Telle une petite princesse au milieu de sa cour d'admirateurs. Je suis née à Rosalia, petite dernière d'une famille de cinq enfants. Au plus grand désespoir de notre mère, j'étais d'ailleurs leur seule et unique fille. Je fus accueillie en grandes pompes, célébrée, admirée et chouchoutée. Ainsi, on ne me refusait que très peu de choses et, dans cette famille de tisseurs de kimono, il y avait toujours quelqu'un pour lisser les plis de mon yukata ou replacer mon peigne dans mes cheveux. D'ailleurs, il peut être cocasse de mentionner que je me faisais souvent kidnapper par mes cousines, les soeurs Kimono. Elles adoraient me voir tenter d'imiter leurs mouvements de danse et me laissaient passer du temps avec leurs Pokémon. Chaque jour, elles tentaient de m'apprendre un nouveau pas de danse, un nouveau poème ou me faisaient goûter une nouvelle flagrance de thé. Si, au départ, je n'étais que très peu réceptive à tous leurs centres d'intérêts, cela devint pour moi la normalité et, au fil des années, elles me façonnèrent à leur image.
De l'autre côté de la clôture séparant la Salle de danse de la maison familiale, toutefois, je passais tout mon temps avec mes quatre frères aînés. Ils me firent regarder les championnats avec eux, me parlèrent de Pokémon, de compétitions et de grands rêves. Il ne se passait pas un seul repas où tous ne tentaient pas de faire valoir leur type favori. Pour ma part, le type dragon était bien sûr un candidat de choix et je ne tarissais jamais d'éloges à leur sujet. Puis, une fois les assiettes vidées, nous parcourions la ville à la course, saluions les voyageurs et nous imaginions vivre toutes sortes d'aventures. Quels enfants turbulents nous étions, tout de même, à chasser le Meothw de la voisine ou à faire peur au Chansey de l'infirmière Joy. Il s'agissait de deux mondes si différents, à pourtant quelques pas d'écart, et j'avais la chance de faire partie des deux.
Une vie de famille simple et heureuse, jour après jour. Heureusement, nous continuâmes à grandir, peu à peu. Chacun semblait avoir des espoirs différents pour ma personne. Mes cousines espéraient me voir obtenir un Nymphali lorsque je serais plus vieille, pour les rejoindre dans leur troupe de danse. Mes frères, de leur côté, espéraient que je parte avec eux en voyage initiatique, en tournée de musique ou encore en tant que coordinateurs errants. Au travers de tout ça, mes parents espéraient encore que l'un d'entre nous se dévouerait pour reprendre le commerce familial, chargé entre autre de confectionner tous les habits de mes cousines. Ce que je voulais, moi? Tout. Je voulais avoir un Pokémon, je voulais faire partie des soeurs kimono, je voulais devenir une grande dresseuse et gagner des badges et des rubans. Chaque fois que je croisais un voyageur qui avait des Pokémon, je le défiais en duel, croyant que c'était la façon de faire, encore trop jeune pour comprendre qu'il me fallait aussi un compagnon. Heureusement ils me trouvaient mignonnes et il ne fallait pas longtemps avant que l'un de mes frères ne vienne me récupérer à la course.
Dans l'espoir de calmer mon côté compétitif et de me faire patienter quelques années encore avant que je puisse avoir mon propre Pokémon, il fut décidé que mes cousines me formeraient à l'art d'être une kimono. C'est dans les années suivantes que j'ai commencé à apprendre le shamisen et, bien sûr, à accompagner presque chacune des représentations de mes cousines avec mon instrument à cordes. Elles m'apprirent également l'art de mettre un kimono et bien sûr la danse, bien que ce ne fut jamais mon domaine de prédilection. C'est d'ailleurs à cette époque que l'aîné de notre fratrie, Akihiko, quitta la maison, en compagnie de son Caninos. Il désirait poursuivre ses aspirations et devenir un dresseur reconnu. Ensuite, les jumeaux, Sasuke et Yusuke, avaient hérité d'un Posipi et d'un Négapi et mon dernier frère, Minato, d'un Ptitard. J'étais encore la seule à ne pas avoir mon propre compagnon et cela commençait à me déranger de plus en plus.
Une fratrie pleine d'ambition, prête à tout pour réaliser ses rêves. Au final, ce furent les jumeaux qui décidèrent de reprendre le flambeau familial, ce qui ne surprit personne. Depuis tous petits ils s'amusaient à m'utiliser comme mannequin et, depuis plus longtemps encore, ils étaient fascinés par ces étoffes précieuses. Les deux petits derniers, Minato et moi, étions donc les derniers à devoir décider de notre avenir. Une fois de plus, mes cousines m'offrirent de les rejoindre et de faire partie de leur groupe, mais j'avais l'impression que ce n'était pas ma véritable place. Certes, j'aimais les accompagner musicalement, mais je ne désirais pas faire cela toute ma vie. Je voulais faire plus. Mes rêves ne s'étaient pas éteints, presque au contraire. Et, bien sûr, je n'avais toujours pas de Pokémon, ce qui achevait de m'insupporter.
C'est quelques jours avant mon quatorzième anniversaire que j'entendis parler de la Pokémon Community, une académie censée former leurs élèves dans le domaine de leur choix. Ainsi, si j'intégrais cet établissement, je pourrais réaliser tous mes rêves les plus fous, un à un. J'aurais voulu m'y inscrire aussitôt, mais je devais malheureusement attendre jusqu'en septembre et je pris donc mon mal en patience, regardant Minato quitter le nid familial afin de devenir Coordinateur, ce dernier étant trop vieux pour rejoindre l'Académie nouvellement formée. Chaque soir, je relisais la brochure. Tous ces professeurs, plus qualifiés les uns que les autres! Il y avait même Ace S. Creed dont nous étions de grands fans, mes frères et moi. J'avais si hâte d'y aller, mais j'avais si peur également. Ce serait la première fois de ma vie que je serais loin de ma famille, loin de tous ces gens qui avaient prit soin de moi toute ma vie. Comment serait la vie là-bas? Arriverais-je à me faire des amis et à bien m'entendre avec mon starter? Tant de questions qui restèrent sans réponse, jusqu'au premier septembre.
J'ai parcouru les souterrains de l'île Lansat jusqu'à l'antre du Collectionneur, un homme si décalé et si unique. Il me fit remplir un questionnaire étrange, mais anormalement complet. J'étais si mal à l'aise devant certaines questions que je les passai tout simplement, sans y répondre. Puis, une fois le tout terminé, je tournai mes grands yeux pairs vers lui, le coeur empli d'espoir. Ils ne furent d'ailleurs pas vains puisqu'il m'offrit Shouen', un charmander un peu timide, un peu en manque d'amour. Mon salamèche est devenu mon plus proche ami, mon confident et mon partenaire le plus loyal. Comme quoi, pour une fois, il valait la peine d'être patiente.