Louis me regarde avec compassion, je sais très bien qu'il n'aime pas me voir dans cet état, fatiguée et pessimiste. Et, au fond de moi-même, je n'aime pas être comme ça non plus. Mais je n'arrive pas à m'auto-motiver. J'ai beau me répéter que sans pluie, il n'y a pas d'arc-en-ciel, que le positif attire le positif, rien n'y fait. J'ai juste l'impression que mon corps est là mais que mon esprit erre dans une forêt sombre et brumeuse dont il n'en voit pas le bout. Et ça m'énerve.
Le Gouroutan finit par me laisser, appeler par Mama Odie pour retourner à sa tâche. Il me tapote légèrement sur l'épaule avant de se relever et de rejoindre la dame de cantine, me laissant de nouveau seule. Cela fait maintenant plus d'une demi-heure qu'Emolga est partie seule affronter les pokémons sauvages de ce bayou répugnant. J'espère qu'il ne lui ait rien arrivé, je n'ai pas envie d'aller mettre les pieds dans ce marais pour aller la secourir.
Mais finalement, on dirait qu'elle s'en sort bien. Je la vois arriver au loin à toute vitesse. Elle me fait de grand geste, comme pour me prévenir de quelque chose. J'hausse un sourcil, cela n'a pas l'air d'être négatif vu la face enjouée qu'elle tire. Je me redresse et la réceptionne dans mes bras avant de la regarder dans les yeux pour tenter de comprendre ce qu'elle veut me dire. Elle s'agite dans tous les sens comme une pile électrique, me pointant plusieurs fois du doigt une direction précise dans le bayou. J'en conclue qu'il faut que je la suive. Je soupire avant de me résigner à pénétrer dans cette végétation abondante.
Bady se dégage de mon emprise pour planer en direction de ce qu'on pourrait définir comme une mangrove. Je la suis tant bien que mal, essayant de ne pas me faire distancer tout en tentant de garder l'équilibre et de ne pas glisser dans cette eau verdâtre. Après une dizaine de minute de marche, le pokémon électrique s'arrête et se tourne vers moi. Elle se pose sur une grosse racine, derrière un buisson, en me faisant signe de ne pas faire de bruit. Je m'approche d'elle et m'accroupis, curieuse de savoir ce qu'elle veut à tout prix me montrer. Je pousse légèrement les branchages avec ma main pour apercevoir flotter au dessus de l'eau, un pokémon coloré et ailé. Mon regard pétille: un Cryptéro. Un pokémon de type vol et de type psy, c'est un pokémon qui a des airs un peu mystiques, anciens. Je sais qu'il était considéré autrefois comme le dieu protecteur des villes, c'est triste que celui-ci en soit venu à protéger un endroit qui pue le mort. Bon, peut-être qu'il n'a pas d'odorat, mais bon.. c'est pas non plus super jolie comme endroit. Il pourrait protéger ma chambre, serait cool. Je fais signe à Bady de faire le tour pour le prendre par surprise. Toujours accroupie, je me déplace tant bien que mal sans faire de bruit derrière les racines pour ne pas me faire repérer.
« C'est inutile de vous cacher, je vous ai déjà vu. »
Je sursaute. Je regarde Emolga pour savoir si elle a aussi entendu. Vu sa tronche, j'en déduis que oui. Je me redresse lentement. Le Cryptéro nous fait face.
« Ce n'est pas très poli d'espionner comme ça.. Que comptiez-vous faire au juste ? M'attaquer par surprise avec une attaque Tonnerre ? »
Je déglutis.
« Hm. Pathétique. » dit-elle en se retournant avant de commencer à s'éloigner. « Ne perdez pas votre temps et passer votre chemin, je n'ai pas envie d'avoir affaire avec une dresseuse et un pokémon aussi insignifiant. »
J'hausse un sourcil. Non mais pour qui il se prend celui-là ? Je me tourne vers Bady, on échange un regard entendu. Emolga prend une grande impulsion et fonce directement sur le pokémon sauvage.
« Utilise Coup d'Jus. » dis-je fermement.
Elle s’exécute et lance une puissance décharge électrique autour d'elle que le pokémon psy se prend de plein fouet. Il se redresse tant bien que mal et se retourne vers nous.
« Tu disais ? » lançais-je avant de sauter au dessus d'une grosse racine pour les rejoindre. « Il ne faut jamais sous-estimer quelqu'un, l'apparence est très souvent trompeuse. Et tu es tombé sur la mauvaise personne: je ne me laisse jamais marcher sur les pieds. Et encore moins ma Emolga. »
Un sourire satisfait, je lance un regard complice vers l'écureuil volant.
« Je l'avoue, je ne pensais que vous auriez l'audace de m'attaquer. Vous n'aviez pas cet air enjoué et niais que possède ces jeunes dresseurs. »
J'hausse les épaules.
« Je l'aurais peut-être eu il y a quelques mois mais disons que là, actuellement, j'ai perdu cet engouement. »
Le pokémon sauvage s'approche de moi en me fixant avec son unique oeil.
« Et quelle est la raison de cette perte ? » demande-t-il.
Mon regard dérive sur le sol.
« Une trahison. »
Le pokémon psy laisse un léger silence s'installer, toujours en scrutant la moindre de mes expressions.
« Un être proche, je présume, si non vous ne seriez pas dans cet état. C'est pour cela que je n'accorde que très peu ma confiance, on finit toujours pas être déçu. Je n'ai accordé ma confiance qu'à un seul être humain dans ma vie. »
Oui, il a raison. Je froncer légèrement les sourcils en redressant la tête.
« Comment tu connais tout ça ? »
Après tout, c'est un simple pokémon vivant dans les marais, pourtant il a l'air de s'y connaître en « relations sociales ».
« Je vivais sur Adala fut un temps, dans le hameau de skiddo avec mon dresseur. Un vieil homme autrefois militaire. Quand il a quitté ce monde, je suis parti vivre ici, loin des humains. Mais il a fallu que des adolescents comme vous débarquent pour déranger ma tranquillité. »
Ma mine s'assombrit légèrement. Son dresseur est décédé.. c'est horrible..
« Et.. tu n'aimerais pas retrouver un autre dresseur ? »
Il se tourne vers moi.
« Un dresseur comme toi ? »
J'hausse un sourcil.
« Pourquoi pas. »
Il secoue la tête.
« Je n'en ai aucune idée. Pourquoi toi ? Et pas un autre ? »
Je réfléchis un instant.
« Et bien laisse-moi te donner envie de me rejoindre: Je m'appelle Ana, je suis originaire de l'Archipel d'Alola. Je suis étudiante à la Pokémon Community récemment installée sur Adala. Je suis une coordinatrice et une dresseuse spécialisée dans le type vol. Actuellement, j'ai 18 pokémons qui m'accompagnent tous les jours et l'académie offre de nombreuses opportunités, que ça soit pour ses élèves comme pour les pokémons. »
Le Cryptéro reste silencieux. Je le regarde, un peu essoufflée. Du coin de l’œil, je vois la Emolga faire un pouce en l'air dans ma direction pour me soutenir. Le pokémon s'éloigne un peu, faisant quelques va-et-vient comme si il réfléchissait.
« Mon ancien dresseur était aussi originaire d'Alola et était aussi un grand fan du type vol. Je ne sais pas si c'est une coïncidence ou non, mais peut-être que le destin a décidé de ne plus me laisser seul. »
Je souris légèrement, prenant cette réponse pour un oui. Je sors une pokéball de ma poche, l'active et laisse le Cryptéro rentrer à l'intérieur.