L'hyperball libéra l'habituelle lumière rouge, laissant le cobra s'engouffrer dans la sphère de capture pour ne plus en ressortir, à mon grand soulagement. Ce n'était pas passé loin, vraiment pas loin. Je commençais finalement à respirer à nouveau et, sans perdre de temps, je me remis en mouvement. Je récupérai l'hyperball et la mis dans mon sac, hissant ce dernier sur mes épaules avant de me diriger aux côtés d'Ash. Le pauvre phanpy était au sol, épuisé et blessé par les crocs gelés du grand serpent. Délicatement, je le caressai, pour le rassurer et le remercier pour ce combat formidable de sa part, surtout considérant qu'il était le Pokémon d'une simple éleveuse et rien de plus.
- Je suis fière de toi, Ash. Repose toi maintenant d'accord? Ne t'inquiète pas pour moi, tout va bien.L'éléphant bleu leva sa trompe, laissant échapper une plainte de protestation, mais je le forçais déjà à rentrer dans sa balle. Je ne pouvais pas le soigner ici, c'était trop risqué. Je devais retourner à la côte, remonter sur le ferry. Car si le bateau partait sans nous... Oh, si nous restions seuls sur cette île... Je ne voulais même pas savoir. Je n'arriverais jamais à faire la traversée à dos de Barpau. J'avais bien un oeuf de Squirtle, mais il était encore très loin de l'éclosion. Me fier sur mon ditto pour calquer un Pokémon et nous permettre de rentrer? Déjà plus plausible, mais j'aurais aimé éviter d'en arriver là. Et puis, il y avait toujours un mystère que je n'avais pas éclairci. Pourquoi Ancy était-il venu me prêter main forte? Enfin, non, ce n'était qu'un emolga. Celui d'Allen Wills se serait jeté dans mes bras ou blottit dans mes cheveux, c'était son habitude. Aucune raison pour qu'il en change maintenant et préfère m'éviter. Ce n'était pas lui, tout bêtement. Rassurée au moins sur cette question, je me préparai à reprendre ce que j'estimais être le chemin de la côte, lorsqu'une voix paniquée me cloua sur place.
▬ Estelle?!! Estelle, c'est toi? Ils ont eu Arkhan, Estelle!! Aide moi! Cette voix! Je regardais partout autour de moi, tournant sur moi-même, un vaste sentiment d'impuissance s'emparant de moi. Je ne le voyais pas, je ne savais pas d'où venait la voix. J'étais perdue, j'avais mal, j'étais sale, j'avais perdu un de mes Pokémon et un autre était hors d'état de combattre. Mais je ne pouvais pas rester sans rien faire! Je devais trouver Leo, je devais l'aider, surtout s'il m'appelait avec autant de détresse dans la voix, de douleur. Un tremblement même, de peur et d'angoisse. Que s'était-il passé? Est-ce qu'il allait bien?!
- Leo! Je ne te vois pas! Leo?! Réponds moi!! Je suis là, mais je ne te vois pas! Leo?!!Pas de réponse et la panique commençait à me gagner. J'essayais de regarder partout à la fois, de l'entendre m'appeler de nouveau, mais rien de plus que le silence, le brouillard et la cendre. Du moins, c'était le cas, jusqu'à ce que la silhouette du scientifique ne se découpe dans la brume, légère, à peine perceptible. Pourtant ça suffisait, c'était tout ce qu'il me fallait pour que je décide de le prendre en chasse, à la course à pied, faisant bien attention à ménager mon bras meurtri. Mais?! Leo prenait la fuite? Je devais hausser le pas, esquiver des branches et des racines. Une fois de plus, je me fis quelques égratignures et, n'y tenant plus, je libérai ma coiffure de ce chignon depuis longtemps ruiné, les laissant tomber en tristes boucles lasses et ternies. Mais pourquoi me fuyait-il? Est-ce qu'il me prenait pour autre chose? Merde! Il courait trop vite, j'étais en train de le perdre! Je ne pouvais pas le laisser partir dans la mauvaise direction, surtout s'il me cherchait pour soigner Arkhan!
- Leo! Je suis derrière! Arrête de courir, c'est moi! C'est moi, Leo! Leo!!Je buttai sur une racine et tombai vers l'avant, levant d'instinct les bras pour protéger mon visage, laissant m'échapper un petit cri de douleur lorsque le droit se fracassa contre le sol et amorti ma seconde chute de la journée. Blessée, misérable, affaiblie et seule, je restai un moment au sol, les yeux clos, respirant. Mon bras... Oh, mon bras... Il pulsait en vagues atroces de douleur, de torture. Ma longue chevelure rose tombait autour de moi, affalée au sol, sur un tapis de grandes roches plates. Doucement, je pris appui sur mon bras gauche. Je devais me relever, au moins m'asseoir et faire le point, je devais bouger et essuyer mes yeux embués. C'est environ à ce moment que je réalisai que je n'étais pas seule sur ce petit plateau rocheux, juste à l'extérieur de la forêt, annonciateur d'une dénivellation importante qui partait en pente abrupte. J'avais eu de la chance de ne pas tomber jusqu'en bas, quand même. Mais osef, il y avait plus important! Ce nouvel arrivant qui me faisait dos, ce blond...
➖"Pourquoi, mon amour? Pourquoi ce n'est plus moi que tu appeles? Pourquoi lui? Pourquoi, Estelle... Explique moi. Reviens, Estelle, s'il-te-plait." Ses poings étaient serrés, son visage tourné vers le sol et des soubresauts traversaient ses épaules. Mais malgré tout cela, il me faisait toujours dos. Il ne voulait pas me laisser le voir comme ça, très certainement. Même maintenant, il avait trop de retenue, de fierté. Tout, jusqu'à sa voix, était maîtrisé, contrôlé pour ne permettre aucune fuite, mais son corps le trahissait et je n'imaginais que trop bien ce que j'aurais vu dans ses profonds iris d'océan. Lorsqu'il prononça mon prénom, chaque fois qu'il le fit, un frisson me parcouru. Je ne pensais plus pouvoir l'entendre de sa bouche, plus jamais, et il avait toujours eu cette petite différence que je ne savais expliquer. Une façon qu'il avait de dire mon prénom que personne d'autre n'avait, sans que j'eusse jamais compris pourquoi. Je voulais avancer vers lui, je voulais aller le serrer dans mes bras et le réconforter, mais je ne pouvais pas. Il y avait, en mon coeur, trop de sentiments contradictoires à son égard maintenant et qu'il me demande ça, comme ça et ici, c'était trop!
- C'est toi qui est parti, Allen! J'aurais même pu t'attendre, je l'aurais fait, si tu m'avais juste demandé, si tu m'avais juste donné des raisons de le faire, mais non. Je mentirais si je disais que je ne t'aime plus, je t'aimerai sans doute toute ma vie, mais nous n'existons plus, parce que tu l'as décidé ainsi alors ne viens pas me demander des explications, car c'est toi qui m'en dois! Et pourquoi lui? Parce qu'il est gentil, intelligent et attentionné et qu'il est mon meilleur ami. Il ne m'a jamais laissé tomber et il ne le fera jamais! Alors ce n'est certainement pas moi qui vais le laisser tomber en retour. Je veux faire de mon mieux, je veux faire ce que je peux pour le rendre heureux à ma façon, moi aussi. Il a besoin de mon aide, l'un de ses Pokémon est blessé, alors maintenant fait ce que tu veux, je ne peux pas rester ici sans rien faire juste pour parler avec une illusion de toi.Je pensais pouvoir partir, j'allais le faire, mais ce n'était pas aussi facile.
➖"Tu es blessée et pourtant, tu veux encore aller l'aider? Non, je te ramène à la côte directement, je ne te laisserai pas te mettre en danger plus longtemps, surtout pas pour lui. Surtout pas pour qui que ce soit d'autre que moi."Et il fit volte face, pour marcher vers moi. De ma vie, je n'ai jamais crié aussi fort et jamais je ne le ferais de nouveau. C'était un cri viscéral, celui de la peur pure, celle qui vous glace et qui vous prends par surprise, en plein coeur de la nuit. Ce Allen là était défiguré, ne restait plus que les reliques de l'un de ses joyaux lapis lazuli, devenu terne et vide comme une bille, pour me regarder quelque part dans un amas de chair bouffie et désorganisée, charcutée, alors qu'il levait vers moi des mains de lames d'acier, tranchantes comme des rasoirs. Je ne voulais pas regarder plus longtemps, je n'en aurais pas été capable, je devais fuir, peu importe comment, peu importe par où. Mais derrière moi, dans le sentier que j'avais emprunté, se dressait l'immense silhouette d'Abstrak, me coupant toute retraite. Et sur la droite? Trybal, Henné et Dott sortaient des bois. Tous semblaient avoir été réduits à l'état de marionnettes mécaniques et, si je n'avais pas été totalement terrifié, j'aurais sans doute trouvé approprié de vous rappeler que j'avais prédit cette référence à FNAF. Le sens inverse, je devais m'enfuir par la pente abrupte, je devais réussir! Et, inconsciente comme j'étais, je tentai vraiment ma chance. Les premiers mètres se passèrent bien, avec beaucoup trop de regards en arrière et des plaintes inconscientes et aléatoires, mélange de douleur, de peur, d'incertitude et de supplication. Puis, un rocher céda sous mon pied et tout ce mit à défiler beaucoup, beaucoup plus vite. Je dégringolais la pente, le dos de mes cuisses se faisant salement râper par les rochers parfois plus pointus ou simplement parcourus d'irrégularités. Mais ça ne faisait que commencer et, peu après, je chutai vraiment, tentant vainement de m'accrocher à la paroi de mon bras gauche, mais c'était peine perdue. Dans l'aventure, je me cognai la tête sur la branche d'un arbre et le noir survint avant que je ne touche le sol.
***
Avançant d'un pas irrégulier, un étalon avançait dans la forêt. Son pelage de crème était sali, il ne s'appuyait plus sur sa patte avant gauche et ses flammes n'étaient plus que faibles soubresauts, mais il avançait toujours, déterminé. Ses prunelles semblaient chercher quelque chose et il le trouva. Haussant le pas comme il le pouvait, le Pokémon gagna finalement les côtés de sa dresseuse, marchant telle une funambule sur la ligne la séparant la conscience de l'inconscience. Faiblement, sa main gauche vint caresser le museau de l'animal inquiet, accompagné de l'esquisse d'un faible sourire. Le cheval s'ébroua, puis lui lécha la joue de sa grosse langue râpeuse, arrachant un rire désarticulé à la jeune fille. Elle était si épuisée maintenant. Elle voulait juste rentrer chez elle, juste revoir ses amis et quitter toute cette brume. Mais elle avait besoin de repos, besoin de guérir son bras, besoin que quelqu'un fasse avec elle le chemin la séparant de la côte et surtout besoin que ces vertiges cessent enfin pour qu'elle puisse se relever, essayer de bouger. Elle leva les yeux, suppliante, pour regarder le Ponyta et lui demander d'aller chercher de l'aide, mais ses iris s'arrêtèrent sur un autre visage. Une silhouette blonde, porteuse d'un faible sourire désolé, venu veiller sur elle. Ses paupières retombèrent, rassurée, mais loin d'être tirée d'affaire.
HRP - Merci pour la modération =)