Dans la pénombre de la nuit, seulement éclairée par sa petite lampe de bureau, Ilea finit de compléter quelques dossiers. Avec l’hiver déjà bien installé, la nuit tombe tôt et malgré l’heure peut avancée de la soirée, le noir règne déjà en mettre à l’académie et sur tout Adala de manière générale. Ce soir, elle est de surveillance nocturne. La rousse a pris l’habitude de cette routine il y a déjà quelques temps. Ses quelques affaires sont déjà installées dans sa chambre à l’académie pour pouvoir passer une petite nuit. Le reste du temps, elle alternera entre son bureau et les couloirs des différents dortoirs de l’académie, afin de vérifier que tout se passe bien. Des soirées qu’elle apprécie, notamment pour le calme de son espace de travail mais aussi pour ses moments échangés avec les étudiants, toujours d’une humeur différente une fois la nuit tombée. Parfois, Ilea a l’impression de pouvoir voir le vrai visage de certains.

L’éducatrice jette d’ailleurs un coup d’œil à son téléphone pour constater qu’il est temps qu’elle commence sa ronde. Comme à son habitude, elle libère dans un premier temps certains de ses pokemons, habitués aux rondes nocturnes. Pour être plus exact, ses eevolutions. Edelyne se rendra chez les Phyllalis, Electre chez les Mentalis, Edona chez les Pyrolis, Essie chez les Voltalis, Esther chez les Noctalis et pour finir Elien chez les Givralis. En vérité, ces pokemons ne remplacent pas le travail de leur dresseuse. Ils servent seulement d’indicateur aux élèves. Si ces pokemons sont dans leur dortoir, c’est pour leur rappeler que l’heure du couvre-feu est proche et qu’il va bientôt être tant que chacun regagne sa chambre. Après leur départ de son bureau, la rousse laisse toujours un petit quart d’heure avant d’elle-même se diriger vers les bâtiments. Un coucher en deux temps, visiblement apprécié par les étudiants qui jusque là ne se sont jamais plaint de cette méthode.

Après avoir consigné au propre son dernier entretien de la journée, la jeune femme se redresse, équipée de sa tenue de soir de garde. Un leeging noir, un sweat long, et ses cheveux attachés en une tresse souple. Dénuée de tous ses bijoux, Ilea borde un air plus naturel, peut-être plus accessible. La rousse ne peut pas vérifier toutes ces théories mais tente inconsciemment diverses approches, constatant ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Pour plus d’équité, l’éducatrice a instauré un ordre dans sa surveillance des dortoirs qui change en fonction des jours, pour éviter que cela soit toujours les mêmes surveillés et donc couchés les premiers. Ce soir, les Noctalis sont les premiers et les Givralis les dernières. Tout se passe bien. L’arrivée d’Ilea signe pour la plupart des élèves la fin de la soirée. En saluant l’éducatrice, ils regagnent leur chambre tranquillement. Ilea n’est pas folle et se doute que la soirée n’est pas tout à fait terminée, et que cela va continuer à discuter dans les chambres. Mais ça, ça sera pour sa deuxième ronde qui aura lieu bien plus tard, au début de la nuit.

Ce soir, elle n’a pas eu à faire à beaucoup de résistance. Pour s’assurer que le message est passé, ses pokemons restent souvent un peu plus longtemps qu’elle dans le dortoir pour s’assurer que tout aille bien. Electre fait le relais par télépathie avec sa dresseuse, assurant une bonne surveillance. L’adulte pénètre enfin dans le dortoir des Givralis. A priori il ne reste pas grand monde de réveillés. Seulement un tout petit groupe en train de jouer aux cartes dans la salle commune. Ilea s’approche davantage, faisant grimper au passage Elien sur son épaule et constate qu’elles sont en train de jouer au poker, mais uniquement avec les jetons. Les jeux d’argent sont interdits au sein de l’académie et Ilea y veille au grain, surtout depuis l’arrivée de la jeune Victoria Reece, au centre de cette partie de soirée. La cousine d’Henry a sa réputation et malgré le ton amer sur lequel s’est fini leur première discussion à ce propos, le barman a touché un mot à la jeune fille. Même si elle ne s’est pas fait remarquer de trop, elle joue, et Ilea ne peut s’empêcher de surveiller.

Alors de loin, elle observe la partie. La blonde gagne, forcément rien d’étonnant. Mais la rousse n’est pas dupe. Elle aussi a beaucoup joué dans le temps, et ce genre de mouvement basique ne la trompe pas. Victoria triche avec les cartes, et les autres jeunes filles ne s’en rendent pas compte. Il faut dire que le mouvement est exécuté avec une grande précision. Rien d’étonnant quand on sait qu’elle est la fille de la gérante du casino de Volucité, destinée à reprendre l’héritage familiale. Seulement, Ilea aime aussi la justice. Doucement, elle s’approche du petit groupe et se penche à leur hauteur. Elle n’a pas le temps d’ouvrir la bouche qu’une des élèves s’exprime « Ilea je vous assure on finit vite, on est presque au bout ». La jeune femme rit doucement avant de répondre « Ne vous inquiétez pas je vous laisse finir votre partie avant d’aller dans les chambres. Victoria c’est amusant votre main est excellente. On a l’impression que le paquet de carte vous souris toujours, vous ne trouvez pas ? » Plus qu’à voir si l’adolescente allait continuer à s’enfoncer dans la triche ou constater qu’elle a été démasquée.  

Cette enfant triche avec une habileté déconcertante. Habituée aux jeux de carte, l’éducatrice n’a pas eu grande difficulté à déceler les manœuvres mises en place par la Givrali pour gagner contre ses adversaires, évidemment hermétique à la supercherie, encore persuadées d’avoir une chance de gagner. Heureusement, les jeux d’argent sont interdits au sein de l’académie, sinon les deux filles auraient été dépouillées en quelques minutes de leur maigre argent de poche par l’une des héritières des Reeces. Victoria, reine des cartes comme le lui a si bien soufflé Henry. Si lui est déjà un excellent manipulateur, cette adolescente en devient presque effrayante par son plus jeune âge. Si certains la sous-estiment, le moment où elle les dévorera sur la table de jeu n’en sera que plus impressionnant.

L’intervention d’Ilea a vite eu l’effet escompté puisque Victoria met fin à la partie par un coup dont seule une joueuse aguerrie comme elle pourrait avoir le secret. Un sourire échangé entre les deux jeunes femmes termine cette partie. Finalement, elle aura triché jusqu’au bout. Les deux autres filles se relèvent, prêtes à regagnées leur chambre accompagnée par le pokemon de la rousse tandis que cette dernière répond à la proposition de la jeune Reece « Volontiers, mais pas trop tard, histoire que tu n’ais pas un traitement de faveur sur les autres élèves déjà partis regagner leur chambre ». L’éducatrice s’installe en face de la jeune fille, déjà en place pour distribuer les cartes « Tu ne m’en veux pas si je me permets de distribuer les cartes moi-même ? Si je pense avoir un meilleur niveau que tes adversaires précédentes, je ne pourrais pas jouer d’égal à égal si tu te mets à manipuler les cartes à ton avantage » Avec un sourire amusée, Ilea récupère les cartes et les mélange tout en s’assurant qu’elles ne sont pas truquées. A priori non, c’est un jeu tout à fait banal. C’est à la seule habileté de ses mains que la Givrali a trompé ses camarades. D’autant plus impressionnant dans ces conditions.

Pendant que la jeune femme distribue et met en place les cartes, elle se permet de reprendre la conversation « Tu peux m’appeler Ilea Victoria, comme tous les autres élèves. Je suis éducatrice, pas professeur ». Alors que les premières mains sont révélées par les deux joueuses et les possibilités découvertes, Ilea tente de continuer le dialogue « J’espère que tu as bien conscience contre tes jeux de carte. Seulement, je ne peux pas accepter de te voir jouer avec pendant les cérémonies officielles, les cours, ou tout autre événement nécessitant un minimum de ta concentration ». En souriant, l’éducatrice poursuit « Je commence à avoir une sacrée collection dans mon bureau, dont je n’ai pas l’usage. Je te les rendrais pendant les vacances de Noel, en espérant qu’en 2021 je t’en confisque moins ». Les premiers pions sont poussés sur la table. La main de la rousse n’est pas excellente, mais elle souhaite surtout faire une partie de chauffe pour potentiellement mieux gérer les suivantes face à son élève. « Je sais que ta maman tient le Casino de Voilaroc. C’est un sacré héritage. Je viens de la famille Alezar, je ne sais pas si tu les connais. Quoi que tu es peut être un peu jeune ». Ilea ne sait pas vraiment où cette phrase va la mener, en espérant toutefois réussir à installer un climat de confiance entre Victoria et elle. De cet échange déterminera la suite de leur relation.

La rousse brasse les cartes à sa manière sous le regard perçant de la joueuse aguerrie. Bien sûr, l’éducatrice n’a pas la prétention de manier les cartes comme les plus grands experts du jeu. Il ne fait aucun doute que Victoria s’en occupe surement mieux. Mais Ilea garde la tête haute, laissant ses instincts et réflexes lui rappeler l’art du maniement des cartes. C’est fou le pouvoir qu’à cette famille sur elle. Les Reeces, toujours capable de l’enfoncer un peu plus dans les méandres du monde qu’elle a quitté, sans qu’elle ne trouve ça particulièrement désagréable pour autant. Des sentiments contraires mais aucun ne vienne particulièrement troubler la jeune femme ce soir face à l’adolescente en attente de jeu.

Cette partie n’a pas du tout le même objectif que les précédentes jouées avec les Givralis partageant le dortoir de Victoria. D’abord, cela sert à occuper les mains de la rousse d’une manière plaisante. Mais surtout, elle sert à l’évaluer, à comprendre exactement comment elle se sent et se positionne dans cet environnement scolaire bien loin des préceptes de la famille Reece. Ilea doit jouer ses cartes à un double niveau. A la fois à l’instant T face à l’adolescente puis dans le futur, afin d’à défaut de l’empêcher de rejoindre la sphère familiale, de la laisser y aller avec les meilleures cartes en main. Un pari risqué, difficile, mais que la jeune femme est prête à tenter.

Les premières cartes se révèlent et la jeune femme laisse déjà échapper quelques informations pour attirer la curiosité de la joueuse. Bien sûr, elle ne connait pas directement la famille Alezar, mais il est quasiment impossible qu’elle n’en ait pas rencontré certains de ses membres « Vois-tu, à ces grands rassemblements des familles de Sinnoh, tu en as probablement rencontré certains représentants. Moi non, je n’habitais probablement plus Sinnoh quand tu as commencé à t’y rendre. Mais tu as certainement vu certains de mes cousins, ou un autre homme. Plus âgé, assez grand, les cheveux blanc immaculé comme le reste de la famille. Gabriel. Gabriel Alezar. Il sera le chef de famille très prochainement. La famille qui détient les plus gros complexes pharmaceutiques et hospitaliers de la région ». La rousse s’arrête ici avec ces quelques informations. Rien que l’adolescente n’aurait pas trouvé sur internet après une petite recherche, mais assez pour la replacer dans le contexte.

Les cartes sont mélangées de nouveau, Ilea prête à changer de stratégie face à Victoria. Avec une main correcte, l’éducatrice part sur une ouverture plus agressive, avec plus de jetons « Il se trouve que je connais également bien ton cousin, Henry Reece. Nous avons d’ailleurs eu une altercation à ton sujet récemment. Tu t’entends bien avec lui ? Comment te sens-tu face aux membres des Reeces habitant sur l’île ? » Histoire de comprendre dans un premier temps où Victoria se positionne exactement dans cette fausse aux lions.