LISSA LABELVI

« Petite feuille »

Le souffle du vent agite mes cheveux.

Les embruns marins qu’il apporte avec lui me rendent nostalgique.

Cela fait un moment que je ne suis pas rentrée à la maison, aux abords de la plage 222. Le confort de ma chambre, et son environnement familier, me manquent terriblement… Mais… J’ignore si je serai capable d’y retourner.

Lorsque j’ai quitté Rivamar, c’était pour me lancer dans mes études et devenir une grande éleveuse.

Et aujourd’hui…

Eh bien, on ne peut pas dire que je sois allée bien loin.

Je crois avoir un peu honte de rentrer dans ces conditions. J’aimerai tant rendre mes parents fiers. Et je ne voudrai surtout pas les inquiéter.

M’est avis que… S’ils me voyaient actuellement…

… Je produirai l’effet inverse…

Bien que je fasse de mon mieux pour dormir, j’ai toujours quelques cernes sur le visage. Ne pas être sortie depuis longtemps a rendu ma peau plus pâle, aussi. Surtout si l’on compare avec mes camarades de classe ; ceux qui ont passé l’été à gambader sous le soleil de Paldea sont bien plus bronzés…  

Enfin. Les vacances ne sont pas encore terminées. Je peux toujours trouver une façon d’en profiter, j’imagine.

J’ai pensé que partir en mission m’aiderait à me changer les idées. Je n’ai pas été très regardante sur les énoncés, j’ai seulement cherché quelque chose qui soit dans mes cordes. J’ai donc postulé du côté des Coordinateurs, mais…

Eh bien…

Quand je lis l’offre finale avec plus d’attention, j’ai de sérieux doutes quant au public visé. L’arbre géant qui se situe au cœur de la Forêt d’Empoigne, à Unys, est en train de dépérir. Ils ont besoin d’aide pour trouver la cause de ce phénomène…

… N’est-ce pas une mission plus appropriée pour des Scientifiques ? Ou des Rangers ? Alors, certes… J’ai quelques connaissances en botanique, et… A force d’aider mon frère à entretenir son jardin les dimanches, j’ai su garder la main verte, mais…

Là, il est bien question d’un écosystème tout entier, pas vrai ? Cet arbre géant, il abrite des Pokémon sauvages, d’autres plantes, et il doit influencer toute la faune et la flore aux alentours. Je suis à peu près certaine que ce n’est pas un peu d’engrais secret de la famille Labelvi qui va rétablir la situation !  

Mais bon… Je me suis engagée, alors…

Je trouverai bien un moyen de me rendre utile.

Et puis… J’ai vraiment besoin de m’occuper l’esprit.

« -Rio ? »

Aniel m’interpelle en percevant mon air absent. Lorsque je reviens à moi, je réalise que notre ferry a fini par accoster à Volucité. J’enroule mon bras autour de celui de la Lucario, et lui souris.

« -Tout va bien. Je me suis perdue dans mes pensées. »

Elle acquiesce, et nous nous mettons en marche.

Volucité est une ville gigantesque. Probablement qu’Illumis et elle se disputent le titre de la plus grande capitale. Ce n’est pas la première fois que je la visite ; lorsque j’ai embarqué à bord du Prince du Mer, elle fut ma première escale. Malheureusement, nous n’allons pas avoir l’occasion de nous perdre dans ses avenues : pour atteindre notre destination, nous allons nous contenter de longer les quais et sortir directement de la ville.

Le Pont Sagiciel est tout aussi impressionnant que Volucité, si ce n’est plus. La vue qu’il donne sur Unys et ses environs est à couper le souffle. Aniel et moi ne pouvons détacher notre regard du paysage, à mesure que nous progressons en direction de la Forêt d’Empoigne… D’ailleurs, je me demande si ce n’est pas elle que nous apercevons, au loin !

Je sais que le Pont Sagiciel débouche directement sur celle-ci, donc je ne pense pas me tromper en l’affirmant. Encore un peu de marche, et nous y serons… Ce pont est magnifique, mais qu’est-ce qu’il est long ! Au moins, il nous donne un joli aperçu de notre destination.

VVVVVVVVVVVVVVVvvvvvvvvvvvvvvvvvvvvv…. !

Un bruit de moteur résonne très fort au dessus de nos têtes. Lorsque nous levons les yeux, c’est pour voir un avion nous survoler et partir dans une direction opposée à la nôtre. Je remarque aussi qu’il a largué dans son sillage un parachutiste, juste au dessus de la forêt… Celui-ci descend tranquillement, mais il dévie brusquement de sa trajectoire, et disparait aussitôt de notre champ de vision. Cela m’arrache un sourire nerveux.

« -Il faut être sacrément téméraire pour sauter en parachute dans une forêt remplie d’arbres et de branches… »

Aniel penche la tête sur le côté, pantoise quant à cette pratique. On va espérer que cette personne ne s’est pas retrouvée empêtrée dans un arbre…

Finalement, nous atteignons la descente en spirale, et le belvédère qui signent la fin du pont. Passé le portique…

Nous nous retrouvons directement plongées en pleine forêt.

L’épaisseur de la broussaille au-dessus de nos têtes est telle qu’elle filtre les rayons du soleil. Après avoir marché aussi longtemps en étant pleinement exposées, l’ombre qu’elle projette s’avère la bienvenue.

Maintenant que nous sommes ici, nous n’avons plus qu’à trouver le campement expéditionnaire. Je présume que nous allons devoir nous écarter de la route menant à Maillard pour le trouver…

Non sans une certaine appréhension, Aniel et moi finissons par dévier, et empruntons un sentier. Celui-ci s’enfonce plus profondément dans la forêt, et nous fait abandonner toute trace de civilisation.

Heureusement, nous ne nous retrouvons pas livrées à nous-même pour autant. Nous nous éloignons certes de l’urbanisme, mais de nombreux dresseurs viennent s’entraîner dans les environs. Pas besoin de tendre l’oreille pour repérer ce Gamin, sur le point de capturer un Larveyette ; ou cette Combattante, en train de casser des planches de bois avec le plat de sa main.  J’irai bien leur demander s’ils ont vu un campement dans les environs, mais je m’en voudrai de les déranger…

« -Ah ! »

Cette demoiselle, avec son gigantesque sac à dos ! Elle n’a pas l’air occupée, je suis sûre qu’elle peut nous aider. Je la désigne à Aniel, et l’invite à me suivre.

« -Voyons si elle peut nous orienter. »

La Lucario acquiesce sobrement, et me suit de près lorsque je m’avance vers cette inconnue. Bien que j’arrive dans son dos, je lève une main pour l’interpeller.

« -E… Excusez-moi ! Je cherche un campement… Est-ce que par hasard… ? »

Lorsqu’elle se retourne, je m’interromps, et m’immobilise net. Ma main reste suspendue dans les airs tandis que je dévisage l’inconnue, qui, selon toute vraisemblance…  

Porte très mal cette désignation.

« -Ca-…. ? »

J’ai un hoquet de surprise. J’abaisse mon bras, et le ramène contre moi, nerveuse. Malgré ma surprise, ma bouche parvient à balbutier un nom.

« -… Calua ? »

Et elle n’est pas seule. Apollo, son Coxyclaque, est à ses côtés.

LISSA LABELVI

« Petite feuille »

Revoir la silhouette de Calua me fait l’effet d’un électrochoc. Déjà, et c’est la première chose qui me saute aux yeux, c’est à quel point elle a profondément changé. Je veux dire… Pas seulement physiquement. Il y a quelque chose… De différent. Que ce soit… Dans l’impression qu’elle dégage, ou… Dans son regard. Je crois que… Elle n’est plus tout à fait la même.

Je suis bien incapable d’expliquer pourquoi ce ressenti. D’autant qu’elle n’a pas encore dit un mot, ou exprimé autre chose que de la surprise. Peut-être même que je m’avance un peu, et qu’elle a simplement grandi. Ce qui serait… Logique, puisque du temps a passé depuis notre dernière rencontre.

Ce qui est la seconde raison de ma stupeur. J’ai l’impression de voir un revenant. Non pas qu’elle ait un air cadavérique ce dont je ne pourrai me targuer ahahahahaha, mais simplement…. J’ai l’impression que tant de choses sont arrivées, depuis notre dernière interaction.

Surtout… Je pensais que tout ceci allait rester derrière nous, pour être totalement franche. Que nous allions toutes deux continuer notre route, chacune de notre côté, et… Ne jamais chercher à recroiser celle de l’autre. Pour moi…

Calua était une page que j’avais tournée.

Alors… La voir réapparaître ainsi….

… C’est quelque peu, hum, déstabilisant.

A minima.

Un sentiment qui doit être réciproque, à en juger sa réaction. Après avoir dégluti, Calua… Nie être Calua. Ce qui est… Osé, quand… On s’appelle Calua. Et qu’on… A la voix, de Calua, et aussi… Qu’on ressemble à Calua…. En fait, c’est une assez piètre excuse, lorsqu’on prend un peu de recul.

Elle doit bien s’en rendre compte, d’ailleurs, puisqu’elle finit par s’interrompre toute seule.

Je la dévisage avec de grands yeux, complètement éberluée. Alors…. C’est ça, la première chose qu’elle me sort ? Après tout ce qu’il s’est passé, après s’être ignorées mutuellement pendant autant de mois… C’est vraiment tout ce qu’elle trouve à me dire ?

Voilà donc… Sa seule réponse ?

Juste…

Nier ?

Ce n’est pas possible. Ça ne peut pas être vrai. C’est… Forcément une…

Une blague.

« -… Hihi… ! »

Un doux rire m’échappe. Je porte mon poing à mes lèvres pour l’interrompre, gênée. Une fois tari, je lui adresse un sourire léger.

« -Ve… Veuillez m’excuser. Je vous ai prise pour quelqu’un d’autre, visiblement. Je… Je ne souhaitais surtout pas vous déranger, madame la… Dresseuse parfaitement normale et inconnue, accompagnée d’un Coxyclaque. »

Il n’y a aucun sarcasme ou animosité dans ma voix. Étrangement, sa réaction a eu pour effet de me détendre. C’est… Tellement improbable. Tellement saugrenu, comme retrouvaille ! Si on m’avait dit que j’étais amenée revoir Calua, je me serai probablement renfermée sur moi-même, ou au contraire, je me serai convaincue que tout allait bien se passer. Que je n’avais qu’à afficher un sourire de façade et que tout se conclurait tout aussi vite… Mais alors… Ça ! Avoir pour première réaction de… Renier son identité, c’est… Si bête ! Si absurde !

Difficile de rester sérieuse devant cette réponse. Malheureusement pour elle, la pilule ne semble pas aussi simple à avaler. Bien que je sois rentrée dans son jeu, Calua préfère s’excuser et s’écarter un instant, probablement pour reprendre son souffle. Je me contente d’acquiescer silencieusement, et du regard, l’observe s’éloigner.

Son starter la toise d’un air mi-blasé, mi-inquiet. Il doit hésiter entre la suivre, et rester pour surveiller ses affaires. Je profite donc de cet instant pour le saluer un peu plus convenablement, que juste en le traitant de Coxyclaque lambda.

« -Salut, Apollo. J’espère que tu vas bien. »

Il me rend brièvement la salutation. C’est ensuite la présence d’Aniel que je perçois à mes côtés. Venue à nouveau m’entourer le bras, elle m’interroge, à la fois de son aura et de son regard, sur ce qu’il vient de se passer. C’est vrai que la Lucario n’a jamais su… Bien qu’elle a dû avoir quelques échos, elle ne doit pas comprendre pourquoi la situation est aussi gênante, entre moi et cette « inconnue ».

Mon sourire s’efface, et je regarde par là où est partie Calua. J’hésite, incertaine, sur la façon d’amener le sujet.

« -En fait, cette fille était scolarisée à l’académie, à une époque. Nous étions même dans le même dortoir, et dans des parcours similaires. Sauf que… » je ferme les yeux « Il y a eu un… Incident. Calua a toujours eu un sacré penchant pour la magie et… La pyrotechnie, notamment. Un jour, nous nous sommes opposés sur scène, et… »

Timidement, mon regard assombri vient accrocher celui d’Aniel.

« -Tu te souviens, du fameux "accident" que j’ai évoqué avec Majesté ? »

Il ne faut guère plus à la Lucario pour comprendre le reste. Ses paupières s’écarquillent doucement, puis elle acquiesce tout aussi lentement. Je souhaite enchaîner, et lui expliquer que Calua et moi ne nous sommes jamais vraiment reparlées depuis, mais j’entends la concernée revenir. Je juge bon de me taire, et préfère l’attendre en silence.

Lorsqu’elle nous fait de nouveau face, elle s’excuse brièvement, et me demande l’origine de ma présence en ces lieux. C’est vrai que je ne me suis pas vraiment expliquée, par rapport à ça…

« -O-Oh ! C’est vrai… Je… Je suis en mission pour l’académie. Je dois… Étudier un arbre qui serait en train de dépérir. C’est pour ça, le… Campement. Je dois rejoindre un groupe de recherche dans la forêt. »

C’est non sans une certaine surprise que Calua m’informe faire partie du même groupe expéditionnaire. Elle aussi vient donc pour cette mission ? Mais alors…. Est-ce que ça veut dire qu’elle est revenue à l’académie ? Ou y participe-t-elle en tant qu’indépendante ? Et surtout : est-ce que Monsieur Heartnett était au courant que nous allions devoir travailler ensemble lorsqu’il m’a adressé cet énoncé ?

Il sait forcément, pour cet accident. Cela s’est déroulé lors d’une compétition de Coordination officielle de l’académie, après tout… Même s’il ne faisait pas partie du juré, l’information a dû lui parvenir d’une façon ou d’une autre.

Mais pourquoi nous obligerait-il à travailler ensemble ? Et surtout…  Pourquoi maintenant ?

Je n’ose poser aucune de ces questions à Calua. Si j’avais su qu’elle travaillait pour l’expédition la première, j’aurai pu me défiler. Mais maintenant que je lui ai dit que j’y participais également… Difficile de lui faire faux bond. Ou en tout cas, difficile de le faire sans la vexer.

Je me contente donc d’acquiescer quand elle m’informe connaître l’emplacement du campement. Dans le fond, cela m’arrange… Je la laisse donc ouvrir la marche, et c’est consciencieusement qu’Aniel et moi la suivons.

Silencieusement, aussi.

Ni elle ni moi n’échangeons la moindre parole pendant le trajet. Les plus bavards de notre groupe, ce sont Aniel et Apollo – autant vous dire que le niveau de conversation est particulièrement bas.

J’avoue avoir un peu de mal à relancer Calua sur un quelconque sujet. Pourtant, j’en ai, des questions ! Où était-elle passée ? Que devient-elle ? Est-elle toujours à l’académie oui ou non ? Est-ce qu’elle est toujours dans le spectacle ?

Et surtout…

Pourquoi n’est-elle jamais venue s’excuser ?

En général, quand tu provoques un accident, tu cherches à demander pardon. Au moins spontanément, ou par réflexe. Mais dans le cas de Calua… Rien. Elle est restée stupéfaite et contemplative de l’incident, puis, plus rien. Majesté et moi sommes partis aux urgences.

Et depuis, Calua a disparu.

La vérité… C’est que je peux imaginer un millier de réponses à cette question. La honte, la gêne, la culpabilité, la peur, le stress, l’embarras, le regret, l’humiliation, la lâcheté, la peine, ou le désespoir… Tant d’émotions peuvent amener à se défiler.

Et puis, à quoi bon s’excuser ? Est-ce que ça changerait quelque chose au mal qui a été fait ? A son niveau d’implication ? Aux séquelles laissées, qu’elles soient physiques ou mentales ?

Ça n’aurait pas servi à grand-chose, sûrement.

C’est peut-être pour ça qu’elle n’a rien fait.

C’est ce qu’elle s’est dit.

Et c’est pour ça qu’elle est partie.

Pourtant…

Je m’interroge quand même.

Mais je ne dis rien. Je ne dis rien, et je ne compte pas dire grand-chose jusqu’à tant qu’on soit arrivées. C’est à elle de prendre la parole. Pas à moi…

Après tout, ma question est vide de sens.

Néanmoins, ma résolution de me taire sera rapidement mise à l’épreuve lorsque Calua percute un arbre, et qu’en réaction, elle se raidit d’un seul coup. Elle a à peine effleuré le bois, de ce que j’ai vu, et pourtant, on aurait dit qu’elle recevait une décharge.

Aniel et moi nous interrompons. Je souhaite m’enquérir de son état, mais elle reprend d’elle-même sa constance. Elle commence d’ailleurs à étirer le bras impacté, et…

Révèle les brûlures qui le parcourent.

Je suis à peu près certaine qu’elles n’étaient pas là, la dernière fois que nous nous sommes vues. Pourtant, ces marques me sont étrangement familières : Majesté en avait des semblables suite à son fameux accident. Si lui et moi n’étions pas partis chercher des cornes de Corayon curatives, il n’aurait probablement jamais pu en guérir. Et… Quelque chose me dit que la peau de Calua possède une moins bonne capacité de régénération que celle du type Plante.

La magicienne demande si Aniel sera capable de s’occuper des tâches physiques, puisqu’elle-même le pourra difficilement. Visiblement, elle n’est pas seulement marquée à vie, mais a également perdu en mobilité suite à cette blessure.

Blessure qui ne vient pas d’un tour.

Elle.

« -... »

Ni Calua ni moi n’avons besoin de le dire pour y penser. Je vois à son regard qu’elle réalise sa gaffe, alors je me contente de détourner le mien. D’une pression du bras, j’invite Aniel à continuer d’avancer.

« -Espérons qu’aujourd’hui, on ait plus de chance, de ce côté là. Nous risquons d’avoir des problèmes, si nous mettons le feu à la forêt. »

Ma voix est suffisamment neutre pour que cette phrase ne soit prononcée ni sur le ton du reproche, ni sur celui de la blague. Au final, j’émets là un souhait réel : j’ose espérer que Calua n’a pas développé la faculté de faire spontanément brûler tout ce qu’elle côtoie.

Auquel cas, je préférerai autant tout laisser tomber et rentrer maintenant.

Mais à peine ai-je dépassé Calua que les oreilles et la queue de ma Lucario se redressent. Elle regarde droit devant nous, et indique une direction de la patte.

« -Rio. »

Oh.

Il semblerait qu’on arrive au campement…

LISSA LABELVI

« Petite feuille »

En suivant la route, nous sommes finalement arrivées.

Le campement a quelque chose de presque… Militaire. Les tentes sont disposées en cercle autour de caissons, de façon quasi équidistante. Je me demande s’ils se sont installés ici parce que la clairière était parfaite pour cette formation, ou s’ils ont dû écarter quelques arbres.

Mais plus que les installations, je suis quelque peu… Prise au dépourvu, par les hurlements en provenance du cœur du campement. Deux individus sont actuellement occupés à se vociférer dessus, sous les regards expectatifs de leurs collègues. Lorsque nous approchons, ça sera d’ailleurs à l’un d’eux de nous prendre en charge.

Une dame arborant un bonnet singulier nous accueille donc, bien qu’elle semble nous prendre pour des randonneuses. A la remarque de Calua, je ne peux que lui adresser un haussement de sourcil étonné.

« -Comment ? » je fourre ma main dans ma poche, et en sors un papier, que je relis « Ce n’est pas ce qui était demandé sur mon ordre de mission, pourtant…. »

C’est quoi, cette histoire de german supplex ? Donc finalement, en plus de ne pas être une mission pour Coordinateur, ce n’est pas non plus pour des Scientifiques ou des Rangers, mais des Pokéathlètes ?!

Hm ? C’était une blague… ?

Oh.

Je me gratte l’arrière de la tête en un sourire gêné. Heureusement, Layla, notre interlocutrice, ne semble pas m’en tenir compte : après s’être présentée comme la cheffe, elle nous entraîne à sa suite, vers l’une des tentes les plus imposantes. En arrière plan, l’engueulade continue, mais Aniel et moi préférons nous en tenir éloignées…

Nous arrivons dans un endroit rempli de bureaux, tables et de paperasse en tout genre. Avant de nous faire s’asseoir, notre tutrice nous tend à chacune une tasse de café, que je saisis d’un œil perplexe. Je ne suis vraiment pas café de base, mais en vue de sa couleur… Il doit s’agir d’un café très, très noir. Sagement, je me contente de la reposer sur la table devant moi, et de la faire glisser vers ma gauche. Aniel, se retrouvant avec la tasse devant elle, l’observe d’un air curieux.  

Apparemment, les collègues de Layla se disputent depuis un moment déjà. Il y a une semaine, le grand arbre de la Forêt d’Empoigne, le Vieux Chen, a commencé à perdre en vitalité. Leurs capteurs en perçoivent facilement la conséquence, mais aucun moyen pour eux d’en identifier la cause.

« -Il a quoi de spécial, cet arbre ? Comment se fait-il qu’il soit aussi vieux ? »

Sur sa tablette, Layla affiche ce qui pourrait s’apparenter à une carte topographique de la région.

« -Il a pris racine bien avant que la Forêt d’Empoigne ne se développe. Elles s’étendent à la fois en longueur et en profondeur ; sur et dans le sol de la forêt. C’est parce que ses racines couvrent autant de terrain qu’il a pu grandir pendant si longtemps. Mais... » elle tire une moue dépitée « … C’est aussi à cause de ça qu’identifier la source du problème est difficile. Il pourrait venir de n’importe où. »

En observant l’image, je comprends que passer en revue tout cet espace ne doit pas être une mince affaire. Cela dit, si en une semaine, ils n’ont rien trouvé, c’est peut-être parce que…

« -Ne pourrait-il pas avoir juste… Atteint son âge maximal ? Peut-être que le Vieux Chen est tout simplement trop… Vieux ? »

Cela arrache un léger rire à mon interlocutrice.

« -Les chênes de ce genre peuvent vivre plusieurs centaines d’année, quand les conditions sont réunies ! Et à priori, celui-ci a tout pour perdurer longtemps encore. Ce qui rend sa perte de vitalité encore plus déroutante. »

Elle lève son index d’un air pédagogue.

« -C’est pour ça qu’on a besoin d’aide. Il faut qu’on comprenne ce qu’il se passe avant qu’il ne soit trop tard. »

J’ai entendu dire que des tas de Pokémon vivent dans cet arbre. S’il est réellement en train de dépérir, cela va bouleverser tout l’écosystème de la Forêt d’Empoigne… S’il est possible d’éviter ça, alors, j’aimerai autant pouvoir les aider.

Délicatement, je recule ma chaise, et me lève.

« -Très bien. On va commencer par jeter un coup d’œil… On y va, Calua ? »

Ma partenaire semble avoir décroché en cours d’explications, mais elle obtempère lorsque je sonne le départ. Ma Lucario, pour sa part, repose dans la précipitation une tasse de café à moitié pleine.

Le Vieux Chen est à peine deux kilomètres au nord. Heureusement, car un tel silence de plomb règne pendant la marche, et j’ignore si je peux en supporter plus. Quelque chose me dit que si ni Calua ni moi ne finissons pas crever l’abcès, cette mission va s’avérer extrêmement compliquée… Mais pour ma part, je ne peux pas me résoudre à me lancer. Si elle ne veut pas entamer le sujet, de toute façon… Qui suis-je pour l’y forcer ?

« -R… Rio !
-Hm… ? »

Lorsque je lève la tête, un craquement retentit. Calua me bloque immédiatement le passage, tandis que, plus loin, Aniel s’est interposée pour anticiper la chute de cette branche. Semblable à un tronc d’arbre, la branche massive vient s’écraser à plusieurs mètres de notre position. Ce retour brutal à la réalité attire notre attention sur le mastodonte se tenant juste devant vous…

« -W… Wow ! »


Nous ne sommes pas tout à fait arrivées au pied que déjà, nous sommes écrasées par sa grandeur. Je le savais immense, mais pas à ce point ! Pour avoir vu il y a peu les grattes-ciels de Volucité, je ne saurai affirmer avec conviction qui s’élève le plus haut. Quand on m’a parlé de Pokémon vivant en son sein, j’ai pensé à ceux logeant dans le creux des racines ou dans les branches des arbres… Mais vu ces dernières, il pourrait tout aussi bien il y avoir une autre forêt au sommet de ce chêne, que ça ne me surprendrait même pas ! Si ça se trouve, il y a un écosystème tout entier, là-haut ! Bien abrité des humains et de la civilisation !

Également, je comprends mieux ce que Layla a voulu dire quand elle a mentionné que ses racines s’étendent sur terre : l’épaisseur de certaines d’entre elles, restées en surface, est aisément plus large encore que d’autres végétaux pris dans leur ensemble. Pour peu, on pourrait marcher dessus, et s’en servir de sentier de balade tout ce qu’il y a de plus viable.

Enfin, si du moins, il n’y avait pas ces tâches marronnasses et peu réjouissantes. C’est même probablement ce qui a causé la chute de cette branche, juste à l’instant. Les scientifiques n’ont relevé la baisse de vitalité qu’il y a une semaine, mais plus le temps passe, et plus l’arbre va dépérir…

Alors, il faut vite qu’on trouve l’origine de tout ça.

Kss kss kss… !

Mais tandis que je souhaite observer de plus près, Aniel, les oreilles redressées, m’arrête d’un geste du bras.

Les buissons et arbres alentours s’agitent. Des crissements de mauvais augures résonnent et gagnent progressivement en ampleur, se répandant tout autour de nous. Sommes-nous en train… De nous faire encercler ? J’ai à peine le temps de réfléchir à cette éventualité que déjà… Je comprends qu’il est trop tard.

« -A… Aniel…
-Luca ! »

La Lucario lève les bras, et se tient en position, prête à se battre. A force de se rassembler, les silhouettes des Pokémon sauvages se précisent, et transparaissent au travers de la végétation. Leur carapaces se fondent bien dans l’obscurité des arbres, puisque leur couleur verte et violette ne ressort que très peu.. Mais leurs yeux jaunes, eux, sont particulièrement visibles.

D’une main, j’attrape mon Ipok, et lance l’application Pokédex. Le pas lent, nous nous rapprochons de Calua et Apollo, tandis que mon scan réagit.

Bip !

« -Venipatte, le Pokémon Chilopode. Sa morsure est très venimeuse. Elle paralyse même...
-VENIIIIII !
-Scoooooo ! »

Interrompant les explications de mon Pokédex une horde de Venipatte et de Scobolide surgissent au même moment. Alors que les petits Pokémon nous assaillent sous les jets de toile, leurs évolutions, elles, nous tournent autour pour nous empêcher de fuir.

« -Hiiii ! »

Je ne peux pas m’empêcher de sursauter. Ok, en règle générale, je n’ai pas grand-chose contre les Pokémon Insectes, mais les voir surgir en nombre comme ça, cela me donne des sueurs froides !

« -Lucario ! »

Les yeux écarquillés, Aniel lève une jambe et arme son Pied Brûleur.

Définitivement… Je ne comprends TOUJOURS PAS pourquoi on m’a envoyée ici !

LISSA LABELVI

« Petite feuille »

Je n’aime pas ça. Je n’aime pas ça, je n’aime pas ça… Mais alors je n’aime pas ça DU TOUT !

Ces Pokémon n’attendent qu’une chose : une ouverture pour nous fondre dessus. Il suffit qu’un Venipatte parvienne à nous engluer dans sa toile, ou à nous empoisonner, et les Scobolide prendront le relai pour nous attaquer…

Pas trop le choix, je crois que nous allons devoir combattre. Bon sang… Ce n’est pas comme ça que je m’imaginais venir en aide à la Forêt d’Empoigne !

Résignée, je lève un bras impératif.

« -Aniel ! Utilise… !
-Lissa !
-… ?! »

Je suis néanmoins interrompue dans mon élan par Calua. Je lui lance un regard confus, qui se heurte à son air résolu. Elle souhaite que nous adoptons une posture défensive uniquement ? Je n’ai rien contre, mais… Comment espère-t-elle nous sortir de cette situation ?

Je serre les dents, incertaine. Elle craint que nous mettions le feu à l’arbre si nous nous défendons, mais… Peut-on vraiment enflammer un aussi grand spécimen avec quelques attaques ? Et surtout : que compte-elle faire elle qui ne soit pas dangereux ?

Faute de répondant cependant, je ne peux que me soumettre à sa demande. A part combattre, je n’ai aucune autre solution, et je ne suis même pas certaine que nous puissions nous en sortir contre autant d’ennemis. Pour autant, je ne peux réprimer le :

« -Ne te rate pas. »

Qui s’échappe de mes lèvres, au moment où je fais signe à Aniel de reculer. La dernière fois que j’ai voulu faire confiance en Calua, cela s’est très mal terminé. Alors, j’ai du mal à m’en remettre pleinement à elle, de nouveau. Mais elle semble bien décidée, et surtout, de l’eau a coulé sous les ponts. J’ose espérer qu’elle a appris à se maîtriser, depuis.

… Bien que sa première action ait tendance à me tendre plus qu’autre chose. Elle me demande de ne pas faire cramer la forêt, et juste après, elle libère trois Pokémon de type Feu ? J’espère qu’elle a conscience qu’Aniel craint ce type là également. Je ne souhaite vraiment pas que faire griller mes compagnons par Calua devienne une habitude.

Avec un mélange d’incompréhension et de crainte, j’observe toute sa mise en scène se mettre en place. Je hausse également un sourcil surpris lorsque son Goupelin décide de me confier sa baguette, au profit d’un bâton bien plus long. Aniel, de son côté, reste collée dos à moi, de sorte à pouvoir parer toute attaque allant dans notre direction.

Mais elle comme moi sommes rapidement dépourvues par la succession de capacité lancée par la Performer. Le Brouillard m’incite déjà à me coller un peu plus à ma partenaire pour être sûre de ne pas la perdre… Lorsque vient le tour des attaques psychiques, les Pokémon sauvages sont eux aussi confus, et voient leur positionnement et placement recadrés par Calua. La Boite à mystères… S’agit-il de ce gigantesque cube fait à base de Mur Lumière ? Mais que compte-elle faire avec, au juste ?!

Lorsque les murs se dissipent, et libèrent de leur emprise toute sa fumée, je crains que les attaques reprennent de plus belle… Pourtant, rien ne vient. J’observe nerveusement les alentours pour constater que les Venipatte et Scobolide ont été rassemblés en un point…

… P… Pourquoi est-ce qu’ils forment une pyramide Pokémon ?!

C’est… C’est ça, la Boîte à mystère ? Empiler ses adversaires ?! C… Comment est-ce qu’on peut avoir une idée pareille dans un premier lieu ?!

Calua profite de leur état de confusion apparent pour prendre l’un d’eux à partie, et les inviter gentiment à nous laisser tranquilles. La proposition paraît convenir aux Pokémon qui n’ont probablement rien compris à ce qu’il vient de se passer (je compatis), avant qu’ils ne se disparaissent en la marée insectoïde et grouillante qu’ils sont.

« -…. Wow… »

C’était… Quelque chose.

Tenant fermement le bâton du Goupelin entre mes doigts, j’ai un peu de mal à assimiler tout ce qu’il s’est produit. Enfin, il y a bien une chose à laquelle je peux me rattacher : s’il y avait le moindre doute concernant le fait que cette personne que j’ai croisée dans la forêt est bel et bien Calua et non une entité métamorphe qui aurait subtilité sa place, celui-ci est dissipé. Tout ça, là ? Calua. Juste… Du Calua tout craché. Une Calua équipée de son cerveau Calua-esque et de ses capacités Calualiennes. Cette fois, là… C’est sûr.

Tiens, parlant de Calua ! Celle-ci vient d’atterrir juste devant moi. Encore stupéfaite par toute la scène précédente, je suis bien en peine de trouver une phrase d’accroche du style « Joli spectacle ! » ou « Belle pyramide ! » ou quoi que ce soit permettant de réagir de façon fluide à tout cela. En fait, il y a tellement rien qui sort que je me contente de la fixer d’un air hébété.

Quand bien même j’aurai été en état de répondre, je doute que cette moi alternative en aurait eu le temps, de toute façon. La seconde d’après, Calua s’est jetée au sol, et…

Se confond en excuses.

« -… ! »

Ah.

Nous y sommes.

Un flot de paroles, d’excuses, de lamentations et d’auto-flagellations, portées par ses accumulations et ses hyperboles. Le déversement est tel et ininterrompu qu’il me déborde presque, m’obligeant à effectuer un pas en arrière pour maintenir ma posture. Calua ne prend qu’à peine le temps de reprendre son souffle à mesure qu’elle énumère tout ce qui la pèse et la désole. Elle exprime son plus profond regret, légitime ma colère, la vérité qu’elle souhaite énoncer, les raisons de sa fuite, son aisance, la façon dont elle a essayé de se reconstruire, le mal qu’elle s’est fait, ce qu’elle a perdu, et ses excuses. Elle s’excuse, et elle s’excuse encore ; elle s’excuse à chaque phrase et s’excuse même de s’excuser. Ses excuses se muent en la demande d’un châtiment cathartique, et ce n’est qu’une fois ce flot écoulé, ses excuses déversées, que…. Calua s’arrête, et respire à nouveau.

Elle se redresse même, soutenue par son équipe, sous mon regard expectatif.

Je serre fermement le bâton du Goupelin entre mes doigts, et la toise d’un air inexpressif. Mon cœur bat mal, il bat de travers suite à toute l’anxiété que cette tirade a généré. Elle a tant parlé et si vite que mon cerveau peine à faire le tri des informations : tout juste a-t-il traité une phrase et son sens qu’il a dû s’occuper de la suivante. Elle a parlé de ma confiance ? D’une vérité nue ? De nous utiliser comme excuse ? De ses échecs, du rappel que tout ça a constitué ? C’est moi, ou elle a mentionné le mot noyade ? Elle a dit que ça fait un an ? Où était-elle exactement ? Elle cherche à s’excuser ou à se justifier ? Majesté ; sur la fin, elle n’a eu que ce mot là à la bouche. Majesté. C’est de lui que tout ça part. C’est pour lui que nous en sommes là. C’est à cause de ce qu’il lui est arrivé que j’ai fait tout cela, que je suis parti en quête de produits médicinaux, que j’en ai tout voulu à Calua. C’est aussi à cause de ça que je n’ai pas fait toutes ces choses, remonter sur scène, poursuivre nos rêves. Majesté. Oui. Tout ça… Tout part de lui…

« -... »

Lorsque je triture toujours un peu plus le bâton de mes mains, je sens que celui-ci risque de craquer à force de le tordre. Alors, je relâche mes doigts, je détends mes muscles et laisse mes forces s’évanouir tout doucement.

« -... »

Je détourne le regard, incertaine. Ma mâchoire se crispe, mes yeux se plissent. Mon attention est focalisée dans le vide, elle cherche à percevoir quelque chose, à appréhender une pensée, une réflexion, mais elle ne fait que fouiller dans le néant. Mon esprit est embrumé et mon cœur tout aussi perturbé. Je ne parviens pas à formuler le moindre jugement. Outre cette anxiété, je ne sais même pas si je parviens à éprouver quelconque émotivité.

« -... »

Oui… C’est ça. Mon stress n’est dû qu’à la délivrance abrupte et ininterrompue de toutes ses paroles. Mais en vérité… Si j’oublie, un instant, toute cette scène, tout ce qui m’entoure… Je ne ressens rien de particulier. Ni haine, ni compassion. Ni tristesse, ni joie. Je ne suis ni énervée ni soulagée par tout ce qu’elle vient de dire… En fait…

« -... »

… Rien de tout ça n’a d’importance, désormais.

Machinalement, je tends le bâton à Calua. Elle a rappelé son partenaire, alors, je ne peux pas le lui rendre directement. J’attends qu’elle le saisisse, et cela fait, je détourne à nouveau le regard. Je porte ma main à ma poitrine, gênée. Je n’ose pas tout à fait la dévisager au moment de répondre.

« -C’est à moi de m’excuser… »

J’inspire lentement. Aniel doit saisir mon autre main de sa patte pour m’apporter un peu de sa force.

« -Je… Je n’ai pas été très honnête avec toi. Je… Lorsque je t’ai vu, je me suis tout de suite fermée. J’ai immédiatement décrété que je t’en voulais, et que… Je ne pouvais pas te pardonner. Pas tant que… Tu ne t’étais pas excusée, ou que… A défaut, tu ne te sois pas expliquée. »

Je me gratte nerveusement la joue, puis m’agrippe le bras, définitivement mal à l’aise. J’ai même un peu de mal à rester sur place tant je suis honteuse ; s’il n’y avait pas ma Lucario à côté de moi, je serai sûrement en train d’effectuer les cents pas.

« -Je… Pardon. »

Je prends une inspiration, encore plus grande que la précédente, pour me donner le courage de lui faire face.

« -Je n’aurai pas dû te forcer à te justifier parce que, en vérité, je sais qu’il n’y a aucune justification à avoir. Tu as commis une erreur. Tu le sais. Et je t’en ai voulue pour ça. Tu le sais. Mais… Tout ça n’a plus de raison d’être. Ma colère est stupide et infondée. Déjà, de base, j’aurai dû apprendre à tourner la page. Mais c’est encore plus vrai aujourd’hui. Tout simplement parce que… »

Mon expression se ferme.

« -J’ai abando… »

La poigne d’Aniel sur ma main se renforce, et je m’interromps. Je me rectifie alors immédiatement.

« -… Je veux dire. J’ai relâché Majesté. »

Je replace une mèche par pur maniérisme, pour occuper ma main de libre et évacuer ma pression sous forme gestuelle.

« -Ça ne fait qu’une quinzaine de jours, mais… Il n’est plus dans mon équipe. Ce n’est plus mon Pokémon, et donc… »

J’abaisse le regard, gênée.

« -Désolée, mais tu ne pourras pas t’excuser auprès de lui. De même, il ne pourra pas te punir ou te pardonner. Pardon. J’aurai dû te le dire plus tôt. Je… Je n’ai pas été très sympa, sur ce coup là. »

Je renifle un coup, et tente vainement de redresser mes épaules.

« -Je crois que… J’avais juste envie d’entendre des excuses. Sans raison particulière autre que... Faire taire ma propre culpabilité. C’est un peu ce que tu as dit, je crois… ? T’en vouloir m’a permis de penser à autre chose, le temps d’un instant. Si c’était toi la fautive, alors, je n’avais rien à me reprocher. »

Je finis par la lâcher la patte d’Aniel. Je me sens plus légère, soudainement.

« -Désolée. J’espère que tu me pardonneras, et que… On pourra quand même travailler ensemble. »

Mon discours est bien moins explosif et émotionnel que le sien, mais il n’en est pas moins sincère. J’ai continué d’en vouloir à Calua alors que la raison même de ma colère n’est plus présente. Maintenant que je comprends pourquoi, je pense pouvoir mieux appréhender notre coopération.