Je ne pensais pas qu’un simple événement pouvait nous changer à ce point. Enfin, ce n’est pas un simple événement après tout. Je ne sais pas si le mot couple est tout à fait approprié pour nous, mais ensemble, on se sent bien. Camille et moi, nous ne nous sommes pas vraiment lâchés depuis cette soirée-là. Tous les soirs, lorsque chacun a regagné sa chambre, je m’extirpe de la mienne pour rejoindre celle du basané. Un petit rituel. Comme si, après une nouvelle journée, nous avions besoin de nous retrouver dans les bras l’un de l’autre pour nous reposer. En vérité, et même si on ne l’a pas encore verbalisé, nous profitons aussi de ces moments ensemble. Car dans quelques semaines, je devrais regagner l’académie, et je ne sais pas exactement quand je pourrais repasser à Almia. Alors, nous profitons de chaque instant qui nous appartiennent. On apprend à se découvrir, et chaque nouveau moment me procure une nouvelle satisfaction.
Si Camille a informé ses amis, qui visiblement étaient déjà au courant des sentiments de l’infirmier, j’ai décidé d’en informer Aria. Après tout, c’est ma meilleure amie, je ne pouvais pas véritablement la laisser dans l’ignorance. J’ai commencé par un sms, enfin plusieurs, pour lui expliquer la chose. Dans les trois minutes qui suivaient, elle m’appelait, excitée comme une puce pour en savoir plus. Elle a d’abord tenu à voir une photo. Je n’en avais pas encore de personnelles dans mon téléphone mais via la fédération, il n’a pas été compliqué de lui montrer son visage. Elle a alors hurlé qu’il était beau gosse, et qu’il était temps que je me trouve quelqu’un. Je la reconnais bien là. J’ai ris à ses exclamations tout en essayant de la calmer. La conversation n’a pas pu durer une éternité puisque les cours allaient commencer, mais elle a raison sur toute la ligne. Je ne sais pas si ces deux-là se rencontreront un jour, mais cela promet.
Pour le reste, rien n’a vraiment changé. Je continue de donner mes cours, et en dehors de cette chambre, nos relations avec Camille restent professionnelles et amicales, comme les élèves et le corps enseignant nous ont connu depuis mes débuts à l’académie. Je dois avouer que parfois, c’est tentant de glisser ma main dans la sienne, ou de lui voler un rapide baiser, mais nous avons pris une décision qui certes est parfois frustrante, mais nécessaire pour me permettre de finir mon alternance calmement. J’ai envoyé mon rapport de mi-alternance à Diana, qui a eu l’air plutôt satisfaite. Elle m’a aussi informé de la décision de la municipalité d’arrêter de subventionner une des écoles. Un coup dur pour tout le monde auquel je ne m’étais pas préparée. A priori, cela ne me concernera pas, ayant déjà quitté l’académie au moment de la potentielle fusion. Mais je ferais de mon mieux, à mon échelle, pour que la Pokemon Community ne disparaisse pas. C’est grâce à elle que j’en suis là, je ne peux pas l’oublier.
Mais pour l’instant, tout ce que je peux faire, c’est continuer d’enseigner à Almia. Et aujourd’hui, avec l’aide de Donna et Camille, nous allons réaliser un cours mêlant théorie et pratique, mais surtout ranger et médecin ! Je suis contente du résultat, en espérant qu’ils plaisent autant aux élèves qu’il nous a plu à le préparer. Nous sommes arrivés un peu plus tôt que le petit groupe dont j’ai la charge pour les attendre dans la salle de classe. Nous nous adressons un sourire discret avec le garçon, comme pour se rassurer que tout va bien se passer. Donna se charge surtout de nous encadrer, plus en retrait. Ma présence lui permet de se reposer et de préparer d’autres examens, notamment pour monter en grade dans l’école et en prendre, dans un futur plus ou moins proche la direction. Au final, tout le monde y est gagnant.
Les élèves entrent un à un dans la salle, tous surpris de découvrir l’infirmier également présent. Les murmures s’intensifient, si bien qu’une fois tous installés, ils ne s’arrêtent pour autant pas de parler. Je suis obligée de frapper dans mes mains pour retrouver l’attention du groupe.
— S’il vous plait un peu de calme, nous allons commencer.
— Idalienor, pourquoi Sully est avec nous ? Il va nous donner cours ?
Le garçon ne peut réprimer un ricanement face aux élèves autant perturbés par sa simple présence, ignorant presque qu’ils l’ont appelé une fois de plus par son second prénom. Je souris également avant de reprendre.
— Comme vous le savez, ma première spécialité c’est la médecine. La spécialité ranger est arrivée en second dans mon parcours. Pour Camille, c’est l’inverse. Il est ranger avant d’être médecin. Ensemble, nous allons donc vous donner un cours d’initiation à la spécialité médecine dans le cadre de l’exercice d’une activité ranger.
Des sourires naissent sur leur visage, visiblement conquis par cette idée. Ils sont encore trop jeunes pour choisir une seconde spécialité, les cours de médecine ne leur sont donc pas accessibles officiellement. Mais les initier maintenant peut peut-être faire naitre des vocations. Il ne faut pas manquer cette chance. Toutefois, je me permets d’ajouter une dernière information.
— Comme vous l’aurez compris, nous enseignerons donc ce cours à deux, Camille et moi. Il sera donc votre professeur le temps d’une journée. Il n’est donc pas question de l’appeler Sully à longueur de temps. Nous vous permettons de nous appeler par nos prénoms, mais vous devez respecter certaines règles d’usage. Exactement comme vous l’avez toujours fait pour moi, mais pour lui.
Certaines moues boudeuses se profilent tandis que Camille ne peut s’empêcher d’être amusé. Même si cette petite plaisanterie ne l’atteint plus directement, j’imagine qu’il n’est pas mécontent qu’on l’appelle par son véritable prénom. Une fois les bases posées, le cours peut commencer. Les élèves découvrent donc le tableau en craie derrière nous, pour l’instant vide.
— Le cours se composera de deux parties. Une partie théorique et une partie pratique. Pour commencer, vous allez tous venir un par un au tableau et inscrire à tour de rôle ce que vous pensez nécessaire dans une trousse de soin complète pour partir en expédition ranger, dans un endroit coupé de toutes civilisations à proximité directe. Emma tu commences ?
Je lui tends la craie, l’invitant à venir au tableau. Elle finit par s’en saisir et reste plantée devant, sans rien noter, sous le regard attentif de l’ensemble de ses camarades.
— Emma il n’y a pas de piège tu sais. Tu as pas mal de choix.
— Justement, j’ai trop de choix, je ne sais pas par où commencer !
— Ahah détends toi, il n’y a pas d’ordre à avoir. Réponds juste à la question tranquillement.
Après un nouvel instant d’hésitation, la rouquine finit par inscrire sur le tableau « pansements ». La base de la base effectivement, mais nécessaire. Cependant, un petit rire s’échappe de la bouche d’un autre des élèves. Cette fois-ci, Camille intervient le premier.
— Qu’est-ce qu’il y a de drôle Ray que tu veux nous partager ?
— Rien rien, c’est juste que c’est pas avec ça qu’on va aller très loin pour sauver quelqu’un.
— Alors Ray puisque tu te crois si malin, vient noter quelque chose.
Le garçon récupère la craie, Emma lui adressant au passage son meilleur tirage de langue. Devant le tableau, il ne perd pas une seconde et inscrit lisiblement son idée, de quoi nous surprendre tous les deux.
— Un défibrillateur ?
— Oui, c’est ce que j’ai noté.
— Je vois bien ça Ray, mais pourquoi avoir écrit ça ?
— C’est vous la médecin pas moi, vous savez à quoi sert un défibrillateur ?
— Ray ne soit pas insolent avec Idalienor !
— C’est bon Camille c’est bon, laisse-moi gérer. Oui, je sais à quoi sert un défibrillateur je te remercie. Mais je te demande pourquoi, vu la consigne que je t’ai donnée, tu as écrit ça en premier ?
— Parce que les causes de décès sont quasiment toutes dues à des arrêts cardiaques. Le massage cardiaque seul n’est pas suffisant et une machine comme ça est nécessaire pour faire repartir le cœur. Alors je pense qu’avec ça, on a plus de chance d’aider un maximum de personne.
Les autres élèves se regardent, perplexes, incapables de suivre le raisonnement du garçon. Rien d’étonnant. Je l’avais déjà remarqué, mais il est très intelligent. Trop pour les autres enfants de son âge qui ne raisonnent pas du tout comme lui. Mais pour autant, il n’a pas raison sur toute la ligne.
— Ce que tu dis n’est que partiellement juste. Certes, la définition théorique de la mort comprend l’arrêt du cœur, et un défibrillateur permet d’essayer de l’éviter. Mais dans le cadre d’une expédition ranger comprenant des blessés, il est très peu probablement que l’arrêt cardiaque soit le premier symptôme contre lequel tu devras lutter. L’arrêt du cœur ne survient qu’après une succession d’événement ou de blessures. Et dans ce contexte, surtout en premier lieu, un appareil comme ça te serra parfaitement inutile.
Ray laisse échapper un soupire d’agacement, toujours planté devant le tableau. Il a voulu être plus malin que les autres, mais il a été pris à son propre piège. Mais mon explication ne s’arrête pas là. J’aimerais obtenir la bonne réponse, maintenant qu’il y en a une.
— Est-ce que quelqu’un saurait me dire, suivant l’idée lancée par vos deux camarades, quel est en réalité la première chose à avoir absolument ?
Un grand silence survient dans la salle, puis une main se lève.
— Norman, tu as une idée ?
— Je pense oui.
— Alors viens nous l’écrire.
Le garçon aux cheveux blancs se lève et récupère la craie des mains de son ami pour à son tour inscrire quelque chose. Un sourire nait sur mon visage et celui de Camille. Nous y voilà finalement.
— Exactement Norman. Le désinfectant. Voilà la première chose à laquelle vous devez penser face à une plaie ouverte. Vous avez tendance à minimiser son importance. Mais si un jour vous êtes bloqués dans une zone pendant un certain temps et que l’un de vos équipiers ou vous-même êtes blessés, votre plus grand risque repose sur une infection. Elle se propagera alors dans le corps et là, vous risquez l’arrêt du cœur. Le désinfectant est la seule façon d’éviter cette situation. Vous pouvez aller vous rassoir.
Sur le tableau nous avons donc trois éléments. Je me permets de laisser le défibrillateur malgré tout. L’idée n’est pas mauvaise, mais nous verrons plus tard qu’elle est à nuancer. L’infirmier reprend la main sur la suite.
— Nous allons reprendre les inscriptions. Cette fois, nous n’allons pas vous interrompre. Ecrivez les uns après les autres jusqu’à ce que vous soyez à court d’idées. Don c’est à toi !
Norman regagne sa place, Emma lui adressant un check au passage. Ces trois là forment un groupe particulier mais amusant à observer. Finalement, chacun commence à inscrire des éléments. L’hésitation du début n’est plus présente et ils prennent l’initiative de remplir les cases une à une. Si au début les éléments sont à peu près normaux, petit à petit ils ajoutent des choses plus tirées par les cheveux, comme si personne ne voulait craquer. Lorsqu’enfin survient un blanc de la part des élèves, j’en profite pour les interrompre.
— Visiblement, vous avez noté tout ce qui vous vient pour l’instant. Dans cette liste, il y a certains éléments qui ne sont pas des plus utiles pour une trousse de soin. On va les enlever.
La discussion avec les élèves reprend pour retirer certaines idées un peu hors sujet. Certains ont fait une liste de vêtements pour compléter la couverture de survie, d’autres ont listé des boissons sucrées pour éviter les hypoglycémies. Enfin, l’un d’eux m’a même parlé de produits énergétiques puissants pour ne pas s’endormir et je cite « se faire dévorer pendant son sommeil ». Une fois le tableau déjà un peu plus clair, Camille reprend la parole.
— Ce qu’il reste désormais est relativement satisfaisant, mais on va avoir un souci.
Depuis derrière le bureau, l’infirmier sort un imposant sac à dos, jusque là caché aux yeux des étudiants. Ils l’ouvrent et en montre rapidement le contenu.
— Tout ce que vous avez listé se trouve là-dedans. Gilda s’il te plait, veux-tu venir mettre ce sac sur ton dos ?
— Euh…oui j’arrive Camille…
L’élève un peu timide se présente devant le tableau et commence à essayer de soulever le sac. Déjà, les premières difficultés apparaissent. Pour appuyer sa leçon, Camille le soulève pour elle.
— Je vais le mettre sur ton dos d’accord ?
Finalement, le basané place le sac sur le dos de Gilda et aide à l’accrocher correctement avec toutes les lanières. Le visage de la jeune fille est comme tétanisé, trop concentrée. Les autres la regardent étrangement, ne comprenant pas vraiment ce qu’il se passe.
— Tu veux bien aller au fond de la salle maintenant ?
— Ce n’est pas que je ne veux pas mais…je ne peux pas…c’est trop lourd…j’ai peur que si je bouge, je tombe à la renverse.
— Rien d’étonnant à ça, je vais te l’enlever.
Pendant que Camille déséquipe la pauvre Gilda, je prends la parole pour continuer le cours.
— Si nous mettons tout ce que vous avez inscrit au tableau, le sac pèse plus de 7 kilos. C’est énorme, d’autant plus qu’il n’y a que le matériel médical là-dedans. Vous aurez aussi besoin de vêtement de rechange, de matériel particulier au ranger, de vos pokeballs et j’en passe. En clair, vous ne pouvez pas partir avec tout ça. Il va falloir faire du tri. Maintenant, on va essayer de retirer ce qui n’est pas essentiel pour rendre ce sac portable par tous !
L’exercice devient tout de suite différent dans l’esprit des élèves. L’objectif n’est plus le même, et porter ce sac doit devenir réalisable et ne pas laisser la totalité de la classe sur le carreau, dans le même état que Gilda. Les réflexions fusent entre chacun pour se décider de ce qui est essentiel, nous obligeant avec Camille à recadrer régulièrement leur réflexion, leur évitant de partir dans tous les sens. Petit à petit, des objets se retirent et finalement nous parvenons à un résultat satisfaisant. Chacun des membres du groupe vient porter le sac, réalisant que même s’il pèse un poids, c’est réalisable. De quoi leur redonner la pêche.
L’heure tourne et il me reste une dernière partie du cours théorique à leur enseigner avant de passer à la pratique.
— Très bien, ce sac est vraiment pas mal. Mais il y a quelque chose que vous avez négligé et qui pourtant pourrait vous aider à résoudre une partie de vos problèmes. Comme vous l’avez vu, vous avez du enlever une partie des médicaments. Mais qu’est-ce qui pourrait remplacer des médicaments ?
Un nouveau silence intervient. Camille et moi nous nous fixons en souriant. Le cours se déroule bien et les oblige à réfléchir différemment par rapport à ce qu’ils font d’habitude. On doit les pousser un peu dans leur retranchement pour obtenir le meilleur. Les yeux pleins d’étoiles, Emma se lève avec précipitation avant de crier dans toute la classe.
— Je sais !!! Les plantes médicinales !
— Pas la peine de crier Emma on a entendu je crois
— Effectivement, inutile de crier mais c’est bien ça ! Avec de l’apprentissage et quelques guides, vous comprendrez que cette science peut vous aider dans de multiples situations, remplaçant certains de nos médicaments traditionnels.
Je n’ai pas le temps d’en ajouter plus que la sonnerie retentit, signant la fin de la matinée. Voyant les élèves déjà s’agiter, je leur adresse tout de même un dernier mot.
— On se retrouve dehors au point de rassemblement après la pause déjeuner. Ne soyez pas en retard pour la partie pratique !
***
Camille et moi sommes pour le moment satisfait de notre cours commun. Les élèves ont eu l’air de s’intéresser aux bases de la médecine dans un cadre ranger et les interactions ont mené à de bonnes réactions. Nous avons profité de la pause pour discuter tous les deux, Donna s’étant éclipsée. Apparemment ses oraux tombent tout bientôt donc elle profite de chaque moment de pause pour réviser à fond. De quoi nous arranger avec le blond. A l’abri des regards, nous avons pu être un peu plus proche qu’à l’accoutumée à cette heure-ci de la journée. Une petite parenthèse avant la nouvelle sonnerie pour annoncer la reprise.
Tous dehors, les 13 élèves du groupe présent devant nous, nous pouvons reprendre. Sur nos consignes, les étudiants forment des groupes de 2, et un groupe de 3. L’exercice n’est pas bien difficile mais il devrait les occuper toute la journée. A tour de rôle, je leur distribue une photo avec une plante dessus. Chacun la regarde sous tous les angles, attendant plus de précisions.
— Vous avez tous reçu une carte différente, représentant une plante médicinale basique. Vous aurez l’après-midi pour découvrir son nom, ses effets, et où la trouver dans le périmètre habituel utilisé par l’école. Une fois découverte, vous devrez nous présenter une situation dans laquelle elle pourrait vous être utile, en rapport avec les missions rangers.
— Vous aurez trois heures à partir de maintenant pour réaliser cet exercice. Soyez méthodique et efficace. Ensuite, nous partagerons les résultats de chacun. Le but est qu’en finissant cette journée vous connaissiez les plantes médicinales les plus classiques. Sur ce, je ne vous retiens pas plus longtemps. C’est parti !
Les groupes se dispersent pour discuter un instant entre eux. Fort heureusement, ils ont tous eu la même idée. Chercher dans la bibliothèque de quelle plante il s’agit. D’autres ont utilisé leur téléphone mais au final le résultat recherché est le même. Savoir quoi chercher et où chercher. Comme ils n’ont aucune base pour l’heure, les recherches prennent leur temps et avec Camille, nous nous contentons de discuter tranquillement en les attendant avancer. Lui commence déjà à parier sur les binômes gagnants, qui va revenir avec un petit bobo ect. Il les connait mieux que moi, je ne peux pas lui en vouloir. Et puis lui-même a grandi dans cette école, je ne permets donc aucune réelle remarque. S’il venait à la PC, il ne comprendrait sans doute pas non plus notre fonctionnement.
Au bout d’un petit moment, les premiers commencent à se diriger vers la zone balisée de l’école. Elle est assez large mais normalement sans risque, utilisée habituellement pour tout type d’entrainement. Nous avons vérifié la veille avec l’infirmier que toutes les plantes que nous leur avons données sont bien présentes dans la zone, de quoi leur simplifier la tâche. Ou en tout cas la rendre possible. Car chercher des plantes quand on n’en a pas l’habitude n’est pas chosé aisée. Et ils vont le découvrir à leur dépend.
Petit à petit, les groupes reviennent. Impossible pour Camille et moi de ne pas réprimer un petit sourire. Certains sont couverts de terre de la tête aux pieds. A se demander comment ils ont réussi. Ils râlent, se pleignent de la difficulté de l’épreuve, mais au final dans chaqye regard je peux lire la fierté d’avoir réussi. Les groupes s’assoient devant nous pour maintenant réfléchir à leur utilisation la plus pratique en cas d’urgence. Le temps est quasiment écoulé que tout le monde est revenu.
Tout le monde sauf un groupe. Celui de Norman, Emma et Ray.
17 heures, ils ne sont toujours pas revenus. Inquiets, nous commençons à questionner les autres.
— Est-ce que vous les avez croisés pendant vos recherches ?
— Ils étaient à la bibliothèque avec nous. Ils ont sorti plusieurs livres différents je crois, puis ils en ont choisi un et sont partis. Après on ne les a plus croisés.
Malheureusement, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés. Nous allons devoir nous lancer à leur recherche mais on risque d’en avoir pour un moment, la zone à ratisser étant assez large. Mais avant que je ne puisse envisager l’hypothèse avec Camille, il se redresse d’un seul coup avant de demander aux enfants.
— Est-ce que quelqu’un peut me décrire la couverture du livre qu’Emma Norman et Ray ont emprunté ?
— Euh…je ne suis pas très sûre mais il me semble qu’elle était bleue foncée, avec des reliures dorées. Il avait l’air vraiment ancien par contre.
— Ok… Gilda, va chercher Donna en salle de pause et dis-lui qu’elle doit venir vous surveiller en attendant notre retour. Je compte sur toi
Tout va très vite, et j’ai à peine le temps de le suivre dans son raisonnement qu’il est déjà parti en courant en direction de la forêt. Je lance un regard perdu mais appuie tout de même ses propos.
— Gilda fais ce qu’il t’a demandé. Restez sage s’il vous plait
— Euh oui Idalienor je vais le faire mais qu’est-ce qu’il se passe ?
Je ne lui ai pas répondu malheureusement, occupée à rattraper Camille lancé à pleine vitesse. Je n’aime pas avoir ses pensées, mais à le voir courir comme ça je suis déjà inquiète. Pas pour les enfants, mais pour lui. C’est comme si au fond de moi j’entendais déjà chacun de ses muscles meurtris hurler de douleur. Et c’est probablement ce qu’il ressent aussi, sans le dire. Une fois revenue à sa hauteur, je lui attrape la main pour le forcer à s’arrêter.
— Calme toi Camille et explique-moi à quoi tu as pensé
En le stoppant, j’ai probablement provoqué une rechute légère de l’adrénaline. Très vite, une expression douloureuse s’affiche sur son visage avant qu’il se mette à fixer le sol.
— Je suis désolé, j’ai réagi sans réfléchir…
— Excuse acceptée, maintenant explique moi et dis-moi comment je peux t’aider
— Le livre qu’ils ont choisi n’est pas tout à fait classique. Ils relatent les premières théories sur l’efficacité des plantes par rapport à leur milieu. Aujourd’hui, il n’est plus très utilisé car beaucoup de ses hypothèses ont été réfutées. Mais la bibliothécaire souhaite absolument le conserver.
— D’accord mais s’ils sont restés dans la zone il ne devrait pas y avoir de problèmes…à moins que tu penses que…
— On parle de Norman, Emma et Ray. Ils ont forcément brûlé la consigne, du moins de manière subtile afin de prouver qu’ils ont réfléchi plus loin que les autres. Leur intelligence les perdra. Mais chance pour nous, je connais très bien ce livre. On leur a donné la primevère officinale. Ils auraient pu en trouver dans la forêt. Mais cet ouvrage mentionne une meilleure efficacité si cette dernière a poussé tout proche de la mer, entre les rochers.
— Si je me souviens bien, il n’y a pas de plage dans la zone balisée, mais elle s’arrête proche d’une falaise qui donne sur le sable et…une petite grotte non ? C’est ça qu’ils cherchent tu penses ?
— Oui, j’en suis même sure. A l’époque, j’y étais allé avec Noé, Mickael Azel et Isac. Cette plante pousse effectivement là-bas mais cette grotte est submersible en fonction de la marée. Et vu l’heure, si on ne les sort pas maintenant ils vont rester bloqué et j’ai peur que…
— D’accord d’accord Camille je comprends, alors allons-y, mais fais attention à toi s’il te plait. Et je suis là, avec toi, ne l’oublie jamais.
— Merci Idalienor…
Sa main se glisse un court instant dans la mienne et nous nous remettons à marcher rapidement en direction de la falaise. J’aimerais lui dire de ralentir, de faire attention à lui, de ne pas ignorer les signaux que lui envoient son corps, mais je n’y arrive pas. Il a peur. Peur pour ses élèves. Je comprends cette angoisse. Alors je ne peux que veiller sur lui et être là pour le rattraper s’il venait à tomber.
Nous finissons par arriver au bord de la falaise. Comme dans mes souvenirs, une grotte se distingue mais déjà le niveau d’eau est assez haut, de quoi nous inquiéter. Camille transpire déjà beaucoup, son corps luttant contre la douleur. Sans plus attendre, je le vois se diriger vers les rochers pour commencer à descendre.
— Camille arrête tu vas finir par te blesser. Un pokemon peut nous aider à descendre…
— On n’a pas le temps…
— Si tu finis par t’évanouir à cause de la douleur, on aura effectivement plus le temps !
Comme si ma voix plus élevée avait réveillé quelque chose en lui, il se fige un instant, interdit. Dans le même temps, un flash lumineux partant de sa ceinture nous éblouie, dévoilant un imposant Libegeon. Je n’avais jamais trop vu ses pokemons, et je ne m’attendais pas à une telle apparition. Son pokemon le regarde durement jusqu’à ce qu’ils baissent la tête, résigné.
— J’ai compris, aide-moi à descendre s’il te plait Lib’
Le pokemon volant nous attrape tous les deux pour nous faire descendre la falaise jusqu’à l’entrée de la grotte, complètement recouverte. L’eau est déjà très haute, nous allons devoir nager pour aller les chercher. Fort heureusement j’ai un Lokhlass, capable de nous aider un peu. Il est évident que sa priorité sera les trois enfants. Mais il est également là en soutien, c’est rassurant. Vite, nous plongeons la tête sous l’eau pour commencer à nager. La marée est une chose effrayante quand on ne la maitrise pas. Et bien vite, nous comprenons qu’à quelques minutes près, les choses auraient pu virer au drame.
Nous apercevons vite les trois enfants. Heureusement, ils n’ont pas paniqué et se sont laissés flotter pour récupérer le plus d’air possible. Mais l’espace qu’il leur reste est réduit et ils vont bientôt manquer d’oxygène. Je hurle à leur attention.
— Plongez et accrochez-vous à mon Lokhlass !!! Il va vous ramener dehors !
Ils s’adressent tous les trois un regard soulagé avant de prendre une grande inspiration pour disparaitre dans l’eau. Je sens un courant se créer non loin de mes jambes, signe que mon monstre marin se déplace pour les ramener rapidement de l’autre côté. Quant à Camille et moi, nous nous prenons instinctivement la main pour en faire de même en nageant. Nos corps d’adulte et notre expérience nous permettent de retenir notre respiration suffisamment longtemps pour réussir la traversée sans échapper à la noyade. La cavité n’est heureusement pas très profonde, de quoi nous permettre d’éviter la catastrophe.
De retour à l’air libre, le Libegeon de Camille s’empresse de faire les allers-retours pour ramener tout le monde en haut de la falaise, trempés comme des soupes, les vêtements collants. Assis sur le sol, les trois enfants se regardent, incapable de savoir quoi dire. J’imagine que plein de choses leur passe par la tête, mais au moins ils n’ont pas l’air en état de panique. Il faudra quand même surveiller ça dans les jours à venir mais leur sang froid est impressionnant. Surement dû à leur grande intelligence.
Mes yeux se reportent sur Camille et automatiquement mon cœur se serre, gagnée par l’angoisse. Il est debout certes, mais il se tient à son Libegeon, les jambes tremblantes, la respiration lourde. Plus que la nage, c’est la douleur accumulée dans ses jambes qui doit être un supplice. Je m’approche de lui, hésitante. On est devant les enfants, mais la crainte prend le dessus. Je me penche vers lui, tétanisé.
— Camille, rentre à l’école et va te reposer. Je m’occupe de ces trois-là.
— Je ne peux pas te laisser gérer toute seule…
— Ne dis rien, et laisse-moi faire. Tu dois penser à toi. Tu ne tiens plus debout, tu souffres, et tu ne tiens pas à ce qu’ils te voient comme ça non ? Alors rentre, je suis sûre que Lib’ est d’accord avec moi.
Le dragon hoche la tête vigoureusement et presse déjà son dresseur de remonter sur sa monture volante pour regagner sa chambre. Le basané soupire avant de se laisser faire, à bout de force. Rapidement, il décolle pour nous laisser seul avec Emma, Norman, Ray. Les trois me regardent, attendant leur sort sans rien dire, tremblant à cause de leurs vêtements humides. Il fait certes soleil mais pas assez pour que leurs habits sèchent naturellement. Je détache de ma ceinture une pokeball avant de libérer Zeno. Il devrait pouvoir nous aider un peu.
— Est-ce que tu veux bien libérer un peu de chaleur pour commencer à faire sécher nos vêtements ? Ensuite tu iras directement à l’école prévenir Donna que tout le monde est sain et sauf, et que le cours reprendra demain pour le bilan.
En quelques instants, le pokemon s’exécute et après nous avoir réchauffé, par en quelques bonds en direction de l’école. Plus qu’à m’occuper de ces trois-là. Emma finit d’ailleurs par craquer, ne supportant surement plus la pression du silence.
— Vous…ne nous grondez pas ?
— Et pourquoi je vous gronderais ?
— Parce que…ce qu’on a fait était irresponsable.
Norman s’est exprimé le premier, reconnaissant sans mal ses torts. La rouquine hoche la tête pour le confirmer. Même le noiraud finit par suivre et opinant, ravalant sa fierté.
— Je crois qu’avec ce que vous avez vécu, vous avez compris, je n’ai pas besoin d’hurler. Vous êtes tous les trois extrêmement intelligents, et d’une certaine façon vous avez voulu bien faire. Mais vous avez oublié plusieurs éléments. D’abord, vous auriez dû regarder la date d’édition du roman qui vous a servi de référence. En le faisant, vous auriez surement vu qu’il était très daté et que les informations à l’intérieur ne sont pas exactes. S’agissant des Primevères officinales, aucune étude n’a été capable de démontrer une meilleure efficacité en milieu marin…
Je vous leur visage se décomposer, signe qu’ils regrettent d’en avoir fait autant pour ça. Ils cherchaient simplement un bon résultat, pas spécialement à faire les malins. Et ils réalisent qu’ils ont fait tout ça pour rien.
— Ensuite, s’il y a des consignes de sécurité, c’est pour quelque chose. Si cette falaise n’entre pas dans la zone balisée, c’est parce qu’elle est risquée. En période de marée haute, elle se retrouve submergée. Vous auriez pu finir noyer si nous n’étions pas arrivés à temps. Vous avez eu beaucoup de chance que Camille soit un ancien élève d’ici. Non seulement il a compris dans quel ouvrage vous aviez cherché, mais en plus il a su exactement où vous chercher. Il s’est énormément inquiété pour vous et n’a pas hésité une seule seconde à se mettre en danger pour vous.
A mes mots, je ressens la honte dans les yeux des deux garçons et la tristesse dans ceux de la rouquine qui a déjà les yeux humides. Tous les élèves apprécient l’infirmier, et lui faire du mal ne les enchantent absolument pas.
— Demain, vous irez vous excuser pour votre comportement. En espérant que tout ça vous serve de leçon. En attendant pour demain matin, tandis que les autres présenteront leurs plantes, vous nous ferez une présentation sur le phénomène des marées et le danger qu’elle représente. Que votre erreur serve à tout le monde. Maintenant direction l’école, vos camarades doivent aussi s’inquiéter pour vous.
Les enfants se relèvent et marchent devant moi en silence. La leçon a été dure mais je pense qu’elle a été comprise. Au final, plus de peur que de mal, de quoi tous nous soulager. Une fois de retour à l’académie, Ray et Norman s’avancent vers les dortoirs tandis qu’Emma reste immobile.
— Emma, quelque chose ne va pas ?
La petite se retourne avant de me demander, un peu gênée.
— Est-ce que Camille et vous…vous vous aimez ?
Je la vois hésitante dans sa question, mais à peu près sûr de sa réponse. Je soupire avant de la regarder avec un sourire.
— Et si c’était le cas, qu’est-ce que cela ferait ?
— Rien de spécial. Je trouve juste que vous êtes beaux ensembles.
Avant que je ne puisse répliquer quoi que ce soit, l’enfant part en courant elle aussi en direction du dortoir. En espérant qu’elle n’aille pas cafter à l’ensemble du dortoir. Mais je crois que là tout de suite, c’est bien le dernier de mes soucis. Donna ayant compris mon retour est déjà entrain de se diriger vers moi à grand pas. Je dois lui faire mon rapport avant d’aller à mon tour me changer et profiter d’un repas bien chaud.
***
Toute l’équipe professorale s’est étonnée de ne pas voir Camille au diner du soir, lui qui n’est pas du genre à faire bande à part sauf s’il sort avec ses amis. Après la fin de notre cours pratique, il a regagné rapidement sa chambre avec l’aide de sa Libegeon. Il souffrait sans vouloir le dire, et je suis la première à comprendre sa volonté de ne pas se montrer comme ça, particulièrement face à des enfants. Il est l’une de leur figure référente, et forcément, il ne veut pas se permettre de flancher. Je ne sais pas ce dont les élèves sont au courant, mais la majeure partie de son histoire doit être un secret pour eux. Et c’est probablement mieux comme ça. Les étudiants sont conscients des risques des missions rangers. Mais Camille n’a pas forcément envie d’en être l’illustration pour tous.
Toutefois, je m’inquiète pour lui. Après avoir mangé en vitesse, je demande au cuisinier de mettre une part de côté pour que je puisse l’emmener à Camille. Sans pouvoir me défiler, j’annonce à Donna que je vais juste voire si tout va bien, puis quitte le réfectoire, repas en main. Les élèves sont soit au réfectoire soit dans leurs chambres. Je ne croise donc pas grand monde en direction du couloir du personnel. Après m’être assurée une dernière fois que personne ne m’a suivi, je rentre doucement dans la chambre du basané comme j’ai désormais l’habitude de le faire.
L’explication de son absence est toute trouvée. Il s’est endormi dans son lit, partiellement dévêtu de ses vêtements du jour. La journée a dû être fatigante pour lui physiquement, cela ne m’étonne pas tant que ça. Ce qui attire plus mon attention, c’est la posture qu’il adopte. Il est complètement recroquevillé sur lui-même, le visage tordu avec de faibles gémissements s’échappant de sa bouche. Je me mords la lèvre. Il a mal c’est certains, et son esprit a décidé de lui jouer quelques tours pendant son sommeil. J’aurais dû rester avec lui dès le début, plutôt que de le laisser seul. Je dépose au hasard le repas lui étant destiné, quitte mes chaussures puis m’assoie sur le bord du lit. Doucement, je laisse mes doigts courir sur ses cheveux pour essayer de l’apaiser. Une goutte de sueur dévale déjà le long de son front.
— Camille, je suis là, tu peux te détendre. Ça va aller…
Je murmure doucement tandis que mes gestes se font plus appuyés, en espérant que tout cela lui parvienne même dans ses rêves. Petit à petit, je sens ses muscles très légèrement se détendre tandis qu’il ouvre faiblement les yeux, réalisant petit à petit où ils se trouvent. Il n’ose d’abord pas bouger, attendant probablement d’avoir l’esprit plus présent, avant de finalement lever la tête vers moi.
— Idalienor…
— Oui c’est moi. Je suis désolée, je n’aurais pas dû te laisser seul
Je lui souris tendrement pour le mettre en confiance. Il finit par se redresser pour s’appuyer contre le mur de sa chambre, soupirant. Ce sommeil qui aurait dû être réparateur l’a en fait plus fatigué qu’autre chose. N’osant pas briser le silence, j’attends que Camille le fasse pour moi.
— Ne t’excuse pas. C’est moi qui suis désolé. Quand j’ai mal, ma tête a vite fait de suivre…
— Pourquoi tu t’excuses ? Tu n’y es pour rien. Est-ce que tu veux…m’en parler ?
— Je ne voudrais pas t’inquiéter inutilement. Et puis…
— Et puis ?
— Je ne veux pas que tu me trouves faible
— Tu plaisantes Camille ? Jamais je ne te trouverais faible. Je te rappelle que tu parles à celle qui le jour de notre rencontre t’a déballé toutes ses faiblesses physiques, dont certaines que j’ai mis des années à accepter. Je veux te connaitre dans ton intégralité. Lorsque tu vas bien, mais aussi lorsque ça va moins bien. Mais jamais je ne te trouverais faible. Je suis là pour toi, ne l’oublie jamais.
Mon regard se fait beaucoup plus sérieux. Je ne veux pas qu’il pense ça de lui. Jamais. Parce que même si cela ne fait pas si longtemps que nous nous connaissons, je sais ce que je sens et ressens. Délicatement, il glisse ses doigts dans les miens avant de sourire.
— Pourquoi tu ne m’as pas trouvé plus tôt Idalienor ?
— Pourquoi tu ne m’as pas trouvé plus tôt Camille ?
Nous rions de bon cœur ensemble face à cette double réplique puis lorsque nous sommes calmés, je laisse le basané commencer.
— Comme tu l’as compris, notre groupe a eu un accident il y a bientôt deux ans lors d’une mission.
— Oui, Noé l’a évoqué mais il m’a dit qu’il n’avait pas le droit de m’en parler.
— En théorie il a raison. Mais je te fais confiance sur le fait que tu ne révèleras pas ce que je vais te dire.
— C’est une évidence.
— Nous avons été envoyés au Mont Argenta tous les cinq suite à l’apparition de mouvements de pokemons anormaux. Cette zone est un peu comme une zone de non droit, difficile d’approche. La Fédération nous a choisi pour nos compétences, particulièrement en groupe. Nous nous étions déjà illustrés dans d’autres missions. Il ne devait donc pas y avoir de problème.
Je comprends que le blond est en train de faire un effort particulier pour se plonger dans ces souvenirs du passé.
— Rapidement, nous avons eu la certitude que ces mouvements étaient dus à une activité humaine. Quelque chose d’interdit. Mais nous ne sommes pas policiers. Alors nous avions prévu, d’essayer d’en apprendre un peu plus puis de rentrer pour dresser notre rapport. Mais en vérité, on nous avait déjà repéré depuis longtemps.
— On ?
— Je ne peux pas t’en dire plus, je ne le sais pas moi-même. Tout est allé très vite. Nous avons été attirés dans un piège…à base d’explosif très puissant.
Je sens mon cœur louper un battement à la simple idée d’imaginer Camille et les autres soufflés par une explosion préméditée. Petit à petit, les pièces du puzzle s’assemblent. Je sers la main de l’infirmier plus fort, prête à écouter la suite.
— Nous avons tous été soufflé par l’explosion, et gravement blessés. Seul Azel s’en est tiré avec des blessures superficielles. Il a été protégé par sa Sorcilence qui avait pressenti le danger, mais trop tard pour tous nous sauver.
— Que s’est-il passé…ensuite ?
— L’explosion nous a tous atteint de manière différente. Le corps de Noé a volé sur plusieurs mètres et son crâne a heurté un rocher. Isac, quant à lui, n’a pas été projeté aussi violemment mais il se tenait très près du détonateur. Ses oreilles ont subi de sévères dommages. Ils étaient tous les deux inconscients. Et Mickael…a reçu des projectiles dans les yeux. Il était dans un tel état de panique. Il hurlait encore et encore, c’était…
— Et…et toi ?
— Un gros morceau de roche a été décroché par l’explosion et s’est écroulé sur mes deux jambes, les broyant au passage.
Les yeux écarquillés, je ne peux que retenir mon souffle. Voilà d’où vient l’état des jambes de Camille. Quand Noé m’a dit qu’il ne savait pas s’il allait remarcher un jour, je comprends mieux ce qu’il voulait dire. C’est un miracle que le basané puisse aujourd’hui marcher comme il le fait après une blessure pareille.
— Comment…comment vous en êtes-vous sortis ?
— Azel était le seul en état de gérer ça. Comme j’étais le seul à avoir une formation médicale suffisante pour une situation comme celle-ci, je lui ai donné les consignes. Il a d’abord calmé Mickael, puis il lui a prodigué les premiers soins ainsi qu’à Isac et Noé. Ensuite… il s’est occupé de moi. La douleur était atroce. La seule chose qui me réconfortait c’était de me dire que si j’avais si mal, c’est parce que mes jambes étaient encore reliées à mon système nerveux et qu’elles n’étaient pas perdues.
— Il t’a fallu tellement de force pour réussir cet exploit…
— Sans sa Sorcilence, je n’aurais jamais réussi à rester éveillé. Mais il le fallait, pour qu’il retire le rocher mais surtout qu’il remette mes jambes en place en attendant les secours, dans l’espoir que je puisse remarcher un jour. Je vois encore son visage livide, terrorisé par mes hurlements, mais déterminé à aller jusqu’au-bout malgré la douleur. Au final, après avoir contacté la Fédération grâce à nos balises de détresse, nous avons tous été rapatrié dans l’hôpital le plus proche pour y être soigné.
— C’est… je ne sais pas quoi dire
J’ai beau visualisé grâce aux explications de Camille, je n’aurais jamais en tête les terribles images gravées à jamais dans l’esprit de l’infirmier. Cette scène digne des pires cauchemars de tout ranger leur est arrivé. Et cela me fait terriblement mal au cœur.
— Après les opérations, la rééducation a été longue, en tout cas pour Mickael et moi. Mickael a perdu l’usage de la vue pendant plusieurs mois et il m’a fallu des mois avant de pouvoir remarcher à nouveau. Isac a également été privé de l’ouïe pendant quelques temps après ses opérations. Cela a été un très dur combat. Pour plaisanter entre nous et relativer sur nos longs mois d’hospitalisation, on se rappelle que notre infirmière est devenue la petite amie de Noé. Elle est super, elle a beaucoup fait pour nous tous. J’espère que tu la rencontreras un jour.
— J’espère aussi, surtout si elle s’est bien occupée de vous. Et…pour Azel ?
— Azel n’avait que des blessures superficielles, mais il a été le plus marqué psychologiquement de nous tous. Aujourd’hui, même si cela n’en a pas l’air, il subit un fort stress post traumatique. Il est suivi pour cela, mais il faudra probablement plusieurs années à son esprit pour se reconstruire. Au final, nous nous sommes tous retirés d’une carrière de ranger à plein temps, par la force des choses. Mais nos nouvelles professions ont toutes un lien avec la Fédération, d’une façon où d’une autre.
— D’accord…mais il y a une chose que je ne comprends pas…
— Dis-moi
— Tu as parlé d’un accident au début. Mais tout ça n’a rien d’un accident. Vous avez été attaqué délibérément. Alors pourquoi ?
Pour la première fois depuis le début de la discussion, le visage de Camille se durcit terriblement, et sa main sert encore plus fort la mienne.
— Oui, c’est le cas. Mais nous n’avons jamais réussi à le prouver. Ces types étaient des professionnels. Ils n’ont laissé aucune trace, et nos témoignages n’ont pas suffi pour monter un dossier. Alors, tout a été requalifié en « accident au cours de l’exécution d’une mission ». Tu n’imagines même pas comme j’ai la rage. Pour Mickael, Isac, Noé et Azel et moi qui avons vu nos projets détruits en même temps que cette explosion et nos assaillants s’en sortir sans souci…
— Camille calme toi…
Ma main glisse le long de son visage pour essayer de détendre ses traits. Il est en colère, profondément en colère. Son regard ne me fixe même pas, comme s’il ne voulait pas me montrer cette haine qui l’habite. Et je ne peux que le comprendre. L’injustice est le pire des sentiments, j’en ai fait l’expérience récemment. Ils n’ont pas été cru, ni entendu. Et cela a du leur faire terriblement mal. Petit à petit, je le sens se détendre à nouveau, laissant courir sa main le long de mes hanches.
— Pardon, je me suis emporté.
— Ne t’excuse pas, ça se comprend. En tout cas…merci de m’en avoir parlé.
Il n’ajoute rien, se contentant de déposer un baiser sur mon front et de me serrer un peu plus contre lui. Je suis contente qu’il m’ait parlé de son histoire. Ça m’a fait du bien de lever ce voile de mystère sur lui et indirectement sur ses amis. Je sais que j’en ai encore beaucoup à découvrir, mais je me sens apaisée comme ça, malgré la gravité des faits. Seulement, mon travail n’est pas tout à fait fini. Tout proche de son oreille, je lui murmure.
— Allonge-toi, sur le ventre
— A quoi penses-tu ?
— Tu verras bien. Fais-moi confiance…
Le garçon s’exécute, désormais bien installé sur le lit, sa tête callée dans un oreille. A mon tour, je me place au-dessus de lui, sans pour autant m’assoir sur ses jambes pour ne pas lui faire mal. Fort heureusement, il est déjà en short, me simplifiant la tâche. Doucement, je dépose mes mains sur ses mollets et commence à le masser, comme j’ai appris à le faire à la Pokemon Community. Immédiatement, je perçois un soupir d’aise s’échapper de sa bouche puis quelques mots.
— Tu aurais dû me le dire…
— Ça n’aurait pas été amusant. Je te dois au moins ça, vu ce que tu fais pour mes bras. Est-ce que ça fait du bien ?
— Oui beaucoup, merci Idalienor…
Concentrée, je m’applique tout particulièrement pour détendre ses muscles un à un, tétanisés par l’effort fourni aujourd’hui. Sous mes doigts, chacune de ses cicatrices m’apparait encore plus clairement. Elle représente une partie difficile de son histoire, mais je ne peux m’empêcher de les trouver belles. Au bout de quelques minutes, je sens sa respiration plus régulière, apaisée, ne laissant plus aucun doute sur son état.
Il s’est endormi à nouveau.
Et là, tout près de lui, le sourire aux lèvres, j’ai l’impression de n’avoir jamais été aussi heureuse.
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Appréciation Pour une fois que j’ai droit à du doux, autant en profiter. Le découpage de l’alternance semble s’effectuer entre deux éléments précis : les interactions avec Camille et les autres Pnjs d’un coté, les cours de l’autre. Concernant les premières, c’est très mignon, et on a une sorte de chronologie inversée de ce qu’ont vécus Idalienor et Camille, ce qui justifie bien leur rapprochement. De l’autre côté, les cours sont bien détaillés et avec des élèves pareils, on a assez de péripétie pour que l’alternance fasse sens. Finalement, ce qui aurait pu être pas mal, c’est également une sorte de retour sur les expériences passées des Pokemons d’Idalienor. Un peu comme pour fignoler la boucle….Arès tout, eux aussi ont traversés les épreuves de Lansat, Alamos, Adala et bien plus encore ! On a toute une alternance sur la vision humaine de la chose, ce qui est très approfondi, mais ce genre de point de vue alternatif, ça aurait été un gros plus, je pense ! Alternance validée ! |