« Si je te dis que ce serait mieux pour elle, c'est que ça l'est, Eleanor !  »

Tu n'aimes pas les disputes. Surtout quand c'est tes parents. Tu soulèves la couette au parfum de désinfectant et t'y blottis tendrement. Il y fait chaud, il y a ce mélange étrange de menthe, d'alcool désinfectant et ta propre odeur. Des effluves pas exactement rassurantes. Alors tu serres contre toi ta peluche fétiche, en forme de pikachu. Devant la porte de la chambre d'hôpital, tes parents continuent à murmurer. Tu t'es retrouvée là, parce que tu as fait une crise d'asthme. Tu ne sais pas ce que c'est. Mais ce que tu sais, c'est que ça a fait mal. Comme un poids sur la poitrine ; comme si tu sifflais à travers tes lèvres. Eclosion d'une douleur tonitruante. Tes parents t'ont rapidement amenée aux urgences, où après t'avoir donné de la ventoline, les médecins ont préféré te garder en observation.

« Casper, pourquoi papa et maman se crient toujours dessus ? »

Mais ton pikachu reste muet. Tu repars le lendemain - tu es asthmatique à présent. La vie reprend son cours, mais tu es faible. Ta santé fragile te met à l'écart des autres - la jeunesse peut être si cruelle envers ceux qu'elle juge anormaux. Mais tu continues d'aller à l'école, parce que tu aimes ça. Tu t'intéresses particulièrement aux pokémons - leurs fonctions, leurs attaques, leurs différentes formes. Puis, en grandissant, ton intérêt devient plus scientifique, et en même temps plus personnel. Pourquoi certains pokémons évoluent-ils avec des pierres ? Eux aussi te semblent différents, et ta curiosité se porte sur eux. Evoli, Caninos, Goupix mais aussi Boustiflor, Tétarte, Rosélia, Feuforêve ... Tous ces pokémons, qui ont pourtant leurs forces, voient une faiblesse dans cette faille : ils ont besoin d'une aide extérieure pour évoluer.

« Maman, c'est quoi ça ?  » Petite voix fluette, curieuse. Tu penches la tête sur le côté, en prenant l'affichette de papier entre tes doigts, avec douceur pour ne pas le chiffonner.
« Un tract pour une école.  »

Tu observes avec intérêt. Tu y penses depuis quelques temps - partir de là, peut-être dans une académie ou un internat. Est-ce un signe ? Peut-être. Tu sens ta main se serrer doucement sur le bas de ta robe, se crispant sur ton ourlet. Tu oses. Tu n'oses pas. Les mots franchissent tes lèvres carmines.

« Ca a l'air bien, non ?  »

Un regard franc, accusateur - comment oses-tu y penser ? Mais ta maladie ne doit pas t'empêcher de faire ce que tu veux. Tu expliques, tu exprimes ta pensée. Incompréhension - comment quelqu'un ayant du mal à crier sans partir en crise de sifflements pourrait-elle aller vivre sur une île lointaine ? Mais tu sais que tu as planté une graine de doute dans les esprits. Qu'y a t-il de mieux pour toi ? Rester ici, où tu t'enfermes dans un mutisme forcé ? Ou aller vivre ailleurs, dans une école que tu auras choisie ? Tu ne perds pas le tract. Tu le traînes partout avec toi - tu dors même avec. Parce que cette académie, tu en rêves même.

Finalement, ils acceptent. A contrecoeur - mais ils sont d'accord avec toi. Peut-être que si tu allais te mêler aux gens de ton âge, apprendre ce qui te plaît, tu irais mieux ? Tu en es sûre. L'air frais de cette île te fera du bien. Mais c'est tout de même avec tristesse que tu quittes tes parents - ils avaient toujours été un pilier pour toi. Mais le bateau t'emmène déjà loin de tout cela. Tu as peur - qui n'aurais pas peur de s'aventurer dans cette histoire ? Tu serres entre tes doigts gourds le petit réservoir de ventoline. Tu ne laisseras plus ta maladie faire de toi son jouet. Tu iras au bout de ton rêve - devenir une scientifique pokémon réputée !

Le bateau t'amena donc jusque l'île Cobaba où une pré-rentrée avait lieue. Etant donné que c'était le plein été, l'école était fermée durant ce laps de temps. Mais cela ne te te dérangea absolument pas - tu pourras profiter des vacances & te faire de nouveaux amis, juste avant la rentrée véritable, en septembre !