce notre première performance a été désastreuse. Et ça ne serait pas arrivé sans cet accident ! Et si Aniel n’était pas aussi occupée à te faire combattre, on aurait d’ailleurs pu reprendre nos entraînements depuis longtemps ! Mais puisque tu ne veux plus t’occuper de ma carrière, je n’ai rien d’autre à faire… A part faner dans mon coin, je suppose.
-Tu… Tu dis ça sérieusement ? » je le regarde droit dans les yeux « Je croyais que cet accident t’avait traumatisé, moi ! Ce n’est pas toi qui ne veux plus monter sur scène…. ?
-A quoi bon, puisque de toute façon, tu laisses tout tomber au premier message d’alerte ? Si tu te décidais enfin à t’y consacrer sérieusement, alors peut-être que nous pourrions progresser. Mais ça ne sera pas possible tant qu’ELLE sera là ! »

Véhément, il désigne Aniel de la patte. Quant à moi, je dévisage mon starter d’un air complètement ahuri. C’est quoi cette obsession pour la Lucario, au juste ? A l’écouter, elle est à l’origine de tous nos maux ! Il est à deux doigts de me dire que c’est aussi de sa faute s’il a fini gravement brûlé, que c’est à cause d’elle que l’établissement d’Adala s’est fait détruire, ou même que les cristaux de Leiar se sont activés !

« -... »

A ce propos…

« -Majesté. Pourquoi tu vas voulu récupérer ce cristal noir ?
-… ? »

Vu le brutal changement de sujet, je comprends que ma question le laisse confus. C’est pourquoi je prends la peine de repréciser le contexte.

« -Lors du premier incident des cristaux. Sur le pic de Leiar. Pendant un instant, tu as été en contact avec un cristal noir, et cela t’a transformé en Pokémon obscur. Comment ? »

Il croise les bras, sceptique.

« -Je n’en sais rien. J’ai peut-être juste marché dessus par erreur. De toute façon, ça ne serait pas arrivé si nous étions restés-
-Aniel t’a vu le saisir. Pourquoi tu as fait ça… ? »

Majesté lui lance aussitôt un regard courroucé.

« -… C’est ce qu’elle t’a dit ?
-Tu savais que ces cristaux étaient dangereux. Qu’ils allaient te mettre dans cet état. Alors… Pourquoi tu l’as saisi ? »

Il hausse les épaules.

« -Je t’ai déjà dit que j’ai marché dessus par erreur.
-Ce n’est pas ce qu’elle a vu...
-Eh bien. C’est sa parole contre la mienne. »

Devant mon manque de conviction apparent, il fronce les yeux.

« -Tu vas me dire que tu crois cette hystérique du combat plutôt que moi ? »

Je maintiens son regard.

« -Peut-être. »

Il pointe de nouveau Aniel de la patte, avec plus d’insistance cette fois.

« -Mais… Mais enfin, vassale ! Tu ne vois pas qu’elle essaye de te monter contre moi ? Depuis qu’elle est arrivée, elle fait tout pour que nous nous éloignons l’un de l’autre !
-Majesté. »

Le ton calme de ma voix tranche radicalement avec le sien, si bien qu’il suffit à l’interrompre.

« -Depuis le début, c’est toi qui me parle d’abandonner Aniel. » mon regard s’assombrit « Pas l’inverse. »

Il siffle de la langue.

« -Tss. Je n’y crois pas. Elle empoisonne complètement notre relation, et tu n’y vois rien. »

Il me tourne le dos.

« -Je pense qu’il va être grand temps de faire un choix, vassale. »

Il regarde Aniel.

« -Ou tu crois un Pokémon dont toute l’éducation repose sur le fait d’affronter ceux avec qui elle n’est pas d’accord... » puis il se désigne lui-même de la patte « Ou tu acceptes de croire celui qui t’accompagne depuis toujours. Dans un cas comme dans l’autre… » les traits de son visage se tordent sous la colère « Je refuse de passer plus de temps avec elle. Soit nous quittons ce plateau sans elle, soit c’est moi qui reste. »

Je soutiens son regard. La première fois qu’il a émis l’idée d’abandonner l’un de nous, j’ai protesté. Puis, je me suis mise à trembler de terreur. Cette fois-ci, je me contente de le regarder droit dans les yeux, prostrée dans mon silence.

Au point que c’est à Aniel de contester. Oreilles baissées, la Lucario est complètement dépassée par la tournure des événements.

« -Pourquoi… Tu tiens à ce point à nous opposer. Nous ne pourrions pas juste… Cohabiter tous les trois ? Qu’est-ce que… J’ai fait de mal pour que tu m’en veuilles à ce point ?
-... »

Finalement, c’est moi qui réponds en lieu et place de Majesté. Sans en détacher mon regard.

« -Rien, Aniel. Le problème ne vient pas de toi, mais de lui.
-… ! »

Il s’apprête à répliquer, mais je le prends de vitesse.

« -Je ne te demande qu’une chose, Majesté. Réponds sincèrement à ma question. Pourquoi. As-tu pris. Ce cristal ?
-... »

Il se tourne légèrement. Bien que son regard se fasse fuyant, il reste tout aussi renfrogné. Face à son absence manifeste de volonté de répondre, je creuse le sujet.

« -C’est parce que tu es frustré de ne jamais combattre ? Tu voulais devenir plus fort ? Tu t’es dit qu’il t’aiderait à gagner en puissance ?
-...
-Tu te pensais capable de le dompter, peut-être ? Tu ne t’attendais pas à ce qu’il fasse si mal ? Qu’il prenne le contrôle de ton corps ?
-...
-Ou alors, tu avais juste oublié ? Tu pensais qu’il ferait joli, sur une de tes parures?Et tu l’as pris inconsciemment ? En ignorant ce que ça impliquait ? »

Majesté croise les bras. L’idée que je puisse le penser aussi stupide semble le révulser.

« -Pff. Je l’ai pris seulement parce que j’en avais envie.
-... »

Je le toise sans broncher.

« -C’est tout ?
-Oui.
-En sachant à quoi tu t’exposais ?
-Oui.
-D’accord.
-...
-... »

Nous nous fixons chacun dans le blanc des yeux. Dans son regard, j’essaye de décerner une quelconque émotion. Du regret, de l’ironie, du cynisme, de la colère, de la tristesse, de la satisfaction. N’importe quoi.

Mais je ne perçois rien.

« -C’est aussi pour ça que tu as voulu faire demi-tour quand nous sommes arrivés ici, ce matin ? Ce n’était pas par fatigue, ou quoi… Mais… Seulement parce que tu en avais envie ?
-Oui.
-Alors que tu étais d’accord pour faire le trajet, plus tôt ?
-Tout à fait.
-Ça t’a pris d’un coup, comme ça ?
-Oui.
-Quand bien même ça ruinait toutes les vacances que nous avions préparé ?
-Exactement.
-Je vois. »

Nous continuons de nous fixer. Lorsque nous cessons de parler, seul un silence de mort règne sur le plateau. Ni Aniel ni Soan n’osent intervenir dans la discussion, au stade où elle en est.

« -C’est pareil, pendant les Sorties Captures ? Ton refus d’avoir des nouveaux compagnons, c’est juste parce que ça te contrarie ?
-Oui.
-Pourtant, tu as bien apprécié, le Wimessir d’Elise, non ? C’était agréable d’avoir un servant supplémentaire à ton service ?
-En effet.
-Mais quand j’ai voulu en capturer un, tu t’es interposé ?
-C’est ça.
-Parce que tu n’en voulais pas ?
-Oui.
-Ok. »

Ni lui ni moi n’effectuons le moindre mouvement. Je ne sais même pas si nous prenons la peine de cligner des yeux, pour être parfaitement honnête.

« -Et pour Aniel ? On est d’accord qu’elle a toujours rempli son rôle à nos côtés ?
-Je présume.
-Que depuis qu’elle est là, on craint moins pour notre sécurité ? Qu’elle s’est toujours montrée efficace pour nos défendre ?
-C’est vrai.
-Que vouloir se débarrasser d’elle nous menacerait plus qu’autre chose ?
-Probablement.
-Et malgré tout ça, tu souhaites quand même t’en séparer ?
-Absolument.
-Hm.
-...
-... »

Voyant que je ne pousse pas la discussion plus loin, il finit par hausser les épaules, et s’éloigner.

« -Je me suis toujours estimé heureux d’avoir fait ta rencontre. Je doute pouvoir rêver d’une meilleure partenaire. Peu importe mes envies, peu importe mes caprices, tu as toujours fait de ton mieux pour respecter mes désirs. Je te suis reconnaissant pour ça. C’est agréable, de se sentir autant apprécié. D’être…  Considéré. »

Il avance en direction de son rocher.

« -Mais depuis qu’Aniel est là, tu es de moins en moins… Conciliante. Tu ne dois plus t’occuper de mes préférences seules, mais tu dois la prendre en compte elle également. Ce qui est logique. Elle n’est pas très demandeuse, mais quand même… C’est pénible. Tout était beaucoup plus facile pour nous deux quand j’avais juste à ordonner et toi, à obéir, tu ne trouves pas ? »

Arrivé devant, il grimpe sur sa pierre.

« -Cela risque de me faire passer pour égoïste, mais c’est vrai. Force est d’admettre que tu étais beaucoup plus heureuse quand tu te contentais de répondre à mes attentes. Aujourd’hui, tu veux me satisfaire moi, satisfaire Aniel, et satisfaire tous tes homologues. Ce n’est pas possible. Aussi valeureuse que tu es… Même toi, tu ne peux pas gérer tout ça. »

Puis il s’assoit convenablement dessus.

« -Alors, il faut que tout redevienne comme avant. Abandonne Aniel. Laisse tomber les Volontaires. Et reste auprès de moi. Si tu veux… J’accepte que nous regardons les aurores ensemble, en guise de bonne foi. »

Il lève les yeux en direction du ciel étoilé.

« -Et alors, tout redeviendra paisible comme avant.
-… »

Je baisse la tête. Je sens en moi… Quelque chose. Quelque chose qui bout, qui brûle, et qui… Me fait mal. Me fait terriblement mal.

C’est… Un mélange de colère, et de déception. Un mélange qui… Curieusement… N’est pas dirigé contre ma personne. C’est étrange, pourtant, c’est en moi, ça me picote, ça m’emplit d’un profond mal être, et pourtant… Je ne crois pas… En être la cause…

J’ai la sensation que…

Là, tout de suite…

Toute ma haine…

N’est dirigée… Qu’à l’encontre…

De Majesté.

« -Alors… C’est comme ça que tu es ? »

Je n’arrive plus du tout à maintenir l’air impassible que j’ai affiché jusqu’à présent. Je ne peux plus rester insensible face à tout ça. Je ne peux plus retenir ces larmes qui ne demandent qu’à couler. Tout ça… C’est beaucoup trop, pour moi. Mon petit corps ne peut plus l’endurer.

« -snif Tu es reconnaissant. Tu es heureux de m’avoir. Tu es content de ce que je fais, et pourtant… snif… C’est comme ça que tu es ? »

Je fais un pas en sa direction.

« -Tu souhaites que tout continue ? Que tout reste comme avant ? Tu ne souhaites pas que… Je m’épuise à la tâche ? Que je jongle avec des responsabilités impossibles à assumer ? Mais alors… snif Dis moi, Majesté… »

Implorante, j’essaye vainement de capter son regard.

« -QU’EST-CE QUE TU AS FAIT POUR M’AIDER ? Hein ?! A part… Être toujours plus exigeant ! Toujours plus demandeur ! Toujours plus… INSUPPORTABLE ! TU, TU…. ! »

Je bégaie. Mes lèvres tremblent car peu habituées à devoir hurler. Trouver mes mots est compliqué, mais dès que j’y parviens, ils sortent en une cacophonie véhémente.

« -TU ES UN MONSTRE D’ÉGOÏSME ! TU TE MOQUES COMPLÈTEMENT DE CE QUE JE RESSENS ! Que ce soit moi ou qui que ce soit d’autre ! Tu dis que tu t’inquiètes pour moi, que tu veux qu’on soit heureux comme avant, MAIS C’EST FAUX ! TU N’AS JAMAIS RIEN FAIT POUR ME SOUTENIR ! ME FACILITER LES CHOSES ! APAISER MA PEINE ! TU… ! »

Je crie à m’en vider les poumons.

« -TU ES UN ÊTRE HORRIBLE ! EXÉCRABLE ! IMBU DE LUI-MÊME, EGOCENTRIQUE, CAPRICIEUX, FAINEANT, MANIPULATEUR, DE MAUVAISE FOI, ET… ET… ! »

Des traits de lumière sillonnent dans le ciel.

« -JE CROIS BIEN QUE JE TE DÉTESTE !»

Depuis quelques minutes maintenant, la voûte céleste s’est couverte d’un voile d’obscurité. Les nuages se sont évaporés derrière l’horizon, et le bleu du ciel continue de gagner en noirceur à mesure que les secondes s’écoulent. Bien que le soleil ait terminé sa course, les ténèbres ne deviendront pas maître, puisqu’il a laissé place à la lune et à son cortège d’étoiles. Situés au sommet d’une montagne verdoyante, nous ne subissons pas les affres de la pollution lumineuse ; nous pouvons ainsi pleinement profiter des astres, qui tapissent le ciel en une traînée certes disparate pas moins harmonieuse. Dans un calme nihiliste, ne bougeant que subrepticement, elles apportent silence et sérénité aux êtres qui se plongent dans leur contemplation.

Pourtant, leur éclat se fera discret lorsqu’un rayonnement commencera à se former au dessus de nos têtes. C’est d’abord un trait, qui déchire le ciel en deux d’un turquoise lumineux. Derrière lui, il laisse un tracé trouble ; sa couleur persiste lorsqu’il se décompose à mesure qu’il parcourt l’atmosphère. Il est bientôt rejoint par une seconde ligne, d’une rouge vif, éclatant, qui se détériore en de pâles nuances de violet à mesure qu’elle s’efface dans le ciel. Finalement, une traînée bleue claire viendra s’allier aux deux autres.

C’est toutes ensembles que les aurores australes ondulent gaiement, tout là-haut.

Quand bien même mon regard ne porte que sur Majesté, quand bien même mes yeux sont aveuglés par la nuit, par les larmes, je les vois. Et si je les vois, c’est non pas parce que je finis par détourner le regard, mais parce qu’elles viennent s’imposer à moi.

Une bourrasque de vent souffle sur le plateau, similaire à celle de ce matin. Mais cette fois, nulle tempête. Je sens de nouveau le sol se dérober sous mes pieds, ma perception qui se dilue et tout mon esprit qui s’embrume lorsque ces rayons de lumière viennent m’encercler. Elles me font tournoyer un bref instant, perdre toute notion de l’espace, et pendant qu’elles m’aveuglent, c’est mon être tout entier qui s’en retrouve transformé.

… Jusqu’à se dissiper… Et me redéposer au sol.

Lorsque je reviens à moi, je suis à genoux. Le froid hivernal s’impose de nouveau à mon corps dépourvu de fourrure, et à cause de mes yeux anyctalopes, je dois me concentrer pour discerner les contours de mes doigts.

« -... »

Je suis redevenue humaine. Sous l’expression réjouie d’Aniel, et plus déconcertée de Soan, je me redresse.

« -"Les esprits les changent... En ce qu’ils ne comprennent pas"... »

Je fais un pas fébrile. Je manque de chuter lorsque je cherche à m’approcher de Majesté et son rocher.

« -Pourquoi… Suis-je redevenue normale… Après t’avoir dit tout ça ? Comment ça se fait que… Te "comprendre"… C’est cerner… » je cherche à capter son regard « … A quel point… Tu es mauvais ?»

Majesté ne me regarde que du coin de l’œil. Il me jauge de bas en haut, silencieux.

Passé un instant à me détailler, il détourne les yeux, et hausse les épaules. Son ton monocorde est alors égal à lui-même.

« -Lierre. »

Devant une telle indifférence, mes genoux ploient.

Et je m’effondre en larme.














***


Je m’enfonce un peu plus dans la couverture prêtée par Mama Odie.

Sa maison est vraiment adorable. J’ignorais qu’elle était venue s’installer à Gratia après son départ à la retraite.

Lorsque nous sommes redescendus de la montagne, elle nous attendait à son pied. Puis elle nous a guidé jusqu’à chez elle. Je suis maintenant installée à sa table, emmitouflée dans son plaid. Même si je suis contente d’être redevenue humaine, c’est vrai que le froid ne m’avait pas manquée.

Assise sur la chaise d’à côté, Aniel garde la tête baissée. Au bout d’un moment à rester ainsi en silence, elle finit par murmurer quelque chose.

« -Lucario... »

Ma main vient aussitôt saisir sa patte. De mes yeux fatigués par les pleurs, je cherche à capter les siens.

« -Aniel. Rien de tout ça n’est de ta faute. D’accord ? »

Elle hoche la tête, mais très faiblement. Elle ne semble en rien convaincue par cela.

Heureusement, Mama Odie arrive au même moment. Elle porte un plateau, sur lequel se trouvent quelques tasses et des biscuits. Elle pose le tout devant nous, et nous distribue une tasse à chacune.

« -Alors… Ton Pokémon est resté là-haut ? »

Je lâche la patte d’Aniel pour entourer le breuvage de mes doigts. Je sens la chaleur se répandre au travers du récipient pour pénétrer ma peau.

« -Oui. Je crois qu’il est sérieux quand il dit qu’il ne redescendra pas tant que je serai avec Aniel. »

La Lucario serre les crocs de culpabilité, mais Mama Odie lui tapote gentiment l’épaule pour la conforter. Puis elle vient s’asseoir en face de moi.

« -Et donc… Que comptes-tu faire ? »

Mes yeux sont focalisés sur mon reflet dans la tasse. Mes larmes ont creusé des cernes sous mon visage. Je pourrai croire que c’est à cause de l’émotion du moment, mais je sais que c’est faux. Cette tête est celle que j’ai depuis plusieurs mois désormais.

« -Je ne sais pas. » je détourne le regard « Je vais probablement remonter là-haut, et essayer de le raisonner. Il finira bien par redescendre, douillet comme il est. »

Mama Odie pose un coude sur la table, et prend appui dessus.

« -Malgré tout ce qu’il t’a dit ? Malgré tout ce qu’il a fait, tu comptes le reprendre à tes côtés ? »

J’ai un sourire nerveux.

« -Et qu’est-ce que je suis censée faire ? L’abandonner ? Non, c’est hors de question… » mon visage s’assombrit « C’est de ma faute s’il est comme ça. Je lui ai toujours promis qu’on resterait rien que tous les deux, et j’ai trahi ma promesse. Cela lui est monté à la tête, et… Voilà où nous en sommes. » j’enserre un peu plus la tasse dans mes mains pour en ressentir le brûlant « C’est moi qui l’ai élevée. J’en suis responsable. »

Mais l’ancienne cantinière affiche une moue peu convaincue.

« -Admettons qu’il accepte de redescendre. Voire même, qu’il passe outre son problème avec ta Lucario. Mais que malgré ça, il maintienne son comportement et son niveau d’exigence à ton égard. Accepterais-tu ? »

Je réponds sans hésiter.

« -Oui… Oui, bien sûr ! » je me laisse tomber contre le dossier de ma chaise « Ce serait l’idéal. J’ai toujours été habituée à ses caprices, donc ce n’est pas un souci pour moi. S’il peut être satisfait et accepter Aniel, j’en serai très heureuse. »

Je fronce les sourcils.

« -Je sais maintenant qu’il est ingrat. Et qu’il ne fera jamais le moindre effort pour m’aider. Mais… C’est mon starter. Et malgré tout ça… Je l’aime de tout mon cœur. C’est mon premier compagnon, mon partenaire, mon… Ami. Et puis… Peut-être… » je souris « Qu’il comprendra qu’il a dépassé les bornes. Qu’il est allé trop loin. Je… Je suis sûre qu’il regrette déjà d’être resté tout seul là-haut, perdu dans le froid et la nuit. »

Je souffle du nez en me remémorant l’incident du Magearna.

« -Et puis, il n’est pas que ça. C’est… C’est lui qui m’a appris que je devais avoir plus confiance en moi. Il sait que j’ai dû mal à m’affirmer, et c’est pour ça qu’il est aussi intransigeant avec les autres… C’est bien la preuve qu’il y a du bon en lui, pas vrai ?
-… »

Mama Odie recule sur sa chaise, et croise les bras. Elle prend un instant pour trouver comment formuler la question à venir.

« -Dis-moi, Lissa… Sais-tu… Ce qu’est une relation toxique ? »

Mon souffle se coupe.

L’air cesse purement et simplement de circuler entre mon nez, ma bouche et mes poumons. Mon cœur se serre, et je sens mon ventre se tordre d’anxiété. Tous mes doigts se crispent autour de la tasse, dont je sens à peine la brûlure, désormais.

Pourquoi… Cette question me fait l’effet d’un coup de poignard ?

« -C’est important de se sentir entourée. D’avoir des amis, et d’entretenir vos liens. Mais… Toutes les relations ne sont pas que positives. Parfois… Il arrive qu’un individu génère auprès de son entourage et ses proches plus d’anxiété, plus de mal être qu’il ne devrait. Il n’en a pas forcément conscience, et si le sujet est amené sur la table, il trouvera forcément un moyen de rediriger la faute sur un autre…  »

A chaque fois que j’ai eu l’occasion de confronter mon starter à ses contradictions, aujourd’hui, il n’a fait que rejeter la faute sur Aniel. Il s’est placé en victime, systématiquement. Le seul moment où il a été sincère, c’est quand il a reconnu avoir récupéré le cristal par pur caprice ; mais même là, il a fini par rediriger la responsabilité sur la Lucario. A aucun moment, il n’a assumé le moindre de ses actes…

« -Ce genre de personne est… Complexe, à faire évoluer. Déjà, il faut réussir à leur faire admettre leurs fautes, et ensuite, leur faire comprendre qu’ils doivent changer. Et ceci, hélas… Je crois bien que c’est le plus difficile. Crois-moi… Tu trouverais plus simple d’affronter un Sharpedo à mains nues ! »

Elle ricane, mais reprend très vite sur un ton plus sérieux.

« -Non pas que cela soit impossible. Mais cela te demande du temps. Des sacrifices. Beaucoup de sacrifice. Tes relations avec les autres, ceux qui sont moins patients ou tolérants, vont en pâtir. Et tu dois prendre sur toi pour accepter que certaines choses ne changeront peut-être jamais. Tout ça, eh bien… Ce n’est pas quelque chose que je peux conseiller à une jeune fille de ton âge.
-… »

A force de rester aussi tendus, mes bras se mettent à trembler. De peur de renverser une nouvelle fois le breuvage de Mama Odie, je lâche la tasse, et viens enserrer mes propres bras. Dans une vaine tentative de me contenir, je me recroqueville sur moi-même, tandis que je l’entends m’expliquer pourquoi ma relation avec Majesté risque de finir par m’empoisonner la vie.

Mes larmes me montent à nouveau. Mais alors que je m’apprête à m’effondrer, une présence entoure mes épaules.

Aniel s’est levée de sa chaise et m’a encerclé de ses bras. Après avoir apposé sa tête contre mes épaules, elle m’enserre d’une étreinte douce et affectueuse. Je perçois qu’elle aussi, est mise à mal par tout ça. Je l’imagine sans mal culpabiliser, croire que tout ceci est de sa faute. Que si elle n’avait pas rejoint l’équipe, rien de tout ça ne serait arrivé.

Mais je sais que c’est faux. Tôt ou tard, les exigences de Majesté auraient fini par m’exploser au visage.

Surtout si je n’avais eu que lui. A gérer, tout le temps.

Ma main agrippe le bras d’Aniel pour conforter ma présence à ses côtés.

Aujourd’hui, je ne m’imagine pas vivre sans elle. Même si elle est discrète, qu’elle parle peu, que je n’ai pas vraiment à m’occuper d’elle. Elle est là. Auprès de moi.

Et elle me soutient.

Elle.





Depuis un coin de la pièce, Soan nous fixe en silence.







***



Je le retrouve là où je l’ai laissé.

Sur son rocher.

A force de monter et descendre cette montagne, je commence à la connaître par cœur. Aussi, il ne m’a pas fallu bien longtemps après le lever du soleil pour me mettre en route vers le sommet.

Majesté se trouve là, sur sa pierre. Roulé sur lui-même, il semble à moitié endormi.

Il se réveille en m’entendant arriver. Il ne paraît en rien surpris de me voir là, ni spécialement réjoui. Il garde son air indifférent habituel, et s’étire sobrement. Comme s’il venait de passer une nuit à la belle étoile par pur plaisir.

Ce n’est que lorsque je le pense pleinement réveillé, et attentif, que je prends la parole.

« -J’ai longuement réfléchi, tu sais. Je n’ai pas beaucoup dormi de la nuit, pour être honnête. Je… Je ne sais même plus c’est quand la dernière fois que j’ai passé une nuit sans toi, en fait. »

Je me gratte l’arrière de la tête, gênée.

« -Tu es… Intransigeant. Capricieux. Exigeant. Ingrat, et… Difficile à vivre. Mais tout ça, tu le sais déjà. Je crois que… Je te l’ai suffisamment hurlé hier, hum. »

Je croise mes bras dans mon dos.

« -Désolée pour tout ça. J’étais pas mal énervée. C’est juste que… Cela fait des années maintenant que… Je m’occupe de toi. Que je comble tous tes désirs, que je prends sur moi, sur mes besoins, sur mes envies personnelles, sur mes études, sur… Mes rêves… »

Je lève la tête, et fixe le ciel. Un sourire doux-amer se dessine sur mon visage.

« -Je voulais devenir éleveuse. Comme mes parents. Les concours, en soit, ça ne m’intéresse pas plus que ça. Moi, ce que je veux… C’est m’occuper de tas et de tas de Pokémon... » j’ai un rire nerveux « On est bien loin de ton idéal à toi, pas vrai ? »

Je baisse les yeux.

« -Eh bien, moi, c’est notre vie à nous, qui est loin de mon idéal. Tu sais, je ne voulais pas spécialement rentrer à l’académie, moi, à la base… Mais j’ai fini par me laisser convaincre, en me disant que ça m’aiderait à réaliser mes rêves. »

Mon sourire disparaît.

« -Quatre ans. Cela fait quatre ans que je suis dans cette école, et… Je n’ai pas avancé d’un iota. Quand j’ai rejoint l’académie, j’avais quatorze ans. Aujourd’hui je suis majeur. Et j’ai toujours aussi peu d’expérience avec les Pokémon. Alors que je veux en faire mon métier. C’est absurde, non ? »

Je regarde Majesté droit dans les yeux.

« -Je ne te cache pas que tu y es un peu pour quelque chose. Comme tu voulais pas d’autres compagnons, je n’ai jamais pu parfaire mes connaissances dans le dressage. Mais bon, tu me diras… Tu es un cas tellement exigent, cela aurait dû me former autant qu’une équipe entière ! Ahaha… »

Je me gratte le cou, nerveuse.

« -Je pense que… De toutes les personnes que je connaisse… Je suis la seule en mesure de m’occuper de toi. De supporter tes manières, ton sale caractère, la façon dont tu gères les autres… Tu disais qu’Aniel se plairait probablement dans n’importe quelle autre équipe ? Eh bien, je suis assez convaincue que tu ne te plairais dans aucune autre. »

Je mets ma main dans mon sac, et en tire une Pokéball.

« -Je pourrai t’abandonner. Te laisser livré à toi-même. Te permettre de réaliser tes erreurs. Te laisser comprendre que... Tout a été gâché uniquement par ta faute. Que personne à part moi n’est en mesure de t’accepter, tel que tu es, et que tu as abusé de cette chance. Sauf que… » je tends la Pokéball dans sa direction « Je ne suis pas toi. Je ne suis pas fainéante au point de ne pas vouloir faire d’effort. Je ne suis pas de mauvaise foi au point de refuser changer. Et je ne pense pas qu’abandonner quelqu’un soit une solution à ses problèmes. »

Je souris.

« -Tout du moins… »

Une larme coule sur ma joue.

« -C’est ce que je pensais te dire, à la base. »

Je lâche sa Pokéball, et elle tombe à mes pieds.

« -Sauf que je suis lasse. Je suis lasse de tout ça. Je suis lasse de toi. Quatre ans… Tu te souviens ? Quatre ans que j’ai enduré tout ça, et rien ne s’est produit. Tu n’es pas devenu meilleur, je ne suis pas devenue éleveuse. Je… Je n’ai pas envie de gâcher plus de mon temps, Majesté. Là, quand j’ai dû grimper jusqu’à toi… Je l’ai compris. »

Les yeux de Majesté s’écarquillent lentement.

Mais je me retourne avant d’en voir plus.

« -Si je te reprenais, je ne ferai que rentrer dans ton jeu. Te donner raison, pour avoir agi de la sorte. Tu n’aurais subi aucune conséquence de toutes ces horreurs que tu m’as faites. En tant que ta dresseuse… Ce n’est pas une leçon que je peux t’inculquer. »

Je rebrousse donc chemin, et repars en sens inverse.

« -Adieu, Majesté. Je... »

Je renifle bruyamment. Incapable de finir ma phrase, je me mets instantanément à pleurer. Mais je ne m’arrête pas. Je ne me retourne pas. Et je continue d’avancer. De mettre de la distance entre moi et mon starter. Je ne cherche même pas à le regarder une dernière fois. A guetter sa réaction. A feindre quoi que ce soit.

Juste.

Je m’en vais.











C’est ainsi que j’ai abandonné mon tout premier Pokémon.









***


Aniel se tient sagement à mes côtés lorsque je serre Mama Odie dans mes bras.

« -snif Vous… Vous êtes sure que ça va aller… ? »

Lorsqu’elle s’écarte, elle acquiesce avec conviction.

« -Ne t’en fais pas, ma petite. »

Du menton, elle me désigne l’ensemble de ses Pokémon Combats, postés devant sa maison.

« -Ils s’assureront que ton Vipélierre ne se fasse pas croquer tout cru. Le retour à la vie sauvage va lui faire un choc, mais… Je pense que c’est un mal nécessaire. »

Les-dits Pokémon acquiescent tous en chœur. Dans le lot, je remarque qu’un Lockpin chromatique se tient à côté d’eux, un peu à l’écart.

« -Soan… C’est votre Pokémon ? Vous l’avez laissé rentrer dans votre maison, hier. Je… Je pensais qu’il était à l’état sauvage... »

Elle se tourne vers le concerné.

« -Soan, tu dis ?… Eh bien, moi, je ne le connais qu’en tant que Pokémon dominant de la montagne. Il a débarqué ici un beau matin, et s’est mis en tête de battre tous mes partenaires un par un… »

Je réalise effectivement que les Pokémon de Mama Odie regardent Soan d’un œil quelque peu… Craintif. Ce dernier mine l’indifférence, bien qu’il ait parfaitement compris qu’on parlait de lui.

« -Il n’est pas farouche envers les humains, donc il a sans doute dû avoir un dresseur. En tout cas, même si ce n’est pas mon Pokémon, il vient souvent s’entraîner à nos côtés. Cela ne m’étonne pas qu’il vous soit venue en aide, pendant cette aventure.
-Oui… Il nous a sauvé la mise plus d’une fois. »

Je me tourne vers Aniel, et du menton, lui indique de me suivre. Nous approchons toutes les deux du Lockpin, et une fois devant lui, effectuons toutes les deux une révérence polie.

« -Désolée. Me voir me changer en humaine a dû te faire un choc… Mais je n’ai pas trop su comment t’expliquer la situation lorsque j’étais encore une Teddiursa….
-Lockpin. »

Il hausse les épaules, flegmatique. Cela ne l’a visiblement pas plus traumatisé que ça. Aniel échange également quelques paroles avec lui, dont je n’aurai hélas jamais la teneur. Je pense que tous deux ont grandement apprécié la compagnie de l’autre, durant ce court périple.

« -Je suis vraiment désolée de t’imposer ça après tout ce que tu as fait pour nous, mais… Tu me promets de veiller sur Majesté ? Je…. » je lui souris « Je sais que je peux te faire confiance. Tu es le maître de cette montagne, après tout. »

Il lève les yeux au ciel, pensif, et sa patte vient gratter son menton. Je… Ne m’attendais pas à ce qu’il ait besoin d’un instant de réflexion vis-à-vis de cette requête, honnêtement. Mais peut-être suis-je en train d’abuser de sa gentillesse… ? Après tout, je lui ai menti sur ma véritable identité, et en plus, je lui laisse la charge d’un nouveau résident sur son territoire. Normal qu’il prenne le temps de réfléchir…

« -Pin ! »

Il me fait non de la tête.

Aniel et moi le dévisageons, surprises. Oh. Donc nous l’avons vraiment brusqué, en fait… ?

J’entrouvre la bouche pour l’interroger, mais je n’ai pas le temps d’en faire plus. De la patte, il m’attrape un bras, et glisse l’autre dans mon dos. Je manque de basculer en arrière, tandis qu’il m’adresse un grand sourire.

« -Lockpin. ~ »

Puis il s’écarte en une pirouette. Je réalise qu’il tient désormais quelque chose entre ses pattes… Une sphère bicolore, qu’il porte à son visage.

« -…. ! Soan, tu ne vas pas… ?! »

Si, il va. Après nous avoir adressé un clin d’œil, il presse délicatement la Pokéball qu’il m’a dérobée contre sa joue. Son mécanisme s’enclenche, et elle s’ouvre en grand, pour happer le Pokémon à l’intérieur. Devant nos expressions ahuries, nous voyons la sphère se refermer, et chuter au sol.

Puis elle remue.

Une fois.

Deux fois.

Trois fois.

« -…. ! »

Clic.

La Pokéball émet un bruit étrange, et cesse complètement de bouger. La bouche grande ouverte, je fixe la sphère sans trop comprendre. A nos côtés, Mama Odie et son équipe applaudissent avec enthousiasme.

« -Félicitations, Lissa ! Tu as bien raison. Maintenant que Majesté ne peut plus rien t’imposer, tu peux capturer autant de Pokémon que tu le souhaites !
-MAIS ?!… JE ?!...
-LUCARIO ?! »

Aniel est aussi déconcertée que moi. Maladroitement, je récupère la Pokéball, et presse immédiatement son bouton central.

Elle s’ouvre, et un rayon rouge en émane. Celui-ci se concentre et se condense à côté de nous, jusqu’à former la silhouette d’un lapin de taille humaine. Son pelage est majoritairement brun avec des notes de rose, et scintille au soleil. Soan tend un bras bien haut, prenant une pose élégante pour son apparition. On peut lire sur son visage une extrême satisfaction.

Aniel et moi lui bondissons presque dessus.

« -Q… Qu’est-ce que tu fais, Soan ?!
-Rio, lucario ?!
-Tu… Tu es le maître de cette montagne, non ? Tu es au courant que si tu pars avec nous, tu vas devoir tout abandonner ?!
-Lucario ! Luca, lucario !
-E-En plus, je suis une piètre dresseuse ! Je… Je te rappelle que je viens d’abandonner un Pokémon, là, juste à l’instant !
-Luca, lucario ?!
-J’ai même manqué d’abandonner Aniel pendant l’ascension ! Tu réalises à quel point je suis incompétente ?!
-Rio, rio, lucario, rio ! »

Il se penche en avant, et appose une patte sur chacune de nos bouches pour nous interrompre. Ce n’est que lorsque nous nous sommes tus qu’il se redresse, et fait mine d’ausculter ses doigts comme on vérifierait l’état de ses ongles.

« -Lockpin.
-Lissa, Aniel… Je crois bien qu’il a pris sa décision. » Mama Odie s’approche de nous en rigolant « Il faut croire que vous lui avez tapé dans l’œil !
-Je… ! »

J’avoue ne pas trop savoir quoi penser de tout ça. J’étais partie en vacances avec mon Vipélierre, et je repars avec un Lockpin chromatique. Ce n’était clairement pas dans mon programme. D’autant que je ne suis absolument pas certaine de l’état dans lequel je vais retourner à l’académie…

Pour autant…

Tout aussi nerveuse et épuisée que je suis, la situation m’arrache un franc sourire. J’acquiesce doucement, et ramène mes mains contre moi.

« -Soan, je… Je suis honorée. » j’effectue une nouvelle courbette à son intention « C’est avec plaisir que je t’accepte à nos côtés. »

Aniel opine vivement de la tête.

« -Lu… Lucario ! »

Soan sourit, satisfait. Lorsque je me redresse, j’acquiesce avec conviction.

« -Oui… Et lorsque tu réaliseras à quel point je suis incompétente, je te promets de te ramener ici aussi vite que po- »

De concert, Mama Odie et Soan m’assènent tous les deux un coup sur la tête.
























***
Narrateur omniscient

Dans les montagnes de Gratia, la nuit tombe à nouveau.

Sur le sommet de l’une d’elles, un Vipélierre observe les aurores astrales.

« -... »

Seul.

Nous dirons bien à tes amis que tu t’en vas, Majesté.

Mais tu n’en as aucun.

??? :





«  Je suis une Labelvi ! Fille de la campagne ! Je n’ai pas peur de traîner dans la boue, ni de me salir ! Alors, ce n’est pas un parquet tout propre tout ciré qui va me faire peur… »
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