Elle allait mourir. Cette idée avait fait son bonhomme de chemin dans sa tête, et elle l’avait maintenant pleinement acceptée. Elle allait mourir. Bah. A quinze ans, elle n’avait pas eu le temps de vivre grand-chose. Et dire qu’elle n’était même pas sortie de l’académie ! Elle n’avait même pas pu voir si elle valait quelque chose, si elle pouvait réellement prétendre au rôle d’espionne de la police internationale ! Couchée à plat ventre sur sa poutre, les yeux fermés, la brune savait qu’elle allait mourir. Joyce, sur sa tête, faiblissait de plus en plus. Quelques petites étincelles électriques, faiblardes en comparaison de ce qu’il absorbait pour la protéger, s’échappaient de son corps et l’électrifiaient doucement. C’était comme prendre le courant en serrant la main d’une personne, en un peu plus fort, et en un peu plus fréquent. Elle allait mourir. Elle aurait bien aimé revoir sa mère, avant de mourir. Et son frère. Et Loan ! Son si joli sourire. Son regard taquin pétillant d’intelligence. Sa douceur. Son amour. Son cœur se serra un peu tandis qu’un nouveau courant électrique la parcourait. Joyce, perché sur sa tête, lâcha un couinement, et Aileen ouvrit les yeux, persuadée qu’elle allait le voir chuter, et qu’elle aurait à peine le temps de le rattraper avant que les attaques Tonnerre de Freudd ne les tuent tous les deux. Alors qu’elle amorçait le mouvement, elle se rendit compte qu’il y avait quelqu’un à côté d’elle. Selana, avec Ellie perchée sur l’épaule. Ellie l’avait trouvée. Bien, ça ferait de morts de plus, génial.
« Dégage ! Tu vas crever si tu restes ici ! »
Sa faible voix, bien que couverte par le grondement de l’électricité, parvint aux oreilles de la Topdresseuse, qui lui répondit qu’elle savait ce qu’elle faisait. A ses côtés, l’Hippopotas faisait voler du sable, qui entourait sa dresseuse pour lui permettre d’être insensible à l’électricité. A pas prudents, Selana s’avança sur la poutre, sans le moindre harnais pour la retenir, progressant lentement vers son Pijako. Puis, d’un seul coup, elle bondit, et ses bras enserrèrent le petit oiseau, qui cessa ses Mimiques et coupa les arcs électriques. Alors qu’ils tombaient, Ellie bondit vers sa dresseuse et réintégra d’elle-même sa Poké Ball, et quelques secondes après, Selana et son Pijako tombaient sur le plancher, leur chute amortie par les Tourbi-Sables de Liquid, encore perché sur sa poutre, effrayé par tant de hauteur et par le fait que sa dresseuse était loin de lui. Ce fut ce moment que choisir Joyce pour abdiquer. Avec un petit couinement ressemblant à un soupir, il perdit connaissance, tombant dans les mains que sa dresseuse avaient tendus in extremis pour lui éviter la chute. Dans ses mains jointes, le corps du petit Dedenne, était parcouru d’électricité, qui engourdissait doucement ses doigts et ses paumes. Son instinct lui hurlait d’éloigner ses mains l’une de l’autre pour mettre fin à la douleur. Avec un grognement sourd, elle referma un peu plus les doigts. Joyce l’avait sauvée. C’était à son tour de l’aider. Trop faible et trop choquée pour utiliser la corde, elle demanda à Liquid de la redescendre, ce que l’Hippopotas fit avec docilité, lui créant, comme à Selana un peu plus tôt, une spirale de sable qui la mènerait en bas sans danger. Une fois descendue, elle se dirigea d’un pas un peu hagard vers sa camarade, prostrée au-dessus de son Pijako. Elle ouvrit la bouche pour lui demander s’il allait bien, lui proposer son aide pour le guérir… Selana l’envoya balader, rappela son Hippopotas, et quitta la tour en courant, sans doute pour aller au Centre Pokémon. Un lourd silence retomba, que Sphax brisa en sortant de lui-même de sa Poké Ball pour se frotter contre elle, supportant sans rien dire l’électricité que son corps charriait.
« Elle nous a tous mis en danger avec son piaf, cette petite conne ! »
S’il y avait une suite à sa phrase, elle ne vint pas. D’autorité, Sphax avait appuyé sur le bouton de la Poké Ball de Sokka, accrochée à la ceinture de sa dresseuse, et le Riolu déboula pour foncer telle une comète sur l’homme qui insultait l’amie de sa dresseuse. Sa patte pliée se détendit d’un coup, son poing fermé s’ouvrit et se redressa, et la Forte-Paume du Riolu heurta l’adulte en plein plexus solaire. Ce dernier s’envola sous le choc de l’attaque Combat, et alla se cogner contre le mur, contre lequel il glissa, parcouru de petites étincelles. Trente pour cent de chances de paralyser ? Ha ! Trop facile ! Avec un reniflement de mépris, le Riolu se retourna pour revenir vers sa dresseuse, et poser avec douceur une patte sur sa taille pour la pousser légèrement, l’exhortant à s’en aller. Docilement, la jeune espionne obéit, et d’un pas mécanique, elle descendit les étages et quitta la tour avant que les secours ne s’y engouffrent pour aller chercher les blessés. Parce que si le petit Dedenne, au creux de ses mains jointes, avait pu la protéger, tous n’avaient pas eu la chance d’avoir eu un Pokémon Electrique aussi réactif, et nombreux était ceux qui avaient pris de plein fouet les arcs électriques. Mécaniquement, elle suivit son starter, qui la menait vers les Ruines Alpha, désertes en cette période de l’année, selon ce qu’elle avait entendu dire les jours précédents. Sans lui laisser le choix, Sokka attrapa Joyce entre ses petites pattes et le posa sur un muret à demi effondré, pendant que Sphax faisait reculer sa dresseuse. Tendant la patte, le Riolu heurta le Dedenne, le faisant bouger de quelques millimètres, avant de bondir en arrière. C’était tout ce qu’il fallait à la petite souris électrique pour que son corps relâche brutalement toute l’électricité absorbée, en un éclair d’une hauteur impressionnante qui s’éleva vers le ciel, semblant éclipser le soleil de par sa lumière éclatante. En quelques secondes, le Dedenne avait tout relâché. Et la Tarsal, sortie de sa Poké Ball, fut repoussée par sa dresseuse, qu’elle s’apprêtait à soigner.
« Joyce, d’abord. Ensuite Ellie, et les autres, et moi à la fin. »
A contrecœur, Sookie recula, et tendit ses mains vers le Dedenne évanoui pour lui lancer un Vibra-Soin de plusieurs secondes, ne le stoppant que lorsqu’il ouvrit les yeux avec difficulté. Puis, se tournant, elle lança un nouveau Vibra-Soin qui toucha Sokka, Sphax et Ellie, qui était ressortie de sa Poké Ball. Enfin, elle se mit devant sa dresseuse, posa ses mains sur ses tempes avec autorité, et lança un troisième Vibra-Soin pour la débarrasser de toute l’électricité qui parcourait son corps. Avec un certain soulagement, la brune sentit ses muscles raides se délier, sa tête douloureuse se calmer, et ses nerfs hagards se réveiller… Ce qui la fit éclater brusquement en larmes quand la réalité la percuta. Elle avait failli mourir. Sans Joyce, elle serait morte. Et Freudd allait peut-être y rester. Se sentant très faible, elle s’appuya contre un pilier et se laissa glisser contre pour s’asseoir, ne sentant pas Ellie qui lui piquait son iPok pour chercher le numéro de Loan, appuyer dessus, et le lui coller à l’oreille quand le rouquin décrocha. En l’entendant pleurer, le Voltali sembla pris de panique, obligeant la Pyroli à se reprendre pour se saisir de l’appareil et répondre à ses questions, tout en câlinant son Dedenne contre son cœur, le laissant dormir dans sa main repliée. Après s’être un peu calmée, elle répondit aux questions du Voltali, qui ne la laisserait pas en paix sans avoir eu ce qu’il désirait. Non, elle n’allait pas très bien. Oui, elle était en sécurité. Oh, rien, elle avait juste failli mourir. Oui, elle allait bien, et une nouvelle fois, oui, elle était en sécurité. Elle n’était pas blessée. Oui, c’est promis. Elle rentrerait bientôt. Tout doucement, elle réussit à rassurer le Voltali, qui continuait à lui poser les mêmes questions en boucle, sans doute frustré d’être à plusieurs milliers de kilomètres d’elle. La conversation se déroula sur les heures, jusqu’à ce que la Pokéathlète ne se rende compte qu’il était tard.
« Je t’aime, tu sais. »
« Vi, moi aussi. Tu ne diras rien à mon frère, hein ? »
« C’est promis. »
Après ça, elle raccrocha très rapidement (ça va, une dizaine de minutes à roucouler, c’est rapide quand même) et elle se leva pour retourner vers l’endroit où elle dormait, soit la maison des Fish. Sur le chemin, elle fut arrêtée par le chef du chantier, qui lui dit quelques mots avant de la laisser partir. Le repas fut pour le moins morne. Plus taciturne que la veille, Aileen mangea en silence, sous le regard inquiet de Valérianna Fish. Elle se sentait coupable. Si Freudd ne s’en sortait pas, ce serait de sa faute, parce qu’elle n’avait rien fait pour l’aider. Au bout de quelques heures, la mère de Djelly lui ébouriffa les cheveux dans un geste tendre, lui conseillant d’aller se coucher. Elle hocha la tête, mais ne bougea pas pour autant, laissant l’adulte partir sans rien dire. Seule dans le joli salon, elle fit sortir son Dedenne et lui caressa les joues avec une certains hésitation, avant de lui redonner à manger. Certes, Joyce avait plutôt bien mangé tout à l’heure, mais il avait failli mourir pour la protéger, elle pouvait bien satisfaire le petit péché de gourmandise de sa souris chérie, non ? La nuit était bien avancée quand Selana rentra enfin, réveillant la brune qui s’était endormie sur la table. La préfète se redressa en la voyant entrer, inquiète, puis soulagée quand la Pyroli lui dit que Freudd n’était pas mort. Il avait failli, lui aussi, mais il allait bien. Avait-elle quelque chose à dire avant qu’elle aille se coucher ?
« Oui. J’ai croisé le chef de chantier. Après ce qu’il s’est passé, il a appelé l’académie en disant qu’il ne pouvait plus garantir notre sécurité, et Snow a mis fin à la mission. On va dormir ici ce soir, et demain matin, on retourne à Oliville pour prendre le bateau et rentrer à l’académie. J’ai déjà envoyé un texto à Yuki pour le prévenir, mais il n’a pas répondu. » Court silence. Le temps qu’il lui fallait pour rassembler son courage, et prononcer les phrases suivantes. « Ne t’inquiète pas pour Freudd. Je suis Pokéathlète Médecin. On fera des pauses fréquentes pour s’assurer de son état. Ma Tarsal connaît Vibra-Soin, elle lui en lancera un à chaque halte, et demain soir, il nous inondera de « tocards » comme à l’aller. Tu me fais confiance ? »
Légère angoisse… Mais la réponse fut positive, ce qui rassura un peu la jeune espionne. Peut-être qu’elle était un médecin crédible, après tout. Mais de là à s’occuper d’un oiseau aux portes de la mort… Enfin, elle faisait confiance à Sookie. Suivant la Pyroli, Aileen retourna vers la chambre qu’elles partageaient à deux. Au moins, leurs affaires étaient déjà prêtes, les Pyroli ayant été conditionnées par leur référente pour adopter un comportement militaire. Chaque chose à sa place, sac fait en quelques minutes, rien qui traîne. C’était plutôt pratique. Dire qu’elles partaient au bout de deux jours, alors qu’elles devaient rester une semaine ! Laissant son Dedenne se blottir contre son cou, elle attendit qu’il s’endorme pour lui caresser le dos et fermer les yeux. Demain serait un jour meilleur. Elles se lèveraient tôt, se prépareraient, et rejoindraient Yuki, qui avait été envoyé dans une autre maison, avant de se diriger vers le Centre Pokémon où ils récupéreraient le petit Pijako. Puis ils reprendraient la route, repassant par Rosalia pour atteindre Oliville, et finalement, rentrer à l’académie…
[ Fini pour moi ! J'te laisse la clôture ! ♥ ]