- ...vous êtes pas sérieux.
- Et bien...
- J'y crois pas, il est sérieux !

Lilas se leva de son siège et fit quelques aller-retours et levant les bras au ciel, en marmonnant des jurons et refléchissait à se fracasser la tête contre le mur le plus proche pour voir si elle allait se réveiller. Mais rien ni faisait, il semblait bien qu'elle n'était pas en plein rêve. Après quelques secondes elle se rassit et se frotta le front avec l'index et le majeur, le pouce sur la tempe en gémissant.

- C'est pas la peine d'être si dramatique, je sais que c'est une belle opportunité et que tu es très contente, mais tout va bien se passer.

La Mentali releva vivement la tête, les yeux ronds, dévisageant le pauvre monsieur Heartnett pendant quelques secondes. Oui, a priori l'adulte était (encore une fois) totalement à côté de la plaque. Lilas poussa un profond soupir avant de répondre, d'un ton monocorde.

- Je vous remercie pour l'opportunité monsieur Heartnett, mais je n'aurais absolument pas le temps ni l'énergie pour ce que vous proposez.
- ...mais comment ça ? C'est pourtant génial une exposition d'art internationale !
- Mais j'ai rien de prêt, ça ne s'improvise pas et surtout je suis éreintée après avoir géré la saison de Concours de deux coordinateurs !
- Justement, c'est pour te récompenser de ton travail et de ton professionnalisme que je t'ai recommandée à cette expo.
- Et bien je suis ravie de ce cadeau, mais ça ne va pas être possible, j'en suis navrée...
- C'est que ... tu es déjà inscrite en fait.

L'air blasé de la coordinatrice se transforma en grimace de déplaisir. Puis en masque de colère. Et enfin en résignation sourde. Elle poussa un nouveau soupir.

- Vous savez pourtant que je veux me reposer un peu. Vous SAVEZ que j'en ai trop fait cette année. Vous voulez vraiment que je me rétame comme en mai ou quoi ?
- Non, pas du tout...
- Bon écoutez, je vais faire cette expo. Mais ensuite vous me promettez que je n'entends plus parler de vous, ni du Pôle, ni de la PC jusqu'à la rentrée. Deal ?
- Euh... oui ?
- Bon, sur ce, j'ai du travail. Encore.

Lilas hésita une seconde à claquer la porte en sortant. Mais non, elle se contenta de traîner des pieds jusqu'à sa chambre et s'effondra sur son lit.

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Une des bonnes nouvelles dans tout ça était que l'exposition était à Paldéa. Et que son prof avait au moins fait le nécessaire pour faire venir ses oeuvres déjà finies depuis Leiar. La designeuse passa donc sa matinée à déballer tableaux, dessins et quelques tentatives ratées de sculptures. Sans manquer de pousser un soupir à chaque fois qu'elle pensait à la masse de travail qui l'attendait. Après avoir fait son petit inventaire, elle décida de profiter d'un brunch bien mérité pour lire les règles de participation à l'exposition. Toute forme d'art était autorisée, bien que les organisateurs décourageaient de trop se reposer sur des films, pour des raisons évidentes. Elle disposerait aussi d'un petit stand, quelle pouvait agencer comme elle voulait pourvu qu'elle ne déborde pas sur ceux d'à côté, bien qu'une chaise soit quand même recommandée. Et enfin, pas de thème, si ce n'est qu'on voulait voir sa "vision" en tant qu'artiste. Autant dire que la pauvre Lilas n'était pas plus avancée après son repas.

Elle décida de voir les pièces qu'elle avait à sa disposition. Et elle ne fut pas déçue du voyage en sortant diverses toiles : celle qu'elle avait fait pour l'intro au cours d'art était en bonne place, mais ses quelques autres oeuvres étaient aussi là. Ainsi que ... ses tentatives assez médiocres de sculpture, quelques photos, ses dessins pas forcément stellaires, ses scrapbooks à moitié terminés et enfin quelques objets non-identifiés qui étaient en fait ses prototypes pour quelques nouveaux accessoires. Lilas aimait beaucoup le cours d'art qui lui permettait de faire de la recherche pour son Parcours normal, au ca soù personne ne l'avait remarqué. Bref, elle n'était pas vraiment sûre de ce qu'elle allait pouvoir exposer... Non pas qu'elle pensait qu'elle manquait de talent, mais que tout ce fatras manquait d'un fil rouge, et surtout surtout, elle n'avait pas envie de courir pour faire de nouvelles oeuvres à temps. Elle allait devoir faire avec ce qu'elle avait là, ce qui s'annonçait être un numéro de haute voltige. Mais impossible n'était pas Lilas.

Déjà, décider d'un thème. En se basant sur sa toile de la lignée de Sorcilence, elle pouvait peut-être partir sur une étude des couleurs rose et bleu ? Non, trop simple et surtout trop manichéen. Elle avait collé du tissu sur le tableau, donc elle pourrait peut-être lier ça à une utilisation du matériau de différentes manières ... ? Eh, pourquoi pas, mais elle tournerait bien vite en rond... Restait l'image en elle même. Une collection sur Bibichut et ses évolutions, c'était peut-être un peu réducteur... mais une sur tous ses Pokémon... il y avait de l'idée. Une pièce par membre de l'équipe, et d'un certain point de vue, elle en avait déjà plusieurs de prêtes. Bien, il faudrait donc être stratégique.

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Ena avait donc cette magnifique toile. Et Pollo une autre, plus petite et dans un style un peu plus symbolique, pour une étude sur la géométrie. Le petit carré était peinturluré de plusieurs formes orange, jaune et beige pour représenter le mustélidé ainsi que de différentes teintes de bleu qui formaient un ciel et un étendue d'eau lambda. Bien, au suivant. Le groupe des spectres : Hänsel avait une petite poupée un peu creepy qui représentait un mix entre sa forme, et les deux connues de Branette, ouvrir une fermeture éclair faisait sortir un autre petit Polichombr, ce qu'elle avait trouvé rigolo à l'époque. Maintenant, elle voyait plein de problèmes structurels, mais ça collait avec le côté destroy du Pokémon. Soleil le Funécire avait une autre peinture, bien plus glauque, sur laquelle les membres de sa ligne évolutive étaient les seules sources de lumière. Enfin, elle était très fière de la réplique de coffre de Mordudor qu'elle avait fait un jour sur un coup de tête comme accessoire. Elle la remplirait de pièces en chocolat pour l'exposition afin d'intéresser les passants.

Après, les deux chenilles qui partageaient le même vecteur : plusieurs pages de créations au washi-tape, certaines dans des tons verts et jaunes pour Gumi, et d'autres blancs et bleus pour Frissonille. Satisfaite, elle passa à la suite, pour Venom, et Choco, le nouveau Axoloto paldéen de l'équipe, elle avait un très joli ensemble de broderies représentant les deux Pokémon. Le marron et mauve était entouré de jolies fleurs et d'un petit bocage absolument ravissant. Restait ensuite Teo le Couafarel qui avait, le veinard, plusieurs planches de croquis réalistes de sa majesté dans différents style de toilettage. Lilas s'était prise à l'exercice afin d'essayer de se décider sur un style en particulier, en déboursant une petite somme en l'espace de quelques mois aurpès d'amis Eleveurs, avant de s'arrêter sur les coupes Diamant et Monsieur. Après quelques temps, elle avait cependant laissé la fourrure de son chien de compétition reprendre son apparence sauvage, finalement tout à fait contente du naturel.

Il ne restait plus que trois Pokémon : Déco le Pichu, Seto le Marisson et la nouvelle Leuphorie qui n'avait pas encore de nom défini. Ainsi que Luka, mais elle la gardait pour la fin. Pour les deux petits, elle ... allait faire un peu de bateau ces prochains jours donc elle tricoterait des bonnets à leur image. Et pour la nouvelle matriarche ... elle séchait un peu. Peut-être qu'il était temps de faire un nouveau tableau après tout. Mais en attendant, pour Ponyta... elle avait un nouveau projet de robe extravagante et rien de mieux qu'une absence de problèmes liés à la PC, pour faire un gros projet expérimental ! Enfin, si toute cette histoire avec les fléaux ne détruisait pas la moitié de la région...

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Ca y est, c'était le grand jour. Et par le grand jour, on voulait bien sûr parler du jour de l'exposition. Lilas était tirée à quatre épingles, levée bien trop tôt et baillait à s'en décrocher la mâchoir en voyant le petit cube qu'elle allait occuper pour la journée. Première étape : attraper un tabouret, car elle n'allait pas rester debout toute la journée. Seconde étape, récupérer toutes ses pièces, aidée par Leuphorie. Maintenant il fallait organiser son stand. Tout d'abord, installer les trucs les plus gros, donc le mannequin dans un coin, avec le petit projecteur pour l'éclairer. Elle installerait la robe à la fin. Parce que DAMN, elle avait apssé assez de temps et de nerfs dessus pour éviter de la voir pendant une petite heure. Bon, vite. D'abord, les cahiers avec le washi-tape sur la table de présentation, à côté du classeur qui contenait son portfolio de Mode. Les bonnet sur des têtes de mannequin à côté. Les tableaux et croquis accrochés aux murs, mais loin de la future robe. Ah, elle avait failli oublier le coffre factice ! Il était posé à côté de l'originel, et honnêtement, elle avait fait du plutôt bon boulot sur sa reprise de finitions. La poupée-peluche complétait la présentation. Et maintenant... le clou du spectacle. La designeuse poussa un soupir et ouvrit le porte-vêtement professionnel.

Le vêtement était MASSIF, et commençait par une veste laminée sans-manches, blanches comme la neige. Et ensuite le MONSTRE : une robe style flamenco à froufrous, bleue et rose aux couleurs du Pokémon dont elle s'inspirait. Le décoletée était immense, les proportions affreuses, rien n'allait, la veste était de trop, mais elle avait passé bien trop de temps sur tout ça pour laisser quoi que ce soit à la maison. Ce vêtement était une ode au mauvais goût, mais c'était aussi une de ses réussites techniques les plus avancées et si elle devait mourir de honte, elle afficherait sa honte en pleine exposition ! Oui, Lilas passait de très bonnes vacances.

Et bien trop vite le hall d'exposition se remplit. Ce qui voulait dire qu'il était temps pour l'adolescente d'arrêter de soupirer et de rouler des yeux et d'épousseter son tailleurs. Et d'afficher son sourire commercial numéro trois, celui qu'elle réservait pour le networking. Leuphorie, qui allait rester pour l'assister aujourd'hui était particulièrement perturbé par le changement d'humeur et le contrôle affiché par sa Dresseuse. Sorcilence l'avait prévenu, mais le voir en vrai faisait toujours bizarre.

Lilas avait fait un petit tour avant l'ouverture et se demandait encore ce qu'elle faisait là avec son stand éclectique. Il y avait de "vrais" artistes, avec des toiles magnifiques, des sculptures plus vraies que natures et des dessins avec une technique qu'elle n'imaginait pas. Elle en avait même reconnu certains ! Et le début de l'événement lui donnait un peu raison : son sourire devenait un peu plus forcé après chaque conversation, les passant n'étant clairement pas impressionnés.

Il fallut attendre l'après-midi pour que quelque chose se passe. Un badaud feuilletait le classeur de références et avait hélé sa compagne. Cela avait attiré d'autres passant et d'un seul coup Lilas s'était mise à discuter mode, fabrication et délais avec des gens. Et avait commencé à donner des cartes. Et à remplir son carnet d'adresses. Et déçu quelques portentiels clients quand elle avait précisé qu'elle était étudiante et ne pouvait pas prendre trop de commandes.

Finalement, le soir et la fermeture arriva plus vite que prévu. Et c'est une Lilas qui manquait de voix (et de jambes) qui commença à tout remballer. Elle se demandait maintenant si elle n'aurait pas du juste faire un défilé et ne pas s'embêter avec ses croutes. Mais elle se souvenait que certains l'avaient félicitée à propos de ses autres crétaions. Et après tout, elle avait fait honneur à son propre travail. Oui, c'était mieux comme ça. Et c'était une très bonne fin d'été tout compte fait !