Après une nouvelle journée de travail bien chargée en activités diverses et variées incluant des élèves en pleine crise d’adolescence, Jun ressentit un profond soulagement lorsqu’elle rentra dans son appartement en début de soirée. Elle en soupira d’aise. Enfin, son sanctuaire. Sa petite bulle de paix où elle allait pouvoir recharger ses batteries avant de devoir recommencer la même routine le lendemain à peu de choses près.
Cette nuit-là, le mot d’ordre était “détente”. Cela signifiait donc en rester à des activités simples et agréables comme regarder sa série actuelle à la télé en compagnie de ses Pokémons. Elle réchaufferait des restes pour éviter d' avoir à faire la cuisine. Et enfin, elle se coucherait un peu plus tôt que d’habitude afin de mettre toutes ses chances de côté pour demain. Une Jun en forme était une Jun heureuse et productive, et elle se complaisait davantage dans cet état d’esprit.

Forte de ce plan infaillible, la jeune femme l’appliqua immédiatement et, bientôt, elle se retrouva à manger son bol de nouilles blottie contre Shisa qui prenait la majorité du canapé. Dans cette tempête de poils oranges, Bee avait élu domicile au sommet de la tête de la bête canine, bien loin des yeux perçants de Jet qui avait décidé de s’installer sur le seul fauteuil de l’appartement. Pendant un moment qui dura jusqu’à la disparition du soleil derrière l’horizon, le monde semblait en paix.

Puis soudainement, on toqua à la porte. La bulle de paix éclata en milles morceaux. Dans un léger soupir, Jun mit son épisode en pause avant de se traîner jusqu’à la source du bruit intempestif.
Le panneau de bois révéla trois jeunes élèves qui faisaient la moitié de sa taille, deux fillettes et un garçon. Quand la jeune adulte apparut au seuil de la porte, ils l’observèrent de leurs grands yeux timides. Jun plissa des yeux, les jaugeant du regard, avant de lancer l’échange.

« Bonsoir. Qu’est-ce que vous faites là à cette heure ? »

Les trois se raidirent, semblant soudainement comprendre qu’il n’était guère avisé de rompre la tranquillité de leur aînée ; ils se regardèrent mutuellement, se renvoyant la balle par la seule force de leur pensée. Après deux ou trois “vas-y” ou “non toi d’abord”, ce fut le garçon qui prit la parole.

« Baaah euuuh, en fait, on se demandait si on pouvait aller à la conférence …»

La surveillante cligna des yeux, alors que l’information parvenait à son cerveau.

« De quoi ? Quelle conférence ? » répéta-t-elle, presque sûre de ne pas avoir entendu parler d’un événement pareil.

« La euh … bah la conférence au pôle scientifique ? Apparemment madame Craft va présenter quelque chose d’important. »

Les trois jeunes demeuraient attentifs à la réaction de leur interlocutrice. Cette dernière ne dit rien d’abord, jugeant le pour et le contre, les probabilités d’avoir manqué l’information, et d’autres paramètres bien propres à elle ; puis, finalement, elle lâcha :

« Je ne sais pas, je n’en ai pas entendu parlé. Vous devriez aller voir madame Alezar plutôt. »

« Mais madame, elle n’est pas chez elle … »

« Bon. » soupira-t-elle, sentant son exaspération monter. « Écoutez, je ne veux pas vous dire de bêtises. Rentrez dans vos dortoirs, si vous la croisez en route tant mieux et si non tant pis. Si c’est si important vos profs’ vous en reparleront de toute façon. »

Le trio sembla dépité, et pendant un instant Jun cru voir une once de malice passer dans leur regard. Peut-être projetait-elle, repensant un instant à sa propre enfance, mais dans le doute elle se permit d’ajouter alors qu'elle les observait s’éloigner dans le couloir après un petit “merci”.

« Je vais aller voir ce qui se passe, donc pas la peine d’essayer d’y aller quand même. »

Face à cet avertissement, ils hochèrent la tête et semblèrent d’un seul coup décidés de rentrer dans leurs dortoirs plus rapidement. La surveillante secoua la tête avant de rentrer dans son appartement. Son arcanin s’était déjà levée, le petit insecte toujours sur sa tête ; Jet n’avait pas bougé de sa place.

« Shisa. Je vais avoir besoin de toi pour aller plus vite, faut que je vérifie un truc. » déclara-t-elle, tournant ensuite ses prunelles cendrées vers son Airmure puis son Bombydou. « Vous deux, je vous fais rentrer un instant. Mais promis, dès que c’est fini, on reprend les choses où on les a laissé. »

Après avoir envoyé un message d’information à l’adresse de ses collègues assistants d’éducation, il ne fallut qu’une petite poignée de minutes pour que Jun se retrouve à l’extérieur des dortoirs Aquali, chevauchant Shisa avec deux de ses compagnons bien au chaud dans leur pokéballs. Le vent froid généré par leur course lui mordait le visage, mais cela ne l’empêcha pas de constater à son approche du centre du campus qu’il y avait une densité anormale d’étudiants à l’extérieur, surtout à cette heure précise de la soirée. Elle avait même l’impression que certains semblaient s'éloigner des bâtiments centraux pour se rendre vers l'extérieur, alors que d’autres se dirigeaient vers le lieu de la conférence. Qu’est-ce que c’était que ces histoires ? Dans sa poche, les vibrations de son téléphone s’accumulaient à un rythme alarmant. Jun décida de les ignorer pour le moment ; elle était pratiquement arrivée à destination.

Face à la marée de monde, l’arcanin retrouva bientôt le chemin de sa pokeball tandis que de son côté, sa dresseuse se faufila à l’intérieur de la salle de conférence parmi des étudiants de tout âges. La conférence semblait avoir déjà commencé, et la majorité des gradins étaient pris, aussi resta-t-elle dans la partie supérieure de la salle. Du haut de son point d’observation, elle ne pouvait rien manquer du discours.
En contrebas, sur le devant de la scène, Jun aperçu la dénommée madame Craft comme annoncé par les jeunes aupravant. Elle fronça des sourcils alors que les questions se bousculaient dans sa tête. La conférence était-elle approuvée par le proviseur, en ce cas ? Mais pourquoi personne n'avait été prévenu ?

Ses questions ne trouvèrent pas réponse dans les paroles de la scientifique qui, de son côté, avait misé sur le mystère. A en juger par le silence attentif de l’assemblée, tous étaient intrigués par les promesses de la conférencière, qui annonça l’ouverture de la Section Mana  - un nouveau département de recherche.
Mais le plus extraordinaire restait à venir. Jun avait du mal à croire ce qu’elle voyait. L’oratrice montra aux yeux de tous, et non sans une certaine fierté, une créature des plus étranges, allongée et arborant de nombreuses teintes de violet. Une Ultra-Chimère, d’après ses dires. Ce seul mot révolta la jeune femme, tout comme les promesses de grandeur clamées par la chercheuse en contrebas. A droite et à gauche, des murmures admiratifs ou inquiets parcouraient la foule. Certains spectateurs quittèrent la salle.

Le calme revint rapidement. La scientifique allait reprendre la parole, mais Jun décida d’intervenir malgré tout en dépit des codes.

« Excusez-moi de vous interrompre madame, mais j’ai une question qui ne peut pas attendre. Vous disiez il y a quelques instants que votre découverte en lien avec la capture -et la ce que je suppose être “domestication” des ultra chimères- serait une belle perspective. Je ne suis pas d’accord. »

Le silence tomba dans la salle face à cette remarque directe, et la surveillante sentit une multitude de regards se poser sur elle. Indifférente, elle continua :

« Je pense que nous avons tous entendu parler des Ultra Chimères et de leur dangerosité :  Alola en a fait les frais il y a un temps. Certaines seraient apparemment capables de dévorer des bâtiments entiers, voire des montagnes. Alors ma question est la suivante, madame : comment pouvez-vous garantir que votre découverte ne sera pas utilisée à mauvais escient ? Et si quelqu’un se servait de ces Ultra Chimères pour terroriser les populations, ou pire encore ? »

Ses iris restèrent posés sur la scientifique, attendant sa réponse. Pour sa part, elle estimait avoir fait son devoir en posant la question que toute personne de bon sens devait se poser. Ces créatures avaient fait une apparition brutale à Alola, lorsqu’elle y était passée il y a un temps : et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elles étaient loin d'être inoffensives.