Dernier tour de roue

L'oiseau rentre dans sa cage

L'oeil est enfin clôt

Le vent souffle. Le Natu ignore pourquoi mais à chaque fois que les ténèbres s'amoncellent sur le chemin qu’il perçoit, les éléments eux-mêmes semblent prédire leur arrivée. L’atmosphère de la petite chambre douillette est pourtant enclose dans une bulle paisible : affalée sur son lit, sa Dresseuse ne bouge qu’à peine alors qu’il la contemple, parfaitement sereine.

Pourtant, alors que le type Psy fixe son regard sur les lignes qu’il vient de tracer, un détail attire son attention. Sa calligraphie, d’habitude si fine, semble aujourd’hui plus brouillonne, comme si chaque trait avait été tracé d’une serre hésitante.
D’un sautillement, il se laisse tomber à  terre avant de se diriger vers la fenêtre entrouverte…Un dernier regard à la chambrée endormie et ses ailes se déploient, pour le porter vers le ciel.

Il aura néanmoins un dernier regard en arrière pour l’enfant en plein songe…et dont l’histoire touchait à sa fin.
Pour une fois, il aurait préféré ignorer ce qui l'attendait. Mais impossible  d’échapper à l’avenir lorsque ce dernier est inéluctable.



‘’Allez Twili, c’est pas la mort. On a encore un peu de temps avant qu’il fasse noir, tu vas pas me dire que t’es si fatigué que ça ?’’

Vous pensez qu’il fait semblant ? Ou alors, il est vraiment en train d’agoniser, les yeux en spirale et une petite volute de fumée blanche qui s’échappe de son casque ? Même les remontrances de Prime pour le motiver à se remettre en mouvement ne semble pas avoir beaucoup d’effets tandis que le reste de mes équipiers contemplent le petit Hexadron avec un mélange de compassion et d’amusement (dans le cas de Robin, surtout). Entre les deux types Combats, Robin, Aurora, Tia, et Goliath, il ne manque finalement que Nostra pour notre petite session…J’vous jure, celui-là, j’aimerais vraiment savoir où il se barre en permanence.

La journée de cours étant tout juste finie, j’ai pensé qu’une petite course tout autour du campus ferait du bien à ces deux-là, après plusieurs heures passées à m’attendre. Mais j’avoue que c’était peut-être abusé de commencer par un échauffement de 50 tours avant d’attaquer la véritable course…Enfin, je crois ?
Tout en récupérant le type Combat sur mes genoux, je laisse Prime pousser mon fauteuil le long de l’allée gravillonnée…En théorie, Magno’ et Gwen doivent être rentrés à la chambre à l’heure qu’il est, j’me demande si elles accepteraient de faire un truc ce soir…
Alors que nous dépassons le Pôle TopDresseur, une voix s’élève depuis le bord du chemin, me poussant à tourner la tête.

‘’Bonsoir, mademoiselle’’

‘’Euh, salut ?’’

Il m’a un peu pris par surprise : un jeune homme qui ne doit pas avoir plus de vingt ans, les cheveux blonds en bataille et porteur d’un blazer du campus, vient de nous interpeller depuis le banc qu’il occupe, jambes tendues.
Assis à côté de lui, un autre homme un peu plus âgé à l’air renfrogné me dévisage également, une barbe de trois jours sur le visage. Son propre blazer est un peu rapiécé et là où son camarade à l’air assez amical, le regard du concerné paraît aussi froid que deux silex…Y’a vraiment de tout parmi les étudiants.

‘’Désolé de te déranger, mais on a pas pu s’empêcher d’entendre parler de toi.’’

‘’Ah ? Trop bien, ça commence du coup! T’entends ça Prime ?!’’

‘’Yep. Une petite rousse en fauteuil, ça ne court pas les rues. Mais juste histoire d’être sûr…C’est bien Lyria Sidhe, ton nom ?’’

‘’Yes ! Par contre, si c’est pour un autographe, va falloir me filer du papier, j’en ai plus beaucoup et…’’

*Bonk*

La corne de Prime vient de percuter doucement ma jambe, me poussant à baisser les yeux sur l’Hexadron qui jouxte mon fauteuil : l’air méfiant, le type Combat a déjà redressé ses boucliers en contemplant les deux hommes des pieds à la tête. En temps normal, mon starter est plutôt indifférent aux nouveaux-venus et préfère attendre avant de se faire une opinion.

Mais  dans ce cas de figure, sa réaction…n’est pas normale. Mes mains se crispent un peu sur mes accoudoirs, ma respiration s’accélère…Du calme, reste calme. Même s’ils représentent un danger, Belladonna t’as appris que paniquer est la meilleure manière de le rendre encore plus grand. D’un ton détaché (je crois), je jette un oeil à ma cache d’accoudoir, avant de reporter mon attention sur les deux hommes. Dans le même temps, l’intégralité de mes équipiers viennent se positionner en demi-cercle, sur un signe de Prime.

‘’...et en plus, il est déjà méga tard, au pire, vous repassez demain au dortoir Mentali ? On est un peu pressés, vous voyez.’’

‘’Ça ne devrait pas être un problème. 06, on a le go.’’

‘’Enfin, j’en ai ma claque de ce blouson à la con.’’

Lentement, les deux hommes quittent leurs sièges, avant de se positionner face à nous sur le chemin. Presque nonchalant, ils portent alors la main à deux Pokeballs qui dans un grand flash, libèrent leurs occupants : un Brutalibré qui prend immédiatement une posture de garde, accompagné d’un Kabutops aux lames acérées.

Deux seulement ? Le premier peut poser problème avec son type Vol mais pour le second, Prime et Robin peuvent le massacrer. Même si mon coeur commence à battre la chamade…Respire…Transformes ton souffle en pulsation…C’est juste un combat, comme d’habitude. Ces deux Pokemons, tu les connais et tu sais quels sont leurs points faibles. Robin doit déjà se retenir de leur sauter dessus, tout va bien se passer !

‘’Tu vas nous accompagner, ma petite demiselle. Y’a quelqu’un qui souhaite te voir au plus vite.’’

‘’Vous êtes à deux contre sept, j’vous signale. Dernière chance !’’

Pour toute réponse, le jeune blond se contente d’un geste moqueur dans ma direction, nous laissant l’initiative du combat. Inutile de prendre des gants alors : sur ma commande, mes deux Hexadrons et Goliath se positionnent face à leurs adversaires et s’élancent en avant…

*Cling*

…pour s’effondrer au sol après le premier échange d’attaques. Attendez, quoi ?!
J’ai absolument rien vu, le Kabutops a juste esquivé le Close Combat, le Brutalibré s’est mangé un Tomberoche…Et puis mes deux Pokémons sont tombés au sol, complétement KO, qu’est-ce qui se passe ?

‘’C’est tout ?’’

‘’Vous allez voir ! Aurora, Tia !’’

Ok, le corps-à-corps, c’est trop dangereux. Cette fois, un barrage d’attaques Eau et Glace vient émaner de la position des deux petites silhouettes de mes équipières et engloutit rapidement leurs adversaires. Mais si ces derniers semblent subir les effets de l’attaque, un simple clignement d’oeil suffit pour que la Dofin et la Frissonnille s’effondrent à leur tour complètement KO !

‘’Mais c’est…pas possible…’’

Qu’est-ce qui se passe à la fin ! Et pourquoi est-ce que j’ai subitement aussi peur. Non, calme-toi, il te reste Robin !

‘’Pied Voltige !’’

Inutile de le lui dire deux fois : les pupilles écarlates de fureur, le Lockpin s’envole avant de retomber comme un météore vers le duo qui ne bronche absolument pas. Soudain, à l’apogée de son saut, le visage du type Normal se contracte et il effectue une vrille soudaine…pour frapper l’air nu sur son flanc gauche. Ne rencontrant aucune résistance, son attaque s’interrompt alors, le condamnant à recevoir de lourds dégâts à l’atterrissage !

Pourtant, ma réaction de surprise est bien plus dû à celui qui vient de faire son apparition, plutôt qu’à l’échec de mon Pokémon : traversé de part en part par l’attaque, la silhouette d’un Munja se matérialise en plein vol, avant de descendre nonchalamment en vrombissant jusqu’à notre hauteur.

‘’Vous…Espèce de…tricheurs !’’

‘’Zut, je pensais qu’il tiendrait jusqu’à la fin. Après, ça ne devrait pas trop changer le plan. T’en penses quoi, 06 ?’’

‘’Qu’on a perdu assez de temps. On emballe et on s’en va.’’

Mes mains se posent sur mes roues…un simple geste, futile comme si je pouvais les lancer en arrière pour m’éloigner du trio de Pokemons qui se resserrent sur Robin. On a aucune chance…Aucune. Même s’il parvient à vaincre le Brutalibré et le Kabutops, le Lockpin ne dispose d’aucune attaque capable de simplement toucher ce Munja.

La peur.
La peur à l’état brut, de savoir qu’on ne peut absolument rien faire.

Mais rien qu’à voir mes équipiers à terre, et Prime qui s’agite faiblement, mes mains se sont figées, incapable de poursuivre leur geste. J’vais pas les laisser là, on doit finir ensemble !
Et lorsque Robin finit à terre sous les coups et que la main du plus âgé des deux hommes se referme sur mon bras, je n’ai que peu de temps pour me débattre, avant qu’il ne me plaque la main sur la bouche. Mes dents se referment sur cette dernière, amenant un goût métallique mais…Prisonnière de ce fauteuil, ma marge de manœuvre reste trop limitée.

‘’Raaaaah ! Lachez-moi ! Prime, Prime ! ’’

‘’Putain, mais fais-la taire, imbécile !’’

Un spray d’auto-défense fait son apparition dans la main de celui que je viens de mordre, juste avant qu’il ne m’en arrose copieusement le visage…J’vais pas me laisser faire, j’vais pas…


…

J’ai mal.

D’abord à la tête, en tout cas suffisamment pour qu’ouvrir les yeux s’avèrent être une super mauvaise idée, me forçant à laisser échapper un gémissement de douleur.
Mais surtout, j’ai mal aux jambes, qui ont l’air d’être remplies de feu liquide.
Mes mains rencontrent une surface dure et métallique derrière moi…Ok, je suis en intérieur..

Au prix d’un effort surhumain, je parviens à ouvrir des yeux papillonants, pour découvrir ce qui semble être une pièce en sous-sol : éclairée par une ampoule tremblotante, on dirait un espèce de débarras dans lequel s’entassent des caisses et des bâches. Les murs en bétons sont presque à nues et à part un petit soupirail d’aération de l’autre côté de la pièce, il n’y a absolument rien d’autre qu’une grosse porte métallique

En me redressant pour m’asseoir un peu plus confortablement, je constate que si mes bras sont entravés…Mes jambes sont totalement libres.
Evidemment.

‘’EEEEEEEEEEEEEEEEEH !’


J’ai crié à pleins poumons. Je sais pas ce qui s’est passé, juste que c’est deux types doivent avoir un lien, mais…Mais je sais pas POURQUOI. Ca ressemble aux kidnappings dans les romans que j’ai trouvé à la bibliothèque et…Non, du calme. Laisse pas la peur t’envahir. T’es plus forte que ça. T’es pas faible. T’es pas sans défense. Tu vas trouver une solution.

*inspire, expire*

Ok, non, j’ai vraiment peur, là. Faut que je trouve quelque chose, n’importe quoi…Les quatre autres ! Ils feraient quoi ?
Magnolia, elle aurait sans doute déja réussi à s’échapper par le soupirail avec ses supers talents de contorsionnistes.
Rook…Ashe, il les aurait soûler jusqu’à ce qu’il le libère.
Agatha, elle a juste à sourire et ils la laissent partir. Ou alors, Apsu les aurait mangés.
Et Itzan, il aurait probablement utilisé un de ses super-pouvoirs de gitans pour les retourner l’un contre l’autre.
Si cette pensée me fait d’abord sourire, rapidement, mes yeux s’embuent…Ils sont pas là… Aucune trace de Prime et des autres et…

‘’Eh, 07, elle est réveillée !’’

La porte vient de s’ouvrir en grinçant, dévoilant la silhouette du plus âgé des deux ravisseurs : un plateau à la main, ce dernier interpelle son collègue par-dessus son épaule, avant de rentrer en refermant la porte. Rien qu’à sa vue, toute la terreur que je ressens s’évapore presque instantanément…Ils ont fait du mal à Prime et aux autres, je sais pas comment mais ils vont le PAYER.

‘’Pourquoi est-ce que vous m’avez fait ça, on est où là, j’ai rien pour vous et…’’

‘’Ta gueule.’’

*Bam*

Le coup est parti. Il a probablement voulu me frapper à l’épaule  mais même maman tape plus fort que ce guignol. Sans broncher, je le défie du regard et ‘’06’’ vient de déposer le plateau à mes côtés, avant de se redresser.

‘’Y’a intérêt à ce qu’il soit vide quand je reviens.’’

Entre mes larmes, je constate que le-dit plateau s’orne d’une boîte métallique remplie de riz fumant et d’un grand verre d’eau. Mais même si j’ai l’impression de ne rien avoir avalé depuis super longtemps (il est quelle heure, là ?), hors de question que je lui fasse ce plaisir !

*Splof*

Alors qu’il quitte la pièce, la boite vient s’écraser à quelques pas de sa position, répandant son contenu sur le sol. J’avoue, j’avais visé la tête mais c’est giga dur avec les mains attachées !
Pendant un bref instant, son visage se déforme sous le coup de la fureur…avant qu’il ne quitte la pièce en claquant la porte.

Je sais, c’est même pas une victoire mais j’en avais besoin.


Les heures (minutes ? je sais pas, tout se ressemble ici) qui s’écoulent ne m’apporteront pas plus de solution, mais au moins, j’arrive à m’occuper assez l’esprit pour pas céder à la panique : d’abord, j’essaye de me relever mais mes jambes déjà éprouvés cèdent après trois pas. Impossible donc d’empiler des caisses pour bloquer la porte et les forcer à faire du bruit pour entrer. Ou d’en foutre une au-dessus du battant pour les prendre par surprise quand il l’ouvre. Je savais que j’aurais dû demander à Itzan de m’apprendre à crocheter une serrure !

J’ai même pensé à me cacher derrière la plus proche de la porte pour partir en courant quand ils viennent m’apporter à manger mais…
J’en ai marre de cette pièce, j’en ai marre de ces types, j’en ai marre de mes JAMBES, JE VEUX JUSTE SORTIR DE LÀ !

*Clic*

Dans le silence des lieux, le moindre grincement devient une fanfare. Et là, une série de cliquetis métalliques viennent de résonner dans le soupirail. Tendu comme un arc, je vois ce dernier vaciller…juste avant qu’une silhouette toute ronde ne fasse son apparition dans l’interstice et ne se laisse tomber sur la caisse la plus proche !

‘’Nostra !’’

Ok, je retire tout ce que j’ai dit de méchant sur lui et ce que je dirais dans le futur  !

“Je ne sais pas comment tu m’as trouvé mais t’es un chef ! Viens par là, j’ai besoin que tu picores cette corde. Et après, on les prends par surprise !’’

Le type Psy s’approche en sautillant de ma position…jette un œil à mes liens…avant de s’éloigner à grands bonds, sous mon regard pétrifié !

‘’Mais…mais tu fais quoi…Nostra, non, me laisse pas là…NOSTRA !’’

Trébuchant après trois pas pour le poursuivre, je m’étale sur le sol de la pièce, tandis qu’il se hisse en deux bonds jusqu’au soupirail pour disparaître à l’intérieur. Il m’a…abandonné ? Juste comme ça ? Il peut pas me faire ça, il peut pas juste…
Quelque chose se brise alors et les larmes commencent à couler, sans retenue, tandis que je me recroqueville au sol.


En ressortant de la pièce, le Natu ne peut s’empêcher de jeter un coup d’oeil en arrière : elle avait l'air tout simplement bouleversée.
Mais même s’il n’apprécie guère le rôle que le destin lui impose de jouer, ses lois sont absolues.
Par trois fois, il reviendra assister aux tourments de Lyria, avant que cette dernière ne retourne là où est sa place. Par trois fois, il confirmera cette vision qui le hante depuis le jour de leur rencontre.

Rien, ni personne ne pourra la modifier ou y changer quoi que ce soit. Jamais le pouvoir mystérieux du Natu ne s’était égaré : l’avenir qui lui apparaissait ne souffrait aucune altération et ses prédictions se réalisaient toujours, bien qu’il n’en saisisse pas toujours le sens.
Il avait vécu cette situation des dizaines et des dizaines de fois.

Alors pourquoi celle-ci serait-elle différente ?



J’ignore depuis combien de temps je suis ici. Les deux types ne sont pas repassés me voir depuis le premier plateau, ce qui m’a laissé un peu de temps pour réfléchir…et je crois que j’ai une idée.Ça m’a laissé assez de temps pour apprendre tout ce que je pouvais sur cette pièce et même si j’ai pas beaucoup d’idées valables, il y en a une qui pourrait marcher.

Dans un coin, j’ai dégoté un petit morceau de caisse métallique, à peine un éclat de quelques centimètres. C’est pas tranchant mais ça devrait être assez épais pour ce que j’ai en tête.
A force de ramper, je parviens à atteindre la porte pour m’adosser juste à côté de cette dernière : lorsqu’elle s’ouvrira, le battant devrait me masquer à celui qui entre.
Je n’aurais pas à attendre très longtemps, puisqu’un bruit de pas massif ne tarde pas à se faire entendre : inspirant profondément, je compte les secondes…Toujours plus proche…Allez…

*Clic*

La porte est à peine entrouverte que mes mains liées se rapprochent des gonds. Le battant entrebâillée laisse à peine un interstice suffisant pour que j’y glisse la pièce métallique au niveau du gond le plus bas, avant de me redresser l’air de rien.
De l’autre côté de la porte, un grognement étouffé se fait entendre, suivi d’un véritable cri de rage !

‘’…07, ON A UN PROBLÈME !’’

Le temps que son collègue le rejoigne au pas de courses, 06 est entré dans la pièce comme un Tauros furieux en laissant tomber un nouveau plateau au sol, répandant son contenu (c’est dommage, là pour le coup j’avais vraiment faim). Et lorsque son regard tombe sur moi, je sais pas ce qui me prends mais…Cachée derrière la porte, tout ce que je peux faire, c’est un coucou des deux mains avec un sourire satisfait.

‘’Petite conne, tu te crois maligne, hein ?!’’

Son pied vient de partir, j’ai à peine le temps de me crisper que tout l’air de ma poitrine disparaît sous le choc. Pourtant, à chaque coups, je dois avouer que ça fait vachement moins mal que mes jambes..et puis, c’est là qu’on doit être frappé lorsqu’on a mal fait ses corvées, donc je peux encaisser.
Le déluge continue, jusqu’à ce que je commence à ressentir une douleur sourde à la poitrine ,avant que la silhouette du grand bond ne fasse son apparition, un air horrifié sur le visage !

‘’Non mais t’es pas dingue ?!’’

Saisissant son collègue par le poignet, il écarte ce dernier sans ménagement, avant de se pencher pour vérifier mon état. J’ai même pas la force de lui cracher à la figure, mais l’examen a l’air de le rassurer, avant qu’il ne se redresse.

‘’On est censé la livrer intact, pauvre abruti ! Qu’est-ce que le commanditaire va dire si on l’abîme avant ça ?!’’

‘’On devrait l’enchainer au mur.’’

‘’Elle peut déjà pas marcher, essaye de garder ton calme. Eh, Lyria.’’

C’est la première fois que j’entends mon prénom depuis des heures. 07 se penche alors vers moi pour vérifier mon état, avant de se redresser en soupirant.

‘’C’est pour ça que j’ai du mal avec ce genre de taffs. Vivement qu’elle rentre à la maison.’’

J’ai à peine le temps de comprendre le sens de ses paroles, que le duo quitte la pièce en continuant de se disputer. Pas le temps de méditer là-dessus, le léger *cling* qui émane de la porte lorsqu’il la referme, vient faire naître un sourire sur mon visage. Coincé par le métal, le gond ne peut pas jouer complètement et la porte se contente de se refermer en chuintant, sans que le penne ne s’enclenche. Tous les trucs de serrurerie que m’a filé Gwenny n’auront pas été inutiles ! Ok, cette fois, c’est à moi de jouer !

''...!''

Le cliquetis est de retour. Avant que je ne puisse réagir, la silhouette de Nostra fait de nouveau son apparition par l’ouverture, mais cette fois, il se contente de me fixer. Ces yeux impassibles me transpercent l’âme et pourtant, ça me donne envie de…de…

‘’Tu veux quoi ? Si t’es revenu t’excuser, c’est un peu tard pour ça !’’

Il ne bouge pas; Il observe. Comme il l’a toujours fait, sans jamais vraiment s’impliquer. Et cette passivité..Ça me rend folle. Un flot de fureur qui monte, de plus en plus fort, de plus en plus difficile à retenir.
Je dois me contrôler à tous les niveaux pour pas hurler et attirer l’attention des deux autres…mais mon ton est plus brutal que jamais.

‘’T’es venu assister au spectacle ? Et ben, vas-y, fais toi plaisir ! C’est pour ça que t’es venu avec moi ? Parce que ça t’amusait de me voir galérer, hein ? C’est ton petit passe-temps à toi, de juste me regarder alors que je peux rien faire toute seule ? Tu me dégoutes, dégage de là, Nostra !’’


Il tressaille. Il parait sur le point de descendre…Et le voila reparti. Bon débarras !


Il était revenu.
Elle le lui avait fait payer par ses mots, si justes.
Mais que savait-elle du fardeau qu’il transportait ?

…Un fardeau ? Stoppant sa progression dans le conduit métallique, le petit Natu se surprit à racler le sol de ses serres, tandis qu’un sourde colère l’envahissait. Pour lui qui contrôlait habituellement si bien ses émotions, c’était une nouveauté.

Il n’avait pas le choix.
Jamais.
D’aucune façon.
Ce qu’il prédisait devait se réaliser, car il ne pouvait en être autrement.

Il n’était qu’un spectateur du destin, un témoin chargé d’annoncer ce qui serait, sans pouvoir y intervenir.  Finalement, un simple spectateur d’une pièce se déroulant à quelques mètres de son siège, sans pouvoir en modifier la trame.
Pokemons ou humains, tous finissaient par s’éloigner le lui, ou par disparaitre après l’une de ses visions, le laissant poursuivre son chemin, seul

Cette enfant pensait pouvoir tout affronter et vaincre le destin que l’univers lui avait imposé.
C’était risible.
C’était complètement ridicule.
Il avait prédit qu’elle échouerait après tout.

N’est-ce pas ?


Bon, retour à mon plan, ça, c’est le plus important.
Vu le rythme de leurs visites pour me servir à manger, j’devrais être tranquille pour un moment. Après avoir repris mon souffle, je me hisse tant bien que mal jusqu’à la porte, pour essayer de me mettre debout. C’est juste pour saisir la poignée, sers-les dents, allez….YES !
M’effondrant à moitié sur le battant, je sens ce dernier coulisser et manque de tomber en arrière via son mouvement. Le cœur battant, j’attends l’explosion et les cris qui ne devraient plus tarder…mais plus rien.
Plutôt que de tenter le diable et de risquer de crier, je me laisse glisser à terre…J’sortirais d’ici, même si c’est en rampant !
Heureusement pour moi, l’escalier permettant d’accéder au rez-de-chaussée jouxte pratiquement mon ex-prison.  A première vue, le bâtiment est un espèce d’ensemble de bureaux désaffectés, reliés entre eux par un grand couloir aux dalles blanches poussiéreuses. Poussant sur les coudes, je m’interrompt au moindre bruit, susceptible d’attirer l’attention.

Un peu plus loin dans le couloir, des voix se font entendre, indistinctes du fait de la distance. Et au bout de ce dernier…Oui, je la vois ! Une sortie de secours retenu uniquement par une barre-poussoir. Le problème, c’est que de ce que je vois, il va falloir passer littéralement devant la porte de la pièce d’où émane les voix…Mais je suis déjà allé trop loin pour faire demi-tour.
Une petite pensée pour les autres…Même si vous êtes pas là, essayez d’espérer avec moi, j’vais en avoir besoin.
En quelques poussées, me voilà prêt de la porte entrebâillée. À l’intérieur, le duo semble en grande conversation avec…

‘’Alors, vous l’avez ?’’

Je me pétrifie instantanément, alors que mon corps est à moitié visible dans l’embrasure. Cette voix, c’est…

‘’Sans mal. Nous attendons juste le navire de transfert. Vous devriez avoir votre fille chérie à la maison pour le diner de demain.’’

Reculant d’une coudée, je découvre une sorte de salle de réunion : assis sur deux chaises métalliques, mes ravisseurs me tournent le dos pour faire face à une sorte de petit écran. Et sur ce dernier, s’étale en grand le visage de maman, l’air triomphant. Tout en jouant avec ses boucles rousses, elle ne tarde pas à reprendre la parole, d’un ton menaçant.

‘’J’espère que vous n’aurez aucun retard. J’ai payé assez cher pour cela.’’

C’est…Elle a…Elle a déjà payé une rançon ? Pour moi ? Un petit soleil vient de naître dans ma poitrine . J’devrais peut-être retourner dans ma cellule si elle gère les choses, j’vais encore tout faire rater. Rien qu’à la voir sur l’écran, ça me suffit pour me sentir plus en sécurité, j’suis sauvée !

‘’Et vous en aurez pour votre argent. Malice honore toujours ses contrats quels qu’ils soient.’’

‘’Bien. N’hésitez pas à faire preuve d’un peu de fermeté. Ma fille sait se montrer indisciplinée et elle a besoin d’un cadre stricte pour comprendre quelles sont ses limites.’’

‘’Vous inquiétez pas pour ça. Ce sera avec plaisir.’’

Qu’est-ce que…Pourquoi elle a dit ça ? C’vrai que j’aurais déjà dû m’échapper toute seule, que ça va lui couter cher et qu’elle doit être morte d’inquiétude. Tout ça, c’est déjà des raisons pour que je sois puni, mais j’ai fait de mon mieux…

‘’Maman…’’

Ça m’a échappé. Avant que je puisse prendre conscience de l’horreur de la situation, les deux hommes se figent et se précipitent vers la porte, qu’ils ouvrent en grand…pour me découvrir, affalé, le regard fixé vers l’écran. Désormais en pleine vue, j’aperçois ma mère qui tourne son regard vers moi…et ouvre de grands yeux pleins de colère.

‘’Elle…VOUS M'AVIEZ DIT QU'ELLE NE POURRAIT PAS SORTIR !’’

Des mains me saisissent sans ménagement et me forcent à me remettre debout. Je grimace sous le coup de la douleur qui naît instantanément dans mes jambes mais la seule chose qui compte pour le moment, c’est ma mère ! Mes yeux se remplissent de larmes, j’dois pas lui montrer que je suis faible ! Pourtant, face à mon regard implorant, sa colère semble grandir encore d’un cran.

‘’Tu ne pouvais pas rester tranquille, hein, ma chérie ? Toujours à n'en faire qu'à ta tête, à ne jamais rien comprendre. Maintenant, tu vas obéir à ces messieurs, c’est compris ?’’

‘’Mais…ils m’ont attaqués et puis…ils m’ont fait…mal…’’

‘’Ils veulent juste te ramener à la maison, là où est ta vraie place. Mais ne t’inquiètes pas, je vais t’aider à tout comprendre, quand tu seras rentré…’’

Je…je comprends plus rien. J’ai juste envie de lui crier que je n’ai pas envie de rentrer mais…Il a cette voix. Encore et encore, la même qui se répète.

‘’Maman a toujours raison’’.

C’est vrai, c’est comme ça depuis super longtemps. Elle sait tout et elle a sans doute bien réfléchi avant de me dire ça. Et puis elle ne fait jamais d’erreur et…

‘’Non, j’ai pas envie de rentrer.’’

‘’Quoi?’’

‘’J’AI DIT QUE JE VOULAIS PAS RENTRER, T'ES SOURDE ?! ET C’EST PAS A TOI DE DÉCIDER, T’AS PAS À ME DIRE CE QUE JE DOIS FAIRE ! ’’

C’est sorti tout seul, comme une explosion. Peut-être la pression de Nostra, la fatigue, la faim, la peur ou la douleur…je sais pas. Mais je me sens plus légère alors que les mots s’échappent, juste avant qu’une vague de terreur ne m’enlace : ma mère me fixe, sans broncher, l’air plus choquée que jamais…avant qu’une expression doucereuse ne vienne se plaquer sur son visage.

‘’Je vois. Et bien, puisqu’il semblerait que tu penses savoir ce qui est bon pour toi, je serais ravie d’entendre tes arguments…’’

‘’Je…’’

‘’...une fois à la maison. Dans l’intervalle, il faut que tu y réfléchisses bien, d’accord, ma chérie ? Messieurs ? J’ajoute un bonus si vous la ramenez dans un endroit sûr jusqu’au transfert immédiatement.’’

Sur un signe de ma mère, les deux mains qui m’aggrippent commencent à me tirer dans le couloir, tandis que je m’accroche de mes mains bandées au chambranle, pour conserver le contact visuel.

‘’Maman, dis-leur de me lâcher ! J’vais t’expliquer, je suis désolé !’’

‘’Je sais ma chérie, je sais. Mais pas encore assez. Oh et…ma fille réfléchit bien mieux à ses erreurs quand elle n’a rien pour la distraire. Ni livres, ni nourriture…ni lumière.’’

‘’NON ! MAMAN, PAS ÇA !’’

‘’À tout à l’heure ma chérie et n’oublie pas, maman t’aime.’’

‘’NON, NON, NOOOOOON !’’

Les larmes coulent sans retenue, cette fois. Même la vision de la sortie qui s’éloigne ne me fait pas aussi mal que la terreur qui vient de se répandre dans chaque centimètre de mon corps. Même lorsque 06 m’attaque littéralement les bras à l’une des caisses, avant de repartir vers la porte malgré mes supplications.
Et encore plus lorsqu’avec un sourire satisfait, il tend la main vers l’interrupteur, alors que mes yeux s’écarquillent, plongeant la pièce dans une obscurité infinie.

La porte se referme alors et les ombres engloutissent. Comme un prédateur qui n’attendait que ça, les ténèbres envahissent chaque rein de mon esprit et je tressaute  en sentant la moindre vibration , comme si une armée de mains invisibles glissaient sur mon corps sans que je parvienne à en saisir la source. Roulée en boule, je ne peux même pas plaquer mes mains sur mes oreilles avant de hurler, lorsque mes liens m’empêchent le moindre mouvement.
Ma peur s'accroît encore d’un cran, lorsqu’au milieu des ténèbres, je crois discerner une forme qui s’étend de plus en plus, avant de tendre ses longs bras obscurs dans ma direction.

Et mes cris s'élèveront longtemps, avant qu’elle ne m’emporte.


Il ignore pourquoi il est revenu.
Encore.
Pour la troisième fois, il redécouvre la cave sombre et humide. Mais cette fois-ci, il semblerait que ces humains aient décidé de la plonger dans l’obscurité la plus totale.
Qu’importe, sa vision transcende aisément ces faibles ténèbres.

En revanche, il lui faudra quelques instants pour retrouver Lyria, prostrée contre une caisse, les mains attachées au-dessus de la tête : bien loin de l’éclat de la fois précédente, quelque chose semble s’être brisé au cœur de la jeune fille. Elle ne réagit même pas à sa présence, se contentant de respirer faiblement, les yeux dans le vide.
Son souffle est à peine perceptible lorsque le Natu se hisse sur ses cuisses pour la contempler.

Ce sera la dernière fois qu’il verra cette enfant. Dans toutes les lignes du futur qu’il ai pu explorer, il n’y en a aucune où leurs chemins se croiseront à nouveau.
Il n’avait plus qu’à descendre de là, repartir et assister au dernier acte.
Après tout, le Natu ne s’était jamais trompé.

…
……

Pourquoi restait-il là ? Les minutes s’écoulaient et pourtant, ses pattes figées refusaient de se mettre en mouvement. La vision du visage tourmentée de Lyria semblait l’hypnotiser, l'empêchant tout simplement de bouger.
Non.
Il ne se trompait jamais.
Sa vision avait été claire et limpide.
Et aujourd’hui, il pouvait encore en réciter la trame, sans erreur aucune.
Lyria retournerait auprès de sa mère.
Elle serait séparée de ses amis et de son équipe.
Et plus jamais, Rose ne laisserait sa fille prendre la moindre initiative.
Elle étoufferait définitivement la flamme qui brûlait dans la petite rouquine.

‘’Hmmmpf’’

Surpris, le type Psy constata qu’il venait de lacérer la cuisse sur laquelle il se tenait, ses serres serrées à l’extrême. La douleur fit réagir brièvement Lyria, avant que son regard ne retrouve sa fixité morbide. Une réaction qui pousse le Natu a caresser sa jambe de son aile, comme un geste futile pour apaiser la douleur.

…Non.
Non, il ne pouvait tout simplement pas la laisser.
Elle ne méritait pas ça.
Il n’avait pas le droit de l’abandonner.

Sentant en lui un mélange de colère et de détermination grandir, le Natu vit son regard se modifier et devenir plus acéré, plus décidé.
Le destin…Elle avait décrété qu’elle se tracerait elle-même son propre destin. Il avait été assez arrogant pour croire qu’elle en serait incapable, uniquement parce que ses yeux, ses maudits yeux avaient prédits le contraire ! Et bien pour la première fois, il oserait vérifier ce qu’il en était !
Le Natu…non, NOSTRA allait défier le destin que son don lui imposait. Tremblant presque d’excitation, il se hissa jusqu’au soupirail, avant de se concentrer.

L’avenir lui apparaissait toujours aussi clairement, il n’avait qu’à quitter cette pièce pour que tout se déroule comme prévu. Au lieu de ça, le type Psy revint vers la jeune fille, avant de saisir l’une de ses mèches de son bec…pour l’arracher brusquement. Dans son état second, c’est à peine si elle eu la moindre réaction, mais Nostra avait déjà glissé la mèche sous son aile. Sortant le papier de sa prédiction du matin, il fit glisser ses serres rougies de sang sur le document, traçant un plan rudimentaire. Voilà qui ferait l’affaire…

Volant à tire-d’aile une fois à l’extérieur, il ne perdit pas de temps : depuis la disparition de sa dresseuse, un dispositif de recherche avait été lancé par l’académie et les autorités sur tout Leiar, mais les secours n’avaient pas la moindre piste exploitable.
Mais lui, savait ce qu’il devait trouver.
Tout d’abord, son plan, qu’il laissa tomber littéralement entre les mains d’un policier en plein interrogatoire. Ce dernier, après un bref instant de surprise, redressa la tête pour voir le Natu s’envoler à tire d’aile, avant de partir prévenir ses collègues en criant à plein poumons.
Et maintenant, le plus important…

Au détour d’une ruelle, un petit Pokémon rond or et rouge courrait sans relâche entourés d’un groupe d’adolescents. Jamais Prime n'arrêterait ses recherches avant de l’avoir retrouvé. Et Nostra aurait aimé avoir fait preuve de la même détermination plus tôt.
Le Natu laissa s’écouler les mèches de Lyria  en pluie sur l’Hexadron, provoquant l’arrêt brusque de ce dernier. Puis, sans ralentir et avec un véritable cri de guerre, il se mit à courir en suivant du regard le petit Natu qui repartait à tire d’ail, tandis qu’alentours, une série de sirènes commençaient à retentir.

Une fois de retour au hangar, s’introduisant de nouveau dans la gaine, Nostra ne pouvait cacher son excitation: les lignes de futur se brouillaient ! C’était un phénomène nouveau mais pour la première fois, les images qui lui martelaient le crâne n’avaient plus ni queue, ni tête. Tout au plus parvenait-il à discerner qu’il DEVAIT se trouver dans cette cave, dans les différents futurs qu’il souhaitait pour sa dresseuse.
En arrivant dans cette dernière, il découvrit Lyria, toujours prostrée, tandis que de l’autre côté de la porte, deux voix en panique s’élevaient.

‘’Je ne comprends pas ce qui s’est passé, ok ! Ils auraient dû chercher de l’autre coté de la ville, la boss avait promis de nous fournir une diversion !’’

‘’Qu’est-ce qu’on fait, merde ? Il y en a encore une heure pour le bateau  !’’

‘’J’en sais rien…on va déjà déplacer la gamine. Ca nous fera gagner un peu de temps.’’

La porte allait s’ouvrir. Ils entreraient et de nouveau l’avenir serait écrit. Déployant ses ailes, le type Psy se mit en position, prêt à faire barrage face à l’approche de ces hommes mauvais.
Lentement, le battant s’entrouvrit, inondant la pièce d’une lumière désormais inutile : car en son centre, la silhouette de Nostra venait de s’illuminer, grandissant jusqu’à atteindre une taille trois fois supérieures. Ses ailes aux formes géométriques s’étendirent, tandis qu’une crète apparaissaient sur le sommet du crâne de l’oiseau bipède. Sa robe aux motifs chatoyants se déploya à son tour, juste avant qu’il ne pose un regard tranquille sur les deux hommes et les trois Pokemons qui les accompagnaient.

‘’Qu’est-ce que c’est que ce…bordel ?’’

Pour toute réponse, le Xatu nouvellement évolué se contenta d’ignorer leur réaction de surprise, pour se retourner vers l’enfant attachée derrière lui. Ses grandes ailes vinrent l’enlacer comme une couverture, en un geste infiniment doux…avant qu’elle ne disparaisse dans un grand flash avec un crépitement. Mal à l’aise avec sa nouvelle forme, il ne pourrait pas effectuer d’autre Téléport mais celui-ci serait bien suffisant.
Et lorsqu’à la disparition de Lyria, répondirent des hurlements de rage, de surprise et que les Pokémons des ravisseurs se jetèrent sur lui, il se contenta d’étendre les ailes, un air serein sur le visage.
Lyria avait finalement raison…Elle déjouait tout ce que le destin voulait lui imposer, même s’il lui fallait pour cela changer le coeur de son messager.

Il n'avait fait que lui donner quelques secondes. mais c'est tout ce dont son destin aurait besoin pour être altéré à jamais.


‘’...Nostra ?’’

Il fait frais. Je crois que je suis à l’extérieur mais j’ai trop peur d’ouvrir les yeux. Le sol semble être pavé sous ma joue, même si je n’arrive pas à bouger le moindre muscle. Autour de moi, des cris commencent à retentir, on dirait qu’il y a des gens qui s’approchent.

‘’Je l’ai retrouvé ! On se taille !’’

Subitement, la voix de 07 se fait entendre et je me sens arraché de terre. Chargée sur son épaule, je n’ai même plus la force de me débattre, tandis que les deux hommes s’enfuient en m’emportant comme butin, tandis que dans leur dos, le son de grilles que l’ont fait s’effondrer retentit. Après s’être hissé de l’autre côté des hangars par-dessus une barrière, ils me font passer de l’un à l’autre, pour reprendre leur course. Leurs Pokémons à leurs côtés, ils semblent bien décidé à ne pas se laisser faire en cas de confrontation.

‘’DROOOOOOOOOOOOON !’’

*SBONK*

Ce cri c’est…Prime ? En tou cas, ça y ressemble; mes yeux s’entrouvrent vaguement, avant que je ne me fige lorsque mon porteur s’arrête sans douceur.
Face à nous, se tient mon Hexadron, l’air plus furieux que jamais…et entouré par les quatre autres membres du Club des 5 au complet. Et s’il vient d’intercepter leur fuite éperdue, le grand blond ne tarde pas à faire un pas en avant, l’air engageant.

‘’Ecoutez les enfants, on est un peu pressé, là. Alors, si on peut discuter..’’

À leur place, je n’y croirais pas trop. Je n’ai jamais vu Prime avec ce regard et il n’y a qu’un seul mot pour le décrire :
La haine.


‘’C’est un échec complet. Nous ne pouvons le nier’’

Assis derrière son bureau luxueux, la jeune femmes aux cheveux blancs ne pouvait cacher l’amertume dans sa voix. Tout en fermant l'ordinateur qui maintient le contact avec son Motisdrone, elle reprit la parole, face à son interlocuteur.

‘’Voilà qui va nous coûter cher. Vous aviez pour tâche d’embaucher des professionnels, Crunch. Cet échec risque de nous faire perdre plusieurs contrats et nous allons devoir mobiliser davantage de ressources pour honorer le paiement de Madame Nemain.
Il y aura évidemment des répercussions sur votre prochain bonus. ’’


Avec un grognement, l’homme qui lui faisait face fait craquer sa nuque, tout en roulant les épaules : sa veste de costume semblait sur le point de céder au moindre mouvement du fait de sa carrure et ses petits yeux froids derrière une paire de lunettes aux verres fumées, bouillonaient d’une rage mal contenue.

‘’Je vous jure que quand je foutrais la main dessus, je leur fais la peau. Mais vous ne pouvez pas me faire ça, je n’ai pas…

‘’Je ne peux pas?’’

‘’Scusez-moi, miss Ark, ce que je veux dire, c’est…’’

Avec satisfaction, elle put constater que son ton glacial semblait avoir produit son petit effet. Le colosse était loin d’être aussi stupide qu’il en avait l’air (ce qui n’était pas peu dire), mais elle tenait à remettre les choses au clair avant qu’il ne s’imagine pouvoir faire preuve d’irrespect.

‘’...que j’ai déjà réfléchi à un plan de secours. Et, amenez-le !’’

À l’appel de Crunch, deux hommes pénétrèrent dans le bureau, en trainant entre eux une silhouette encagoulée, les mains attachées devant lui. Se laissant faire, leur prisonnier s’assit tout bonnement sur la chaise qu’on lui indiquait, juste avant que l’un des deux hommes ne lui ôte sa cagoule…Hey, ma gueule d’amour vous avez manqué ? En tout cas, quand je regarde tout autour de moi, c’est pour constater que y’a du bon (le bureau), du très bon (jolie minette) et du…Et merde.

‘’Putain, Mike, si tu voulais m’inviter à prendre un verre, t’aurais juste pu me passer un coup de fil. Ça m’aurait évité de voir ta tronche pour te dire que j’avais déjà réservé ma soirée pour ta mère.’’

‘’Fais le con, Raph’, c’est ça. Bien installé ? Qu’est-ce que tu deviens ?’’

‘’La chaise est pas mal. Et si on te demande, tu diras que t’en sais rien…Remarque, ça changera pas trop de d’habitude.’’

Le poing de Mike s’est déjà levé, qu’avec un toussotement, la jeune femme vient l’interrompre avant de reporter son attention sur moi. Ok donc, c’est cette nana qui commande ici, bon à savoir.

‘’Vous pouvez m’appeler Ark. Monsieur Sidhe,…’’

‘’Appelle-moi Raph’, j’vais me croire grand-père sinon.’’

‘’...Monsieur Sidhe, si nous vous avons invité ici, c’est pour vous faire une proposition. Nous savons, par nos opérations avec la Section Mana, que Miss Craft accorde un grand crédit à vos services.’’

‘’La patronne a dit ça ? Vous pourrez lui dire qu’elle peut me le montrer un peu plus souvent niveau primes ? Pas que j’ai un loyer à payer et un colocataire abruti, mais voilà.’’

‘’Nous sommes en mesure de vous offrir bien plus. Si vous voulez bien écouter ce que j’ai à vous dire, évidemment.’’

‘’Pas de problème. Mais j’aime avoir les mains libres quand on parle affaires, vous voyez ?’’

D’un signe de tête, Ark fait signe à cet imbécile de Mike de me détacher, juste avant qu’il ne s’exécute en maugréant. Après m’être frotté les poignets pour faire circuler le sang, je décoche un sourire à la jeune femme…et mon poing dans la gueule du grand gaillard en costard. Ce dernier s’étale lourdement au sol, avant de lâcher une bordée d’injures, tandis que je me penche vers lui en agitant le doigt de gauche à droite.

‘’Ça, c’est pour m’avoir fait venir, sans me demander mon avis. Bon, ben, j’imagine que je vais vous laisser, hein.’’

‘’Vous manqueriez une opportunité en or, monsieur Sidhe.’’

‘’Je n’en doute pas. Sauf que si Mike est impliqué, c’est que c’est forcément illégal. Et il se trouve que j’ai décidé de me ranger un peu de ce coté-là, vous voyez ? Histoire de pouvoir profiter des années que je passerais plus à l’ombre, tout ça. Mais je vous souhaite bonne chance, vos deux gugusses connaissaient leur taff et vous avez un beau bureau.’’

Avant que je ne puisse réagir, ma victime s’est redressé et me fait face…Mais au lieu de l’air furieux que j’attendais (presque déçu), c’est son sourire narquois qui me fait froid dans le dos.

‘’On a été payé à prix d’or pour retrouver une gamine et la ramener à sa mère. Et les incapables qui devaient la récupérer, ont salopés le boulot.’’

‘’Ça m‘en touche une, sans faire bouffer l’autre. Tu te lances dans le kidnapping, Mike ? Moi qui pensait que t’étais déjà au plus bas, tu cesseras jamais de me surprendre.’’

‘’Avant de faire de l’esprit, jette un oeil à ça.’’

De son veston, le colosse sort rapidement une photographie, avant de me la tendre. Je devrais sans doute lui mettre un deuxième direct mais mes yeux tombent sur le papier glacé et…

‘’Tu te fous de moi ? je la connais, c'est une des gamines de cette académie de tarées. Et handicapée en plus, t'es vraiment en-dessous de tout.’’

Avant que je ne puisse lui dire ma façon de penser quant à ses projets concernant cette loupiote, Mike reprend la parole en se frottant le menton. De son côté, Ark laisse échapper un soupir face à son manège.

‘’C’est fou comme les choses peuvent prendre une tournure inattendue. J’veux dire, on nous as demandé de ‘’prélever’’ cette gamine. Et quand j’ai fouillé un peu, j’ai appris plein de trucs sur elle. Alors maintenant qu’on doit trouver quelqu’un pour faire le taff correctement, j’me suis dit que j’allais partager tout ça avec mon vieux copain Raphaël.’’

‘’Où est-ce que tu veux en venir ?’’

‘’Ecoute, c’est plutôt simple en fait : soit tu t’en charges, soit c’est moi qui le fait. Et crois-moi, tu n’as pas envie que j’aille lui faire payer la prime qu’on va me sucrer par sa faute.’’

‘’J’te le répète, où tu veux en venir ?’’

‘’Elle a quoi…15 ans dans pas longtemps ? J’suis fasciné par sa belle tignasse rousse, c’presque du rouge écarlate, même. Et puis, on a appris par notre cliente, qu'elle n'avait jamais eu de père dans sa vie. Une sombre histoire apparemment. Ma pauvre mère aussi était une femme isolée, je compatis sincérement, ça a pas dû être facile de l’élever toute seule.’’

Mon regard s’attarde alors sur la photo et…non. Non, c’est impossible. La pensée a été fugace mais en un éclair, elle me court-circuite complètement le ciboulot pour se répéter en chaîne.


‘’Elle a un nom rigolo en plus, c’te petite…Attends, je dois l’avoir noté quelque part, c’pas courant.
Sidi…Soda…Ah, Sidhe, c’est ça ! Après j’imagine que ça doit être plutôt courant quand on vient d’Hoenn.
Mais bon, j’crois que sa mère est à Galar en ce moment donc c’est une sacré coïncidence..Urgh ?!’’

Mes mains se sont mises en mouvement toutes seules. Avant que je ne puisse les contrôler, elles se referment sur la gorge de Mike, pour faire taire une bonne fois pour toute son ton narquois. Et pourtant, il se contente de me fixer d’un air hilare, juste avant que les deux malabars ne réapparaissent, pour me saisir par les épaules et m’arracher de force à ma prise.
Tout en se massant la gorge, Mike se saisit alors de son verre posée sur le bureau, tout en laissant la parole à la jeune femme, qui n’a pas bronché durant la scène.
Si son ton est aussi calculateur qu’auparavant, elle semble ne pas goûter à la mise en scène et m’adresse un regard légèrement compatissant.

‘’Maintenant que nous avons votre attention, monsieur Sidhe, entendons-nous bien : nous avons été payé pour ramener cette enfant à Rose Nemain et rien ne pourra nous en empêcher tant que ce contrat durera. Si je dois ordonner à Crunch ici présent de procéder à son extraction, je le ferais sans aucune hésitation.
Mais si vous pensez pouvoir accomplir cette mission pour nous et éviter des…désagréments à votre fille biologique, je suis prête à vous proposer un poste avec tous les avantages l’accompagnant. Prenez votre temps pour y réfléchir, nous vous recontacterons sous peu.’’