Eh allez les problèmes commencent. Sans même connaitre l’origine de cette voix, Itzan en reconnait parfaitement le ton. Il l’a entendu à maintes reprises lui-même par le passé.
C’est celui du mec qui ne veut clairement pas que les « non-gitans » les approchent.
Il y a pas à dire, il est canon. Son teint tout aussi hâlé que celui de sa camarade et ses cheveux argentés font des atouts charmes non négligeables. Probablement qu’il serait encore plus beau si son visage n’hurlait pas sans mot un grand « dégagez de là où je vous bouffe ». Ou en tout cas, c’est comme ça que le bleu le comprend. Pareil, il doit sensiblement avoir le même âge que Kalia, mais clairement pas son calme. Surplombant le duo depuis l’un des bateaux proches du quai, le dénommé Manolo cherche des explications, et même si l’adolescente tente de le temporiser, il n’y a pas grand-chose à faire.
Le cœur du garçon loupe un battement quand il entend le fameux mot. Probablement l’insulte ultime chez les gitans. Gadjo. Ouais rien que ça. Manolo doit surement être du genre à le balancer à tort et à travers, profitant du fait que les non tsiganes ne sachent pas ce que cela signifie. Mais pour Itzan, qui lui justement en est un, ça fait mal. Probablement trop pour que ça fasse vraiment sens. Mais faut croire que ça fait partie de l’ADN des gitans justement, d’être associé au fait qu’ils appartiennent à une communauté qui ne doit surtout pas être reniée.
Sauf qu’évidemment, Lyria n’a rien compris du tout, et le Voltali ne se voit pas la laisser dans l’ignorance. Profitant que les deux membres du clan Bailladora se disputent entre eux, le bleu se penche un peu pour glisser à son amie.
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Ça veut dire quelqu’un qui n’appartient pas à la communauté gitane. En gros pour nous, c’est une grosse insulte. C’était à prévoir, la Mentali part au quart de tours à l’entente du mot insulte, et défie frontalement Manolo. Malgré la situation tendue, Itzan étouffe maladroitement un rire en entendant Lyria prononcé le mot gadjo. Son accent est terriblement mauvais, rendant la prononciation du mot trop drôle pour ne pas en rire. Le gitan est presque sûr d’avoir vu du coin de l’œil Kalia laisser échapper un rire aussi. Dommage que l’adolescent soit trop en colère pour en rigoler.
Et comme en plus Lyria n’en démord pas malgré les signes envoyés par le bleu, le ton monte encore et encore entre les deux, surtout que Manolo ne doit pas être habituée à ce qu’une petite tête comme la Mentali résiste autant à son jeu d’intimidation.
Mais faire appel à un pokemon, ça va vraiment trop loin. Sans réfléchir, Itzan décale légèrement le fauteuil de Lyria pour se positionner juste à côté d’elle, au soutien de Prime, prêt à intervenir si une agression venait réellement à avoir lieu. Le gitan ne pensait pas qu’il pourrait aller jusque-là, mais il faut croire que si.
Fort heureusement, le hurlement de Kalia fait redescendre tout le monde en pression. Invoquer le nom de cette Solaris suffit à calmer brusquement Manolo, qui recule de quelques pas puis disparait avec beaucoup d’agilité direction les bateaux situés derrière eux. Surement la leader, ou quelqu’un qui a de l’autorité sur le clan. C’était limite, mais pas de dégâts c’est déjà ça.
La pauvre Kalia se confond en excuse face aux deux jeunes auxquelles Lyria répond premier degré, tandis que le bleu essaie de faire un peu de tri dans sa tête. La réaction de ce jeune était violente, presque trop pour un simple gitan rejetant les gadjos. Et voilà que la métisse mentionne un événement sur lequel elle ne s’étend pas. Quelque chose d’un peu plus marquant a dû arriver au sein du clan pour qu’il y ait une tension pareille.
Toujours est-il que la Mentali a raison, et qu’Itzan s’empresse de compléter ses propos, d’un point de vue un peu différent.
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Oui c’est comme ça qu’on dit Lyria. Kalia, je suis un gitan moi aussi. Je ne connais que trop bien ce sentiment. Je n’ai aucune envie que mes frères et sœurs se retrouvent accusés d’une chose qu’ils n’ont pas commis. Et même admettons que cela soit vraiment quelqu’un de votre clan, c’est lui qui devrait être blâmé. Pas la communauté. Vous méritez qu’on prenne votre défense. C’est pour ça qu’on est là. Le garçon adresse un sourire sincère à l’adolescente. Il a surement un peu extrapolé en parlant de frères et sœurs, d’autant plus qu’il sait parfaitement qu’il y a parfois des rivalités entre clans gitans. Mais l’intention y est. Il se dressera à côté d’eux dans cette histoire, et certainement pas contre eux. Et c’est exactement la même chose pour sa camarade. Dans cette situation, il est tout de même bien content d’être avec Lyria plutôt qu’avec quelqu’un de plus réfléchi, ou en tout cas à cheval sur les règles. Charlie par exemple lui aurait surement cassé les pieds pendant 20 ans pour quelque chose de futile. Au moins là, ils peuvent aller à l’essentiel.
Malgré le bon contact avec Kalia, Itzan reste surpris de son invitation à monter, tout comme Lyria d’ailleurs. Même si ses paroles se veulent encourageantes, le Xoaelteno ne peut s’empêcher d’insister.
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On ne veut pas que tu ais des problèmes à cause de nous. Je sais bien que faire entrer des étrangers dans des situations de crise comme celle que vous connaissez n’est pas forcément recommandé…—
Ne t’inquiète pas, laisse-moi gérer ça. Et puis, vous n’êtes pas des étrangers. Vous êtes Itzan et Lyria, deux personnes qui essaient de nous aider. Je ne peux pas les rejeter. Tu m’aides à porter son fauteuil pour qu’elle puisse en profiter elle aussi ?Le gitan adresse un signe de tête à la métisse et se positionne à côté de son amie pour permettre aux roues de son fauteuil de correctement passer le petit pont et arriver en un seul morceau sur le bateau. Si lui n’est pas aussi expressif que son amie, les yeux remplis d’étoile à l’idée d’être sur un bateau, Itzan est obligé de reconnaitre que les embarcadères sont très beaux. Loin des caravanes dont il a l’habitude depuis toujours, les bateaux leur donnent une liberté de mouvement toute autre. Et même si on y reconnait sans mal la « pâte » gitane, il y a aussi la personnalité propre de ce clan qui ressort dans la décoration. Un milieu qui apaise sans mal le bleu, et ce malgré la situation un peu tendue dans laquelle il se trouve.
A l’intérieur, Itzan se croirait complètement de retour chez lui. Ses décorations très chargées où se reflètent absolument toutes les escapades que ce bateau a traversé l’envoutent. Sans vraiment de cohérence, ça c’est vrai, mais avec un charme fou qui manque cruellement au Voltali. Peut-être devrait-il lui aussi décorer sa chambre ainsi ? Pour se rappeler un peu la sérénité que lui a toujours provoqué l’ambiance des caravanes gitanes.
Des fruits tendus, le bleu se permet d’en prendre un, tout en restant attentif à son amie, déjà lancée dans de nouvelles questions, dont celle qui lui pendait aux lèvres depuis quelques trop longues minutes déjà. Et, malheureusement, l’apprenti agent ne peut retenir un profond soupire en regardant par la fenêtre. « VOLEUR » écrit en gros et rouge sur la coque de l’un des bateaux. Les gars vont avoir un mal de chien à nettoyer ça.
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Ça explique pourquoi Manolo était en pétard tout à l’heure en nous voyant approcher. Il a dû se dire que c’était nous qui avions fait ça, ou en tout cas qu’on soutenait ceux qui l’avaient fait. —
Surement… et puis le bateau qui a été tagué est celui de Jail. Un homme qui s’est beaucoup occupé de lui depuis qu’il est petit. Ce n’est pas le plus subtile des membres de mon clan, mais Manolo le respecte énormément. Ça a dû le toucher plus que ce qu’il ne veut admettre. Et ça, Itzan le comprend très bien. Lui aussi aurait probablement très mal pris que la caravane de l’une des femmes qui s’est occupé de lui toute sa vie soit vandalisée comme ça, ou pire celle de sa propre mère. Un instinct de protection très prononcé entre les membres d’un même clan doit probablement l’expliquer. Il ne sait pas si les Bailladora ont exactement le même fonctionnement qu’eux, mais le fond doit tout de même se ressembler.
A partir de là, le garçon sait déjà exactement ce qu’il veut faire, et entame déjà de se relever, tendant à son amie un petit carnet.
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Il y a toutes les notes de l’agent jenny dessus. Je vous laisse essayer de voir si de là vous arrivez à dégager une piste pour commencer notre enquête. En attendant, je vais chercher Manolo. —
Tu es sûr Itzan ? Je ne sais pas s’il va être très agréable avec toi…—
T’inquiètes je vais lui parler, et ça va marcher. Et puis, je pense qu’on soit 4 pour cette enquête serait plutôt pas mal.Sans attendre davantage, le garçon sort de la pièce et s’atèle à retroyver le garçon. Il a bien vu le métis se diriger de ce côté-là, il devrait bien finir par le trouver ce n’est pas immense non plus. Le Voltali traverse les ponts un à un, essayant de ne pas se faire remarquer de trop (il n’a déjà clairement pas le droit de faire ce qu’il est en train de faire) tout en observant bien partout pour ne pas le louper.
Heureusement, il finit par le trouver, assis au bord d’un des derniers bateaux de la rangée. Sans s’annoncer particulièrement, Itzan s’installe juste à côté de Manolo, un peu brusquement, le faisant sursauter au passage.
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Hey on peut savoir ce que tu fous ?! Laisse-moi tranquille. Descend de mon bateau ou je te jette à la flotte—
Ça tombe mal je suis plutôt du genre insistant quand j’ai décidé quelque chose. Surtout qu’on est parti sur de mauvaises bases toi et moi. Pour commencer, je ne suis pas un gadjo. Le bleu sent bien que le gitan s’empresse de répliquer agressivement, alors lui-même le double pour compléter.
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Eklat, ou Xoaelteño, ça te parle ? Manolo semble réfléchir un instant avant de répliquer, le ton dur.
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Ces deux clans n’ont rien à voir entre eux. Me prends pas pour con.—
Je m’appelle Itzan Xoaelteño, mais je suis né chez les Eklat. J’appartiens à ce clan. Je suis un gitan moi aussi. Cette affirmation, bien que calmant légèrement le métis, ne parait pas parfaitement le convaincre puisqu’il se met à poser de nouvelles questions.
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Mais qu’est-ce que tu fais là alors ?! Ces clans ne sont pas là quand même ?!—
Non ils ne sont pas là je suis tout seul. Sentant bien que Manolo n’allait pas se contenter de ça, il poursuit.
Disons seulement que ma mère ne voulait pas que je connaisse une épreuve similaire à celle qu’elle a vécu par le passé, et absolument tenu à ce que j’aille dans une école à peu près normale. Bref on n’est pas là pour parler de moi, mais de vous. A nouveau, le garçon grogne, ne sachant plus trop quoi dire. Il réalise certainement qu’Itzan n’est clairement pas son ennemi. Et le bleu ne compte pas s’arrêter là pour lui faire comprendre.
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Vous ne pouvez pas vous opposer comme ça à la population, ça ne vous mènera à rien. Surtout que je ne sais pas pour combien de temps vous allez rester ici, à quai. Lyria n’est peut-être pas très subtile et n’aime pas qu’on la prenne de haut mais elle a le même objectif que moi. Trouver qui vole les habitants, et montrer que vous n’y êtes pour rien dans tout ça. Mais on a besoin de toi pour ça. Manolo parvient à enfin décrisper ses mains de la rambarde pour se retourner complètement vers Itzan. Il n’a pas l’air si sur de lui finalement quand on le met au pied du mur.
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T’es marrant mais tu veux que je fasse quoi moi ?! Je suis pas détective.—
Et bah tu vas le devenir, le temps qu’on les trouve. A moins que tu ais trop peur pour ça ? —
Certainement pas !Les deux garçons se redressent, le bleu quant à lui très amusé. Il a complètement réussi son coup, et n’a maintenant aucun mal à emmener le métis sur le bateau de Kalia, en espérant que les filles aient trouvé une première approche.
HRP :
Kalia parle en #660000
Manolo parle en #003333