C’était un hangar immense. La bâtisse était maintenue par une armature de fer avec des vitres larges et lumineuses en guise de plafond. Le ciel d’un gris éblouissant s’y engouffrait découvrant une dizaines d’étranges bureaux allongés et flambants neufs. Des murs de tôle gondolaient et une porte en acier lourd fermait les lieux. Ce n’était pas Jackie qui faisait les cent pas armée d’une masse entre les rangs, son expression de Granbull mal réveillé plaquée sur son faciès. C’était une brune qui chantonnait « Non, Je ne regrette rien. » avec pour seule compagnie un Noadkoko lourd  ramassé paresseusement dans l’angle le plus éclairé de la pièce. La mélodie que fredonnait les lèvres de Melty était parfois interrompue par  une poêle qui s’entrechoquait avec une sœur casserole dans un tintamarre crispant qui n’altérait en rien la bonne humeur de la professeure de Cuisine. Elle tâtait les mixeurs qui vrombissaient de façon inquiétante sous ses doigts fins et, à deux reprises, son colossal partenaire, Bounty, dû se déplacer pour éteindre le gaz que sa maîtresse étourdie avait laissé ouvert.

Les atypiques tables allongées étaient en fait des plans de travail sur lesquelles traînaient des ustensiles en pagaille, râpes à carottes, à fromage, larges maryses, hachoirs luisants, faitout jaune canari, épluche-baie et toute leur fratrie rutilante s’étalaient sur l’espace mis à disposition. Une cloche sombre et hermétique trônait au milieu du fourbi. Juste à côté une petite gazinière à trois feux ainsi qu’une armada de casseroles, de poêles et de woks attendaient sagement l’arrivée des cuistots.

Depuis son bureau, un petit meuble de chêne noir sur lequel était posé des baies, un chrono et un sifflet, Melty feuilletait une de ses revues mensuelles « La bonne cuisse de Gruikui » en louchant légèrement sur les pièces de bœuf appétissantes qu’elle hésitait à commander. La louche qu’elle faisait distraitement tourner dans sa dextre ne tarda pas à s’envoler contre un mur dans un fracas métallique. Cela parut tirer la référente des Mentali de sa torpeur et la jeune femme alla en courant – grave erreur, un saladier fut renversé et brisé en chemin – ouvrir les portes du hangar. Bounty l’avait fidèlement suivi à son allure et pendant que les portes révélaient élèves et lumière dans un roulement sinistre, le Pokémon Fruitpalme toisait de tous ses yeux vides et repus quelques têtes familières. La bête espérait une gâterie de la part d’une des protégées de sa maîtresse. La salle ouverte, Potts, voulut regagner son bureau, toujours en courant – et cette fois ce furent une multitude de petits pieds fragiles qui payèrent le prix de son enthousiasme.  Elle arriva à destination et tapa fort le bois de ses paumes avant de scruter l’assemblée, les élèves se répartissaient maladroitement entre les tables. La brune croisa le regard de plusieurs Mentali à qui elle adressa des clins d’œil énormes.

Le bourdonnement d’élèves intrigués ne semblait pas vouloir cesser et Melty estimait ne pas avoir de temps à perdre. Bounty était « mûr » pour la récolte et ses placards personnels étaient trop vides pour se permettre de rater cette occasion de refaire les stocks. L’institutrice frappa énergiquement dans ses mains.


Ces derniers mots autoritaires semblèrent calmer la foule et Melty eut le bon goût de rougir avant de toussoter pour reprendre la parole. Elle attrapa un couteau qui – Ô malheur – traînait sur son bureau et fit un geste de lame pour montrer l’endroit où il se trouvait.


Cette tirade fut ponctuée d’un geste de main qui allait de sa poitrine vers la foule et où le couteau de boucher traversa les airs pour ricocher sur le sol en béton au milieu des étudiants. Absolument indifférente à ce qui venait de se produire, mademoiselle Potts cala le chronomètre dans sa senestre et montra de l’index droit l’une des cloches des plans de travail proches d’elles.


Melty fit une courte pause pour permettre aux élèves insouciants – et incultes – de se documenter en vitesse. Elle en profita pour sortir une faucille d’un tiroir avec un sourire charmant qui lui donnait des airs de serial killeuse, puis commença à prélever à même son indispensable Noadkoko ses ingrédients tout en poursuivant les explications.


La brune agrémenta son discours de gestes trop amples qui allèrent projeter sa faux dans l’un des frigidaires. Un oups s’échappa des lèvres roses de la Potts qui regarda sa classe d’un air contrit, l’étirement de ses lippes trahissaient son amusement. Prise de pitié pour le teint livide de certains de ses étudiants, la professeure alla s’asseoir derrière son bureau et coinça le sifflet entre ses lèvres.