Salem, elle est vive et pétillante, comme de la limonade, avec ce goût sucré d'optimisme et de joie de vivre qui vous fait sourire. Elle est pas spécialement gentille, ni vraiment méchante - disons qu'elle pense surtout à elle avant les autres. A elle et à ses rêves, à ses envies et à ses ambitions.
Elle est possessive, jalouse, déterminée, autoritaire. Elle aime avoir le dernier mot. Elle a parfois du mal à se concentrer, ses notes aux matières générales en pâtissent, surtout qu'elle n'est pas exactement ce qu'on pourrait appeler une intello. Non pas qu'elle soit bête, mais elle n'aime pas étudier. Par contre, si on doit parler mécanique ou sport, elle est présente. Oui, mademoiselle aime la beauté de la mécanique, et connaît les secrets des engranges, de l'électricité, des réactions mécaniques. Ce sont bien les seules choses qui la font réagir quand il s'agit d'étudier.
Elle se fait facilement des amis, avec sa façon d'être très spontanée et assez peu discrète. Elle ne sait pas tenir en place et se révèle toujours pleine d'idées, pas toujours très bonnes d'ailleurs, les idées.
Elle est garçon manqué sur les bords, adore le sport et se dépenser. Elle a pas mal d'idées à la seconde, et a toujours besoin de bouger, parce qu'elle est un peu hyperactive sur les bords (et ne prend pas toujours ses médicaments.) Tête en l'air et peu responsable ? Exactement.

Elle détourna le visage et retint une grimace.
Une main masculine et paternelle se posa sur son épaule, et les doigts serrèrent délicatement. Salem crispa son visage pour ne pas pleurer, et se força à écouter l'ophtalmologiste. Qui, à coup de mot, brisait son rêve comme du verre. Et les morceaux étaient plus tranchants que n'importe quelles autres paroles.
Elle devenant pilote d'avion ? Ravagé. Elle, pouvant voler dans le ciel avec ses amis les oiseaux, et faisant la course avec eux ? Dévasté. Ses douces pensées à l'idée de pouvoir sentir le vent dans ses cheveux, et de voir le paysage s'écouler sous elle ? Ruiné.
Son père la serra contre lui d'un geste un peu bourru. Il travaillait lui-même dans un aérodrome, et depuis toute petite, la jeune fille avait baigné dans l'admiration des engins capables de voler. Sa mère et son père s'étaient spécialisé dans les pokémons vols, et elle avait été entourée de créatures pouvant s'envoler, grâce à leurs ailes ou aux machines créées par les hommes. Et voilà qu'on lui coupait les rémiges, qu'on l'enchaînait au sol comme une vulgaire piétonne. Elle s'offusquait, avait du mal à respirer, alors que les sanglots la secouait et que la sentence tombait.
Dégénérescence de l'oeil. Une vision qui s'étiole peu à peu comme une mauvaise fleur. Qui l'oblige à porter constamment une lentille spéciale afin de pouvoir voir - ou des lunettes quand elle a trop mal au crâne, déstabilisée par l'aveuglement de son oeil droit. Ca ne fait pas vraiment mal, en plus, elle ne peut donc pas haïr son corps. Ca engendre juste des maux de têtes. Mais ses rêves, eux, on ne peut pas leur mettre de bout de scotch dessus pour les réparer, comme on l'a fait sur elle, à coup de glaces et de peluches.

Mais son caractère optimiste et battant ne pouvait pas se cacher ainsi et la laisser déprimer.
Si elle ne pouvait pas voler, elle ferait voler les autres.
Avec une détermination ancestrale, venant des profondeurs abyssales de son être, elle se mit à entraîner les pokémons de sa famille, formant un petit groupe d'amis ailés et les encourageant à faire de leur mieux, les forçant à dépasser leurs limites. Cela faisait sourire son père, qui ne pouvait que remarquer les progrès nets des pokémons familiaux. Il avait dans l'idée que sa fille pourrait faire bien des choses dans sa vie, et que au vu de ses accointances avec les pokémons vols, cela aurait toujours, implacablement, un lien avec le ciel.
Sa fille était faite de vitesse, de nuage et de bleu.
Elle était l'éclair bruyant et lumineux, l'orage grondant qui prenait au coeur, au corps. Elle était le bleu du ciel l'été, et celui de plomb l'hiver. Il l'aimait comme elle l'aimait, comme ils aimaient leur femme et leur mère. C'est sûrement pour ça que, à contre-coeur, le père de Salem amena un jour sur la table un prospectus.
Qui vantait les mérites d'une école. Et il avait entouré de rouge, surlignant des mots, pour attirer l'attention de sa fillette volage.
Coach.
Quoi de mieux pour elle ? Que rêver d'aussi bien pour elle ? C'était une bonne école, semblait-il. Et tout de suite enchantée, immédiatement conquise, elle demanda à ses parents de l'y inscrire. Là-bas, elle pourrait se dépenser tout son saoûl. Elle pourrait conquérir cette école, oui, et devenir la meilleure. Les efforts ne lui faisaient pas peur.
Rien ne lui faisait peur.
Pas même la chute.