si t'es papa tu sais que t'es pas parfait | |
- Heeeey ...
Le ton de Caitlin est moins jovial que d'habitude. Elle a l'air mal à l'aise. Comme si elle se retenait de faire quelque chose. Nico soupire et ouvre ses bras. Son envergure est presque impressionnante avec les béquilles, extensions de ses bras depuis quelques jours. Elle sourit, rayonnante, avant de se jeter dans ses bras, moins violente que d'ordinaire. Elle ne veut pas qu'il tombe à la renverse ...
- Je suis désolée, je sais que t'aime pas ça les câlins mais je me suis fait tellement de soucis pour toi avec ce qui s'est passé sur Lansat et Papa voulait pas que je t’appelle et je voulais savoir et tu es sur que ça va ? Tu as pas trop mal ? Fait gaffe tout le monde est sous tension en ce moment, enfin tu sais bien c'est l'été quoi les timing sont serrés et en plus ta situation sur Lansat, c'était invivable.
Elle le serre un peu plus fort contre elle.
- Tu m'as manqué Nico Nico.
Il se laisse faire et ferme les yeux, détendu. Elle sent comme la maison.
- Bon retour parmi nous.
–
La maison n'a pas changée. Elle est beaucoup trop grande pour eux 4 et devient trop petite quand papa et maman organisent leurs petites soirées. Il a toujours trouvé fascinant la capacité de cette maison a grandir et rétrécir dans le sens opposé à leur besoin. La maison n'a pas changée. Sa chambre est comme il l'a laissée. Oh, bien sur, quelques détails lui sautent aux yeux à peine entré. On a aspiré, balayé, nettoyé, changé les draps, fouillé son ordi.
Cait s'affale sur son lit après avoir déposé les valises du jeune homme devant son armoire. Elle continue de parler dans le vide, ces paroles sans intérêt aucun dont Cait a le secret. Nico a depuis longtemps développé un filtre anti-connerie et à une étrange capacité d'ignorer parfaitement tout ce qu'elle peut dire. C'est comme ça qu'on survit à Caitlin.
Un peu agacé mais pas inquiété, Nico allume son ordinateur. En quelques minutes, il découvre qui a tenté de le hacker et chacune des informations qu'il a récupéré. Une lecture en diagonale le rassure. Ils ne connaissent n'y l'existence du bot, ni celle du serveur. Depuis le premier hack de son deuxième ordinateur, Nico n'a pas arrêté de chercher le moyen parfait de ne plus se faire hacker. Où même mieux que ça, laisser croire qu'il se fait hacker alors qu'il n'en ait rien. L'avantage d'être un petit génie.
C'est également pour ça qu'il n'est pas dérangé par les changements d'ordinateur. Tous ses programmes, ses fichiers, tout le contenu de son ordinateur se trouve sur internet, en réseau, camouflé sous l'apparence ringarde d'un site sur les Escrocros. Une manipulation compliquée lui permet de se connecter et d'afficher son véritable ordinateur. En arrière plan, sur son local, Nico lance un bot qui s'occupe de réaliser des actions quelconque qui permettent de faire croire que l'ordinateur est utilisé. C'est du local qu'il stream également. En réalité, le réseau n'est là que pour ses actions illégales et/ou ce qui ne plairait pas vraiment à papa ... Autant dire que ces derniers temps, il s'en sert régulièrement.
Nico se détache vaguement de Papa Maman, il cherche une forme d'indépendance. Il veut qu'on le connaisse grâce à ses capacités, pas à cause de son nom de famille. Il se déconnecte rapidement du réseau, ses vérifications faites et s'affale dans son siège. Dos à Caitlin, il commence à parler.
- Pourquoi ils t’ont fait rentré et pas moi ? Pourquoi tu m’as pas envoyé de messages ?
L’inquiétude dans sa voix, le simple fait qu’il pose la question, qu’il s’intéresse à elle de cette manière, à ce qui peut lui arriver, amène un sourire sur les lèvres de la blonde. Elle se lève et s’installe face à son frère, un sourire désolé sur le visage.
- Je peux pas vraiment en parler. J’ai suivit un autre entraînement et j’avais pas le droit de communiquer avec toi. Tu sais que papa m’a toujours pré …
Elle n’a besoin de finir sa phrase. Nico baisse les yeux. Il le sait, il ne le sait que trop bien. Son père ne voit en lui que son futur héritier, celui qui souffrira comme il a souffert. Il n’est qu’un moyen d’éviter tous ces ennuis à sa fille, son espoir de la lancer faire ce dont elle à envie, d’être comme elle veut être. Il le sait, elle le sait. Secret bien gardé que tous connaissent.
Un mensonge de plus dans la toile des Andersons.
- Je sais.
Ça ne l’empêche pas de se blottir dans les bras de sa sœur.
Il est terrifié.
–
L’ambiance au repas est pesante. Ipo et Robb sont les seuls à parler. Étonnamment, Cait adopte la même attitude que son cadet. La tête basse, les épaules rentrées, ils partagent la même envie de fuir, fuir et se retrouver dans la chambre de l’ainée, cachées sous leur forteresse en coussin. Doux souvenir de cette époque où Nico n’était pas totalement solitaire et où Cait respectait son espace personnel.
Papa et Maman parlent de trucs sans réels intérêts, ils sont au restaurant après tout. Pour fêter son retour. Vaste blague, comme s’ils ne mangeaient pas ici tous les soirs. Nico soupire. Ce restaurant leur fait office de salle à manger. C’est affligeant. Il ne connaitra jamais les repas conviviaux que racontent les gens comme si c’était normal. Il ne verra jamais autre part que dans les films ces moments de joie et de partage. Pour lui, l’heure du repas sera toujours synonyme de froid.
Comment connaître autre chose quand on est le fils éponge. Le fils non voulu. Le fils obligatoire. Le fils pour survivre.
Ils sont observés, tout le monde connaît les Anderson, cette gentille famille qui travaille dans le tourisme depuis si longtemps. Tout le monde les connaît et pourtant, personne ne se doute de rien. Personne ne se doute du trafic qu’orchestre avec brio Robb Anderson. Personne ne se doute que sa première femme fut tuée par vendetta, personne ne se doute de la pression posée sur les deux enfants. Personne ne se doute et c’est probablement mieux comme ça.
Le nez dans son repas, Nico écoute d’une oreille discrète les paroles de son père. Il parle du business extérieur, de tourisme, de la joie de voir enfin les barrières entre les régions s’ouvrir, du bénéfice que ça procure à son marché. Il plaisante vaguement, disant que bientôt, il n’aura besoin que de ça. Sur ces paroles, le gamin relève la tête. Arrêter leurs activités illégales ? Vraiment ? Son père remarque sa soudaine attention et esquisse un sourire mutin. Nico se renfrogne. Il l’a fait exprès. Il s’est laissé allé à l’académie. Ne plus être sur ses gardes, ne plus être testé à chaque seconde, ça fait du bien. Mais il doit se réhabituer et vite, puisque l’attention de son père se repose sur lui.
- Tu n’as pas changé, toujours aussi peu bavard.
Nico hausse les épaules.
- Tu as pourtant passé une année loin de tout. Dis nous tout, quels pokemons possèdes-tu ? Tes études se passent bien ? Quoique je ne me fais pas beaucoup de soucis sur ce point, tes bulletins sont excellents. On ne s’attendait à rien de moins. Le système te convient mieux n’est ce pas ? Adapté à ton rythme. Exactement ce que tu voulais, pas vrai ?
Nico hoche la tête, les yeux perdus dans le plat de pâtes marines posé devant lui. Il réalise, d’un coup, qu’il ne peut pas parler de Terry, qu’il ne peut pas montrer Terry. Même pas à Cait. Il déglutit, ça veut dire mentir à son père ? Il lui adresse un regard, pas très à l’aise, avant de prendre la parole, à la suite du père de famille.
- J’ai un Miaouss, mon starter. Il est de la race originaire de Kanto. Une Mimiqui, un Dodoala et un Persian. Je préfère concentrer mon attention sur une petite équipe plutôt que m’éparpiller. J’ai cependant un œuf, qui devrait éclore dans peu de temps. C’est le deuxième dont je m’occupe, le Dodoala m’ayant été confié par une camarade de classe n’ayant pas le temps de s’en occuper. L’expérience est en effet très enrichissante et j’apprécie le cursus dans lequel je me trouve. Je ferais au mieux pour ne pas vous décevoir, Père.
Ce dernier sourit, amusé.
- Tu viendras me voir quand ton œuf aura éclot. J’ai un cadeau pour toi.
Nico hoche la tête, un peu surpris. Un cadeau ? Pour lui ? Surprenant. Habituellement, les cadeaux sont réservés à sa fille chérie. Nico surprend la main de sa mère qui se pose, tendrement sur celle de son père. Il échange un regard avec elle et comprend que l’initiative vient d’elle. Comme toujours. Il lui sourit en retour. Elle a toujours été celle qui prenait sa défense.
–
Nico s’est enfoui sous son drap. Il fait trop chaud à Alola. Il s’était habitué au climat tempéré de Lansat et le choc est rude. Son Miaouss posé contre son ventre, le petit garçon réfléchit. Il doit continuer à s’occuper de Ptera et Insoulourdo, qu’il n’a pas mentionné non plus à cause de … et bien disons qu’il n’est pas sur que son père prenne bien son acquisition d’un … Insoulourdo. Pas que lui même l’accepte vraiment également.
En tout cas, il doit garder les deux complètements secrets tout en les nourrissant et les faisant sortir un petit peu chaque jour. Surtout Terry. Autant l’Insoulourdo a été libéré dans sa chambre, enfermé sous lit et il en est pleinement satisfait autant Nico est presque sur que le Ptera est beaucoup trop gros pour y rentrer. Il va donc devoir sortir, de nuit, dans une illégalité complète, pour protéger Terry. Comme il l’a protégé lors de …
Nico secoue la tête, il ne veut vraiment, vraiment pas y penser. Déjà que toute cette affaire va lui tomber sur le dos tôt ou tard … Il serre la pokeball du monstre dans sa main droite. Il doit le faire. Il doit le faire. Son affection pour Terry est bien plus grande que ce qu’il imaginait.
Nico sort de son lit, enfile une tenue sombre et lentement, prudemment, sort de la grande maison sans croiser personne. Relativement normal puisqu’il est quatre heure du matin.
Résumons la situation. Nico part de chez lui, sans autorisation, en béquilles et avec un Miaouss inutilement adorable et un Ptera inutilement énorme.
Ça ne peut que très bien se passer !