"Si nous sommes tous semblables, alors nous n'avons besoin de rien d'autre que de nos cœurs."
« Ne t'éloignes pas trop de la maison ! »
La demoiselle soupira. La brunette avait passé l'âge d'entendre les remontrances de son père à longueur de journée. Depuis que son frère était parti, la vie avec son père était devenue pesante. Oh, bien sûr, elle savait qu'il n'agissait que pour son propre bien. Seulement, elle ressentait le besoin urgent de s'éloigner de lui. Le mois de Septembre n'était entamé que depuis deux semaines, mais Noctis lui manquait déjà. Elle se demandait bien ce que son imbécile de frère pouvait bien faire. Arriverait-il seulement à se mêler aux autres ? Il n'était pas franchement extraverti, et préférait rester tranquille. Elle-même appréciait cela, et avait toujours passé de longues après-midi d'été à lire en sa compagnie, quand ils ne chahutaient pas. L'adolescente enfila ses rollers et fila à vive allure vers Illumis. Elle ne l'avait pas dit à son père, mais elle avait trouvé un job à mi-temps pour les week-end, où elle pourrait gagner un peu d'argent. Le Ball-Bazar était un endroit rafraîchissant, en plein centre de la ville, où elle voyait défiler toutes sortes de gens. Les journées défilaient, encore et encore, sans une différence suffisamment notable pour tirer la jeune fille de son ennui. Les lettres de son frère ponctuait sa petite vie trop calme. Il lui expliquait comment se déroulait la vie à l'Académie, le dortoir dans lequel il était, ainsi que les gens qui y étudiaient. Apparemment, une gazette donnait une certaine réputation à nombre de personnes dans l'établissement, et pas toujours des plus honorables.
L'hiver arriva. Une épaisse couche de neige recouvrit bientôt Fort-Vanitas, et, assise sur l'un des remparts de la ville, Lyph observait d'un oeil distrait les touristes se presser dans pour rentrer à l'intérieur. Elle ignorait ce qui faisait actuellement barrage, mais c'était curieux. Avec Noctis, elle aurait sûrement été voir. A eux deux, ils s'infiltraient n'importe où. Mais Lyph n'avait pas l'ingéniosité de son frère. En revanche, elle possédait une arme redoutable : elle était mignonne. Elle descendit les escaliers à vive allure, se retrouvant bientôt sous la fenêtre Est de l'hôtel. Hm...? Une écharpe bleue était en train d'être recouverte par la neige. Curieuse, l'adolescente la ramassa. Elle ne devait pas être là depuis bien longtemps...
« C'est à moi. »
Elle leva les yeux vers le haut. Au dessus d'elle, à moitié assisse sur la fenêtre, une jeune femme d'une vingtaine d'années la regardait de ses grands yeux bleutés. Ses longs cheveux blancs l'aurait sans doute mêlée au décor, mais sa robe de riche héritière était la preuve qu'elle ne s'abaisserait pas à descendre pour la ramasser. En haut, Séraphe observa la petite brune qui la dévisageait curieusement. Elle disparu presque une seconde plus tard, avec son écharpe. La demoiselle soupira, frustrée. Ce petit patelin ne lui promettait rien de bon, si on commençait déjà à lui voler ses affaires... On toqua à sa porte, et elle lâcha une autorisation d'entrer d'un air blasé au possible. Fichue santé qui la clouait ici.
« Madame ? »
Elle tourna la tête, surprise. Madame ? Elle n'avait que dix huit ans ! Devant elle, la petite fille qui avait ramassé son écharpe. Comprenant qu'elle était montée pour la lui rendre, elle lui accorda un merci gêné, songeant à ne plus juger aussi vite les gens la prochaine fois.
« Faites attention à vos affaires. La neige aura vite fait de grimper encore. Les hivers à Fort-Vanitas sont souvent très forts. »
Elle tournait déjà les talons pour s'en aller, et ses longs cheveux bruns qui valsèrent furent comme un électrochoc pour la plus âgée.
« Attends ! Quel est ton nom...? »
L'autre la fixa avec un air surpris, avant de reprendre contenance et de sourire.
« Je m'appelle Lyph. »
« Séraphe, ne fais pas ta fille gâtée ! Descends ! Il fait un temps magnifique ! »
La dénommée Séraphe fit la sourde oreille. Ces vêtements de campagnes ne lui allaient pas du tout, et si jamais on la surprenait au dehors, ce serait sa cadette qui écoperait d'une sanction. Il ne lui fallut cependant pas longtemps pour céder à la requête de sa seule amie. Lyph s'avérait être une adolescente très dynamique – même TROP dynamique – et pleine de surprises. Elles avaient rapidement fait connaissance, d'un rempart à une fenêtre, pour finalement passer plus de temps ensembles. Les longues soirées d'hiver qu'elles avaient put avoir, autour d'un jeu de société, la plus âgée remontant son col roulé jusqu'au nez pour masquer sa gêne, avait sacrément renforcé leurs liens. Le printemps arrivait, sagement, et la jeune femme savait qu'elle ne tarderait plus à repartir chez elle, à Unys. Son très cher paternel avait des projets bien trop appropriés pour elle, mais la demoiselle redoutait plus que sa jeune amie le vive mal. Plus le temps passait, plus il lui semblait évident que Lyph ne se sentait pas à sa place, à Fort-Vanitas. La jeune fille voyait grand, elle rêvait d'aventures, de voir des choses différentes, de pouvoir voyager comme bon lui semblait et courir sans faire attention à où elle allait. Sa présence semblait grandement l'apaiser, comme si l'occupation qu'elles avaient ensembles était un moyen détourné d'échapper à la banalité et l'ennui du Fort. Lyph n'avait jamais caché qu'elle aimait cette ville, et sa façon d'y vivre. Mais rapidement, elle avait abordé le sujet différemment : sans son frère, ce n'était pas pareil. Personne ne partageait ses joies et ses peines, personne ne pouvait soudainement décider de mener une expédition pour aller dans un endroit inconnu, personne ne pouvait l'accompagner au delà de sa propre solitude. Et ce n'était pas elle, à la santé très fragile, qui pouvait lui apporter cela. Séraphe s'était contentée de lui apporter de la réflexion et de la sagesse. Elle lui avait appris les échecs, et aussi et surtout, le violon. Bien que réticente au début – et ayant piqué pas mal de crises de nerfs sur l'instrument – la brunette avait fini par révéler un certain talent. Chaque après-midi – cette gamine avait-elle seulement des cours ? - et chaque week-end, elle s'efforçait de faire des progrès en musique. Si elle semblait de mieux en mieux comprendre comment fonctionnait l'instrument, lire des partitions et le solfège en lui-même semblait être un sacré point faible.
« Lyphie... Il faut que je te dise quelque chose ? »
Ladite Lyphie lui sourit, avec un visage étincelant, comme un soleil.
« Qu'y a-t-il, Séraphe ?
-Je vais bientôt rentrer chez moi, à Unys. »
L'autre brune resta muette, bien que son sourire resta figé sur ses lèvres. Après un long moment, elle se tourna vers le ciel.
« Bien sûr, c'est normal. Je suis contente d'avoir pu passer tant de temps avec toi. Tu m'as beaucoup appris. … On se reverra sûrement. »
Lyph ne se retourna pas, pas plus qu'elle ne pleura. Mais au fond, la tristesse gorgeait tellement sa voix que n'importe qui aurait pu deviner ses tourments.
« Noctis va venir passer les grandes vacances avec nous. Tu n'es pas heureuse ? »
La cadette ne répondit pas à son père. Les longs mois qui avaient succédés le départ de Séraphe avait été infernaux pour elle. Seul Spes, l'Evoli de sa mère, avait pu réussir à la calmer un tant soit peu. Les lettres qu'elles s'écrivaient toutes les deux était sa seule consolation. Son amie l'avait invitée à venir passer une partie des vacances d'été dans sa villa à Vaguelone. Lyph n'était que rarement allée à la mer, et la perspective de pouvoir y aller avec son frère et son amie plus âgée lui mettait du baume au cœur. Mais elle ne tiendrait pas une autre année ainsi. Posant l'Evoli au sol, elle regarda fixement son père.
« Je veux aussi aller à Pokemon Community. »
L'homme ne parut même pas l'entendre, continuant nonchalamment de lire, la cigarette fumante. Puis, soudainement, il ferma le journal qu'il posa sur un coin de table, et déposa son mégot dans le cendrier. Enfin, il leva les yeux vers sa fille. D'abord, ce fut un regard sévère qui se posa sur elle. La jeune fille se tendit. Elle avait peut être deux ans d'écart avec son frère, mais si lui pouvait y aller, pourquoi pas elle ? Son père eut un soupir, murmurant vaguement :
« Je vais finir par déménager sur cette île Lansat, si ça continue. »
Ne sachant pas réellement si c'était un oui ou un non, Lyph redressa vaguement les yeux pour observer la figure paternelle. Il s'était déjà levé, et posa une main sur la tête de son enfant, en frottant trop fort et de manière désagréable. Un grand sourire se forma sur ses lèvres et il annonça :
« Bien sûr que tu peux y aller. Tu en profiteras pour s'assurer que ton frère ne fait pas de bêtises, tu sais comment il est, toujours à fourrer son nez là où il ne faut pas ! »
La brunette sourit. Elle aussi, elle pourrait avoir son propre pokémon. La perspective des deux mois à attendre lui parut soudainement longue, mais rien n'y faisait. Elle pourrait étudier les pokémons de plus près. Elle pourrait courir à l'aventure.
« Mon fils, il faut que je te parle. »
Ils n'étaient à Neuvartault que depuis quelques jours, mais la cadette de la famille était heureuse de pouvoir passer des moments si animés avec sa famille. La tante qu'ils avaient était un vrai numéro à elle seule, et l'arrivée de son frère lui avait fichu un sacré coup de boost. Encore à moitié endormie, la jeune fille se tassa néanmoins contre le mur, écoutant la conversation des deux hommes de la famille.
« Mmh ?
-Ta sœur viendra avec toi en septembre. Je veux que tu veilles sur elle, même de loin. Toute l'année durant, elle n'a cessé de faire des choses en cachettes, allant d'une simple virée nocturne à des activités plus dangereuses.
-On parle bien de la même petite Lyphie pleurnicharde qui me courrait toujours après ? »
Si la petite pleurnicharde en question se sentit aussitôt vexée, elle entendit son père rire aux éclats.
« Tu dis ça, mais il me semble bien, mon fils, que tu étais le plus paniqué quand elle s'égarait quelque part. Elle revenait toujours avec insouciance, comme s'il ne s'était rien passé, et toi, tu la serrais pendant des heures ! »
Lyph dû retenir un rire en imaginant la tête de son frère, qui devait probablement rougir jusqu'aux oreilles. Il ne dit pas un mot et se contenta d'écouter la suite.
« Dans tous les cas, je pense qu'elle sera mieux là-bas, avec toi. Mais surveille là un peu. Elle pourrait vite s'embarquer dans des histoires plus grandes qu'elle.
-Ne t'inquiète pas, P'pa. Lyphie n'est jamais seule. Je serais toujours là pour jeter un œil sur ce qu'elle fait, et la protéger. »
Elle entendit ensuite le bruit des chaises et de pas, et se tassa davantage contre le mur, de peur d'être découverte. Le cœur battant, elle n'osait pas bouger de là. Quand les pas furent éloignés, elle se risqua à jeter un œil à l'intérieur.
« Bouh ! »
Elle hurla. Son frère venait de surgir juste devant elle, lâchant un pathétique bouh qui pourtant l'avait fait sursauter. Il se contenait difficilement de rire, et il fallut une bonne minute pour que les deux se calment, l'une furieuse et effrayée, l'autre mort de rire.
« Ce n'est pas bien d'écouter aux portes, Lyphie. »
Elle rougit et détourna le regard, gênée. Elle aurait préféré lui faire la surprise au début de l'année... Son frère se contenta d'un sourire aimable et l'embrassa sur le front, en lui faisant un clin d'œil et un geste de la main avant de s'en aller. Noctis avait beaucoup changé. Jamais il n'avait été aussi tendre avec elle. Il avait toujours eu ce côté attentionné envers elle, mais jamais il n'avait été si présent et si attentif à ses émotions. Était-ce le fait de s'occuper de pokémons qui l'avait autant changé ? La jeune brune n'en savait rien. Elle soupira. Les vacances étaient encore loin d'être terminées.
« Tu es certain que le collectionneur est dans les sous-sols ?
-Je suis là depuis un an, mais je ne sais toujours pas où sont les choses, sûrement. »
La cadette suivait son frère dans les escaliers qui menaient aux sous-sols de sa nouvelle école. Il avait accepté de l'accompagner, pour éviter qu'elle se perde, d'une, et par curiosité quant au pokémon qu'elle recevrait. Arrivés devant la porte du Collectionneur, il lui annonça :
« Je t'attends ici. Ne t'inquiètes pas, il ne mord pas. Au pire, il est peut être juste un peu radin...
-Je t'entends, jeune impertinent ! »
Le brun maugréa, pourtant, un grand sourire était sur ses lèvres. La brunette osa se faufiler dans la pièce obscure, où plusieurs pokéballs et œufs étaient posés et organisés. Dans le fond, des ordinateurs étaient prêt à servir, et le vieil homme qui était assis devant la pria de s'installer à un poste pour passer son test. Les questions parurent parfois complètement dénués d'intérêt à la plus jeune. Certaines questions lui posaient même carrément problème, ne sachant que répondre. Finalement, il observa le numéro tiré par la jeune fille, et soupira.
« Non, ça ne te correspond pas, ça. »
Elle sursauta. Comment pouvait-il savoir si ça lui irait ou pas ? Il sembla commencer à farfouiller dans ses affaires.
« Il te faut quelque chose d'énergique... D'un peu... Non, pas ça... Peut être celui-là ? … Mh, non... … … Ah, celui-ci ? … Tu as besoin d'une confiance... Un partenaire qui puisse te prouver des choses... Il faut qu'il soit docile... … Mais pas trop... Raaah, où est-ce que je l'ai mis, celui-là ? … Ce chenapan ! … »
Lyph n'était pas certaine de comprendre le charabia du Collectionneur. Qu'est-ce qu'il racontait, à la fin ?! Son test n'était pas concluant ? Soudainement, il hurla un « Eurêka ! » et s'empressa de partir à l'autre bout de la pièce, pour en revenir avec une petit pokéball. Il la fourra dans les mains de la nouvelle dresseuse, et la pria de l'ouvrir. Un grand éclat de lumière laissa place à un Pikachu. Enfin, il était quand même petit, pour un Pikachu. Puis, il était bizarre aussi. Un peu... Différent. Son crâne semblait très touffu et désorganisé, et il possédait une étrange tache sur le dos. La jeune femme n'eut pas le temps de s'interroger plus longtemps que le petit la renifla doucement en l'escaladant. Il l'examina longuement de ses grands yeux noirs, et sauta au sol en sifflotant. Avant même qu'elle n'eut le temps de faire quoi que ce soit, il l'attendait devant la porte, prêt à partir, impatient. Il avait vu tellement des siens partir et ne jamais revenir, que lui aussi, avait hâte de vivre sa propre aventure. Aventure qui commençait avec... Un mec. Flûte. La fille juste avant était nettement plus jolie. Il colla la jambe de la jeune fille et observa avec amertume le garçon.
« Un Pikachu...? Je n'aurais pas deviné, j'avoue. Mh. Il est un peu différent. »
Surprise, Lyph observa son nouveau compagnon. Il semblait curieux et intenable, mais bizarrement, elle sentait un lien, comme une passion commune. Plus enjouée que jamais, la demoiselle tira son frère à l'extérieur à toute allure, le Pikachu courant sur ses talons, heureux. Enfin un peu d'action !