C'était donc ça, l'Île de Cobaba ?
Je me trouvais sous la chaleur lacérante de l'île, qui traversait les feuillages d'arbres comme s'ils n'étaient que du tissu pour une épée. Si la température ambiante était brûlante, elle était complètement contrastée par cette humidité qui, exacerbée, offrait cette sensation de marcher sur du sable mouillé. Ma tenue était tout, sauf adaptée à ces lieux. Le tissu se gorgeait d'eau et devenait lourd, tandis que la chaleur le rendait aussi brûlant qu'une veste de cuir laissée trop longtemps au soleil. Le cadre était idyllique certes, mais pour moi, c'était l'enfer.
Inconsciemment, je déposais ma main droite contre ma gourde pour palper sa température, qui s'avérait relativement fraîche. Dépité de devoir la boire par nécessité et non par amusement, je déposais le goulot de cette dernière à mes lèvres pour en laisser un flot rafraîchissant longer mon œsophage en perlant sur mes lèvres. Sans plus attendre, comme un rite ou une coutume du fait, je déplaçai le masque de démon qui ornait le côté de mon visage afin de me réfugier derrière lui, comme le faisait mon père autrefois.
Lorsque l'ivresse de mon père se dévoilait, c'était à cause de ses nouveaux amis de travail, d'après ce qu'ils disaient. Des fréquentations qui étaient pitoyables, principalement car elles étaient les principaux protagonistes de fêtes folkloriques dans lesquelles l'alcool coule à flot, et la capacité à en ingurgiter des litres prouvait la virilité. Mon père, aussi stupide soit-il, se prêta au jeu par conformisme, cette envie de s'affirmer au milieu de plusieurs autres personnes dont une majorité qu'il ne connaissait pas étant pour lui une sorte d'eldorado, un objectif à atteindre avant de mourir. Toutefois, contrairement à ces joyeux lurons, mon père n'avait pas de soucis particulier. Une jolie femme ─ ma mère ─, un fils dévoué à sa famille, une situation financière plus que raisonnable. Il n'avait aucune raison de s’enivrer, mais cette lubie était aussi mon principal amusement, que je copiais délibérément.
Je discernais du coin de l'œil un antagoniste à mon ivresse falsifiée. Un garçon aux cheveux blancs des plus particuliers, jouant avec un Pokémon que je ne connaissais pas, une espèce de rat-marmotte bleutée. Sans savoir de qui il s'agissait, je me contentais de supporter sa présence en restant droit, ne cherchant pas à me cacher. Qui qu'il soit, il dérangeait mon bien-être en empiétant sur cette petite zone sur laquelle je me trouve actuellement, sur laquelle j'aimerais être seul le temps de magnifier mon jeu d'acteur-ivre. Cependant, après une petite réflexion, je supposais qu'un spectateur à ce spectacle ne serait pas des plus indésirables. Il allait connaître une facette de mon ivresse que je n'offrais qu'à peu de monde sans avoir de raisons de le faire.