Bizarrement, Aileen la sentait plutôt mal, cette sortie capture. Elle ne savait pas très bien pourquoi, mais elle la sentait plutôt mal. Peut-être parce que, au sein même de son dortoir, de nombreuses Pyroli en avaient été privées, soit pour avoir mis le boxon en cours, soit pour avoir été attrapées dehors après le couvre-feu, bref, pour avoir désobéi au nouveau règlement un peu trop sévère auquel ils étaient maintenant confronté. Et la brune avait bien ressenti que son travail de préfète était énervant quand elle avait du passer une heure à réconforter une fille en larmes car privée de sortie capture la veille de celle-ci, alors qu’elle avait juste envie de soupirer très fort pour la faire taire. C’est le jeu, ma pauvre Lucette ! Elle avait joué avec le règlement, et elle avait perdu. La prochaine fois, elle ferait plus attention en jouant, surtout après avoir compris que perdre pouvait la priver de cours, de missions, de sorties captures ! Enfin bon, comme elle lui avait fait remarquer d’un ton placide, rien ne l’empêchait d’y aller elle-même, par ses propres moyens. Après tout, l’interdiction de sortie capture, c’est juste lui interdire l’accès au bateau. Si la préfète avait réussi à créer un genre de réseau de solidarité au sein de son dortoir, surtout pour le rattrapage de cours de certaines fortes têtes, elle ne pouvait en revanche rien faire contre le manque d’imagination aberrant de certaines de ses camarades.
Le lendemain, jour J de la sortie capture, Aileen avait recroisé la fille, complètement abattue. Elle n’avait rien pour l’emmener à la sortie capture. Aucun Pokémon Eau, et son starter, un Piafabec, était clairement trop faible pour la porter pendant deux heures. Aileen avait levé les yeux au ciel. Sérieusement ? Cette fille ignorait donc que, au sein de son propre dortoir, les Pyroli punies de sortie capture s’organiser pour y aller quand même, au nez et à la barbe de la nouvelle direction ? Puis, elle lui avait attrapé le bras pour la tirer jusqu’à la porte d’une chambre qu’elle avait ouvert en grand. Les Pyroli à l’intérieur avaient sursauté, un peu coupables, pensant sans doute que leur préfète allait les balancer. La seule chose qu’elle se contenta de balancer, ce fut la fille qu’elle tenait par le bras, en la poussant dans la chambre avant de refermer la porte. Là, voilà. Qu’elle se débrouille avec ses semblables punies de sortie capture pour une raison ou pour une autre, Aileen avait son sac à finir, et son petit ami à rejoindre pour y aller avec lui. Elle quitta son dortoir quelques minutes après pour rejoindre Loan, qui l’attendait, appuyé contre un arbre devant le dortoir Pyroli. Hop, câlin immédiat.
« Ca y est, la garderie est finie, on peut partir ! ♥ »
Le Voltali pouffa de rire avant de lui embrasser brièvement le front, et ils s’en allèrent tous les deux, mains dans la main, en papotant tranquillement. A l’entendre, un nombre assez conséquent de Voltali avaient été privés de sortie capture, et il ignorait si certains s’y rendraient en surfant ou en volant. Visiblement, l’île choisie par l’ancien vice-directeur était l’île Sailak, une île paradisiaque. En frissonnant, elle referma son blouson. Ca la changerait agréablement du vieux froid humide qu’ils se traînaient ici. Prenant le bus avec d’autres élèves, ils réussirent à grappiller in extremis une place assise. Une seule. Ne lui laissant même pas le temps de protester, le Voltali la tira par la main et elle se retrouva assise sur ses genoux, ce qui était affreusement gênant devant autant de monde, mais comme ils n’étaient pas le seul couple à faire ça, ils passèrent relativement inaperçus. Ce n’est qu’en descendant du bus à l’arrêt du port que la brune se dit qu’il se passait quelque chose de bizarre. Trop de bruit parmi les élèves, trop de tension dans l’air, et surtout un énorme invité absent de cette sortie capture.
« Loan, t’as pas l’impression qu’il manque quelque chose là ? Genre, le ferry ? »
Le Voltali n’eut pas le temps de répondre. Apercevant son insigne à sa poitrine, une élève se tourna vers elle, en proie à de grandes émotions, que la brune identifia sans peine. Incompréhension de voir que le bateau n’était pas là, colère de croire qu’il ne viendrait pas, panique de croire qu’elle l’avait raté.
« Préfète ! C’est terrible ! Il n’y a pas de bateau ! »
La brune grinça des dents quand on l’appela préfète. Préfète, sans dec ? Eh, elle a un prénom aussi, et assez joli, suffisamment pour être utilisé en tout cas !
« Eeeeh, ouais, je vois ça, ouais. Tu es ici depuis combien de temps ? »
« Depuis quinze minutes ! Je suis arrivée avec la première vague, on était quatre ou cinq sur les quais, maintenant ça se remplit et il n’y a toujours pas de bateau ! »
« Hmm. Je vais voir ce que je peux faire. Tu veux bien me prêter ton Pokémon ? »
La jeune fille déroula l’Eoko qui reposait sur sa gorge pour le tendre à la préfète, qui le posa sur son épaule. A ce simple contact, elle put ressentir ce que ressentait l’autre dresseuse. De la confiance. C’était le but recherché. En récupérant son badge, en début d’année, elle s’était rendu compte que les gens s’attendaient à ce qu’elle sache tout sur tout. En cas de problème, c’était à elle de trouver une solution, et dans ce genre de cas, si elle faisait preuve de faiblesse ou d’hésitation, elle n’inspirerait plus confiance. Extérieurement, elle avait l’air très confiante en ses capacités, ce qui rassurait les quelques élèves qui venaient de la repérer et qui convergeaient vers elle pour se plaindre de l’absence du bateau. Intérieurement, c’était un tsunami d’émotions. Elle ne pouvait pas le faire apparaître comme par magie, ce bateau, et en trouver un si vite serait difficile ! La seule manifestation extérieure de son stress ne fut perceptible que par Loan, quand elle resserra doucement ses doigts autour des siens avant de le lâcher pour monter sur une caisse.
« Votre attention, s’il vous plaît ! Comme vous avez pu le constater, le bateau n’est pas là. C’est certainement une erreur ou un retard ! On va lui laisser encore quinze minutes de délai, si au bout de ces quinze minutes, il n’est toujours pas là, on en trouvera un autre ! Essayez de trouver vos préfets, dites-leur qu’on doit s’attendre près de la pile de conteneurs rouges, là-bas, on trouvera une solution, la sortie capture ne sera pas annulée ! »
Sa voix dénuée de tout soupçon de peur, amplifiée par les pouvoirs psychiques de l’Eoko enroulé autour de son cou, couvrit le brouhaha des conversations, et les élèves tournèrent la tête vers elle. Au début, elle entendit des « Qui c’est celle-là ? » remplacés très vite par « C’est la préfète des Pyroli ! ». Gh … Quel stress. Descendant de sa caisse en bois, elle rendit son Eoko à la demoiselle, et se permit s’embrasser rapidement Loan sur la joue avant de filer vers les conteneurs. Il ne fallut que quelques minutes pour qu’elle rassemble autour d’elle les autres préfets, son frère excepté, ce dernier étant trop malade pour participer à la sortie capture.
« Bon, on ne va pas se le cacher, j’ai juste dit ça pour les calmer, mais à mon avis on n’aura pas de bateau du tout, ni maintenant ni dans quinze minutes, et si je ne doute pas du fait que certains pourront se rendre par leurs propres moyens sur l’île Sailak, ce ne sera clairement pas le cas de tout le monde. Je vous propose donc qu’on ne perde pas notre temps à essayer de comprendre pourquoi il n’est pas là, et qu’on se mette tout de suite à la recherche d’un autre bateau, qui accepterait de nous prendre pour l’aller et le retour en attendant qu’on ait fini. »
Elle cessa son bref monologue, rassurée de sentir son Absol chromatique s’asseoir tranquillement à côté de sa jambe. C’est ça qu’elle aimait chez lui. Toujours très calme. Son stress latent diminuait petit à petit, même si elle se débrouillait pour ne pas le montrer, ni aux élèves ni aux préfets. Pas le temps pour ces conneries, ils ont un bateau à trouver.
« Vous êtes partants ? »
Dernière édition par Aileen Sôma le Jeu 29 Jan - 19:06, édité 1 fois