MARIE R. UANA
« Pyrotechnie féerique »Marie ne put que la notifier.
La larme qui coulait le long de sa joue.
Elle fut unique, discrète, et aurait parfaitement pu passer inaperçu. Mais elle la vit. Sur son visage, à la fois rosé par l’inhibition de l’alcool et refroidi par la température ambiante, Bellamy venait de verser une larme.
Et remercia la blanche.
Celle-ci ne sut que dire, que faire. Elle se contentait de fixer sa comparse dans les yeux, avec l’inexpressivité d’une personne indécise. Indécise pas seulement sur la façon de réagir, mais aussi sur la manière d’interpréter ce qu’il se déroulait alors.
Marie était incapable de voir Bellamy comme une bonne personne. Quelqu’un d’en apparence aussi ouverte qui s’avérait être autant renfermée sur elle-même ne pouvait pas comprendre ce qu’elle avait vécu. Et même si elle feignait l’indifférence, Marie s’attrista à l’idée qu’elle persiste à dénigrer cette souffrance qui l’avait pourtant tant rongé. Ce n’était pas rien, cela l’avait poussée dans ses derniers retranchements, au point de songer à l’irréparable ; mais Bellamy, elle, n’en avait que cure. Pire que ça, cela lui paraissait carrément insignifiant. C’était une véritable insulte à ce qui constituait Marie elle-même.
Pour autant, en cette soirée de la Saint-Sylvestre, et en dépit de son approche cynique, la Ranger se fut avérée être un soutien envers cette personne qu’elle exècre. Elle était tout à fait capable de cerner l’évolution de son comportement, et en comprenait toujours les raisons – la compassion, l’empathie, ce genre de trucs un peu chelous quoi – mais pour autant, elle se sentait illégitime.
Comme si tout ceci n’était qu’imposture et faux semblants.
Dans quelle genre de relation Marie et Bellamy s’étaient-elles conciliées ? La première pensait leurs contacts platoniquement cordiales et courtois, dans une parfaite acceptation du rejet de l’autre, mais pouvait-on vraiment qualifier leur échange actuel comme tel ? Ce n’était pas là une discussion de deux adolescentes en froid… Alors, à quoi jouaient-elles ? Faisaient-elles semblant de se soucier de l’autre ? Ou le firent-elles car il n’y avait nul autre apte à les remplacer ? Ne pouvaient-elles plus compter que sur ça pour se revaloriser ? Cette relation faussement amicale ? Ou… S’étaient-elles mal comprises depuis le tout début ? Est-ce que… Il était possible que, malgré tout leurs à priori, leurs interactions puissent valoir mieux que ça ?...
Elle ne sut. Marie ne sut. Une partie d’elle avait envie de croire cela possible, une autre avait conscience qu’il ne s’agissait peut-être là que d’un élan de tolérance porté par l’émotion du moment. Dès demain, il suffirait d’une remarque mal avisée de la rose pour raviver les flammes de la tension et de l’agacement.
C’était une sorte de fatalisme intrinsèque à leur nature même.
Marie et Bellamy n’étaient juste pas faites pour s’entendre.
De vifs mouvements la tirèrent de son introspection. Hélant la Ranger avec enthousiasme, ses Pokémon venaient de la rejoindre. Celle-ci balaya ses réflexions au moment de se tourner vers eux, et leur adressa un fin sourire pour les accueillir. L’heure approchait, ils débarquaient juste à temps.
Les lampions s’en allèrent. Après avoir incinéré leurs vœux les plus sincères, ils prirent route vers l’inconnu. Une mer d’étoile naquit à même la voûte terrestre, défiant le ciel de sa luminosité. C’était un sublime spectacle. En dépit de sa perdition sociale, elle était contente du tableau. La soirée aurait pu s’avérer pire. Bien pire.
Aussi étrange que cela puisse paraître, elle se demandait même si ce n’était pas le meilleur réveillon qu’elle n’avait jamais vécu.
Jamais elle n’avait eu autant conscience de la chance qu’elle avait. Des défauts qui la plombaient. Et de l’infini des possibilités qui l’attendaient.
Et face à ce constat, elle ne put que se conforter dans son souhait.
Que notre sérénité perdure.A nouveau, quelque chose fit irruption.
Dans un parfait état de calme, Marie se retourna pour s’en enquérir. Le Pokémon de Bellamy venait de réapparaître… Et il n’était pas seul.
La Ranger ne put qu’écarquiller de grands yeux quand elle comprit. Est-ce que… Se produisait-il vraiment ce qu’il se produisait là ? Son esprit pragmatique fut violemment mis à mal par la situation. Sur toutes les probabilités, que celle-ci surgisse, à ce moment là, à cet endroit précis, sur l’immensité que constituait l’espace et du temps, il était tout bonnement impossible que cela arrive. A moins d’un…
D’un miracle.
Marie coula un regard en direction des lampions à la dérive. Venait-elle… D’assister à la réalisation soudaine du souhait de Bellamy ? Ce genre de choses… Etait-il réellement possible ?
Elle observa ses propres Pokémon. Si le souhait de Bellamy s’était exaucé… Alors peut-être qu’elle aussi… ?
La rose dut s’en aller. Précipitamment. Marie désira entrouvrir la bouche, faire quelque chose, mais elle n’en eut pas le temps. Tout ce qu’elle put faire, c’est entendre une nouvelle fois les remerciements de la Mentali.
Sa main tendue dans le vide cachait à l’horizon les silhouettes d’une adolescente et de ses compagnons. Bientôt, ce rôle fut rendu désuet par sa disparition, et Marie abaissa le bras.
Miracle. Ou non. Cette soirée venait de prendre fin aussi étrangement qu’elle avait commencé.