Elle attendait sur l’embarcadère, partagée entre l’inconfort que lui avait provoqué ce retour à Onde-Sur-Mer et l’excitation de repartir en alternance pour une mission spéciale. Finalement, elle avait passé deux semaines ici plus pour la forme que pour autre chose. Son paternel avait été occupé chaque jour de son séjour. Cela n’avait pas changé. En avait-elle espéré autrement ? Pas vraiment, mais se retrouver seule dans une maison vide, durant deux semaines entières était… Étrange. Ce sentiment de retourner dans son enfance, loin dans son enfance. De brasser ces temps qu’elle avait presque oublié. De redevenir cette gamine en manque d’affection qu’elle était, qu’elle était sûrement toujours mais à moindre mesure. En quelque sorte. Et c’était étrange comment elle avait l’impression de connaître Onde-Sur-Mer sans vraiment connaître. Elle se sentait comme une parfaite étrangère, sans endroit où aller, sans activité à faire, alors qu’elle connaissait les moindres recoins de la ville. Quelques coins de rue avaient changé, certes, mais Onde-Sur-Mer dans sa globalité était restée la même. Mais il n’y avait plus rien qui la raccrochait à cet endroit.
Elle soupira. Cet embarcadère était neuf. L’ancien, sur lequel elle avait posé les pieds à de nombreuses reprises, avaient des centaines de cadenas d’amour et de graffitis. Ça occupait de lire chacun d’eux. Elle esquissa un sourire. Certains étaient même plutôt drôle.
Elle n’avait pas eu le courage de retourner dans les lieux qu’elle avait l’habitude de fréquenter. Lors de son dernier séjour ici, elle l’avait fait. Elle savait déjà qu’elle ne retrouvera personne, alors à quoi bon.
À bien y repenser, ces deux semaines avaient été d’un ennui. Elle les avait probablement plus passées à se morfondre qu’autre chose. Puis à changer toute la déco qu’il y avait dans sa chambre de princesse. Cette chambre à laquelle elle n’y avait presque pas touché depuis tant d’année. Malgré tout, il n’y avait pas une trace de poussière. La femme de ménage faisait bien son travail, de toute évidence. Une sirène retentit. Il était bientôt temps d’embarquer.
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L’air de rien, cela faisait tout de même presque quatre mois qu’elle n’avait pas posé pied à Céladopole. Et en toute honnêteté, elle n’arrivait pas à savoir si cela lui manquait. Lors de son stage à Fiore, aucunement. Mais après son séjour à Unys, un doute planait. Peut-être était-ce parce qu’elle avait pris l’habitude ? Peut-être s’était-elle accrochée à une routine ?
Il s’agissait tout de même d’une coïncidence incroyable, ce stage tombait exactement à une période ambiguë, ce qui lui permit de prolonger son séjour à Onde-Sur-Mer, qui à défaut d’avoir été déprimant, fut au moins très calme, et eut l’avantage de retarder son retour à Céladopole. Certes, elle redoutait un peu ce que la vieille mégère lui préparait pendant son absence, mais tant pis. Dans l’immédiat, il fallait qu’elle se remette en condition pour l’alternance qui arrivait.
Une fois de plus, l’opération allait avoir lieu en collaboration avec le centre météo de Hoenn. À force, la blonde avait compris que celui-ci entretenait une relation importante avec la confédération des rangers. Mais contrairement à la dernière fois, cette fois-ci, l’opération aura lieu dans un moindre rayon, donc dans une configuration plus directe avec les météorologues. Une histoire de Tylton. Elle sourit, elle commençait à en avoir l’habitude. Et l’idée que ce n’était pas elle qui avait trouvé cette occasion mais qu’on l’avait contactée pour lui proposer ce poste la rendait quelque peu fière. Ces alternances la plaisaient. Elle avait l’impression de progresser – même si celle ayant lieu à Parmanie avait été un véritable fiasco.
Il s’agissait d’une histoire de migration prématurée et trajectoire inhabituelle qui allait, très certainement, perturber le fonctionnement d’une ville se voulant écologique et tournant donc principalement à l’énergie solaire. C’est ballot.
Elle fut réceptionnée par une personne qui, de toute évidence n’était pas Oscar Wilkinson. Grande, svelte, bouclettes brunes. Non, à moins que l’homme ait décidé de changer de sexe entre temps, il ne s’agissait pas de son tuteur de stage, celui qui l’avait recrutée.
« Hope Spettell ? la concernée hôcha la tête, enchantée ! Je me présente, Maureen Suarez, assistante de monsieur Oscar. Ce dernier n’a pas pu se libérer, il m’a donc chargé de venir vous accueillir, devant l’air surprise de la jeune fille, elle rajouta, étant ranger en chef de la mission, Oscar est très occupé ces derniers jours à négocier avec les autorités locales sur plusieurs points. Ne t’en fait pas, je t’expliquerai tout en détail une fois à l’hôtel. Tu as besoin d’aide pour tes bagages ? »
Et sans attendre la réponse de la blonde, la Lockpin de l’adulte attrapa la petite valise de celle-ci. Hope eut tout juste le temps de murmurer quelques remerciements, surprise par la vivacité dont la créature fit preuve.
Maureen était une femme droite, directe, organisée, énergétique. Le moindre qu’on puisse dire, c’est qu’elle ne perdait pas son temps. Probablement une secrétaire de qualité, si elle assumait également ce rôle-ci. Elle intimidait un peu la blonde, ce qui pour le coup n’arrivait que rarement.
Une fois ses bagages posés dans sa chambre, dans un complexe en bord de mer, étonnement luxueux, la femme lui donna un petit quart d’heure pour s’installer avant de se retrouver sur la terrasse du restaurant au premier étage. Le temps que la jeune fille déplie sa valise, fasse usage de la salle d’eau et découvre l’uniforme déjà pendue dans le dressing, il était déjà l’heure. Elle dévala les escaliers en quatre à quatre.
Le complexe était construit sur une falaise, toutes les chambres orientées est, sur la mer. Il y avait quelque chose d’idyllique tout en restant moderne dans l’établissement. C’était la première fois que Hope découvrait et logeait dans un lieu comme celui-ci. Usuellement, les logements fournis durant ses missions ou ses stages étaient bien plus modestes, mais cela ne l’avait jamais dérangée, les entraînements de Jackie l’avait habituée à bien pire. Il y avait par exemple les trois jours de survie sur une île sauvage. Par exemple. Mais effectivement, les stages effectués à Bourg-Hiver ne lui prodiguait pas de confort exceptionnel, bien que cela n’ait aucunement affecté son appréciation sur son temps passé là-bas. Ça avait été magique.
Elle ne put pas louper Maureen, installée à une grande table sur laquelle elle avait étalé une certaine quantité de documents. Pourvu qu’elle n’ait pas trop à en lire, pria intérieurement Hope.
« Bien installée ? En quinze minutes, cela était un peu compliquée de vraiment bien s’installer. Mais elle hocha tout de même la tête.
- Très bien, merci ! »
L’adulte lui proposa ensuite un café qu’elle acceptera sans hésitation. Elle sentait qu’elle allait en avoir besoin.
« Voici le diagramme des migrations au cours des dernières décenies. »
Hope essaya de se concentrer pour bien comprendre ce que l’adulte venait de lui mettre sous le nez. Les mois à gauche, les années en bas. Ah ouais, d’accord. Donc les migrations on lieux toujours plus tôt dans l’année ? Était-ce cela ?
« La situation de cette année est clairement anormale, mais la tendance de ces dernières années tend clairement vers cette situation. D’ici quelques années, il est possible que cela devienne un problème récurrent. J’imagine que tu es au courant des causes, je ne vais donc pas m’étaler là-dessus. Elles s’étaient accordées pour se tutoyer après quelques minutes d’ambiguïtés. Et concernant les cause… Euh, ouais, vaguement. Cours de phénologie, là, réchauffement climatique, blablabla. Oui, cela lui disait vaguement quelque chose. Peut-être devrait-elle s’y renseigner à nouveau ? Mais effectivement, ce n’est pas le seul événement qui subit un décalage important. Prenons par exemple les statistiques sur les nouvelles naissances, et maintenant comparons-les avec leurs chiffres, trois mois après, soit autour de juin. Vois-tu le problème ? Il y a une nette baisse de population parmi les cotonneux, peu survivent. Cela est entre autres dû à la période d’éclosion qui ne cesse d’avancer, mais la principale source de nourriture de ces derniers ne suit pas le mouvement. Elle fit une pause, laissant la blonde assimiler la masse d’informations qui lui tombait desuss. Nous pourrions effectivement leur prodiguer le nécessaire afin de sauver le plus de nouveaux nés possible, mais à terme, cela les rendraient dépendant des humains, ce qui est peu souhaitable. Puis enfin, elle rangea les divers documents étalés dans une chemise transparente. Bien, ce n’était que pour te mettre dans le contexte. Le plus important pour toi reste à venir. Mais si tu peux te rappeler de tout ce que je viens de te dire, je pense que cela te sera bénéfique pour plus tard. »
Les accords avec les différents établissements, avec l’autorité locale, avec la ville elle-même. Bref, la quantité d’informations à assimilée était conséquente. Et les négociations n’étaient pas fini. En effet, ne pas avoir accès aux dispositifs de sécurité pouvait être embêtant. Certes, ils pouvaient toujours faire appel à la centrale, mais cela voulait également dire attendre qu’une unité policière arrive, analyse la situation, et décide ou non de ramener le matériel, ce qui risquait de leur faire perdre un temps considérable. Mais de l’autre, pour les autorités locales, faire appel à des rangers ne voulait pas non plus dire les intégrer à leur équipe pendant deux semaines, certains n’avaient sûrement pas compétences pour savoir utiliser tout le matériel dont ils disposaient.
« Donc ça, c’est Rivamar. Il y a trois axes de circulation principales. Elle sortit une stylet avec lequel elle traça trois traits sur la tablette électronique posées entre elle et Hope. En journée, il s’agira principalement de s’assurer de la sécurité de tous sur les routes. Nous ne savons pas encore comment la horde de cotonneux réagira, mais dans tous les cas, d’après les négociations actuelles, nous ne pourrons que fermer ces deux routes ici. Deux traits rouges. Nous aviserons en fonction de la situation, mais dans tout les cas, il faudra s’arrangea pour qu’au moins deux tiers des routes restent exposées au soleil sans quoi la ville ne tiendra pas le coup.
- Si cela venait à être le cas, est-ce sous notre gestion où celle des autorités ?
- Hum, nous sommes toujours en discussion à ce sujet.
- Et dans le cas où il faut évacuer des cotonneux, on les dirige où ? J’imagine que l’événement va attirer énormément de gens, de base.
- Alors, déjà, dans le cas où les cotonneux arriveront en trop grand nombre, il faudra essayer de les diriger hors des routes plutôt vers le toit du marché ouvert ou le phare. Concernant le marché, il faudra absolument éviter de les y emmener en trop grande quantité les mercredis et les samedis, ces jours étant ceux où l’affluence de visiteurs est la plus importante. Nous n’avons pas une équipe suffisamment conséquente pour s’assurer de leur sécurité parmi une telle foule, si cela devait arriver car comme tu l’as si bien relevé, il n’est pas surprenant que cela attire les gens curieux. Pour le phare, sans surprise, la nuit, il est hors de question qu’ils y restent. Aussi, il faudra éviter qu’ils restent trop sur cette partie-là du toit, nouvelle carte, je te laisse deviner pourquoi. On posera une personne sur la terrasse les jours où il devrait y avoir des touristes pour s’assurer qu’il n’ait pas de personnes malintentionnées. »
Respiration. La blonde avait fini son café depuis un moment, mais de toute évidence, un seul n’allait pas être suffisant. La carte de la ville avait été téléchargé dans son CapStick, de même que la liste des contacts que lui avait passé Maureen au début de l’entrevue. Cela faisait désormais bientôt deux heures. La femme lui présentait maintenant brièvement le profil de chacun des intervenants. Policiers en chef, maire, membres de l’équipe ranger, météorologue sur le terrain, météorologue chargé du dossier à la centrale, directeur du marché, agents de sécurité du phare. En bref, beaucoup trop de monde. Hope était sceptique à l’utilité de ce que lui apprenait l’assistante.
« Hum, je serai vraiment en contact avec toutes ces personnes ? »
L’adulte eut un moment de réflexion. Elle fixa la fiche de contact qu’elle s’apprêtait à passer à l’étudiante, puis finalement, lui répondit.
« Pas tous, en tout cas tes collègues. Après, ce sera en fonction du poste auquel on t’assignera. Mais oui, globalement, retiens juste qu’il y a énormément de personnes impliquées pour gérer cette affaire. »
Cela, elle l’avait déjà compris depuis une belle lurette.
« La horde de cotonneux arriveront depuis le nord-ouest et repartirons probablement par l’est. Aux dernières nouvelles, la plupart vient tout juste de quitter la forêt du Mont Couronnée. Il leur faudra quelques jours avant d’arriver ici. Nous avons des spécialistes qui surveillent leur progression. »
Planning. Heure de travail. Présentation des différents postes auxquels ils pourraient potentiellement l’attribuer. Beaucoup de blabla. Trop. Maureen était un vrai moulin à parole, les mots n’arrêtaient pas de sortir de sa bouche. La blonde essayait tant bien que mal de les attraper en même qu’elle tentait de profiter de la dernière goutte de café qu’il lui restait dans sa seconde tasse.
« … enfin voilà ! Je pense que tu as un bon aperçu de la mission, désormais. Et enfin, pour finir, tu pourras retrouver l’uniforme dans le dressing de ta chambre, la blonde reposa sa tête et hocha la tête, comme ce fut beaucoup le cas durant cet après-midi, et aussi, avant que je n’oublie, passe dans ma chambre dans la soirée, pour que je puisse régler ton CapStick sur la bonne fréquence. »
Le ciel s’était teinté de couleurs chaudes.
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Elle accrocha son CapStick à la ceinture. Click. On toqua à sa porte.
Devant elle, se tenait un homme d’un certain âge. Son faciès n’était pas inconnu à la blonde qui avait déjà put discuter avec celui-ci précédemment, avant qu’elle ne se retrouve officiellement enrôlée dans la mission.
« Mademoiselle Hope ! Comment allez-vous ? Enfin, si vous le permettez, peut-être devrions-nous nous tutoyez, qu’en penses-tu ?
- Bien et vous ? Et évidemment, je n’y vois aucun inconvénient. »
Oscar était un type qui s’approchait de la cinquantaine. Les cheveux grisonnants commençaient à apparaître mais il avait toujours cet air joyeux sur le visage. Quelqu’un de bonne compagnie. Dès le premier contact, la jeune fille avait trouvé l’homme sympathique, et maintenant qu’elle l’avait devant lui, cette idée ne faisait que de se confirmer.
Le déjeuner avec vu sur la mer avait un charme certain. Maureen avait dû quitter l’hôtel de bonne heure pour se rendre dans les locaux qui avaient été mis à leur disposition à l’occasion. De la paperasse à gérer, apparemment.
« Comment s’est passé l’entretien avec les autorités de Rivamar, hier ? Je crois que la chargée de l’affaire se nomme… Günter ?
- Mais tu es bonne élève dis donc ! Non, pas vraiment. Hope s’en souvenait principalement à cause du prénom de celle-ci. En effet, la chargée d’affaire se nommait… Colline Günster s’occupe de la communication entre notre équipe de ranger et les autorités locaux, en plus de diriger une petite équipe de policier qui gérera l’affaire partiellement également. »
Colline. À quel moment ses parents avaient jugé bon d’appeler leur enfant Colline ?
« Concernant l’entrevue, cela ne s’est pas trop mal déroulé. Nous n’aurons pas besoin d’avoir l’approbation des autorités pour installer un dispositif de sécurité dans certaines zones. Les principales zones à notre charge, donc. Mais tu imagines bien que des oiseaux, ça ne reste pas statique. »
Le reste de la journée se passa plutôt tranquillement. Elle accompagna l’homme rencontrer la centrale électrique de la ville afin de refaire un point sur la situation. Afin de prévenir ces prochains jours, ces derniers ont décidés de stocker plus d’énergie qu’ils le faisaient usuellement afin de prévenir les jours nuageux ou pluvieux. Néanmoins, la semaine précédente n’ayant pas été particulièrement ensoleillée, il ne put se préparer comme ils l’auraient voulu.
Elle put également rencontrer le reste de l’équipe de ranger, enfin, presque. Une dernière personne n’était pas encore arrivée, apparemment retardée par son avion. Mais hormis le retardataire, Lucas Gesler, un jeune n’ayant intégré l’équipe que depuis l’année dernière, elle put rencontrer Moris Edelwen, l’aîné n’ayant apparemment aucun lien de parenté avec la camarade de la blonde, Idalienor, Ai Noguchi, une femme toute douce mais qui, selon son tuteur, pouvait se montrer terrifiante dans certaine situation, Aya Charbon, qui dispose d’excellente connaissances médicales dont elle faisait bon usage au sein de l’équipe, au nom inoubliable également, Marc Antoine, un type cool qu’elle ne rencontra qu’un bref moment, Michel Marin, plutôt spécialisé dans les Pokémon aquatiques, mais voilà, et enfin Matt Morgan, apparemment un petit géni de seize ans n’ayant intégré l’équipe que depuis peu mais ayant fait ses preuves durant de nombreux alternances durant toute sa scolarité qu’il avait réussi avec brio.
Puis arriva l’après-midi où on annonça à Wilkinson que les cotonneux avançaient plus rapidement que prévu, pendant que la centrale leur informa des quelques jours de pluie qui allaient avoir la semaine suivante.
De toute évidence, ces quelques jours n’allaient pas être de tout repos.