Ma tête callée contre ses genoux, il m’a fallu bien plusieurs minutes d’un long silence pour que mon cœur s’apaise de nouveau. Sa main contre mon crâne, caressant avec douceur mes cheveux, j’ai savouré chaque seconde, faisant comprendre à mon corps que le basané est de nouveau présent, avec moi. Qu’il n’a pas disparu. Qu’il ne m’a pas laissé. Nos discours et nos peurs se sont fait écho avec tellement de force en si peu de temps que cela été comme dévastateur. Je le revois encore il y a quelques jours se plaindre de mon absence de réponse sur une journée suite à l’incident dans la forêt. On peut dire qu’à ce jeu-là, il m’a vaincu haut la main. Mais je me suis assez énervée, j’ai assez pleuré. Ainsi, j’ai l’impression que mon esprit a retrouvé un certain équilibre tout contre lui.
Finalement, je finis par redresser la tête pour plonger mes yeux dans les siens, un doux sourire ornant son visage. Je sais qu’il n’est pas fier, qu’il va s’en vouloir, et ce n’est pas ce que je veux qu’il ressente, malgré mon coup d’éclat quelques heures plus tôt. Ma main vient se glisser dans la sienne, la serrant doucement.
— Je tiens tout de même à te présenter mes excuses pour tout à l’heure. J’ai manqué de sang-froid, alors qu’il s’agit quand même de la base pour un médecin ranger.
— Si cela peut te rassurer, je pense qu’à te place j’aurais crié plus longtemps, et j’aurais certainement moins bien choisi mes mots aussi. Alors ne t’excuse pas, c’est moi qui m’excuse.
— Dans ce cas-là, arrêtons de nous excuser. Laissons tout ça dernière nous. Maintenant cela appartient au passé. Et…Camille ?
— Oui ?
— Je voulais le redire, correctement cette fois. Je t’aime.
— Moi aussi je t’aime. Plus que tout.
Le visage cramoisi par cette déclaration d’amour réciproque, nous nous fixons un instant avant d’éclater de rire face au ridicule de la situation. Du ridicule qui fait du bien et qui détend l’atmosphère encore un peu pesante. Du coin de l’œil, je n’ai aucun mal à voir Isaac et Noé non loin en train de discuter tout en nous surveillant alors que Cael et Luth les rejoignent.
— Noé sait y faire avec les gens c’est impressionnant.
— Oui tu as raison. C’est grâce à ça qu’il a réussi à m’approcher il y a plus de 10 ans maintenant. Je n’étais pas très sociable de nature, et en plus je venais de perdre mon frère. Si je me suis inscrit à Almia initialement, c’est uniquement pour réaliser son rêve à lui de devenir ranger. Sans que je ne sache trop comment, Noé a compris mon mal-être et m’a abordé. Il m’a expliqué que lui-même avait perdu sa sœur ainée, décédée en mission. Ça nous a beaucoup rapproché.
— Lui aussi a vécu de sacrées épreuves, mais il arrive à toujours garder le sourire. C’est quelqu’un de très fort.
— Je l’admire beaucoup. Il a tendance à se dévaloriser à côté de nous alors qu’en réalité c’est surement le plus fort de la bande.
— Regarde-le, il arrive déjà à se lier avec Luth alors qu’il ne le connait même pas. Il a vraiment un don.
— Toi aussi tu n’as eu aucun mal avec lui, alors que c’est la première fois que vous vous rencontriez vraiment.
— Après tu sais j’ai beaucoup de frères et sœurs, et je suis l’aînée. J’ai deux sœurs et deux frères, et une demi sœur aussi qui aura bientôt 3 ans tout comme Luth.
— Ton papa s’est remarié après le décès de ta mère ?
— Hmm pas exactement. Il a eu Zia avec la sœur de ma mère.
Je vois bien à son visage que cette information ne le laisse pas tout à fait neutre, même si je n’y lis pas de honte ou de dégout particulier, mais plutôt de la surprise.
— Je suis désolé d’en avoir parlé si ce n’est pas un sujet avec lequel tu es très à l’aise.
— Ah non ne t’inquiètes pas tout va bien ! Moi aussi ça m’a fait bizarre quand je l’ai su, comme au reste de la famille. Mais on s’y est fait. Et puis tu sais, la sœur de ma mère vit avec nous depuis presque toujours, et elle a énormément aidé mon père après le décès de sa femme. Tout ça ne sort pas de nulle part. Tant qu’ils sont heureux c’est ce qui compte pour moi.
— Tu as raison. J’espère qu’un jour j’aurais l’occasion de rencontrer ta famille.
— Ca serait avec plaisir. Laisse-moi juste le temps de leur apprendre ton existence et ensuite on organisera ça ahah.
— Bien sûr. Ça risque d’être un peu moins festif avec mes parents mais tu es la bienvenue.
— Tu sais il est très probable que tout ce monde chez moi t’insupporte. Ils ont tous leur caractère après tout. J’adresse un autre regard vers les amis du ranger qui me souris en retour avant de revenir vers Camille. Tu veux qu’on aille rejoindre les autres là-bas ?
— Allons-y.
Le temps que je me relève, je le vois déjà placer ses mains sur les roues de son fauteuil pour se déplacer. Mais avant qu’il ne commence à forcer, je me place derrière lui puis me penche pour lui murmurer.
— Laisse-moi faire cette fois-ci, mais fais en sorte que cela ne se reproduise pas.
— C’est promis
Sans trop de difficulté, je parviens à emmener Camille vers ses amis, accompagnés de Cael et Luth. Le petit garçon dort déjà entre les jambes de son papa, surement épuisé par le sacré voyage qu’il a dû faire. Quant aux rangers, ils affichent un grand sourire sur le visage.
— Alors les amoureux vous nous faites l’honneur de votre présence ?
— Dis celui qui attend patiemment que sa chérie vienne le chercher
Le visage de Noé s’empourpre immédiatement sous les rires amusés de l’ensemble du groupe. En voyant la manière dont ils se sont tous installés, je m’adresse aux amis du basané pour leur demander.
— Est-ce que vous voulez bien m’aider à … le porter ?
Je n’ai pas besoin d’en dire beaucoup plus pour que les garçons comprennent où je veux en venir. A côté de Cael, je m’installe dos à l’arbre et attend que Noé porte Camille, ne comprenant pas trop ce qu’il se passe, puis le place délicatement entre mes jambes, callé contre moi. Sans attendre, je referme mes bras contre lui puis place une de mes mains contre ses cheveux. Là tout de suite, je crois que c’est de ça dont nous avons tous besoin. De calme, de repos, et d’amour.
***
Les premiers rayons du soleil se couchent déjà, apportant une douce ambiance au parc de l’hôpital. Noé et Isaac ont déjà filé depuis un moment, mais ce n’est pas tout à fait le cas du reste du groupe. Plantée devant cet arbre, le sourire aux lèvres quoi qu’un peu embêtée, Mélina fixe Camille, Idalienor, Cael et Luth, tous endormis paisiblement.
— Vous êtes si mignons, mais comment je vais vous ramener là-haut moi ?
— Qu’est-ce que tu en penses Camille ? Tu trouves que ça me va bien ?
— Tu pourrais t’habiller n’importe comment que je te trouverais belle tu sais
— Camille plus sérieusement. Cette soirée est importante. Il y aura une partie de la Fédération sur Almia, des rangers professionnels, tes meilleurs amis, mon meilleur ami avec son fils et même un de tes anciens professeurs ! Je ne veux pas faire tache.
— Je t’assure que tu ne fais pas tache. Tu es sublime.
Mon corps désormais enlacé par celui du garçon se trouvant dans mon dos, je jette un dernier coup d’œil au miroir pour m’assurer que tout est en ordre. Je n’avais aucune tenue de soirée, si ce n’est celle que j’ai mis pour notre dernière sortie, à l’époque où nous n’étions pas officiellement en couple. Et j’avais envie de changer, alors j’ai dû m’en racheter une. J’ai opté pour une combinaison longue noire à manche trois quart avec un léger dos nu. Pour casser le côté sombre, j’ai noué autour de ma taille un ruban rouge et disposé sur mes oreilles des boucles d’oreille de la même couleur. Je me suis aussi très légèrement maquillée et pour finir j’ai détaché mes longs cheveux bruns. Seuls subsistent quelques tresses très fines mélangées à ma chevelure.
— Toi aussi tu es magnifique.
Je dépose un rapide baiser sur les lèvres du basané avant d’enfiler mes chaussures. Lui aussi a décidé de s’habiller un peu plus élégamment pour l’occasion. Après tout, cette soirée fête son rétablissement à lui et Cael, mais aussi nos derniers moments tous ensemble sur Almia. Le ranger rose et moi nous repartons demain pour la Pokemon Community. Cela fait déjà deux mois que nous sommes là et malheureusement toutes les bonnes choses ont une fin. Lui comme moi avons encore quelques bricoles à régler à l’école avant d’être officiellement diplômés. Mais j’essaie de chasser tant bien que mal cette pensée. Parce que cette soirée sera aussi notre dernière ensemble à Camille et moi avant un moment. Et je ne veux pas y penser.
Nous passons tranquillement le portail de l’école afin de rattraper un bus qui nous emmènera à la base. On a aussi pensé à y aller en volant grâce à son Libegeon mais nous nous sommes rabattus sur des moyens humains, par prudence.
— Je suis désolé qu’on soit obligé de partir avec tant d’avance. Je ne marche pas très vite.
— Mais tu marches, c’est tout ce qui compte pour moi.
Lorsque l’infirmier a quitté l’hôpital il y a une petite semaine, il était encore cloué à son fauteuil, incapable de se déplacer sans. Ses jambes souffraient encore du contre-coup de la mission et de l’usage de ce médicament. Mais Camille a beaucoup de volonté et, très vite, il a abandonné le fauteuil contre les béquilles, qui l’ont aidé à vite refaire usage de ses jambes à un niveau amoindri mais existant. De quoi ne pas perdre l’habitude et remuscler rapidement cette zone. Aujourd’hui, il arrive à se déplacer avec seulement une béquille qui l’aide à faire contrepoids pour ne pas trop forcer sur ses membres inférieurs. Et je sais que dans quelques temps, il pourra reprendre son rythme d’avant. Parce qu’il en a la force.
Fort heureusement, la navette reliant l’école à la Fédération nous simplifie pas mal la tâche. Lorsque nous arrivons, il semble que les festivités viennent de débuter. On entend déjà un peu de musique venant du bâtiment principal et, à la porte d’entrée, 4 garçons nous attendent. Les meilleurs amis de Camille qui ont tous pu se rendre disponible. Nous les rejoignons avec le sourire.
— Idalienor tu es très belle ce soir. Toi aussi mon cher Camille cela va de soi.
— Tu devrais éviter ce genre de réflexion surtout devant son petit ami et quand on est soi même en couple.
— Oh tout de suite tu joues le rabat joie, j’ai bien le droit de complimenter mes amis.
— Ninon n’a pas pu se libérer pour ce soir ?
— Non elle est de nuit malheureusement. J’imagine que Nolan non plus.
— Non plus, et puis de toute façon ce n’est pas trop son genre les fêtes, j’aurais eu bien du mal à le trainer.
— Ne restez pas sur le palier entrez donc !!!
Emelie qui nous a vu arriver se précipite vers nous et nous guide vers la salle. La mécanicienne a l’air toute excitée d’avoir pu organiser un tel événement. Tout est bien décoré et agencé. On se croirait dans une véritable salle des fêtes. Je n’ai pas trop de mal à repérer Luth, tout beau lui aussi dans sa salopette, en train de s’amuser et surveillé de près par Lucky. J’adresse aussi un signe à Cael et aux autres rangers présents. Nil est complètement absorbée par le petit bout de chou, lui courant après comme s’ils jouaient à Chacripan.
Avant que les garçons n’aient le temps d’initier le moindre mouvement, le responsable de la base s’approche de nous, lui aussi bien habillé mais avec un drôle de regard.
— Le club des 5 réuni avec moi comme au bon vieux temps, si ce n’est pas merveilleux.
En quelques secondes, je sens tous les garçons se raidirent sous le regard de cet homme. Même Noé semble perdre 10 ans d’un seul coup face à lui.
— Euh oui, si vous le dites Eugen ahah nous aussi ça nous fait plaisir de vous revoir.
J’adresse un signe d’encouragement au fameux club des 5 avant de m’éloigner pour les laisser discuter avec leur ancien professeur. Je sais que quand ils étaient plus jeunes, ils lui ont fait un sacré paquet de coup fourré, tout comme à l’ensemble de l’équipe professorale d’ailleurs. Même s’ils ont tous été diplômés avec les honneurs, ils n’étaient de ce que j’ai compris pas réputés pour être les plus sages. Amusée par la situation, je rejoins Cael un peu plus loin.
— J’ai l’impression qu’Eugen va se venger pour des années de bêtise à l’école des rangers. Sinon comment tu vas toi ? Tu prends tes marques avec Luth ? Tiens d’ailleurs j’ai rempli le dossier que m’a laissé Liam. Il est vraiment gentil et il a pris le temps de tout m’expliquer. Tu me diras quand tu voudras qu’on aille en mairie pour qu’on officialise tout ça. Quoi que tu préfères peut-être attendre cet été qu’on soit rentré à Hoenn, pour qu’on fasse ça chez nous en quelque sorte.
Je n’ai pas eu trop le temps de discuter avec le ranger rose ces derniers jours. Lui avait beaucoup à faire entre Luth, sa convalescence et ses devoirs à la base de Véterville. Quant à moi, j’ai dû reprendre les cours à l’école après presque une semaine de pause. Bien sûr, Camille et moi avons eu le droit à des tonnes et des tonnes de questions. Mais nous nous en sommes tenus à la version officielle, sans entrer dans les détails. Et puis, finalement, notre relation est devenue officielle. Après tout, difficile de nous cacher désormais. Toutes les personnes présentes avec nous en mission l’ont découvert. Je n’ai pas forcément été des plus discrètes non plus. Le regard d’Emma se faisait de plus en plus insistant, surtout après notre retour. Alors au final, nous avons fini par ne plus faire semblant.
Eugen semble enfin laisser les garçons souffler, de quoi me permettre d’en prendre un en particulier à part. Lorsque je lui fais signe de me rejoindre dans un coin de la salle, il parait d’abord surpris, se demandant si je m’adressais bien à lui, puis finit par venir. Azel, ses cheveux blonds complètement détaché accentuant son côté angélique, prend la parole le premier.
— Il y a un souci Idalienor ? Tu sais je suis très mauvais conseiller amoureux, tu devrais plutôt te tourner vers Noé pour ça.
— Ca n’a aucun rapport je t’assure. En fait, même si c’est valable pour vous tous, je tenais à les adresser plus particulièrement à toi.
— J’ai un peu de mal à suivre là je t’avoue.
— Mes excuses. Je voulais sincèrement m’excuser pour ce qui est arrivé à Camille au cours de la mission. Je n’ai pas su le protéger et au final, tu as dû endurer une seconde fois cette épreuve, de le voir dans un lit d’hôpital je veux dire. Je suis désolée.
— Oula oula Idalienor je t’arrête tout de suite tu n’as pas à t’excuser. Bien sûr, ça ne m’a pas fait du bien d’être à nouveau celui debout face à lui dans un tel état. Et probablement que mes prochaines séances de thérapie parleront de cet événement, mais tu n’en es aucunement responsable. Tu sais, même si je ne fais plus de mission, je travaille toujours à la Fédération j’ai donc eu un accès complet au rapport de mission. Tu as suivi les ordres et tu as bien fait. Quant à Camille et Cael, même s’ils ont rempli leur objectif, ils ont été extrêmement imprudents. Ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Dans tous les cas, aucun de nous ne pense que tu y es pour quelque chose. Alors te prends pas la tête.
Sans préavis, le voilà qui dépose une violente pichenette sur mon front, provoquant chez moi une petite exclamation.
— Eh c’était pas cool ça.
— Maintenant va rejoindre Camille. Il va finir par croire que je te drague.
— Je pense qu’il a assez confiance en toi et moi pour ne pas croire ce genre de chose.
— Et moi je dis qu’on ne peut pas en être sûr face à un homme follement amoureux. Allez file, il t’attend.
Effectivement, il semblerait que le basané m’attende lui aussi. J’adresse un dernier remerciement à Azel avant de filer dans la direction de l’infirmier, le sourire aux lèvres. Sans attendre, je lui prends la main, soulagée de ne plus avoir à cacher ces gestes d’affection.
— Vous parliez de quoi avec Azel ?
— Rien d’important, alors ne t’inquiète pas.
— Je ne suis pas inquiet, juste curieux.
Le petit sourire amusé qui se glisse sur ses lèvres me donne envie de l’embrasser, ce que je ne prive pas de faire. Je m’en fiche pas mal là tout de suite qu’on nous regarde. J’ai envie de profiter de chaque seconde avec lui, même si dans tous les cas la séparation fera mal, particulièrement la première.
Lui comme moi finissons par nous arrêter lorsque la musique se coupe. Etonnés, tout le monde se regarde, constatant que c’est Anaba qui a momentanément coupé le son de la grande enceinte. Emelie s’apprête à crier quelque chose mais la ranger l’arrête d’un signe de la main et d’un sourire. La tension est palpable, personne ne semblant trop comprendre ce qu’il se passe. Nil se précipite auprès de sa blonde, l’air paniqué.
— Anaba est-ce que quelque chose ne va pas ?
— Non, tout va très bien. Mais je voulais te parler, et j’avais envie que les autres entendent.
Je crois enfin avoir compris ce qu’il se passe. D’un regard appuyé avec Camille, nous confirmons silencieusement notre impression. Nous en parlerons plus tard, lorsque la blonde aura dit ce qu’elle a à dire.
— En fait, j’avais préparé quelque chose à dire, mais je crois que je vais oublier. Je vais essayer d’être spontanée comme toi tu peux l’être. Si tu veux bien…
— Oui je veux bien Muv mais tu me fais peur…
— Cela fait 7 ans que l’on se connait, et presque autant que l’on est ensemble toi et moi. Et tu m’as tellement donné, à un point que tu n’arriveras jamais à imaginer. Quand je t’ai rencontré, je sortais tout juste d’Almia. J’étais froide, difficilement sociable, à cheval sur tout, incapable du moindre écart. Les anciens d’Almia le savent, et certains m’ont détesté pour ça. Même si j’ai été reconnue comme l’une des meilleures élèves de ma promotion, j’avais l’impression que tout ça n’avait pas de sens. Je me sentais vide, comme s’il me manquait quelque chose, quelque chose d’essentiel.
Et puis… la fédération m’a mis en duo avec toi. Toi, Nil, si différente de moi, pour ne pas dire mon opposé. Solaire, pétillante, infatigable. Au début, je n’arrivais pas à te comprendre. Je n’arrivais pas à comprendre comment tu pouvais être comme ça, comment tu pouvais t’affranchir d’absolument toutes les chaines que je m’étais moi-même attachée aux pieds. Et, sans m’en rendre compte, tu as commencé doucement à détruire ces chaines. A tes côtés, je me redécouvrais un peu plus, j’apprenais à vivre comme je l’entendais vraiment. Tu m’as tout de suite accepté, tu m’as montré la voie et enfin, tu m’as aimé. Tu m’as aimé malgré tous mes défauts, malgré toutes les choses que je devais réapprendre à tes côtés. Et moi aussi je t’ai aimé, je t’aime plus que tout au monde. Alors, aujourd’hui, j’aimerais passer le reste de ma vie à tes côtés, à t’aimer.
Finalement, sa main toujours glissée dans cette de Nil, Anaba pose un genou sur le sol et sort de sa poche un petit écrin contenant une bague argentée. Elle est toute simple, mais elle est magnifique.
— Nil, veux-tu m’épouser ?
La brune pleure probablement toutes les larmes de son corps mais parvient finalement à répondre.
— Moi aussi je veux passer le reste de ma vie à tes côtés, à t’aimer. Anaba, je veux t’épouser.
La blonde, en pleurs elle aussi, se redresse et embrasse avec tendresse sa fiancée sous les applaudissements triomphants de l’ensemble de la salle. Alors que nous nous sourions tendrement avec celui qui m’est désormais si cher à mon cœur, je n’ai pas trop de mal à voir Esteban au bord des larmes face à ses deux partenaires de mission, les garçons applaudissant avec force leur ancienne camarade d’école, Luth émerveillé par la scène même si je ne suis pas sûre qu'il la comprenne, Emelie les yeux humides face à tant d’émotions, de même qu’Eugen qui ne s’attendait certainement pas à une telle démonstration d’amour au cours de cette fête. Et enfin Cael a qui j’adresse aussi un sourire. Tous nos proches, nous-même compris, trouvent finalement le bonheur.
Et je crois qu’avec Cael, c’est ce que nous cherchions aussi depuis longtemps.
Même si je ne ressens pas spécialement l’aura, l’onde de bonheur et de joie qui se répand dans la salle arrive à me toucher en pleins cœurs. Elles viennent de franchir une autre étape dans leur vie de couple : les fiançailles. Quand j’y pense, les deux jeunes femmes ne nous ont jamais rien dit explicitement sur leur relation. C’était juste tellement évident, naturel. Comme si, même sans les connaitre, notre inconscient nous disait qu’elles étaient faites pour être ensemble. Ce n’est pas explicable de manière très logique mais ça n’a pas vraiment d’importance. La bague au doigt, Nil continue de pleurer dans les bras d’Anaba, tout aussi émue par sa propre demande. La blonde n’est pas la plus expressive du duo. Il lui a surement fallu beaucoup de courage pour le faire, surtout devant nous tous.
Mécaniquement, je sors de mon portefeuille cette photo que je garde si précieusement. A lui aussi il lui en a fallu du courage pour le faire, enfin je suppose je ne m’en souviens pas vraiment.
— Je peux voir ?
— Oui bien sûr. C’est une photo de mes parents le jour de leur mariage. Je crois que j’étais tellement contente pour eux que je n’arrivais pas à les lâcher d’une semelle. Résultat, je parasite un peu la photo ahah. Mais je tiens énormément à ce cliché. Tu te rends comptes, quand ils se sont mariés, ils étaient plus jeunes que nous, et encore plus quand ils m’ont eu.
— Est-ce que je dois y comprendre un message caché ? Dit-il, un sourire amusé, me rendant automatiquement rouge tomate.
— Mais non pas du tout qu’est-ce que tu vas t’imaginer ?!
La conversation n’a pas le temps d’aller plus loin que Luth se dirige à toute vitesse vers moi, suivi de très près par son père et Lucki. Il a l’air particulièrement pressé et tire sur le bas de ma combinaison pour attirer mon attention. La photo toujours en main, je me penche un peu vers lui pour essayer de comprendre ce qu’il veut. Ce n’est que quand il me tend son doudou tout fier de lui et de sa demande sue mon cerveau freeze. Euh…comment on n’a pu arriver à un tel raccourci ? Le facepalm de Cael est d’ailleurs légendaire, de quoi me faire exploser de rire si je n’avais pas été face à un petit loulou de 3 ans extrêmement déterminé.
— Luth…comment t’expliquer ça…
— Luth tu te souviens de moi ?
Le basané me tend doucement sa béquille et s’accroupie avec une légère difficulté pour faire face au petit bonhomme à nos pieds.
— Camille !
— Oui c’est ça. Tu sais, il y a plusieurs façons d’aimer les autres. Tu aimes Cael parce que c’est ton papa j’ai raison ?
— Oui, j’aime Cael c’est mon nouveau papa.
— Voilà c’est ça. Et tu aimes Idalienor parce que c’est ta marraine. Ça veut dire que même si elle n’est pas exactement ta maman, elle va s’occuper de toi et beaucoup t’aimer pour que tu grandisses et que tu deviennes quelqu’un de génial. Elle ne sera pas toujours avec toi, elle ne vivra pas dans la même maison que toi, mais elle viendra te voir le plus souvent possible pour te ramener pleins de petites choses qu’elle aura trouvé pour toi au fil de ses voyages et de ses missions.
— Oui, c’est ma marraine, Cael me l’a dit !
— Et moi, j’aime Idalienor parce que c’est la femme avec qui j’aimerais passer toute ma vie. Quand je l’ai rencontré, j’ai eu l’impression d’enfin trouver ma moitié, ce qui me manquait pour me sentir enfin complet. C’est difficile à expliquer pour que tu comprennes, mais j’aimerais qu’elle reste avec moi pour toujours. Alors, est-ce que tu veux bien me laisser la place ? Pour que je puisse lui demander plus tard si elle veut se marier avec moi ?
Le garçon ne répondit rien là tout de suite, c’est plutôt autre chose qui attire son attention.
— Pourquoi Idalienor elle est toute rouge ?
Malgré les mains cachant une partie de mon visage, impossible de masquer complètement la teinte cramoisie qu’a pris ma peau en quelques secondes. Quelle idée aussi de dire quelque chose comme ça juste à côté de moi. Je l’entends rire légèrement avant de se relever et de plaquer ma tête contre lui pour m’embrasser le haut du crâne.
— Elle devient toute rouge parce qu’elle est gênée que je dise la vérité.
— Alors on devient tout rouge quand quelqu’un dit la vérité ? Ca veut dire que Cael il ment tout le temps il est jamais rouge ?
Un rire collectif s’échappe de ceux qui étaient présents. L’innocence de cet enfant détend l’atmosphère et ne fait que renforcer cette ambiance cocon qui s’est gentiment crée avec toutes les personnes présentes. Comme une drôle de famille. Alors que l’infirmier me tient toujours contre lui, je lui murmure.
— Je me vengerais pour ça
— J’attends ça avec impatience
— Et bah tu ne vas pas attendre trop longtemps
Je redresse doucement ma tête puis me hisse délicatement sur la pointe des pieds, m’assurant que l’angle dans lequel nous nous trouvons ne permet pas aux autres de comprendre exactement ce que je fais, je souffle d’abord doucement dans le cou de Camille, provoquant chez lui un drôle de frisson. Puis, me servant de mes longs cheveux pour me cacher, je dépose un premier baiser, puis un autre, de quoi tendre tout son corps et l’obliger à déglutir plus lourdement. Il s’est moqué de moi, à mon tour de le mettre horriblement mal à l’aise.
— Camille il dit la vérité il est tout rouge !
J’aimerais que tout ça ne s’arrête jamais.
***
Je suis réveillée depuis déjà presque une heure, pourtant je n’ai absolument aucune envie de bouger. Enveloppée dans les bras protecteurs de Camille, blottie contre son corps, j’essaie de garder les yeux fermés et de me concentrer sur chacune des sensations. Je sais qu’au pied du lit, il y a mes bagages tout près qui n’attendent plus qu’à quitter le sol et rejoindre le bateau qui doit me ramener à la Pokemon Community. Je sais que dans deux heures, ce bateau quittera les côtes d’Almia pour regagner celle d’Adala. Là-bas, une autre partie de ma vie m’attend. Je dois encore y valider mon diplôme après tout.
Et dire que ça ne remonte qu’a il y a deux mois. Et pourtant, j’ai l’impression que cela fait une éternité tellement de choses ont changé. Au-delà de l’expérience professionnelle bien sûre acquise en tant que professeur vacataire, une grosse partie de ma vie personnelle a changé. Déjà je suis devenue marraine, et ça ce n’est pas rien. J’ai maintenant la responsabilité d’un enfant. Même si, comme l’a dit Camille, je ne suis pas sa mère, s’il arrive quelque chose à Cael j’en serais officiellement la tutrice légale. Et ce qui s’est passé récemment prouve que quelque chose peut toujours arriver.
Evitons les pensées glauques. Parce que maintenant, je partage une partie de moi avec quelqu’un. Je ne pensais pas pouvoir dire ça un jour. Si l’académie a vu fleurir beaucoup de relations chez mes amis proches, je n’y avais jamais pris part. Il a fallu attendre que je parte en alternance à l’autre bout du globe pour trouver la bonne personne. Pour qu’on se trouve l’un l’autre. Et depuis que je suis à ses côtés, c’est comme si j’avais trouvé un nouveau souffle. Mais aussi de nouvelles craintes.
Lorsque je sens que les bras de Camille se serrent un peu plus contre moi, je dépose mes mains sur les siennes et profitent encore quelques minutes de ce contact rien qu’à nous. Le dernier avant un petit moment.
***
Sur le port, Cael et moi n’allons pas tarder à embarquer. J’ai salué avant de partir tout le monde à l’académie et remercié chaleureusement Donna pour son aide. Mes élèves m’ont même fait un petit cadeau. Une sorte de carte avec des mots de remerciements et une pochette personnalisée pour mon capsticks. Une très douce attention. Donna m’a aussi fait comprendre que je pouvais revenir quand je voulais et que, si cela m’intéressait, je pouvais continuer à enseigner en tant que professeur vacataire. L’idée ne me déplait pas du tout, bien au contraire, mais je dois encore y réfléchir plus sérieusement.
Camille a tout de même obtenu une permission de m’accompagner. Ils se retrouvent donc avec Cléo, la sœur ainée de Cael, et son copain. Ils seront en charge de Luth jusqu’au retour du rose le plus vite possible, dès que les formalités à l’académie seront réglées. Je vois bien que le ranger ne veut pas laisser son fils. Mais il n’a pas le choix, il est encore officiellement étudiant et s’il veut démarrer correctement ce nouveau chapitre de sa vie, il doit finir le précédent.
Nos bagages sont déjà sur le pont et je sens bien que les minutes passent sans que je puisse les arrêter. D’un instant à l’autre, nous devrons grimper et quitter à Almia. Et même si c’est temporaire, ça fait beaucoup plus mal que ce que j’aurais souhaité. Mes mains n’arrivent à se détacher de celles du basané et mon cœur se serre lorsque j’entends le commandant de bord nous appeler.
— Les rangers on doit y aller la route est longue !!!
En attendant ses mots, Camille serre un peu plus mes mains avant de se pencher vers moi pour me murmurer.
— N’aie pas peur Idalienor, je t’attendrais c’est promis. On savait que ça allait arriver toi et moi, et nous l’avons accepté. Alors ais confiance en moi.
— J’ai confiance en toi Camille, je te le promets.
Je l’embrasse chaleureusement une dernière fois avant d’enfin me détacher. Je fais également un gros câlin à Luth qui pleure toutes les larmes de son corps pour que l’on reste. Je l’embrasse sur la joue, essaie de le rassurer tout en réprimant ma tristesse de les quitter, puis me dirige vers le bateau avec Cael où nous sommes attendus.
Les grands signes à nos proches durent longtemps, jusqu’à ce que finalement ils ne deviennent que des petits points indissociables. Sans crier garde, je m’écroule sur le pont, assise contre le parquet. Mes yeux fixent ceux du ranger rose, brillants d’émotions, les larmes menaçants à tout moment de s’écraser contre le sol.
— Je ne pensais pas qu’une simple alternance me…enfin nous transformerait comme ça. Il faut croire que jusqu’au bout la Pokemon Community nous réservera des surprises.