« Ronno ! Tu viens ? »
Le petit daim vert sursauta, se tassa, et lâcha un brame apeuré. Lâchant son carnet, Eryn s’approcha de lui, attristée de le voir s’écraser lentement devant elle. Tendant le bras, elle lui caressa la tête avec douceur, avant de le prendre dans ses bras pour lui faire un câlin. Les battements de cœur du Vivaldaim se calmèrent, et il colla timidement sa tête contre sa joue pour lui rendre la pareille.
« N’aie pas peur, Ronno, il ne reviendra pas, d’accord ? Alice et Frank l’ont amené à la police de Méanville, et il est enfermé pour maltraitance. Il ne reviendra pas. Et même s’il revient, je ne le laisserai pas te récupérer. Arrête d’avoir peur, tu n’as plus rien à craindre. Tu sais bien que je ne te ferai pas de mal, non ? »
Le Vivaldaim, capturé quelques jours plus tôt, lâcha un nouveau brame, et après lui avoir fait un petit bisou, Eryn le lâcha. Un peu plus assuré, il commença à tourner dans la clairière, penchant la tête vers les Pokémon qui s’approchaient d’eux, curieux comme tout. Depuis qu’elle avait combattu dans la forêt, pour protéger le petit Vivaldaim battu par son ancien dresseur, les Pokémon semblaient nettement moins hésitants à s’approcher d’elle. Elle avait pu prendre des dizaines de photos, caresser la tête cotonneuse d’un Farfaduvet, approcher à bonne distance une Apireine, voir un Colombeau et même un Déflaisan (elle n’aurait jamais imaginé que des oiseaux vivaient dans cette forêt !), bref, remplir considérablement sa réserve de photos. Elle les avait tous. Elle pouvait maintenant commencer sa véritable rédaction, sur la présentation des Pokémon du lieu.
A première vue, vingt-quatre espèces de Pokémon différents vivent dans le Bois des Illusions. Il y en a trois bien spécifiques dans la rivière qui traverse la forêt (Bargantua rouge et bleu, Poissirène, et Poissoroy), les autres vivant sur la terre ferme. Les vingt-et-unes autres espèces sont les suivantes : Colombeau et Déflaisan, Chlorobule et Fragilady, Doudouvet et Farfaduvet, Venipatte et Scobolide, Flotajou, Feuillajou et Flamajou, Scarabrute et Scarhino, Apitrini et Apireine, Rosélia et Roserade, Couverdure et Manternel, Nanméouie et Emolga. Ces vingt-quatre espèces semblent vivre en harmonie dans ce petit bois, ayant accepté l’idée qu’avec un peu d’efforts, ils pouvaient vivre ensemble sans se faire la guerre pour récupérer quelques centimètres du territoire du voisin.
Bargantua, Poissirène et Poissoroy semblent ne pas avoir de problèmes à vivre ensemble dans la même rivière, même s’ils préfèrent visiblement rester chacun de leur côté. Il n’est pas rare de voir des Poissirène bondir hors de l’eau, imités par leurs confrères, et parfois par un Poissoroy qui s’invite dans la danse. Bargantua, cependant, préfère rester seul, sans doute pour ne pas croiser un autre Bargantua ennemi. Quand un Bargantua rouge rencontre un Bargantua bleu, ces derniers se bondissent dessus et se battent jusqu’à la mort, faisant voler des gerbes d’eau qui s’écrasent sur la rive avec fracas. Ces trois Pokémon n’ont cependant aucune rivalité avec les Pokémon terrestres, qu’ils laissent boire ou traverser la rivière dans laquelle ils vivent sans chercher à les attaquer ou les chasser.
Adroitement, la Mentali rajouta la photo qu’elle avait prise des deux Bargantua en train de se battre. Son article commençait à prendre forme, le soleil brillait, réchauffant la clairière de ses rayons, les Pokémon gambadaient autour d’elle comme si elle faisait parti de leur monde… Que demander de plus, honnêtement ? Baissant la main, elle caressa la tête de son Cabriolaine qui somnolait, couché à ses pieds. Il lâcha un profond soupir de contentement, qui fit roucouler un Nanméouie assis non loin. Eryn avait l’impression d’être une attraction. La petite dresseuse toute mignonne aux cheveux roses qui est venue dans la forêt pour observer les Pokémon et devenir amie avec eux. Et elle était bien contente d’être là. Que de plantes ! Achille devait sans doute être le plus heureux du groupe. Depuis le début, il était accroché à une branche d’arbre, au soleil, et emmagasinait tout ce qu’il lui fallait pour devenir un beau et fort Charmillon. Eryn était très pressée que son évolution ait lieu, d’ailleurs. En Charmillon, il serait tellement beau ! Relevant les yeux, elle regarda une petite Chlorobule passer, en pleine discussion avec Amaryllis, et une Fragilady qui les surveillait sans rien dire.
Chlorobule, bien que timide au premier abord, se révèlera très entreprenante. Si elle s’occupe du bon maintien du sol pour que la forêt se nourrisse comme il faut, mêlant parfois quelques Fragilady à sa danse, elle reste cependant une petite enfant curieuse qui, à un moment ou à un autre, s’approchera pour savoir ce qu’il se passe. Pareillement, Doudouvet finira bien par s’approcher pour en apprendre plus, même si sa timidité le forcera à rester bien plus en retrait pour ne pas trop s’approcher de ce qui pourrait être un danger. Couverdure, s’il ne s’approche pas autant que ses deux autres camarades, sera certainement le plus curieux, capable de s’approcher en pleine nuit pour fureter et en apprendre plus. Mais en cas de geste trop brusque, les uns comme les autres s’enfuiront en vitesse pour se dissimuler dans la brume avant que le dresseur n’ait seulement eu le temps de saisir une Poké Ball pour leur lancer dessus ou démarrer le combat contre eux. Ils courront immédiatement se réfugier auprès de leurs évolutions, Fragilady, Farfaduvet et Manternet.
Fragilady et Farfaduvet sont d’ailleurs très peu représentés dans le Bois des Illusions, sans doute à cause de la difficulté, pour des Pokémon sauvages, à mettre la main sur les Pierre Soleil nécessaires à leurs évolutions. Ces deux espèces de Pokémon, sans compter Manternel, semblent prendre plaisir à s’occuper de leurs plus jeunes évolutions, pour les protéger, les dorloter ou les empêcher de faire des bêtises. Il est très difficile de croiser ces trois espèces dans le bois, ces dernières restant cachées dans la brume pour surveiller leurs sous-évolutions qui s’avancent curieusement vers le danger, prêts à les réceptionner au moindre problème. Pour apercevoir Fragilady, Farfaduvet ou Manternel, il faudra énormément de patience, et plus encore pour en capturer un, ces Pokémon ayant tendance à fuir dans la brume pour échapper aux ennemis.
Eryn se frotta les yeux. Il fallait qu’elle finisse ça vite, il ne lui restait plus beaucoup de jours d’observation, et il fallait qu’elle rende un papier fini à Alice et Frank. Ces derniers, voyant qu’elle avait la situation bien en main, l’avaient laissé seule dans le Bois des Illusions pour cartographier le Désert Délassant et les ruines gisant en plein milieu. Maintenant qu’elle avait pu photographier tous les Pokémon du lieu, ils lui faisaient confiance pour terminer son papier dans les temps. Donc… Elle devait mettre un coup de cravache. Absolument. Même si ses yeux commençaient à picoter et qu’elle avait de plus en plus envie de dormir. Alors voyons. Bargantua, Poissirène, Poissoroy, Chlorobule, Fragilady, Doudouvet, Farfaduvet… Elle allait continuer sur les Pokémon Plante, et passerait aux autres après pour plus de facilités. Allez, c’est parti, et après, elle rentrerait à l’hôtel. Le camping, c’est bien, mais il fait tellement froid, la nuit, dans le Bois des Illusions… Puis Alice et Franck voudront la voir pour discuter de son avancement, aussi. Mais avant… Elle devait finir. Au moins les terrestres. Elle passerait aux célestes plus tard.
Malgré leur attitude belliqueuse, Scarabrute et Scarhino resteront relativement placides si on ne s’interpose pas entre eux. En règle générale, il est possible de les trouver en train de frotter leurs cornes contre les arbres, faisant voler l’écorce morte autour d’eux. Ces deux Pokémon semblent s’occuper de la bonne santé des arbres et des roches, polissant leurs cornes contre l’écorce pour enlever les peaux mortes de l’arbre et lui permettre de rester en bonne santé. Parfois, il arrive à ces deux Pokémon de frotter leurs cornes l’une contre l’autre, dans ce qui ressemble à un simulacre de combat. En réalité, ils ne se battent pas, mais se nettoient les cornes en les frottant pour les débarrasser des éventuelles échardes et ce qui pourrait rester accroché.
A leur différence, Venipatte et Scobolide se montreront belliqueux envers ceux qui empiètent sur ce qu’ils estiment être leur petit bout de territoire, en particulier s’il s’agit d’êtres étrangers au bois. Venipatte, malgré son air d’apparente placidité, se jette avec vivacité sur ses ennemis pour les mordre avec force, les empoisonnant gravement avant de les chasser de son territoire. Scobolide, lui, foncera à toute allure sur son adversaire pour l’attaquer de ses longs pics et le forcer à s’enfuir. Il est donc grandement recommandé de ne pas s’approcher d’eux, à moins de réellement vouloir en capturer un, d’avoir l’équipe nécessaire pour l’affronter, et d’avoir un bon stock d’Antidotes sur soi pour survivre à leur poison, sans oublier les habituelles Potions et un kit de premiers secours qui pourra toujours être utile.
Eryn bâilla à nouveau. Mais cette fois, Ronno la poussa timidement dans le dos, tandis que Khensit refermait son ordinateur du bout de la liane pour la forcer à se lever. Maintenant, il fallait qu’elle s’en aille. Elle avait rendez-vous avec Alice et Frank, en plus. En vitesse, la petite Mentali rangea ses affaires, et quitta le bois tout aussi vite pour retourner à Méanville. Déjà qu’elle était en retard… Puis, ils voudraient voir ses quelques notes et savoir comment elle allait écrire son article. Bon, elle l’avait presque fini, mais tout de même, il restait des choses à faire dessus ! Elle fut très vite à Méanville, transportée par son Cabriolaine qui courait comme un fou dans les rues de la ville pour atteindre son hôtel, et s’y arrêter, langue pendante, mais fierté évidente. C’était la première fois qu’il lui servait de monture. Il était heureux comme tout. En hâte, la Mentali grimpa les escaliers pour filer vers la chambre occupée par les deux journalistes.
« Mais non, il est impossible de réveiller les statues devant les ruines ! »
« Si, avec des Bonbon Rage ! »
« Franck, ce n’est qu’une légende, tu le sais bien… »
« Oui, tout comme le Pyrax au fond des ruines, et on a trouvé quoi, sinon la preuve qu’il y en avait bien un ? »
« Bon sang, ce que tu peux être… Oh, Eryn ! »
Les deux adultes tournèrent la tête vers elle en souriant, et elle leur répondit par un sourire lumineux. Bon, pas si en retard que ça, ou bien ils n’en avaient rien vu, trop plongés dans leur conversation. Posant ses affaires au sol, elle ressortit son ordinateur et l’ouvrit pour le leur tendre, histoire de leur faire lire son article.
« Alors, voyons ça… Oh, intéressant ! Tu l’as terminé ? »
« Non, pas encore, il m’en reste encore quelques-uns à rajouter, je le ferai ce soir et demain, et ça devrait être bon ! »
« Je vois que tu as choisi des groupes spécifiques à chaque fois. C’est fait exprès ? Ou c’est juste par rapport aux évolutions ? »
« Non, c’est fait exprès ! J’ai fini par remarquer que chaque Pokémon semblait avoir sa place dans le Bois des Illusions, et je les ai rangés par groupe. Par exemple, Bargantua, Poissirène et Poissoroy appartiennent au groupe aquatique, parce qu’ils vivent dans la rivière. Chlorobule, Doudouvet et Couverdure sont des Pokémon qui peuvent être considérés comme des enfants, alors que Fragilady, Farfaduvet et Manternel sont un peu les parents, donc ils sont dans le groupe familial, élevage. Ensuite j’ai fait un troisième groupe, protection et défense, dans lequel j’ai mis Scarabrute et Scarhino, qui protègent la forêt en prenant soin d’elle, et Venipatte et Scobolide, qui la protègent en attaquant et chassant les intrus. »
« Je vois… C’est plutôt intelligent, en fait. »
« Et pour les autres Pokémon, des groupes spécifiques, ou tu vas les mélanger aux autres ? »
« Aloooooors… » Eryn farfouilla dans ses notes pour ressortir son carnet. « Apitrini, Apireine, Rosélia et Roserade auront un groupe pour eux seuls, parce qu’ils s’occupent de la nature et de l’essaimage de la forêt. Je vais y ajouter Feuillajou, Flamajou et Flotajou, même s’ils ne s’occupent, à première vue, que des baies qu’on peut trouver dans la forêt. Ensuite, Emolga et Nanméouie auront leur groupe pour eux, parce qu’ils semblent travailler de concert pour prendre soin des Pokémon de la forêt. Emolga veille du haut des arbres, et va chercher Nanméouie en cas de blessure. Et enfin, un groupe céleste avec Colombeau et Déflaisan. »
« Eh bien, voilà qui m’a l’air pas mal du tout ! » Eryn récupéra son ordinateur en rosissant légèrement. « J’ai hâte de voir ton papier fini. Ca m’a l’air très bien structuré ! »
_____________________________________________________Même si la forêt est protégée, elle ne peut cependant pas s’étendre seule, et finirait par mourir sans les soins constants de ses habitants. Alors que certains s’évertuent à la protéger, d’autres travaillent pour la tenir en vie. C’est notamment le cas d’Apireine, et de son armada d’Apitrini, qui butinent les fleurs pour disséminer le pollen dans leur sillage, permettant aux fleurs de se répandre dans la forêt et à la végétation de croître doucement. S’il est relativement aisé de voir des Apitrini, ces derniers faisant leur vie sans trop s’intéresser aux gens qui passent, voir une Apireine sera beaucoup plus compliqué, cette dernière restant dissimulée dans la brume pour ne pas risquer d’être capturée. Il faudra se révéler patient, et courageux, car en cas d’attaque sur leur reine, les Apitrini cesseront leur travail pour se jeter sur l’importun et le larder de coups de dards, jusqu’à ce qu’il s’enfuie, ou que le vacarme attire un Scobolide ou un Venipatte, qui se chargera alors de jeter l’individu hostile hors de la forêt.
Les fleurs et la végétation semées par les Apitrini est aussitôt prise en charge par les Rosélia et les Roserade, qui s’occuperont de la santé de ces petits plants pour les aider à pousser, à l’aide de leurs parfums et de leurs spores vivifiants. S’il est assez facile de voir un Rosélia au travail dans la forêt, l’approcher sera un peu plus difficile, ce Pokémon ayant tendance à faire surgir ses épines pour décourager les audacieux, et en cas de menace, les expulser avant de s’enfuir promptement. Voir un Roserade sera encore plus malaisé, du fait de leur rareté (une nouvelle fois, trouver une Pierre Éclat dans la forêt n’est pas vraiment à la portée du premier Rosélia venu) et du fait de leur méfiance naturelle pour ces étrangers qui saccagent leur travail en marchant au milieu des fleurs qu’ils font pousser avec tant de soins. Il faudra beaucoup de patience pour en apercevoir un, et ce sera le plus souvent en ombre chinoise se découpant dans la brume.
Eryn tendit la main vers sa tasse de thé, et l’attrapa du bout des doigts pour en boire une gorgée. Thé vert à la menthe. Un peu trop infusé. Pas grave. Ca lui permettrait de rester debout. Son regard tomba brièvement sur l’heure, affichée en bas à droite de son écran. Trois heures quarante-cinq du matin. Ses yeux picotaient, elle bâillait beaucoup trop, et ses Pokémon s’étaient tous endormis les uns après les autres. Tous, sauf le Brocélôme, qui jouait avec un crayon, qu’il s’amusait à passer entre ses bras fantomatiques, souriant de ne pas le sentir. Mais il jouait silencieusement, ne perturbant ni le sommeil des autres, ni la concentration de sa dresseuse, qui le laissait donc faire sans protester. Elle voulait finir ça très vite. Comme ça, elle pourrait, demain, écrire son texte sur les Pokémon célestes, et parcourir une dernière fois la forêt pour essayer de photographier Zoroark. Reposant sa tasse, elle fit lentement craquer son cou, et recommença à écrire, sous le regard de Deku, qui jouait encore avec son crayon à papier, celui qu’elle utilisait autrefois pour dessiner ses plans de styliste.
Cependant, il existe une chose que les Rosélia et Roserade, ni aucun autre Pokémon précédemment cité, ne peut faire : s’occuper des baies. Il y a, en effet, une multitude de baies qui poussent dans le Bois des Illusions, dissimulées dans la brume, et pas vraiment comestibles pour les êtres humains. Elles sont cependant importantes pour l’écosystème du bois, car elles servent à nourrir presque tous les Pokémon présents sur les lieux. Pour s’occuper de ces baies, trois Pokémon joignent leurs efforts pour les faire pousser et prospérer dans toute la forêt : Feuillajou veille à leur croissance, Flotajou les arrose, Flamajou brûle les mauvaises baies et empêche les buissons de prendre trop de place sur le reste de la forêt. Seuls, ils ne pourraient pas s’occuper de la croissance des baies, mais ensemble, ils les font pousser, grandir, mûrir, surveillant leur croissance pour s’assurer que tous puissent être nourris comme il le faut.
Croiser ce trio de Pokémon peut se révéler plutôt ardu, du fait de leur travail plutôt exigeant. En effet, ces Pokémon passent d’un buisson à l’autre toute la journée pour en surveiller la croissance et le maintien, essayant au maximum de rester hors de vue des dresseurs pour ne pas être perturbé dans leur travail. Il reste cependant possible d’en apercevoir quelques-uns en train de s’occuper d’un buisson de baies, continuant leur petit travail tant qu’ils ne seront pas dérangés. Si, cependant, l’un d’eux est attaqué, il ne faut pas oublier que les deux autres ne sont pas loin, et qu’ils se retourneront tous les trois contre l’agresseur pour le dissuader de continuer, jusqu’à ce qu’il s’en aille ou que le bruit attire un Scobolide ou un Venipatte.
Eryn bâilla à nouveau, et ses yeux se fermèrent. Doucement, Deku reposa son stylo, et tendit sa main fantomatique vers l’ordinateur pour le refermer et l’éloigner, riant doucement en voyant sa dresseuse croiser les bras sur son bureau et y poser sa tête. Elle aurait un beau mal de dos, demain…
_____________________________________________________ « Daiiiiim ! »« Mais j’ai maaaaal au doooos… J’aimerais bien t’y voir, toi ! »Le Vivaldaim lâcha un timide brame de rire, qui s’accentua légèrement quand il remarqua que sa dresseuse ne se vexait pas. Tout doucement, il passa derrière elle, pour étendre son cou de Vivaldaim vers son épaule droite, et s’y poser pour réclamer des gratouilles, qu’il reçut aussitôt, le faisant fermer les yeux avec un sourire béat. Quand la caresse s’arrêta, le Vivaldaim vert rouvrit les yeux, pour regarder avec curiosité ce que faisait sa jolie dresseuse. Elle tapotait les touches de son ordinateur. Il ne comprenait pas, et ne parvenait pas à lire ce qu’il y avait d’écrit. Mais il reconnaissait, par ci par là, les photos prises dans les jours précédents. Les Apitrini autour de l’Apireine. La Nanméouie qui soigne le Scarabrute. Le Venipatte qui les regarde d’un air soupçonneux. La tête du Vivaldaim s’approcha, et son nez toucha l’écran, le faisant reculer. C’était une sensation bizarre. Tiède. Eryn pouffa de rire et lui fit un bisou, le faisant bramer à nouveau. La Mentali avait presque fini son petit-déjeuner en terrasse. Elle pourrait bientôt retourner dans la forêt. Mais avant ça, il fallait qu’elle relise ce qu’elle avait écrit sur Nanméouie et Emolga.
Il y a deux Pokémon, dans la forêt, qui s’occupent de veiller sur les autres : Nanméouie et Emolga. Ces deux espèces semblent travailler de pair, pour s’assurer une meilleure visibilité dans la forêt. Emolga survole la forêt et surveille les Pokémon, et en cas de souci, il prévient Nanméouie, qui arrive en quelques minutes pour soigner le Pokémon blessé avec Vibra-Soin, s’en occupant avec douceur et prévenance avant de le laisser repartir vaquer à ses occupations. Pour un œil extérieur à la forêt, le Bois des Illusions semble grouiller de Nanméouie. C’est, en réalité, parfaitement faux, cette espèce n’étant pas plus présente que les autres dans la forêt. En réalité, Nanméouie considère tous les gens qui passent comme des patients éventuels, et n’hésitera pas une seule seconde à s’approcher d’un dresseur ou d’un Pokémon inconnu si ces derniers sont blessés. Cependant, en cas de gestes brusques ou d’attaques, Nanméouie s’enfuira le plus rapidement possible pour se perdre dans la brume.
Emolga, lui, est plus difficile à voir. Restant généralement stationné en hauteur, le plus souvent dans les arbres, il s’approche peu des Pokémon, et encore moins des dresseurs, son seul travail consistant à surveiller que personne ne se blesse. En étant bien attentif, il est toujours possible d’en voir un, perché dans un arbre, qui observe à travers la brume, au moins pour s’assurer que le dresseur ne se blesse pas, ou ne soit pas là pour blesser les autres. En capturer un se révèle plus compliqué. Le petit Pokémon électrique est très prompt à attaquer pour se défendre, et s’envolera à tire-d’aile pour fuir ce qu’il estime être un danger.
Ca avait l’air plutôt bon. Bien, il ne lui manquait que Colombeau et Déflaisan, et elle pourrait attaquer la dernière partie de son article. Mais d’abord… Petit-déjeuner ! Poussant doucement la tête de Ronno qui voulait lui piquer une tartine, elle se saisit de son thé pour en boire une gorgée. Pas mauvais. Pas assez infusé. Ahlala… Et en plus c’était un vulgaire sachet. Eh bien, on sent que c’est un hôtel sans étoiles, hm. Sa grand-mère aurait grincé des dents d’apprendre que sa petite-fille buvait du thé en sachet, et mal infusé en plus. Et Loan ? Il aurait certainement lâché un rire méprisant, avant de prendre sa tasse pour la verser dans le gros pot de fleurs à côté, partir en cuisine pour refaire un thé décent, tout en abreuvant le cuisinier d’insultes nobles, polies, mais bien senties. La Mentali esquissa un sourire, et reposa sa tasse après avoir pris une nouvelle gorgée. Bizarrement, boire du thé lui rappelait que Cael lui manquait. Lui aussi lui en avait fait, du thé. Du pas très bon. Horrible, en fait. Mais il lui avait servi ça sur un plateau, avec le reste du petit-déjeuner, comme si elle était une véritable princesse, après l’avoir rassurée la nuit et l’avoir ramenée au lit le matin pour empêcher les Rattata de la réveiller. La Mentali lâcha un petit soupir, et Yakuru frotta sa tête douce contre son bras pour la consoler. Allez, elle le reverrait bientôt, son petit copain. D’accord, il passe toutes ses vacances à Hoenn pour faire le service au Terremer, le restaurant de ses parents à Nénucrique, mais au moins, il allait passer une semaine chez elle pour venir étudier les trois lacs de Sinnoh !
« Daim ! »« Mais ! Ronno ! Voleur de tartines ! »Elle avait la tête dans les nuages. Et, évidemment, Ronno en avait profité ! Sa tête avait fusé, et il avait volé une tartine de confiture à sa dresseuse pour s’enfuir avec, et la partager avec le Cabriolaine, qui la suivait en bêlant de rire. Avec un soupir, Eryn la leur laissa, et termina son petit-déjeuner avant de se lever. Elle avait des oiseaux à observer. Il ne lui fallut que quelques minutes pour atteindre la forêt. C’est qu’au bout de deux semaines, elle connaissait le chemin, maintenant. Elle était un peu triste de bientôt partir, mais en même temps, elle en était bien contente. Non pas qu’elle n’aimait pas cet endroit, mais… Elle avait un peu envie de rentrer quoi. Présenter Cael à Ronno. Lui montrer que tous les humains ne sont pas méchants. Parce que Cael ne ferait pas de mal à son Vivaldaim, et qu’il pourrait peut-être même l’aider à le rendre moins soumis. Attrapant une Poké Ball, elle en fit sortir un Akwakwak, qui appartenait à Alice. Elle le lui avait laissé quand la Mentali lui avait dit vouloir monter la cascade pour observer les oiseaux. C’est quand même pratique d’avoir un Pokémon avec Surf et Cascade… Il faudrait qu’elle s’en achète un, un de ces quatre. Un Pokémon Eau pour agrandir un peu son équipe. D’ailleurs, aurait-elle pu s’y poser avec Tropius ? Non, se dit-elle après avoir grimpé la Cascade avec l’aide de l’Akwakwak. Il n’y avait pas vraiment d’endroits où se poser. Arriver par la voie de l’eau était la meilleure. Rapidement, la Mentali étala ses affaires au sol et s’installa pour attendre les oiseaux. Elle les avait observés, dans les jours précédents. Ils ne se posaient que quelques instants, dans les arbres, jamais sur la terre ferme. Elle serait mieux en hauteur pour les observer.
« Aladar, va les chercher ! »Le Tropius étendit ses feuilles en grand, et dans un souffle d’air, il s’envola dans les cieux. Quelques instants plus tard, il était rejoint par un Colombeau méfiant, qui lui tourna autour, puis par un autre quand il fut bien sûr que le Tropius ne représentait pas une menace. Et, très vite, d’autres arrivèrent, ainsi qu’un Déflaisan, mâle, puis, quelques minutes après, une femelle. Eryn était fascinée. Le mâle avait une longue crête qui ressemblait à un masque, le rendant très intimidant, et était plus gros que la femelle. Cette dernière, dépourvue de masque, et plus petite, semblait cependant plus légère, et bien meilleure en vol que son homologue masculin. Attrapant son appareil photo, Elle prit plusieurs photos des oiseaux, regardant leur ballet aérien avec beaucoup d’intérêt. C’était vraiment très joli. Silencieusement, elle ouvrit son ordinateur pour continuer son article.
Colombeau et Déflaisan sont les protecteurs du ciel. Ces deux espèces de Pokémon oiseau ne se posent que très peu au sol, leur préférant les cimes des arbres sur lesquelles ils se reposent quelques instants, avant de recommencer à voler. Très fiers, et très farouches, ils seront difficiles, voire impossible à approcher, et il faudra, pour les observer, se contenter de lever les yeux en se perchant au-dessus de la cascade pour ne pas être gêné par les arbres. S’il sera aisé de voir des Colombeau dans le ciel, apercevoir un Déflaisan pourra prendre un peu plus de temps. Ces Pokémon, très fiers, ne s’approchent que peu des dresseurs, mais les surveillent de loin pour s’assurer qu’aucun mal ne sera fait aux Colombeau qui patrouillent dans le ciel.
Les mâles et femelles Déflaisan vivent tous deux dans la forêt. La distinction entre les deux est assez facile à faire : le mâle, plus grand que la femelle, a un poitrail vert et un masque rouge intimidant, nommé la caroncule., composé de longues plumes roses qui partent du sommet de sa tête pour descendre jusqu’au bas de son cou. La femelle, plus petite que le mâle, a un poitrail marron, et aucune caroncule, ce qui semble lui permettre de mieux voler que son homologue masculin. Les longues pattes des Déflaisan suggère un déplacement plus terrestre qu’aérien, aussi est-il possible d’en croiser quelques-uns dans la forêt, même s’il sera plus facile de les observer en plein vol, malgré leur rareté dans la forêt.
La Mentali arrêta sa rédaction, et esquissa un grand sourire. Elle avait terminé ! Doucement, elle se laissa partir en arrière, et se coucha sur le dos, croisant les bras derrière sa tête pour être plus confortablement installée. Elle avait terminé. Cependant, quand Flim, le Posipi, s’approcha en bondissant, elle se releva en s’appuyant sur un coude, curieuse de le voir s’approcher de l’ordinateur posé à côté. La petite souris escalada l’appareil, et alla appuyer sur une touche, ouvrant un nouveau document. Tiens, elle l’avait oublié, celui-là… Ses recherches sur Zoroark. C’est vrai. Selon une légende, un Zoroark vivait dans le Bois des Illusions, et c’était pour le protéger que la brume avait envahi l’espace. A moins que ce ne soit qu’une illusion créée de toutes pièces par le Pokémon Polymorfox pour se protéger ? Eryn se redressa pour se rasseoir, et posa son regard sur Flim, qui la regardait avec impatience.
« Quoi, tu veux partir à la chasse au Zoroark ? » La petite souris hocha la tête.
« Tu sais qu’on ne va pas le trouver, hein ? » Flim hocha la tête à nouveau.
« Bon, eh bien, pourquoi pas, ça occupera notre journée, au moins. »Eryn se redressa, et rangea son ordinateur dans son sac, avant de siffler Aladar pour qu’il redescende. Puis, elle quitta la plateforme avec l’aide de l’Akwakwak, et, Flim perché sur son épaule, elle marcha au hasard dans la forêt. Elle allait bientôt la quitter. Dans quelques jours, son travail ici serait achevé, et elle rentrerait chez elle, à Floraville, pour se reposer avant de partir à la chasse au Shaymin. Avec Cael. Enfin, pas vraiment avec Cael, mais presque. Lui avait décidé de s’intéresser à l’action de Créhelf, Créfollet et Créfadet, les trois lutins de l’harmonie, et à leurs actions sur Sinnoh. Il allait donc se balader au Lac Courage, au Lac Savoir, au Lac Vérité, et logerait chez elle. Ils ne se croiseraient que le soir, un peu le matin, avant de partir chacun de leur côté, lui vers ses lacs pour les étudier, elle vers les hauteurs de Floraville pour s’intéresser à l’action de Shaymin autour de son beau village natal. Alors qu’elle se promenait dans la forêt, elle levait les yeux, regardant tout autour d’elle, s’amusant de pouvoir nommer chaque espèce de Pokémon qu’elle voyait. Venipatte, qui la regarda passer avec placidité, ayant compris, après deux semaines de visites, qu’elle n’était pas une ennemie. Emolga, perché dans son arbre, qui lâcha quelques étincelles pour lui dire bonjour. Nanméouie, qui tendit la main pour lui effleurer la jambe, avant de roucouler, satisfait de la savoir en bonne santé. Apitrini, qui butinait tranquillement le miel des fleurs sans faire attention à elle. Mais aucun Zoroark. Flim s’en fichait. Eryn aussi. Le plaisir de se balader dans les bois passait avant tout le reste. Ou peut-être était-ce parce qu’elle n’avait aucune bête légendaire avec elle ? Bah. Elle avait son équipe chérie, le reste ne l’intéressait pas du tout. Que ferait-elle avec une bête légendaire ? Le seul Pokémon qui l’intéressait était Shaymin, de toute manière, et si elle en voyait un, elle le prendrait juste en photo sans s’embarrasser de vouloir le capturer. Capturer un légendaire ! Quelle idée bizarre.
« Allez, Flim, on rentre à l’hôtel, d’accord ? »La souris électrique gazouilla, et avec un sourire, la Mentali quitta les bois pour retourner à son hôtel. Devait-elle ajouter Zoroark à son article ? Hm. Oui, elle allait le faire. Ne serait-ce que pour évoquer la légende. Et pour les photos, elle en trouverait bien sur Internet, non ? Ou bien elle pouvait envoyer un texto à Leonidas, pour lui demander s’il accepterait de lui envoyer une photo du sien. Maintenant que le colocataire de son petit ami était devenu préfet, et que son numéro avait été envoyé à tous les élèves de l’académie, il était plus facile pour elle de le contacter, même si sa timidité habituelle l’en empêchait. Arrivant à l’hôtel, elle fit un petit tour par la cafétéria pour s’acheter à manger, et fila s’enfermer dans sa chambre pour poursuivre son article. Zoroark, donc. Elle allait garder le début qu’elle avait écrit, ça lui ferait gagner un peu de temps, comme ça.
Selon la légende, le Bois des Illusions serait la demeure de Zoroark, le Pokémon Polymorfox. Cependant, personne n’a jamais été en mesure de le rencontrer en ces lieux. Zoroark prendrait en effet l’apparence d’un être humain parmi tant d’autres, pour se cacher de ceux qui le recherchent. Il n’apparaîtrait que face à quelques rares personnes, une fois bien sûr qu’ils ne sont pas venus pour le capturer. Il est dit que ceux qui apporteront une bête légendaire inhabituelle au Bois des Illusions seront les seuls en mesure d’affronter Zoroark pour, peut-être, tenter de le capturer. Aussi, sa présence n’a jamais été réellement confirmée dans la forêt, même s’il se raconte que la brume omniprésente qui règne en maître dans le bois est là pour permettre à Zoroark de s’y cacher quand des dresseurs arrivent pour chercher à le voir ou à le capturer. Certains disent même que la brume en question est l’œuvre du Pokémon Polymorfox, que ce n’est qu’une illusion qui n’existerait pas, et que quelques rares personnes sont capables de voir à travers l’illusion, et donc de trouver Zoroark.
Légende ou vérité, cette information reste un mystère. La présence de Zoroark dans le Bois des Illusions reste donc au stade de la simple supposition, personne n’ayant été en mesure de l’approcher, ni même de le voir. Il ne faut cependant pas oublier que le Pokémon Polymorfox a la capacité de se déguiser en un autre Pokémon, ce qui rend plus facile ses tentatives de dissimulation. Mais, même sans Zoroark, le Bois des Illusions reste un des plus beaux endroits d’Unys, car malgré son apparence sauvage, voire dangereuse, de nombreuses espèces de Pokémon y vivent en harmonie, s’entraidant les uns les autres pour prendre soin de leur lieu de vie et pouvoir vivre en parfaite autonomie, sans que la présence de l’homme ne se fasse sentir. Un séjour dans le Bois des Illusions sera, pour les quelques visiteurs, un retour aux sources plus que bienvenu, car malgré la brume, le lieu se révèle aussi accueillant que chaleureux quand on sait où regarder.
La Mentali fit craquer ses doigts, et remonta sa page jusqu’en haut pour la relire, corrigeant les petites fautes et certaines tournures de phrase. Puis, très contente d’elle, elle referma son ordinateur, très fière, et quitta la chambre en l’emportant avec elle, oubliant les vestiges de son repas sur le bureau.
« Alice ! Franck ! J’ai fini ! »