Pas de vacances pour les Médecins.
Malgré l'absence de Salomé, sa liste de clients n'avait pas désempli et quelle ne fut pas sa surprise de constater une sollicitation de la part du comateux. Enfin, ex comateux. Cela commençait à être un client régulier et habitué, toujours pour un Motisma machine, toujours pour une attaque Balance.
Elle en viendrait presque à regretter la nouveauté qu'elle avait eu en février avec l'Aligatueur rose.
La rousse avait pris soin de placer le Motisma Hélice dans sa chambre, profitant de l'air qu'il brassait et dégageait pendant que Chayana attendait des ordres.
Mais elle n'avait pas besoin de Salomé ; la chromatique savait quoi faire car elle avait déjà fait cela par le passé, et même si six mois s'étaient écoulés, la rousse se doutait que le type Plante se souvenait de la marche à suivre.
Salomé, elle, désirait juste se rafraîchir auprès de la piscine mise à leur disposition dans l'immense paquebot.
Elle patientait tout de même, laissant la Macronium guider le ventilateur vivant pour qu'il puisse assimiler au mieux cette nouvelle attaque.
– Tu crois que Ginji fait du trafic de Motisma ? Parce que ça commence à faire beaucoup, là.
Si tel était le cas, le Topdresseur cachait bien son jeu. Lui d'apparence si naïf, innocent, en tête d'un cartel de Motisma. Et dans quel but ? Et pourquoi toujours cette même attaque ? Non vraiment, Salomé avait passé trop de temps en compagnie de Carole Franck et sa boutique plus qu'illicite l'an dernier pour songer à de telles choses.
Salomé patientait dans son maillot de bain marine à pois blanc, attendant que sa chambre se charge en énergie tandis que Chayana continuait de guider le Motisma de son mieux, lui indiquant quoi faire et comment. Vraiment, Salomé avait de la chance d'avoir un Pokemon l'assistant autant, même s'il lui semblait parfois que les rôles étaient inversés au vu de l'implication du type Plante dans la médecine.
Enfin, le miracle eut lieu.
Emegta venait de lancer une attaque Balance, droit sur Chayana toujours reléguée au rang de simple cobaye sans que cela ne la dérange le moins du monde.
Il était plus que temps de filer vers la piscine pour y piquer une tête, plantant là le ventilo qui continuait de tourner pour le plus grand bonheur d'Ankou, entortillé autour du plafonnier.
Il faudrait qu'elle songe à rendre son Pokemon à Ginji avant la fin des vacances même si la perspective de garder un ventilateur durant l'été l'enchantait au plus haut point.
Alors elle s'éloigna, droit vers la piscine, accompagnée d'Algernon, comme à son habitude, et de Django qui était bien le seul à ne pas souffrir de la chaleur mais toujours sur le qui vive à la recherche de Phoën.
Cela faisait bien longtemps que les deux amants n'avaient pu se retrouver et partager un semblant d'intimité, entre Logan et son coma, Salomé et son départ, le couple avait été plus que chahuté.
Et cela attristait quelque peu Salomé, qui souhaitait toujours le meilleur pour son Feurisson. La pauvre n'avait pensé qu'à Faulkner depuis la fin de son alternance, délaissant chacun de ses Pokemon.
Mais Faulkner n'était plus là.
Et Salomé plongea tête la première dans le bassin, éclaboussant Django, mais ne s'en souciant guère, souhaitant juste un peu de fraîcheur au milieu de cette fournaise, aspergeant Algernon curieux en même temps.
Elle avait plus que mérité ce repos.
Même si la nuit s'était installée, les températures étaient à peine redescendues et ce bain était à la fois salvateur et bienvenu pour Salomé qui n'avait aucune idée de la suite de son programme de visites.
Elle descendrait à Kalos, c'était certain.
Pour le reste, comme toujours, elle improviserait.
Pendant un instant, Salomé espère que ce sont les bras de Ranya qui l'enferment contre elle.
Mais elle se rend vite à l'évidence ; ces bras ne sont pas ceux de la blonde, encore moins ceux d'une femme.
Ce baiser qui claque contre sa joue n'est pas l’œuvre de Ranya.
Son regard fuit tandis qu'elle se sent prisonnière de cette étreinte qui semble durer une éternité, avant d'enfin apercevoir le visage de Logan.
Pendant un instant, Salomé se rappelle cette nuit d'horreur et l'insecte insignifiant qu'elle était entre les mains de Logan. Mais c'est un autre qu'elle a face à lui et sa tendresse l'effraie tout autant que sa colère passée.
Parce qu'elle ne comprend pas.
Parce qu'elle n'a pas choisi d'y croire.
Et, c'est ainsi que débute toutes les histoires ; en acceptant d'y croire.
Cette scène est surréaliste. Les phrases de Logan le sont tout autant. Où sont les insultes, les piques, les sarcasmes ? Où sont les reproches, les mots durs et le ton qui monte ? Il n'y a qu'une affection nouvelle et une sympathie écœurante qui imprègnent chacune de ses syllabes.
– Arrête !
Elle ne sait pas à quoi il joue mais elle n'a pas envie de glisser dans cette pièce absurde.
Sa croisade contre Logan est terminée, finie en beauté grâce à cette apothéose offerte par Ana et la rousse n'espère plus rien de cette histoire qui les avait blessés chacun à leur manière. Les dommages collatéraux avaient été nombreux, dans les deux camps.
Et, même si elle était encore loin de la sagesse qu'arborait Granny, la rousse avait grandi pendant ces six mois sur Kalos et Logan était la dernière personne à laquelle elle aurait songé.
– Lâche-moi.
Les mains du géant reposent toujours sur ses épaules, comme une poigne plus féroce et des serres de vautours abattus sur elle. Mais elle ne se sent pas la force de le repousser, elle ne peut qu'entendre les grognements de Django qui se lèvent dans le lointain, lui à la fois heureux face à la présence de Phoën mais éternellement rancunier contre Logan.
– Tu te souviens quand je t'ai dit que Django voudrait toujours te brûler à chaque fois qu'il te verra ? C'est encore valable. Regarde.
Il n'y a que la présence de Salomé qui empêche cette attaque Feu en préparation, prête à s'évader hors de la gueule du Feurisson. La Médecin le sait, il lui aurait suffi de s'éloigner de Logan de reculer de quelques mètres, pour que le hérisson enflammé se laisse aller à sa rage et son courroux, sans s'approcher de la piscine qu'il craint, attaquant à distance pour son plus grand bonheur.
Mais Salomé ne s'éloigne pas.
Et les mains du Voltali lui semblent plus lourdes que jamais.
Ses doigts contre sa peau la dégoûtent.
Alors elle espère que son calvaire finira par s'apaiser.
Puis elle croit comprendre.
Mais espère se tromper.
Difficile d’oublier cette avalanche de messages reçus pendant son séjour auprès de son camp gitan. Difficile de faire comme si de rien n'était, tous ces messages d'affection et de tendresse dont l'auteur lui était inconnu.
Et dire qu'elle avait cru à une erreur.
Elle extrait son iPok qui repose près de son droit, dissimulé par le tissu de son maillot de bain, arpentant l'historique pour finalement coller l'écran juste sous le nez de Logan.
Pour la première fois depuis longtemps, elle espère avoir tort.
Car si ce n'est pas le cas, Logan est peut-être porteur d'une histoire qui les dépasse tous.
Et elle qui pensait à être la seule à être porteuse d'histoire, la voilà flouée.
– C'est... Toi ?
Elle ne veut pas entendre la réponse.
Et une part d'elle est aux aguets, prête à écouter pendant que les grognements de Django continuent de résonner avec la lune comme seule spectatrice.
Et deux porteurs d'histoire retrouvés par une nuit abstraite.
– C'est pas toi, ça, Logan. C'est pas nous.
Alors elle préfère répondre à sa place car la vérité l'effraie. Et quelle vérité ? Celle d'une histoire où la haine trépasse au profit de l'attention et la gentillesse de Logan, des sentiments dont elle ne pensait pas un jour faire les frais de la part du Scientifique.
Elle n'a pas l'habitude de ça pour eux deux.
Elle n'est plus sûre de vouloir connaître son histoire.
Logan et Salomé n'ont pas la même conversation.
Ou alors il se fout clairement de sa gueule.
Putain.
Difficile de trancher, Salomé l'observe en silence tandis qu'il se justifie, tandis qu'elle ne comprend toujours pas. C'est une vaste blague que le Voltali est en train de lui faire.
D'ici cinq minutes, il l'insultera et tout recommencera comme avant.
– Je pige rien, Logan. De quoi tu parles ?
Putain, putain, putain.
Mais c'est quoi ce bordel ?
Elle nage en plein délire, en plein cauchemar, presque prête à chercher les caméras planquées qui ont saisi au vol sa mine plus qu'étonnée. C'est drôle dis donc, hilarant même, elle en pleurerait de rire si elle pouvait, si elle n'était pas à deux doigts de fulminer face à cette incompréhension qui l'arrache à la conversation à chaque instant.
À son départ, Logan était encore dans le coma, ou du moins c'était tout comme pour la Givrali qui n'avait pas cherché à prendre de ses nouvelles, elle simplement affaiblie par le non massif de Ranya et la nouvelle du décès de son arrière-grand-mère.
Logan était sorti du coma.
Mais Logan déconnait.
– J'ai raté quoi pendant mon absence pour que tu ai changé de comportement avec moi ? C'est l’œuvre de qui ? Ana ? Yuna ? Ranya ?
L'une d'elles, sûrement.
Elle penchait pour Yuna, au vu de la conversation passée avec Ana et de ses états d'âmes partagés alors que Salomé était encore sur Kalos.
Elle imaginait mal Ranya se mêlait d'une histoire qui la dépassait telle la rivalité entre la rousse et le géant.
Ne restait plus que Yuna.
– Le seul à m'avoir agressée, c'est Faulkner.
Elle n'avait pas pu s'empêcher de murmurer ces quelques mots, instinctivement, ne comprenant que trop tard que cela ne regardait pas Logan.
Et le Logan qu'elle connaissait s'en fichait bien, de son Farfuret.
Elle laisse le géant aller lui chercher un verre, car il n'y a rien de meilleur que les verres gratuits, surtout lorsqu'il s'agit de son cocktail préféré. Là encore, elle s'interroge. Elle n'a jamais partagé le moindre verre avec Logan, pourtant ce dernier a su de suite quoi lui prendre. Alors elle se retrouve là, avec son verre dans une main, tandis que Logan parle, parle, parle, parle, parle.
Et elle le fixe sans rien dire, son verre, la tête un peu ailleurs, attendant la fin du canular, la fin de tout, qu'on lui annonce que c'était bien drôle, sauf pour elle, que tout le monde s'est bien marré, sauf elle.
Mais la blague s'éternise.
– Putain !
Hé bien voilà.
Il était plus que temps.
Pauvre Logan interrompu par Salomé et sa vulgarité nouvelle, Salomé plus qu'agacée, Salomé qui ne tient pas longtemps face à ce qu'elle ne connaît pas.
Et cette histoire qu'elle attend toujours mais qui ne vient pas.
Il joue avec elle, plus que jamais. Bravo, ça change du Logan bourrin, on croirait du Salomé tout craché, mais Salomé elle-même n'aurait jamais pu feindre de tels sentiments pour Logan. De l'amour pour une inconnue comme Ana, sans souci, mais une amitié naissante pour Logan, hors de question.
– On va recommencer. Depuis le début.
Ou commencer tout court car tout ce qu'a pu dire Logan depuis son entrée en scène n'a fait que rendre les idées de Salomé plus floues qu'elles ne l'étaient déjà. Alors oui, peut-être existe-t-il un univers parallèle où lui et elle sont proches au point de boire des verres ensemble et de parler comme de vieux amis.
Mais cet univers, ce n'est pas celui-ci.
Et ça, c'est la seule chose dont Salomé est certaine.
– Ces vacances n'auront rien de cool, Logan. Toi et moi, on est mieux quand on est loin l'un de l'autre. Ça marchait très bien quand j'étais sur Kalos, et ce qui serait cool, vraiment cool, c'est qu'on continue sur ce paquebot. Puis à l'académie. Comme toujours depuis qu'on se connaît.
Là.
Elle espérait que sa lubie nouvelle allait lui passer et qu'il s'en irait martyriser quelqu'un d'autre, ce n'était pas les élèves qui manquaient, surtout ici. Qu'il aille donc discuter avec Yuna ou Ana, nul doute qu'elles seront ravies, du moins l'une plus que l'autre.
Mais non. Il avait fallu que cela tombe sur elle.
Elle n'avait toujours pas touché son verre, toujours aussi suspicieuse, craignant une nouvelle farce de la part du Scientifique.
Mais il fallait qu'elle sache.
– Comment t'as su, pour le mojito fraise ?
Mojito !
La faute à Michalik.
La faute au hasard, sûrement, pour un peu plus de sérieux.
Elle ne l'avait toujours pas remercié et, parti comme c'était, elle s'en dispenserait.
C'est quoi ces conneries ?
De quelle relation il parle ? Relation de haine, oui, de vengeance, de rancune et de coups bas, c'est là la seule possibilité mais la suite de son discours indique tout le contraire.
Ces deux-là ont vraiment un souci pour se comprendre.
Logan parle une langue que Salomé ne connaît pas, et il en est de même pour la rousse lorsqu'elle s'adresse au géant. Cela ne dérange pas ce dernier, tout le contraire de Salomé qui continue de tirer les fils de cette histoire qui l'inquiète autant qu'elle l'intrigue. Le fil s'arrête sur le nom de Yuna, Salomé est la première surprise, elle qui ne pensait pas que le garçon pouvait oublier Ana, voilà une nouvelle proie pour la Salomé d'antan, cette même Salomé qu'elle espère avoir laissée sur Kalos, sans en être véritablement certaine.
Parce qu'il est toujours terriblement facile de comploter contre Logan avec un esprit comme le sien.
Et toutes ces conneries qu'il lui raconte, c'est tout autant de chemins qu'elle peut se sentir libre d'emprunter pour arriver à ses fins.
Et la suite continue de la surprendre, voilà qu'elle aurait parlé à Logan de sa relation avec Mélie. Quand ? Pourquoi ? Ah non, ça, elle le sait, la faute à l'alcool et au vu du passif de Salomé avec les liqueurs fortes, ça tiendrait presque debout.
Mais il n'y a qu'Ana et Ranya qui connaissent des bribes de son passé.
Et toute son équipe qui a assisté aux relations mère-fille depuis le début.
Certainement pas Logan.
Mais comment il sait ça, alors ?
Putain.
– Est-ce que... je t'ai raconté autre chose sur ma vie privée ? Sur moi ? Sur ma famille ? Sur mes Pokemon ? Sur Ana ? Ou sur... Ranya ?
Mais sa rupture avec Ana n'était certainement plus un secret pour personne ; l'Alolienne avait dû se charger de répandre la bonne parole pour que la moitié de l'académie soit au courant du comportement immonde de Salomé. Ou Yuna, grande amie d'Ana, s'était chargée de répéter le tout à Logan.
Qu'il sache quelque chose à son sujet ne prouvait rien.
Mais concernant Ranya, là, ce serait différent. Ranya qu'il ne connaissait que de vue, il voulait bien le croire. Mais à entendre Logan, Salomé et lui étaient proches. Plus que proches. Et la suite la dégoûtait, la poussant à cracher la gorgée qu'elle était en train d'avaler, en plein sur le Voltali. Elle aurait pu s'excuser si elle avait un tant soit peu d'estime pour lui, si elle regrettait son geste, mais elle continuait de tousser, le mojito fraise avalé de travers, avant de reprendre des couleurs et que sa quinte de toux ne se calme enfin.
Cela la dégoûtait.
S'imaginer entre les bras du Voltali, visualisant parfaitement la scène dépeinte par ce dernier, avait de quoi la faire glisser sous de nombreux frissons et ce malgré la chaleur de l'été.
– Je ne savais pas que tu me désirais au point de t'inventer toutes ces histoires, rigola-t-elle avant de finir son verre, si j'avais couché avec toi, je pense bien que je m'en souviendrais. Sauf que ça n'est jamais arrivé. Comme tout ce que tu as raconté. Demande donc à ta grande amie Yuna, elle se fera un plaisir de te renseigner.
La rousse lui tendit son verre, désormais vide. Elle ne savait pas si c'était une bonne ou une mauvaise idée mais au vu de tout ce qu'elle avait entendu cette nuit, elle se doutait qu'un verre de plus ne pouvait qu'être une solution face à la folie nouvelle de Logan.
– Vas-y, je crois que j'ai pas assez bu. Y a pas à dire, au moins t'es divertissant. Et sacrément inventif.
Le dégoût et la surprise passés, voilà qu'elle était d'humeur à rire. Logan faisait un bon clown et il paraissait capable d'inventer mille histoires. Dans quel but ? À quoi jouait-il ? Salomé n'en savait toujours rien mais le géant ne paraissait pas prêt d'abandonner son rôle.
Elle le laissa partir pour le voir revenir avec des verres remplis, au moins buvait-elle à l’œil pour la soirée (Logan qui fait sa Marina) sans avoir se soucier de rien d'autre que de l'écouter.
Et de lui remettre les pensées en place, car finies les conneries.
– Moi aussi, j'ai une histoire à te raconter. Notre histoire. Totalement différente de ce que tu m'as contée là. C'est même l'exact opposé.
La demoiselle se retrouvait à errer parmi ses souvenirs, cela faisait une éternité qu'elle n'avait pas clamée cette histoire qui avait été le théâtre de nombreux éclats, tous plus intéressants les uns que les autres, depuis son entrée à l'académie.
– Ça commence avec toi qui m'insupporte et moi qui décide de te pourrir la vie. Et ça termine avec moi en couple avec Ana juste pour t'emmerder un peu plus. Entre le début et la fin, tu t'en doutes, y a un nombre pas croyable de scènes.
Un léger sourire vient éblouir et illuminer son visage. Cela faisait tellement longtemps que tout cela avait débuté et six mois à peine que la rousse avait apposé le point final à cette tragédie.
Elle n'avait peut-être pas envie de s'y replonger corps et âme, finalement.
– L'avantage avec les histoires, c'est que c'est à nous de choisir d'y croire ou non. Moi je crois à mon histoire. Toi, tu crois à la tienne.
Elle faisait plus que y croire.
Elle l'avait vécue.
Algernon s'en souvenait.
Django s'en souvenait.
Chayana s'en souvenait.
Les témoins étaient nombreux mais elle n'avait pas la force de les appeler ce soir. Alors elle se contenta d'avaler une nouvelle gorgée, curieuse d'entendre ce que Logan allait lui raconter maintenant.
C'était toujours du grand n'importe quoi mais cela avait au moins le mérite de lui vider la tête.
Donc Logan n'entend que ce qu'il veut bien entendre.
Super.
Comme si ce n'était pas assez compliqué comme ça.
Voilà qu'il avait tout oublié de Salomé et sa vengeance à travers Ana. Et ça, ça l'agaçait un peu. Six mois passés en sa compagnie, six mois à faire semblant, juste pour le blesser davantage et six mois réduits à néant d'après ses paroles.
Pour un peu, Salomé y croirait presque.
Mais elle continue de nier le tout, attendant que Logan finisse par craquer et lui avouer la vérité et surtout pourquoi il se comportait de la sorte. À l'entendre, il ne semblait pas prêt de cracher le morceau tout de suite.
Après tout, ils avaient la nuit devant eux.
– Moi je t'ai parlé de Ranya ? Jamais de la vie. Tu dois me confondre avec une autre rousse, et elle, avec une autre blonde.
En tous cas, même si elle ne lui avait jamais parlé de Ranya par le passé, elle venait de le faire en cet instant, dévoilant le nom de la danseuse. Ce n'était un secret pour personne, Salomé était allée jusqu'à en toucher deux mots à Ana le mois dernier.
La demoiselle n'avait plus envie de perdre son temps à expliquer à Logan que non, il ne lui avait jamais parlé de son adoption, c'était Ana qui avait gaffé en lui révélant la vérité, personne d'autre. Mais ça, ce serait sûrement trop compliqué à cerner pour son minuscule cerveau de moucheron tout juste bon à raconter ineptie sur ineptie.
Il y avait du croustillant à se mettre sous la dent malgré tout. Salomé n'était jamais contre des ragots, et au vu des paroles précédentes du Voltali concernant Yuna, ses soucis de cœur la concernaient sûrement, à défaut d'Ana.
– Des problèmes de cœur, tu dis ? Avec Yuna ? Hésite pas, si tu veux te confier à moi, surtout. Après tout, on est dans le même dortoir, elle et moi.
Ça l'emmerde un peu de jouer les oreilles attentives, surtout qu'elle ne sait toujours pas sur quel pied danser avec Logan. D'un côté, il semble honnête, trop honnête, et paraît croire à tout ce qu'il raconte.
De l'autre, il raconte purement et simplement connerie sur connerie.
Alors le croire ou non quand il évoque des soucis de cœur ? La rousse n'en sait rien mais elle se souvient juste que toute information concernant Logan est bonne à prendre, même si elle n'a aucune idée de ce qu'elle en fera par la suite.
Elle n'a plus envie de se lancer dans ces vengeances éternelles.
Alors juste satisfaire sa curiosité serait plus que suffisant.
Voilà que Logan reparle de Ranya. Il ne lâchera jamais le morceau, à l'entendre et ça l'agacerait presque. Difficile d'oublier cette porte claquée après cette ultime conversation en compagnie de la Scientifique. Difficile d'oublier tous ces brouillons qui pullulent encore dans son iPok. Difficile d'oublier Ranya, tout simplement.
– J'ai jamais connu de Saint-Valentin comme celle-ci.
Sans déconner.
Et, machinalement, Salomé ne peut s'empêcher de passer ses doigts entre le pendentif offert par Ana, se rappelant tout à la fois de sa rupture avec la Mentali et du non improbable de la jeune blonde.
L'eau fraîche paraît la ramener à la réalité et l'empêcher de vagabonder davantage tandis que la demoiselle porte son second verre à ses lèvres, avec l'intime conviction qu'elle n'a toujours pas assez bu.
Car Logan l'agace toujours autant.
Le pauvre n'a rien fait de mal mais sa seule présence n'est qu'à peine tolérée par Salomé, et pire encore par Django, peu tranquille derrière sa dresseuse.
– J'espère qu'elle est à bord. J'espère que je lui ai un peu manqué pendant ces six mois. Et surtout, j'espère que...
Mais elle s'arrête.
Elle comprend qu'elle parle trop, qu'elle se confie trop, et ce peu qu'elle lâche, c'est déjà énorme. Surtout avec Logan comme interlocuteur. Elle regarde son verre et soupire, elle le sait bien que les langues se délient avec un peu d'alcool, elle le sait bien que c'est une erreur mais elle ne ne peut pas s'en empêcher.
– Je te fais peur, Logan ?
Le pauvre ne risquait pas de comprendre la raison de cette question soudaine. Elle et son mètre soixante, elle sa chevelure rousse, elle et ses yeux rubis, il y avait plus effrayant à l'académie. À commencer par le géant à ses côtés.
Pourtant, d'après Ranya, il y avait de quoi être terrifié.
Pourquoi fallait-il que tous ces compliments sortent de la bouche de Logan plutôt que de celle de Ranya ? Vraiment, la vie était mal faite. Cela l'aurait sûrement réjouie si un autre que lui avait prononcé toutes ces belles choses mais là, difficile de faire confiance à Logan, même s'il semblait se donner beaucoup de mal pour être crédible.
Et ça l'était.
Bien sûr, elle recula instinctivement sitôt les lèvres du garçon vinrent-elles effleurer son front. Non mais pour qui il se prenait ? Ah oui, d'après lui ils avaient été jusqu'à coucher ensemble alors ce n'était pas un baiser de rien du tout qui était censé la déranger.
Sauf que si.
– Ne refais plus jamais ça, cracha-t-elle, on n'a pas élevé les Gruikui ensemble, que je sache.
Elle termina son verre, s'asseyant sur le rebord de la piscine, ses jambes toujours totalement immergées dans l'eau, tandis que Django vint la rejoindre, délaissant Phoën pour se rouler en boule auprès de sa dresseuse, en veillant bien à ne pas se mouiller malgré tout.
Elle écoutait la suite des aventures de Logan. Logan qui avait mis un râteau à Yuna, Logan à Nénucrique, L ogan qui s'inquiétait pour Yuna. Pitié. Que c'était chiant. Et aucune mention d'Ana, toujours rien, la rousse commençait à désespérer à l'idée d'entendre le prénom de l'Alolienne prononcé dans la bouche du géant.
– Je suis censée savoir quoi alors que je me suis barrée pendant six mois ? Moi je sais juste que Yuna est chiante, Yuna est fade, et c'est juste parce qu'on est dans le même dortoir et qu'elle a récupéré Dovah, Draco et ami proche d'Algernon, que j'accepte encore de la voir. Parce que j'ai pas le choix, tu vois.
Compliqué de ne plus croiser quelqu'un dans son dortoir, oui. Compliqué aussi de ne plus la voir du tout, sans quoi Algernon serait plus que triste. Pourquoi fallait-il toujours que tout tourne autour d'Algernon et ses envies ? La rousse se laissait un peu trop mener par ce volatile mais il fallait l'avouer ; elle ne pouvait rien lui refuser.
– Et Yuna est moche aussi, les cheveux longs, ça passait encore. Mais là franchement, c'est quoi cette coupe ? Je sais pas ce qu'elle attend pour demander des conseils beauté à Erika. Vraiment pas.
Voilà que l'alcool faisait son brin d'effet, la langue de Salomé se déliait, mais pour être mauvaise envers une Givrali. C'était un bon début. Non vraiment, difficile de comprendre ce que Logan pouvait bien lui trouver ; cette fille n'avait rien pour elle, si ce n'est son armée de Pokemon Feu. Mais même ça, c'en était presque pathétique.
– Alors oublie-la. En plus, obligé tu te ferais chier au lit avec elle. Même moi je me ferais chier au lit avec elle, rigola-t-elle, si un jour elle me laisse l'approcher, vraiment l'approcher, je testerai et te raconterai. Promis que tu manqueras rien d'exceptionnel.
Alors si Salomé pouvait ne pas finir dans le lit de Yuna, ce serait gentil, merci.
Enfin, elle fait ce qu'elle veut mais comme elle l'a si bien dit ; elle risque d'être déçue plus que tout. Alors à quoi bon perdre son temps avec elle ?
Elle tendit son verre vide au Voltali. Cela l'amusait et elle prenait tout comme un jeu. Elle ne savait juste pas où ça allait la mener.
– Tu vois bien que je n'ai toujours pas assez bu, sinon je serais déjà partie rejoindre ta chère et douce Yuna.
C'était une manière de voir les choses.
Serait-il possible d'aborder un autre sujet que la Givrali ? Merci.
Qu'est-ce qu'il raconte comme conneries encore, celui-là ? C'est suffisamment puissant pour tirer un rire à Salomé, à moins que cela ne soit dû à l'alcool qui l'enivre peu à peu. Peut-être l'un et l'autre, en vérité.
– Pour un plan à trois, faudrait déjà que Yuna veuille de toi.
Parce que là, dans l'immédiat, ça risque d'être compliqué au vu de ce que le géant vient de lui raconter. Il pouvait toujours rêver, avec un peu de chance, la bleue finirait peut-être par succomber à son charme inexistant. Plat l'un et l'autre, ils formeraient un couple assorti, la rousse ne pouvait pas le leur ôter.
Logan revint plus vite que d'ordinaire et la demoiselle se saisit de son verre avant d'y tremper ses lèvres doucement. Elle se savait sur une pente glissante, elle savait que le choix le plus judicieux et raisonnable serait de rejoindre sa cabine pour se coucher et dessoûler jusqu'au petit matin.
Mais elle ne bougeait toujours pas, se contentant d'écouter Logan lui parler d'amour et avoir un soupçon d'intimité avec elle.
– Pitié...
Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas entendu un discours similaire et cela lui faisait mal au cœur. La pauvre ne savait pas si elle était capable d'aimer, elle qui avait failli perdre ses esprits face à un simple « Je t'aime » prononcé par Ana cette année.
Et il osait lui parler d'amour, comme si de rien n'était.
– Y a rien d'unique ou de magique à ce qu'on fait là. Je suis en train de me bourrer la gueule à tes côtés. Et tu fais pareil. Elle est où la magie, dans tout ça ? Eclaire-moi car là, je vois pas. C'est juste... pathétique. Et déplorable.
Elle attrape un brin de menthe glissé dans son verre et le mâchouille jusqu'à l'avaler avant de répéter l'opération avec toute la verdure laissée là pour que le mojito soit finalisé. La menthe est forte mais ça ne suffit pas pour l'éclairer, encore moins pour chasser la buée qui lui colle à l'esprit, dans laquelle elle vagabonde depuis le début de la soirée.
– J'ai même pas été foutue de lui envoyer un sms avant de partir... Un vrai message. Et pas juste « À une prochaine, Ranya. » Tu parles d'un message d'au revoir ! Pourtant, y en a eu des brouillons...
Salomé attrape une nouvelle fois son iPok, parcourant tous les messages écrits mais jamais envoyés à Ranya. Regrets, remords, confessions, mensonges, questions, tendresses, affections... Il y avait de tout, la corbeille qui contenait chacun de ses messages effacés en était remplie. Et même sur Kalos, la rousse avait gardé le silence, à jamais spectre, se contentant de penser parfois à Ranya qui continuait sa vie loin d'elle à l'académie.
Comme si elle allait l'attendre.
Salomé, elle, ne l'aurait pas attendue.
C'était peut-être ça sa chance, Ranya n'était pas Salomé.
– Regarde ! Regarde comme j'étais inspirée !
L'iPok à quelques centimètres à peine des yeux, sûr qu'il ne pouvait que voir et lire. Voilà qu'elle dévoilait une part de ses messages enterrés à Logan sans que personne n'ait jamais pu les lire avant Salomé. Le rétroéclairage de l'écran en était éblouissant au milieu de cette nuit noire, l'une des rares sources de lumière proche du duo. Et une lumière violente, agressive.
Qui lui donnait légèrement mal au crâne mais rien d'insurmontable, alors la demoiselle continuait de faire défiler chacun des messages.
– Tu lui as déjà envoyé des messages comme ça, à Yuna ? Elle t'en a déjà envoyé ? Non, bien sûr que non. Vous êtes autant fade l'un que l'autre, ça risque pas de venir de toi ou d'elle, ce genre de mots. Et tu me parles d'amour ? Vraiment...
Logan, faux romantique.
Quand il n'était pas question de Ranya, voilà que Yuna revenait en trombe dans la discussion. Il faudrait réellement songer à inviter l'une et l'autre à se joindre à cette agréable conversation, nul doute que les deux filles apprécieraient être le centre de toutes ces attentions.
Qu'est-ce qu'elle avait été lui montrer ses messages privés ? Certes supprimés et jamais envoyés mais cela restait de l'ordre du privé malgré tout, et ne regardait certainement pas Logan qui racontait tout et n'importe quoi depuis le début de la soirée.
La rousse n'y faisait même plus attention, elle avait plongé à nouveau dans ces souvenirs et ces élans de tendresse qu'elle avait eu envers et pour Ranya, certains plus fulgurants que d'autres, ayant encore en tête le jour où la blonde l'avait chassée et, une semaine plus tard, son départ précipité d'Adala.
Voilà qu'il la provoquait.
Peut-être aurait-elle pu réagir en d'autres circonstances. Lui donner tort ou raison, elle ne savait pas encore, mais elle se contenta de ranger l'iPok qu'il lui tendait, à croire qu'il se croyait intelligent avec son idée plus que prévisible.
Si Salomé n'avait pas rompu avec Ana par texto, ce n'était pas pour renouer avec Ranya ainsi.
– Non.
Et son non claqua à travers l'immobilité de la nuit, faisant tourner la tête de Django qui reprit bien vite sa position initiale. Une soirée ordinaire avec Salomé en guise de dresseuse, sûr.
– J'aurais plus à gagner en allant directement frapper à la porte de sa cabine qu'en lui envoyant un vulgaire message, cracha-t-elle avant de reprendre son iPok et d'envoyer valser ce nouveau brouillon qui ne verrait jamais le jour, c'est peut-être pour ça que Yuna t'a dit non, car tu te contentes d'un message plutôt que d'aller frapper à sa porte ?
Salomé ne savait même pas si Ranya était à bord du Prince des Mers.
Pourtant, son instinct lui soufflait qu'elle devait y croire et qu'il y avait fort à parier pour qu'elle se trouve à travers le ferry, quelque part, même si elle ignorait encore dans quelle cabine et avec qui.
Alors frapper à sa porte dans l'immédiat risquerait d'être quelque peu compromis, sauf si la rousse se décide à toquer à toutes les portes pour connaître ou non la présence de Ranya à bord. Cela prendrait un temps fou et une énergie considérable.
Il n'était pas plus mal d'attendre que le destin s'en mêle, et, ce jour-là, Salomé se tiendra prête pour discuter avec Ranya. De tout, de rien.
– Alors suivre tes conseils pendant que t'as même pas été fichu de la séduire, ta Yuna, merci mais non merci. Va déjà mettre en application tout ce que tu viens de me dire et après peut-être que je réfléchirai sérieusement à la question.
La rousse but de nouvelles gorgées, davantage pour se détendre que pour se rafraîchir ou se désaltérer. Il l'avait agacée à se croire supérieur à elle.
Il n'était que Logan, et elle, Salomé.
Comment osait-il la prendre de la haut de la sorte, et surtout, tenter de la provoquer ? Malheureusement, cela avait eu l'effet inverse et l'iPok était sagement rangé à l'ombre de la coque de son maillot de bain.
– Tu cherches quoi en t'incrustant comme ça dans ma vie privée ? On ne s'apprécie pas Logan, et on ne s'appréciera jamais. Garde ton numéro pour d'autres, moi, je passe mon tour !
Elle en avait assez.
Assez de ce Voltali trop entreprenant et qui se croyait suffisamment intelligent pour lui donner des conseils pour Ranya.
Comme s'il connaissait quoi que ce soit à l'amour.
Comme si Salomé y connaissait quoi que ce soit.
Et cela l'agaçait au plus haut point d'être autant dans le vague et le flou, sans rien avoir auquel se rattacher, sans pouvoir mettre de mots sur ce qu'elle ressentait ou non pour Ranya.
Mais jouer les romantiques, elle avait assez donné avec Ana.
Il lui fallait maintenant s'occuper de Logan, tout juste bon à lui payer des mojito fraise et à conter des histoires sans queue ni tête. Histoires qu'elle refusait de croire car malgré l'alcool, son esprit se souvenait encore de ce qu'elle avait vécu ou non.
– Tu devrais t'en aller.
Elle aurait dû commencer ainsi.
Le chasser, avec l'aide précieuse de Django, au lieu de vouloir lui accorder un sursis et l'ombre d'un répit qu'il ne méritait pas. Elle avait été trop gentille, trop idiote, le laisser parler était déjà l’œuvre de sa trop grande bonté.
Les râles du Feurisson s'élevèrent à nouveau, plus insistants et féroces que jamais, n'attendant plus qu'un signal de la part de la rousse pour déchaîner ses précieuses flammes contre le géant.
La demoiselle eut un sourire, comme toujours, Yuna revenait dans ses pensées, à croire qu'elle ne l'avait jamais vraiment quittée, tout comme Ranya depuis son départ.
– Au moins tu dois avoir l'habitude d'être persécuté par les types Feu.
Difficile d'y échapper avec l'armée grossissante et imposante de la bleue. Et même si le chromatique ne pouvait en aucun cas rivaliser avec le quart de l'équipe de la Spé Type, sa fidélité suffisait à Salomé, tout comme son qui vive face à Logan dès qu'il se présentait à elle.
Est-ce qu'il... pleurait ?
Elle lui avait juste demandé de partir, de la laisser tranquille pour qu'elle puisse se reposer et profiter de la quiétude de la nuit sans être dérangée par Logan et ses questions plus que privées. Et voilà qu'il réagissait à grosses et chaudes larmes, trempant totalement le pelage de son Feurisson visiblement circonspect et perplexe face à la situation, lui impuissant posant un regard implorant vers la rousse.
Consoler Logan, ce n'était pas de son registre.
Consoler les gens tout court.
Voilà qu'il lui reparlait de Yuna. Pire, il lui demandait son aide, à elle. Elle faillit s'étrangler. C'était du jamais vu. S'il jouait la comédie, nul doute qu'il était bon acteur, plus qu'elle ne l'était elle-même. Un peu façon Hélène Zidi et ses yeux humides face à son personnel.
– C'est Yuna qui a le dernier mot dans cette histoire, que je t'aide ou non n'y changera rien. Et t'aider comment ? T'as cru qu'on était proche, elle et moi ? Laisse-moi rire.
Il lui en demandait trop.
Et même si elle avait voulu, la rousse ignorait comment répondre à sa requête. Oh il lui aurait suffi d'y réfléchir sérieusement quelques instants pour qu'elle et son esprit créatif finissent par trouver une solution, comme toujours. Mais la vérité restait toujours la même ; elle n'aiderait pas le Voltali à construire son propre bonheur alors qu'elle avait passé plus d'une année à le détruire.
– T'as qu'à l'oublier. Passer à quelqu'un d'autre. C'est pas les filles qui manquent dans cette école.
Si seulement la gitane appliquait à son tour ce précieux conseil pour Ranya. Ce n'était pourtant pas compliqué de se détourner totalement de la blonde. Mais il fallait qu'elle essaye, encore une fois, car elle le sentait, entre elle et Ranya, rien n'était totalement terminé. Elle ignorait encore sous quelles formes leur histoire s'écrirait mais elle avait la certitude qu'elle ne pouvait pas laisser la blonde filer aussi simplement.
Elle ressortit son iPok pour consulter l'heure et ne put que grimacer face au rétroéclairage violent qui lui meurtrissait les prunelles. Il était plus que tard et même si rien ne l'attendait demain, une part d'elle était encore raisonnable, et ce malgré l'alcool et Logan en larmes.
– Il arrive jamais rien de bon passées trois heures du matin, lâcha-t-elle en rangeant son iPok, va te coucher.
Maintenant, qu'est-ce qu'elle était censée faire avec un Logan en pleurs, un Logan comme elle n'en avait jamais vu, au bord du délire peut-être ? Déjà qu'il racontait n'importe quoi concernant leur relation alors qu'il était sobre plus tôt dans la soirée, la rousse ne souhaitait pas même imaginer ce qu'il pourrait dire désormais, avec plusieurs mojito avalés.
Elle, elle voulait juste s'en aller.
Et Django aussi, visiblement insensible à la tristesse et douleur du dresseur de son amant. Et cela se comprenait ; le chromatique n'avait toujours pas pardonné, tout comme Salomé, il n'y avait qu'Algernon d'assez bon pour faire ce pas en avant dans le passé.
Elle eut un soupir car elle le savait, elle allait forcément regretter son geste. Regretter d'aider Logan alors que tout son corps lui hurler de déguerpir le plus loin possible et de ne pas traîner plus longtemps que nécessaire par ici. Elle s'accroupit à hauteur du géant, passant un bras autour de son cou, en espérant que celui-ci y mette un peu du sien car Pokéathlète ou non, elle ne risquait pas de réussir à le porter seule.
– Je te raccompagne jusqu'à ta chambre, d'accord ? Tu seras mieux à pleurer contre un oreiller que contre Phoën.
La voilà la preuve qu'elle avait suffisamment bu. Au moins suffisamment pour porter secours à Logan, à sa manière, tandis que le Feurisson approuva d'un couinement, se dégageant de son dresseur pour laisser la place à Salomé. Entre l'eau de la piscine et les larmes du Scientifique, la gitane avait cessé de se battre contre l'humidité environnante.
Voilà autre chose : la porte qui refusait de s'ouvrir.
Sérieusement, venait-elle de subir tour à tour critique puis niaiserie de Logan pour se heurter face à un mur ? C'était trop stupide.
Maudit système qui n'en faisait qu'à sa tête. Alors quoi ? Lui proposer de dormir dans sa chambre ? Hors de question, elle se maudissait même d'avoir songé à une telle folie.
Son regard coula sur Django visiblement désireux de rendre service. Comme toujours. La perspective de détruire un pan du Voltali lui plaisait, même s'il ne s'agissait que de sa porte de chambre. Elle leva les yeux au ciel, tandis qu'elle connaissait déjà la suite de cette histoire, sans savoir toutefois comment elle finirait.
Et puis, l'alcool avait de bon de pouvoir créer l'oubli.
– Django, brûle-moi ça.
Nul doute que Yuna avait fini par influencer la gitane malgré elle.
Elle avait tendu un doigt tremblant et hésitant vers la porte massive, préférant joindre le geste à la parole pour éviter que le chromatique ne s'en prenne à Logan sur un malentendu.
Avec le Feurisson, tout pouvait arriver.
Tout comme avec Salomé.
Le type Feu s'exécuta de suite, satisfait de pouvoir ruiner un peu plus ce qui appartenait à Logan, même si ce n'était que pour le temps d'une traversée en croisière. Les flammes léchèrent la porte, jusqu'à ce qu'enfin l'entrée de l'antre du géant soit révélée dans sa partialité.
La cabine était en tout point identique à la sienne.
Une cabine de solitaire.
Mis à part les nombreux Pokemon qui la peuplaient, à commencer par un Kaorine renfrogné. La rousse l'ignora, pénétrant la chambre toujours accompagnée de Logan tandis que la perspective de boire un dernier verre la tentait de plus en plus.
Car elle se connaissait, elle allait accepter, même s'il s'agissait très certainement d'une mauvaise idée, comme tout le reste de cette soirée.
Elle lâcha Logan, prenant place sur le lit.
Elle aussi était plus qu'épuisée.
Mais son cerveau continuait de penser, encore et encore, analysant chacun des détails ornant cette pièce.
Mais il n'y avait pas de plan machiavélique en vue.
Juste Salomé qui avait grand besoin de dessoûler alors qu'elle s'apprêtait à accepter un nouveau verre.
– T'as parlé d'un verre, non ? J'attends.
Mademoiselle avait des airs de princesse, elle assise sur le lit, bras croisés, Django à ses pieds en quête de caresses qui ne venaient pas.
Et Algernon qui allait et venait d'un endroit à l'autre de la chambre, désireux de découvrir cet espace inconnu qui ressemblait en tous points à la chambre de Salomé de par son mobilier identique et son emplacement.
Mais le reste appartenait à Logan.
– Va falloir mettre un rideau... pour cacher.
Aussitôt dit, aussitôt fait et Salomé fut sur ses pieds pour se rendre compte que le monde entier tanguait étrangement. Cela la fit rire tandis qu'elle progressait en quête de tentures diverses et variées à travers tout ce bazar juste pour recréer une porte de fortune au Voltali.
Un drap attira son attention, qu'elle jeta négligemment de manière à dissimuler leur présence au reste du paquebot.
Elle n'était bonne à rien, cette nuit.
Mais elle était satisfaite alors elle retourna sur ce lit qui était désormais son trône, attendant toujours l'alcool qui ne venait pas.
Et une question lui brûlait les lèvres.
Car ça y était, elle avait franchi cette ligne invisible imposée par son corps et qui lui ferait haïr l'alcool demain matin.
– Et ça fait quoi de coucher avec moi ?
Parce qu'il y croyait toujours autant à ces conneries, sûrement plus qu'avant au vu des boissons avalées.
Et elle, cela l'intéressait.
Il n'y avait eu qu'Ana dans son lit alors elle se demandait.
Simple curiosité.
Son crâne lui fait mal, la rousse se sent nauséeuse et rabat le drap sur elle tandis que les premiers éclats du soleil viennent filtrer pour percer ses paupières. Elle s'agite quelque peu, remue encore, avant de se décider à ouvrir un œil puis un autre.
La présence d'Algernon et Django, conformément à leurs habitudes, la rassure et n'est qu'à peine perturbée par la présence de Phoën sûrement en visite auprès de son amant pour la nuit, comme au bon vieux temps.
Mais le bon vieux temps est loin derrière eux.
La rousse se retourne, apercevant une silhouette masculine allongée de tout son long sur son lit.
Elle pousse un cri, qu'elle regrette tandis que les maux de tête la rappellent à l'ordre, armée d'un simple oreiller en guise d'épée ou de bouclier, encore incertaine de son geste.
Debout, elle constate qu'elle s'est endormie avec son maillot de bain et n'a qu'une envie, chasser l'inconnu avant d'enfin constater l'étendue des dégâts dans cette chambre qui ressemble en tous points à la sienne :
– Barre-toi de ma chambre, enfoiré !
L'autre bouge quelque peu sur le lit, visiblement déjà éveillé, tandis que les traits de son visage se dévoilent enfin pour laisser apparaître un Logan surréaliste.
La pauvre en lâche son oreiller inutile.
– Ordure ! Casse-toi ! Qui t'a permis de t'incruster chez moi ?!?
Sûr qu'elle a totalement dessaoulé maintenant que le matin est arrivé.
L'autre s'était pointé avec son idiot de Kaorine en plus. Et c'était quoi ce drap posé pour cacher sa porte ? Porte inexistante ? Mais c'est pas possible, c'est quoi ce bordel encore ?
Elle n'a qu'une envie, les mettre dehors, tous, les chasser à grands coups de pieds au derrière mais difficile d'être de taille face au géant, pas même avec le chromatique pour l'épauler. Où se cachent donc Chayana ou Ankou quand on avait besoin d'eux ?
Saloperie.
Et, comme une évidence, elle se rend compte que la chambre empeste l'alcool.
Et merde.
Elle a recommencé.
Et elle flippe plus que jamais.
Est-ce qu'elle aurait... ? Elle ne peut même pas aller au bout de sa pensée que voilà les nausées qui se profilent davantage, tandis qu'elle tente de chasser ces idées désagréables de son esprit.
Elle reprend place sur le lit, assise sur le rebord et constate que rien ne va dans sa chambre.
Car ce n'est pas la sienne, tout simplement.
Et merde, encore.
C'est pire que ce qu'elle avait en tête.
Elle tente de se rappeler de cette soirée, horrible soirée qui lui soulève des haut-le-cœur.
Motisma. Piscine. Logan. Mojito. Logan. Conneries. Mojito. Logan. Conneries. Mojito. Logan. Conneries. Mojito. Logan. Conneries.
Et ensuite ?
Ensuite plus rien, juste une porte calcinée dissimulée par un drap et elle se réveillant aux côtés du Voltali.
Plus que tout, elle a envie de vomir.
Algernon non plus ne semble pas dans son état normal, d'ici à ce que l'oiseau ait eu la bonne idée de finir les verres de l'un ou de l'autre, il n'y a qu'un pas.
La gitane se lève à nouveau d'un bond, à croire qu'elle est montée sur ressorts et ne sait pas par quoi commencer.
Elle craint plus que tout les souvenirs de cette nuit.
Elle craint son esprit qui a cru bon tout effacer.
– Est-ce qu'on a... ?
Mais elle ne peut pas finir sa phrase.
Elle préfère ne pas savoir.
Elle attrape Algernon et siffle Django, à moins que cela ne soit l'inverse, et arrache le drap de fortune oublié pour dégager une bonne fois pour pour toutes cette maudite entrée, désormais sortie salvatrice à ses yeux, pour disparaître à travers les couloirs du paquebot.
Regagner sa chambre, retrouver son calme et sa sérénité, bien avant cette maudite soirée placée sous le signe des mojito fraise et de l'oubli.
Tandis que ses pieds nus glissent contre la moquette, la rousse ignore encore qu'elle est porteuse d'une nouvelle histoire.
Mais libre à elle d'y croire ou non.HRP :Fin du rp pour Salomé. Merci !
|
|