Il n’avait pas été là. Une absence permanente que l’on aurait pu croire s’essouffler au fil du temps. Mais tenace, pourtant, même quinze années après. Le père, la figure paternelle. Elle avait disparu à la naissance de l’enfant. Etait-il mort ? Avait-il fuit plutôt que d’assumer sa charge parentale ? Lewis n’en avais jamais rien su, sa mère ayant préféré rester secrète à ce sujet. Et Lewis avait beaucoup trop de respect pour elle pour inspecter plus avant ses souvenirs douloureux.
Lewis s’avérait être le fils d’une fleuriste de la région d’Hoenn. Enfant unique d’une famille monoparentale, ses premières années furent placées sous le signe de l’absence. L’absence du père, l’absence d’une mère obligée de travailler beaucoup pour assurer la subsistance de son fils, l’absence d’un frère ou d’une sœur à qui s’ouvrir. Pour autant, Lewis n’en fut pas un enfant malheureux. Après tout, il ne savait pas ce qu’était une vraie famille, il ne savait pas ce que c’était d’être toujours entouré de personnes sur qui compter, à qui parler…
Sa solitude fut peut-être sa plus grande chance, puisqu’elle l’obligea à se débrouiller seul très vite. Il apprit à lire de lui-même très tôt pour se distraire, afin de pouvoir avoir le plaisir des histoires que lui racontait sa mère avant de dormir même en son absence. Ce sont ses premières expériences littéraires qui l’amenèrent à rapidement devenir le rat de bibliothèque qu’il allait rester longtemps.
La bibliothèque fut le lieu des découvertes et de la libération de Lewis. Chaque jour, après l’école, sa destination restait invariablement la même : cette vieille bâtisse aux étagères recouvertes de livre en tout genre, ce coffre de savoirs qu’il faudrait plus d’une vie pour assimiler… Il y passa les heures les plus délicieuses de son enfance, puisque c’est là-bas, plus encore qu’en cours, qu’il se forgea son intellect.
D’où lui venait cette passion pour le savoir, la connaissance ? Cette volonté de tout savoir, comme on l’a vu, lui vient de cette volonté de réussir son avenir de la plus belle manière qu’il soit. Cette volonté s’avère être une promesse faite à sa propre mère très tôt. Lewis, malgré une impression de distance apparente avec sa mère, s’était toujours senti redevable envers cette femme qui avait donné de son temps et de son énergie pour le faire vivre, quand elle aurait pu l’abandonner. Lewis avait très tôt eu conscience de sa situation et de celle de sa mère. Sous ses airs presque autiste, enfermé dans ses livres, l’adolescent ne cherche finalement qu’un moyen d’assurer à sa mère une fin de vie dans le repos, au cours de laquelle il pourra s’occuper d’elle, au moins financièrement.
Des études scientifiques lui apparurent rapidement comme la meilleure option pour parvenir à ses fins. La sûreté de l'emploi, le salaire régulier, voilà ce qui convenait le mieux à ce que Lewis entendait faire de sa vie future.
Puis il découvrit un jour les livres traitant du combat de pokémon.
Lewis vit dans ses ouvrages une nouvelle manne qu’il lui devint impossible de lâcher… La gloire des combats, les sommes absolument mirobolantes qui se jouaient sur des tournois… Il se prit à rêver de ce train de vie, certes fatiguant, mais ô combien gratifiant s’il lui était possible d’atteindre un jour l’élite des dresseurs. Dès lors, il n’aurait plus aucun souci à se faire pour sa mère, qui aurait de quoi vivre de manière tout à fait confortable pour le restant de ses jours. Et comme le prouvaient les ouvrages qu’il tenait entre ses mains, rien ne l’empêchait en cas d’échec d’envisager une carrière plus classique par la rédaction de tels livres.
Sans se laisser abattre par les discours des adultes qui lui disaient que l’élite lui était inaccessible et qu’il était condamné à vivre misérablement s’il continuait dans cette voie-là, Lewis passa des jours et des nuits entières à lire, lire, lire encore jusqu’à ce que la fatigue l’écrase. Mais ce n’était que pour se reposer et reprendre l’étude le lendemain.
Ses recherches le poussèrent à se pencher sur le cas de l’académie de l’île Lansat, située à l’écart de toutes les autres régions du monde. La possibilité d’un parcours d’étude lui permettant d’aborder théorie et pratique rendit Lewis littéralement fou à l’idée de cette perspective. Bien que cela sembla impossible, il parvint à redoubler d’effort à nouveau et prépara son dossier d’inscription
Une semaine plus tard, alors qu’il déjeunait avec sa mère, la réponse de l’administration lui parvint. Il était accepté, c’était une part de rêve qui commençait à se dévoiler. Pour la première fois depuis des années, Lewis eut un véritable geste de tendresse à l’égard de sa mère : il la prit dans ses bras et l’embrassa, lui répétant que leurs soucis seraient bientôt terminés.
Vint le jour du départ. Lewis se présenta seul au port, les clients lui ayant ravis sa mère pour son dernier jour à Hoenn. D’un pas assuré, un sac sur l’épaule et une valise dans la main, il monta dans le ferry qui devait le conduire peut-être à l’accomplissement de son rêve, et à la fin des douleurs de sa mère.
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"Journal de Lewis Caspian, le soir de son arrivée"Je pensais écrire une lettre à maman, mais je préfère d'abord consigner ce qui s'est passé dans ces pages.
Après ma visite de l'établissement scolaire, l'on m'a conduit en direction des souterrains de l'école, où je devais rencontrer celui que l'on nomme "le Collectionneur". Un étrange personnage, qui me posa plusieurs questions sans réelle cohérence logique, allant de ma ville de naissance à mon opinion quant au goût de divers salmonidés. Par respect, je répondis sérieusement à toutes ses questions, qui nous occupèrent bien une demi-heure.
Satisfait de notre entretien, l'homme me remit une pokéball sur ces mots : "Elle te sera parfaite, n'en doute pas". Je le saluai et reparti dans la direction d'où j'étais venu, puis on me conduisit à ma chambre.
J'avais rarement ressenti une telle excitation en moi. A peine arrivée dans mon nouveau "chez-moi", je ne pris pas même la peine de ranger mes divers effets personnels. Je m'assis sur le lit présent dans la pièce et, tenant toujours le présent du Collectionneur, je l'ouvris. Un faisceau rouge en jaillit, et ce qui apparut sous mes yeux dépassa toutes mes espérances.
Un Goupix. Ou plutôt, devrais-je dire, une petite femelle Goupix. Une adorable créature qui me fixait de ses grands yeux noirs et humides, en balançant doucement sa queue rousse. Elle me regarda quelques secondes, tout comme je ne pouvais la quitter des yeux, puis un air bienveillant apparu sur son visage. Elle grimpa en douceur sur mes genoux, où elle s'endormit. Je n'eus pas le courage de l'en déloger.
Elle y est encore au moment où j'écris ces lignes. J'ai pris la décision de la surnommer Leanne, du deuxième prénom de ma mère.