Ruth
« On dirait un conseil digne d’un film Disney ou Barbie. « Anh sois toi-même et le monde t’aimera hihihihi ». Qui croit à ces trucs, franchement ? Y a des gens à qui on plaît pas, ça arrive. », qu’elle rouspète.
Il est tout de même relativement plus simple d’être quelqu’un d’autre que soi-même. Ruth soupire. La professeure n’avait pourtant pas tort. C’est en se dévoilant tel que l’on est, que l’on a le plus de chance de plaire, que ce soit sur un plan affectif ou non. Mais Ruth estime qu’elle a déjà une grosse part d’elle-même à Gio. Il ne l’a peut-être pas vue sous son meilleur jour mais il sait au moins à quoi s’attendre, avec elle. Il y a pourtant tant d’autres facettes à découvrir d’elle. Tout n’est qu’une question de temps. De confiance. Et elle se lance enfin, toujours sans grande conviction.
« J’espère que t’es pas accro au jeu point de finir chez un psy pour te guérir de ton addiction. Les psys, ça craint à mort et je tiens pas à consacrer du temps à un taré. »
Venant d’une fille comme elle, c’en est presque ironique, qu’elle tienne ce genre de propos. Ruth laisse alors échapper que sa compagnie lui plaît. Qu’au contraire, elle ne voudrait pas le voir s’éloigner – surtout pas maintenant. Elle finit par retirer sa main de la sienne, ne tenant pas à forcer de trop le contact. Mais à peine leurs doigts se sont éloignés, qu’il les reprend. Ruth esquisse un demi-sourire, profitant d’être dos à lui. Il ne manquerait plus qu’il la prenne pour acquise, s’il la voyait. Elle frémit doucement en sentant sa main se balader sur son bras. Elle a encore son gilet mais regrette intérieurement de ne pas l’avoir retiré. Elle aurait pu avoir un contact direct avec la peau de Gio, mais elle ne tenait pas attraper un
rhume. C’est qu’il faisait frisquet, dans la pièce. On a l’impression d’être dans un
frigo, presque. Ils ont oublié le chauffage ou bien ?
« Vraiment… ? », qu’elle murmure, comme pour s’assurer qu’elle a bien entendu.
Elle a un léger sursaut quand il la retourne. Elle se retrouve alors face à lui et plante ses yeux dans les siens. Elle cherche à décrypter ce qu’il veut, elle se demande à quoi il peut bien penser. Il la regarde souvent, comme s’il cherchait à lire en elle. Pas le temps de lui demander, et voilà qu’il l’embrasse. Elle répond au baiser, toujours dans un mouvement brusque, manquant de cogner leurs nez. Elle pousse le vice à légèrement mordiller sa lèvre à lui, gardant ses yeux droit dans les siens.
« On m’avait jamais dit un truc comme ça. »
Elle passe alors ses bras autour du cou de Gioseppe, pour sceller d’autant plus ce moment intime. Sa bouche s’ouvre, son visage restant proche du sien, prête à répondre, les joues roses de la bourde du bleu. Il a la langue bien pendue, lui.
« Si t’as le talent pour, pourq- »
Elle ne termine pas sa phrase, elle entend la poignée qui descend et la porte qui grince. Quelqu’un est en train d’entrer. Ruth ouvre grand les yeux et se bascule volontairement en arrière, se laissant tomber au sol. Hors de question qu’elle soit surprise sur les genoux d’un garçon ! Hors de question que leur début d’histoire d’amour adolescent sorte de ces murs. Ruth claque contre le sol mais se relève rapidement, dans un cliquetis de bijoux.
« EUH OUAIS EUH TA CHANSON, TU DEVRAIS LA RETRAVAILLER. »
Elle parle fort, exprès. Une tête entre alors, surmontée d’un
couvre-chef des plus banals : une casquette. Ruth remet ses vêtements en place, faisant mine de les épousseter. Elle se rapproche de son étui de guitare, le ramassant. L’élève qui les interrompt semble interloqué. Il ne s’attendait visiblement pas à tomber sur deux élèves, que l’on a l’air de déranger, qui plus est.
« BON MOI J’Y VAIS, J’AI LAISSE UNE ESCALOPE SUR LE FEU. SALUT. Pousse-toi, toi, purée. »
Elle bouscule l’élève, sans ménagement. Et la voilà qui s’enfuit. Avec un dernier regard pour Gio. Elle aurait aimé que ce moment dure plus longtemps. Ils le remettront à une prochaine fois. Une fois dans le couloir, et en route pour retourner dans son dortoir, Ruth sort son téléphone et envoie un message à Gio.
«
»