Difficile pour Itzan de ne pas partager l’effervescence de ses camarades. Pour aller en cours, c’est pourtant très rare. Mais cette fois-ci, c’est un cours de spécialité, donc un cours pratique. Une phase de leur apprentissage qui parle déjà bien plus au garçon que les nombreux cours classe auxquels ils assistent chaque semaine dans un peu toutes les manières, dont souvent sans lien avec son parcours. Mais aujourd’hui, c’est un cours de spécialité Pokeathlète, Agent qui plus est. Et là, ça amuse beaucoup plus le jeune homme. Depuis le retour de son alternance, le bleu appréhende mieux certaines choses de son parcours. Il commence à bien assimiler ses forces et ses faiblesses et apprend continuellement grâce aux conseils et vidéos transférées par Marc. Il lui a créé un chan spécial sur Ipok dans lequel il lui transfère tous les tutos makeups ou coiffures qui pourraient lui être utile pour perfectionner ses identités. Une mine d’informations précieuse qu’il teste au quotidien, aidé par sa petite amie Candice qui l’aide à corriger les défauts quand il y en a.

Le seul truc qui l’inquiète, c’est la présence de Andréas Heartnett aux côtés de Leon Nahr. Le professeur de coordination ne participe normalement pas à ce type d’exercice. Sa spécialité, ce sont les spectacles, la mode, la couture, éventuellement l’élevage. Mais jamais il ne s’occupe des agents. Profitant du brouhaha général régnant actuellement sur le bateau, Itzan adresse un regard entendu à son référent. Il avait promis de ne rien dire au référent du pôle coordinateur sur ses performances en tant que Nausicaa aux qualifications de la coupe Marc. Il n’aurait pas osé trahir son secret tout de même ? Comprenant sa pensée, l’adulte secoue un instant la tête, presque résigné. A croire que lui aussi, la présence de son collègue ne l’enchante guère.

En tout cas, les explications finissent par arriver, et elles plaisent beaucoup beaucoup au gitan. Une murder party. Une enquête à mener. Et surtout des déguisements. Plein de déguisements. Et Itzan a déjà des étoiles pleins les yeux. Excité comme un statitik, le garçon récupère bien vite les documents distribués par les pokemons des professeurs encadrant, étudiant avec sérieux la situation. Dommage que Leon n’ait pas fait plus d’effort pour se déguiser comme son collègue. Peut-être que lui aussi devrait suivre les conseils de Marc ? Ou tout simplement, ce n’est pas son mode de fonctionnement en tant qu’agent, quoi que de mémoire Leon Nahr est à la base un médecin.

Finalement, le port est tout proche, et c’est lorsque la marée d’élèves descend qu’il s’empresse de retrouver celle qui naturellement sera sa partenaire pour ce cours. Lui tendant la main pour faire un check, il répond avec un immense sourire à l’approche de Magnolia.

— Evidemment ! Et à nous deux on va plier cette affaire en deux deux c’est certain.

Une fois tout le monde dispersé, le duo se dirige dans un coin, non loin du quai pour faire le bilan de la situation. De toute façon, l’enquête qui leur a été assignée va se passer non loin d’ici, alors inutile de s’éloigner de trop. Surtout que le garçon a une idée très précise de ce qu’il veut faire. Et comme la rose ne semble pas encore exprimer d’avis très tranché sur la manière de résoudre cette situation, le bleu se permet.

— Nahr et Heartnett nous ont tendu la perche. On va se déguiser et changement d’identité ! Regarde ça un peu !

Le garçon retire son pull floqué aux couleurs de son dortoir, dévoilant le simple t-shirt à manche courte qu’il portait dessous. Ensuite, d’un geste assuré, il ouvre le bouton de son jean, non pas pour se déshabiller mais pour dévoiler un drôle de mécanisme caché à l’intérieur. En quelques gestes rapides, le jean devient en fait une salopette à la coupe plus féminine qu’il attache par-dessus ses épaules. Ensuite, il détache ses cheveux, en remontant seulement une toute petite partie pour maintenir ses mèches avant en arrière tandis qu’il retravaille ses longueurs en de petits nœuds semblables à des tresses. Une fois le tout attaché, il sort de la poche ventrale du vêtement un gros pinceau, du blush et du mascara qu’il s’applique à une vitesse record.

— Et tada, Nausicaa est là. Qu’est-ce que tu en penses, c’est cool hein ? C’est Marc qui m’a donné cette tenue, et elle marche trop bien. Plus qu’à laisser Doudou sur mon épaule, et je passerais sans souci pour une adolescente. Même si toutes les personnes ici sont des acteurs qui jouent dans la murder party, changer complètement d’apparence peut les déstabiliser assez pour qu’ils soient moins méfiants, et laissent échapper plus d’informations. Surtout que nous avons à faire à des faux marins, et sans vouloir être méchant, ils ne sont pas réputés pour être les plus subtiles avec les jeunes filles. J’ai toute confiance en nous. Tu suis ?

Heureusement, son amie accepte la tournure des événements et s’équipe grâce aux affaires laissées à disposition par les professeurs d’un costume à peu près à sa taille, et surtout de quoi cacher ses cheveux, bien que peu long. Un chignon et chapeau plus tard, Magnolia est prête. Enfin presque. Le garçon se permet de s’approcher d’elle, usant de son pinceau ainsi que de sa mini palette de contouring pour marquer de faux traits chez la rose, appuyant un côté masculin.

— Et voilà tu es parfaite. Nous pouvons y aller.

Sans hésiter, les deux jeunes se dirigent vers le port. Leur scénario est clair. Bernard Pichu, médecin de passage sur l’île, a été retrouvé noyer en contrebas au niveau de la plage. Leurs premières orientations les mènent vers les marins avec qui il aurait été aperçu pour la dernière fois. Du côté des étudiants, les rôles sont clairs, et la désormais Nausicaa ne va pas perdre de temps avant de le jeter à la face de son groupe de suspect, tous présents en majorité sur le port à cette heure de la journée. Doucement, la bleue lâche le bras de son garde du corps avant d’avancer, l’air volontairement très joyeux.

— Bonjour Messieurs. Comment allez-vous ?

Les gars, âgés pour la plupart d’une quarantaine d’années, se retournent en cœur vers cette apparition féminine plutôt mignonne, visiblement rare que ce soit dans le scénario ou dans leur propre vie. Le sourire aux lèvres, Itzan feinte la mine embêtée.

— Pour nous, ce n’est pas la grande joie. Nous cherchions avec mon accompagnant à voir le Docteur Pichu, mais il semblerait qu’il nous ait quitté. Le pauvre, il ne savait pas nager, c’est terrible ce qui lui est arrivé.

Itzan arrive même à faire monter les larmes. Il en rirait presque si sa couverture n’était pas aussi précieuse. Plus qu’à voir leur réaction à cette première perche, et surtout comment son acolyte trouvera sa place dans la discussion pour arracher les premiers indices.

Itzan s’éclate vraiment là. Il ne lui a fallu que quelques secondes pour switcher, embrassant complètement son identité de Nausicaa, loin d’Itzan le gitan du clan Eklat. Maintenant il est cette jeune demoiselle en duo avec un très charmant garde du corps, à la recherche d’information sur le médecin qu’elle venait voir. Voir tous ses visages sur elle la dévisageant l’amuse autant qu’il le dégoute. Dire que les filles supportent ça parfois au quotidien, ça le débecte. Lui a le privilège de pouvoir en jouer. Parce que c’est un homme, et que tout ça n’est qu’un jeu dans lequel il a la maitrise, même sous cette fausse identité.  Mais dans la réalité, ce n’est pas aussi simple. Il se sait être un homme respectable, et il sait qu’Ash aussi. Et il espère sincèrement que ses meilleures amies ne croiseront que des gens comme eux.

D’un geste maitrisé, Itzan laisse la main à Magnolia, à même de poser les questions. Dans le tout nouveau duo qu’ils forment, le bleu joue la jeune fille embêtée, capable d’attraper des informations à la volée, entre les lignes face à ceux qui ne seraient pas très précautionneux. Magnolia a le rôle plus formel, celui qui mène la danse en apparence, qui récolte les renseignements de base. Et le gitan n’a aucun problème avec ça, bien au contraire. C’est un rôle qui lui convient très bien, d’autant plus que cette apparence plus masculine, bien que tirant davantage vers les traits androgynes, lui va à merveille. Pour appuyer les dires de sa partenaire, le garçon s’assoit sur le rebord de l’une des chaises des marins, les yeux suppliants de bien vouloir leur fournir quelques informations contre un joli sourire.

Même s’il ne peut pas noter immédiatement, le bleu fait un immense effort de concentration pour se souvenir du maximum de choses. Les marins sont relativement bien informés, une bonne chose qu’ils aient commencé par-là, et sont en mesure de retracer une partie de la journée précédente du Docteur Pichu. Même si les informations ne sont pas parfaitement exhaustives, elles donnent déjà de bonnes pistes. Et, en observant leur visage de près, le gitan n’a pas l’impression que les marins cherchent à mentir. La discussion se poursuit encore un peu, à la recherche d’éventuelles autres détails. Par exemple, l’un des marins croyait se souvenir que le Docteur ne buvait pas d’alcool. Le choix d’un pub devient alors étonnant. Surement qu’il y cherchait autre chose que de la boisson dans ce cas.

La discussion close, Nausicaa se sort de cette chaise et adresse un regard plein d’entrain au marin avant de suivre Tony Bond un peu plus loin, le pas joyeux. Une fois sur d’être assez loin, le duo dresse un premier bilan.

— Yes c’était plutôt pas mal. Hmm cette histoire de pub m’intrigue. Ça ne sert à rien de passer du temps dans ce type de lieu si on n’aime pas boire. Soit il y retrouvait quelqu’un de manière plus discrète sans impliquer un quelconque domicile, soit il y a quelque chose qu’on ne sait pas à propos de cet endroit. Il pourrait avoir une double fonction par exemple. Mais je pense qu’on devrait aller à la plage en premier. Avec un peu de chance il reste encore des traces. Nous pourrons aller dans les autres lieux plus tard. On vient juste d’arriver. Ils n’auront pas le temps de s’organiser pour tout faire disparaitre.

D’un commun accord, le duo s’élance en direction de la plage. Heureusement, le chemin n’est pas trop mal balisé et il ne leur faut pas trop longtemps pour descendre le long de la falaise et rejoindre la crique. Elle est vraiment très petite, une vingtaine de mètre de long tout au plus et complètement bordée par les rochers. C’est un courant marin qui dans le scénario a du permettre au corps du docteur de s’échouer ici. En tout cas, la mer est agitée. Même les meilleurs nageurs risqueraient de se faire emporter par le courant et s’écraser contre les rochers.

Sans plus attendre, Itzan se promène au 4 coins de la crique, mais évidemment il n’y a rien. La murder party n’a pas comme idée de procéder à une fouille du corps. Mais avec un peu de chance, il reste des indices. Le sable ne montrant rien de particulier, le bleu s’aventure dans les rochers, en faisant attention à ne pas glisser. Ses baskets ne sont pas les plus adaptés pour ce type d’exercice, ça sera dommage de tomber maintenant. Mais heureusement, il finit par mettre la main sur ce qu’il cherchait. Un blazer, avec une étiquette au nom du Docteur Pichu. Satisfait, il revient vers sa partenaire, fouillant déjà dans les poches.

— Il y avait ça dans les rochers, il a du être ramené par l’océan. Bon à mon avis tout est mort mais … Itzan finit par sortir de la poche un morceau de papier plié en 4. Même s’il a un peu séché depuis, l’eau l’a complètement ruiné. Le plus délicatement possible, il l’ouvre pour constater que l’écriture est presque entièrement partie, mais que ça a l’air d’être manuscrit.

— Pas sure qu’on en tire grand-chose, mais Docteur Pichu avait l’air de tenir à l’écriture manuscrite. Il devait surement écrire des choses importantes, suffisamment pour qu’on cherche à le faire taire en tout cas.