Ce petit bout de monde...
Je prends tout de même le temps de récupérer mon sac avant de me mettre à sa poursuite. Ce petit Pokémon est extrêmement vif. J’avoue être un peu déçu… moi qui pensais que le fait de l’élever dès l’oeuf améliorerait nos relations, je me mettais le doigt dans l’oeil. Voilà qu’il me fuit déjà. J’accélère. La falaise ne doit plus être très loin, si elle est là. Vivaldy bondit déjà devant moi, je ne sais pas si elle saisie vraiment la dangerosité de la situation. Le plus important, c’est qu’elle soit à mes côtés. Bizarrement, les marécages ne m’atteignent pas cette fois. Mes chevilles s’enfoncent de plusieurs centimètres à chaque pas mais je garde mon allure, il en va de la vie de ce petit Pokémon.
J’arrive à la bordure de la forêt, les rochers sont toujours là, la falaise aussi. Et… la petite boule verte, aussi. Dès qu’elle m'aperçoit elle se remet à courir. Je suis à bout de force mais je continue à le poursuivre, il est hors de question de le perdre. Je vois la boule de poil escalader la rochers. Oh non. Ca va mal finir. Je bondis dessus. Je me jette à plat ventre. Je sens de douces plumes entre mes doigts. Sauvés. J’ose ouvrir les yeux. De petites billes noires me fixent. J’ai les bras tendus au dessus du vide. Quelques centimètres de plus et s’en était fini. Je n’ai pas le temps de dire ouf que le Pokémon court le long de mes bras pour regagner la terre ferme et se remettre à galoper.
“_STOP !”
Il ne m’écoute pas. Je sors la Pokéball qui lui est réservée. En quelques secondes, le voilà bien au chaud. Je m’assois contre une pierre. C’était chaud. Je m’autorise à boire un coup et à détendre pendant quelques minutes mes muscles chauffés à blanc. Je respire calmement. Quel était ce Pokémon ? Tout s’est passé si vite… je ne suis même pas sûr.
Je me remet en marche, songeur. Au moins, me voilà fixé, la falaise s’étend bien de l’extrême sud au nord. La forêt sur ma droite finie par s'estomper et par laisser un terrain plus aride qui monte en pente douce. Je prends note de tout cela. Je suis quand même là pour ça. Malgré la pente, je trouve relativement facilement un endroit pour planter la tenter. J’envoie à nouveau Invy chercher du bois. Avec sa capacité, il est de retour très rapidement. Je le remercie à nouveau. Vivaldy s’est couchée, profitant des derniers rayons du soleil et du sol encore chaud. Je me décide à monter un petit enclos de pierre pour délivrer à l’intérieur mon nouveau Pokémon. Je n’ai pas envie de lui courir à nouveau après. Ma construction achevée, je sors la Pokeball, mon coeur se serre. Parviendrai-je un jour à ne plus faire fuir mes nouvelles captures ? Mon regard flotte sur Invy et Vivaldy. Ils me donnent force et courage. Heureusement qu’ils sont là.
Je délivre la bête verte entre les pierres. Elle se met à courir partout. C’est encore pire quand elle me voit. Elle fonce dans le mur et tombe à la renverse. Aïe. Je sors mon IPok. Il m’indique que c’est un Natu, un Pokémon Vol / Psy. Waouh. En plus, il vient de ma région d’origine. Je ne peux qu’être heureux de sa présence. L’IPok m’indique que c’est une femelle. Elle est mignonne parce qu’elle tente de s’enfuir mais ses petites ailes ne supportent par encore son poids. Trop choux. Je décide de lui donner un nom. Je réfléchis un instant. Je tends ma main dans l’enclos.
“_ Phy ? Vient par là, Phy !”
Elle me regarde, l’air incertaine. Phy, verte comme les Phyllali, Phy, rapide comme le vent. Cela lui convient à merveille. Elle a l’air de s’être calmée, elle s’approche de moi et me mord violemment les doigts. Non, pas calmée, du tout. Je me relève, rageur. J’ajoute quelques pierres à mon édifice, histoire qu’elle ne se barre pas dans la nuit. Quelque peu énervé, j’avale quelques fruits avant de partir me reposer.
L’orage éclate dans la nuit. Me réveillant à nombreuses reprises. Réveillant aussi cette terreur au fond de moi. Au matin, je me sens plus fatigué que la veille. Je suis de mauvais poil. Vivaldy et Invy ont trouvé refuge sous une large pierre. Cela n’empêche pas le daim de trembler de froid. La pluie est fine mais traverse rapidement les habits. Quant à Phy… je m’en veux terriblement. Elle est à peine reconnaissable, petit boule de poil verte perdue au milieu de tout ces rochers. Elle est toute tremblante. Je la prend aussitôt en pitié. Je tend une main vers elle, je l’attrape pour la lever devant mes yeux. Elle me regarde, apeurée. Mais elle tente aussitôt de me bouffer un oeil. J’échappe de justesse à son bec pointu. Un éclat malicieux brille dans son regard. La coquine… c’était un coup monté ! Cela m’énerve aussitôt d’avoir été berné par ce Pokémon qui tient dans ma main. Je me sens bête et faible. De rage, je lâche Phy par terre. Elle déploie juste à temps ses ailes pour amortir sa chute. Elle se met à courir à toute vitesse vers le reste de mon équipe pour les réveiller en leur donnant des coups de bec. Invy est impossible à tirer de son sommeil. Mais Vivaldy se lève d’un bond et prend la fuite. Quelle horrible petite peste vient de naître…? Libre à elle de partir, aujourd’hui, je lui laisse le choix.
Je sors mon IPok. Les dernières mesures sont reportées avec soin sur mes différentes cartes. Cela commence à prendre forme. La forêt tout au sud, puis cette grande clairière et tout ses ruisseaux, ensuite le marais, et, enfin, cette aride et désolée. Je décide pour aujourd’hui de continuer la grimpette. Je veux savoir ce qui se trouve en haut. Après un petit-déjeuner rapide et le pliage du campement, je reprends la route. Vivaldy est de toute aussi mauvaise humeur que moi, elle marche, à l’affût de Phy. J’ai déposé Invy dans mon dos, au dessus de mon sac, pour qu’il termine sa nuit. Et… la petite bestiole court à cent à l’heure autour de nous, donnant le tournis à qui tente de la suivre des yeux. Je sens que Vivaldy a envie de la rejoindre, elle es trop joueuse pour ça, mais… le coup de ce matin lui est resté en travers de la gorge. A moi aussi. Alors, je ne lui prête pas attention, ignorant ses petits coups de becs sur mes chevilles et ses envolées devant mes yeux.
La journée est morose, le ciel est gris, tout le monde est à cran à cause de Phy. Même Abra préfère resté dans le monde des rêves. La marche n’arrange rien, ni la montée. Je prends quand même le temps de faire des croquis et de noter toutes les mesures ainsi que la dénivelée. Parce que, mine de rien, ça grimpe sec. Il doit être environ quatorze heures quand la pente se décide à devenir un peu moins raide. Tout le monde s’en voit soulagé. Je traîne des pieds dans la poussière humide. Phy est une vraie pile éclectique et court à l’avant. Vivaldy ne tient plus, elle se met à bondit avec elle. Elles me dépriment à gaspiller leur énergie comme ça, mais elles me donnent du courage, au fond. Alors je fais mes mesures, je prends des notes, je reporte le tout. C’est devenu une habitude.
En fin d’après midi, le terrain est devenu plat. Une terre aride et sèche s’étend à des kilomètres devant moi. Impossible de lui donner une fin. Heureusement, cadeau du ciel, une magnifique oasis est découverte grâce à la curiosité de Phy et sa nouvelle compagne de jeu, Vivaldy. Caché par d’immenses rochers, je ne l’aurais jamais aperçue. L’entrée me force à me courber en quatre pour faire quelques mètres sur les genoux et se retrouver face à l’une des plus belles choses qui m’est été donné de voir de ma vie. Une eau étincelante, se reflétant avec harmonie sur les pierres du plafond. Un plafond troué par quelques puits de lumière, laissant pénétrer la lueur fade de ce jour blanc. L’eau est fraîche, mais agréable. Je décide pour la première fois de cette escapade, de prendre du bon temps. Je me déshabille et me glisse dans l’eau. Les nombreuses égratignures me picotent la peau, mais cela fait un bien fou. L’eau est en permanence renouvelée, un léger courant emporte le liquide vers le sud. Cela doit probablement mener au lac.
Je monte le campement, rafraîchi. Je profite du calme du lieu. C’est vraiment un bonheur sans pareil. Je suis tiré de ma rêverie par les piaillements incessants de Phy. J’ouvre les yeux et décide finalement de la suivre. Elle a vraiment l’air paniqué. Elle me fait traverser la rivière en amont pour m’emmener dans une partie plus sombre de cette grotte creusée par l’eau. Aussitôt, je ne me sens pas très bien. Je décide d’aller récupérer une frontale avant de continuer mon chemin. De retour auprès de Phy, je la suis à travers les galeries étroites, la peur au ventre. Elle est maligne la petite Natu, elle tente peut-être de me perdre. Mon coeur se serre. Je n’espère pas, je serais bien incapable de retrouver la sortie, maintenant. Cette mascarade continue encore pendant plusieurs minutes. Nous arrivons dans un cul de sac. Je vois à nouveau l’éclat de malice briller dans la pépite ronde de Phy. La peur me submerge. Elle est bien venue me perdre ici. Lorsque j’ose à nouveau ouvrir les yeux, je ne vois plus aucune plumes vertes. Je suis trop naïf… elle a réussis à nouveau à m’avoir. Ma lampe s’éteint. Forcément. Il fallait que ça m’arrive à moi, là, maintenant. Je pousse un juron. Me voilà seul, perdu, dans l’obscurité la plus totale.
Me voilà seul avec mes démons.
L’insistance de la Terreur se fait plus présente. Des pas résonnent sur ma droite. Je tourne la tête, mais je ne vois rien, il fait trop noir. Les grincements refont surface dans mon esprit. Une impression d’humidité se colle alors à ma peau. Ma respiration se fait plus instable. Je marche, instinctivement, à tâtons pour essayer de trouver de la lumière. Mais je suis paniqué. Tout ces bruits, cette peur sourde, ce noir qui m’envahit. Je commence à perdre espoir. C’est cela que la Terreur attend. Que mon esprit faiblisse pour s’en emparer. Je veux résister. Mais tout ce noir… cette obscurité. Je suis seul. Je crois que je laisse échapper un cris. De terreur. J’avance précipitamment, je me cogne la tête, pose ma main sur un cailloux tranchant et râpe mes coudes contre les parois inégales. Ma main roule contre quelque chose de rond. Mes genoux font craquer des petits bouts de bois. Ma main en attrape un. Non, ce sont des os. Quelque chose est mort ici. Je garde avec moi le gros objet rond avant de me précipiter en avant. Je ne veux pas rester ici.
Une lueur. Je vois filtrer le lueur de la lune. Là haut. Je tombe en avant. Mon corps émet un grand “plouf” quand il atterrit dans l’eau. La froideur m'électrise et mon esprit retrouve de sa clareté. Je nage vers la surface en m’accrochant au bord. Je sors de l’eau, exténué, mon crâne me rappel ma rencontre avec la Terreur à coup de marteau sur la tête. Je suis devant la tente, comme si rien ne s’était passé. Phy est sagement assise avec sa nouvelle amie. Je lui adresse un regard noir et m’en vais vers elle.
“_ Phy ! Tu as failli me faire tuer !”
Vivaldy dresse les oreilles et se range à mes côtés. Phy se fait toute petite et court se réfugier dans un coin sombre. C’est ça, boude ! Je retourne vers l’eau. Un oeuf est sur la rive. Mais bien sûr ! C’était ça, l’objet que j’ai ramassé. Un nouvel oeuf de Pokémon ! Que peut-il bien être ? Un sourire naît sur mon visage, le premier de la journée. Vivaldy sent la texture et se tourne aussitôt vers Phy. Elle comprend que c’est un oeuf, comme celui duquel est sorti Phy hier. Elle est méfiante, elle a probablement peur que ce soit le même fiasco qu’avec l’oiseau. Je lui caresse la tête pour la rassurer. Je ne peux pas laisser cet oeuf ici. Quelque chose est mort pour le mettre au monde. Cet oeuf est plus gros que celui de Phy. Je décide de le ranger tout de même dans mon sac. Il a aussi un légère teinte bleuté, probablement à cause des rayons de lune.
Je baille. Il est l’heure de se coucher. Zou ! Je file sous la tente pour un repos bien mérité.
C’est le soleil filtrant à travers les pierres de la grotte qui me réveil. Aujourd’hui, je dois regagner le Lac Colère. Je n’ai pas de temps à perdre. J’ai retrouvé ma bonne humeur et voir Phy plus calme me rassure. Je n’ai, pour l’instant, aucune confiance en elle. Si elle veut ma reconnaissance, elle va devoir la gagner. Je croque la grotte sur mon carnet. Reporte les mesures de la veilles. J’explique brièvement les galeries.
Maintenant, il est tant de s’amuser un peu. Je souris à mes Pokémon, qui me regardent, perplexes. Je range toutes mes affaires dans des plastiques hermétiques. J’enroule le sac lui-même dans l’un d’eux. En caleçon et t shirt, je me jette à l’eau. Suivi de près par Vivaldy et Phy qui n’en loupe pas une. Invy est plus hésitant. Je lui tend la main. Il finit par se glisser dans l’eau. Je le rassure d’une main apaisante sur le front. Je me laisse couler et porter par le courant. Cette rivière est le moyen le plus rapide de regagner le lac. Nous passons à travers les galeries jusqu’à se retrouver à l’air libre. Je pousse un soupir de soulagement, ça fait du bien de retrouver l’air pur.
Je me laisse porter par le courant, je suis enfin détendu. Je tiens d’une main mon sac. Je somnole, laissant tout le travail à l’eau. J’ouvre les yeux pour nager un peu et garder un oeil sur ma petite équipe. Natu fait des ronds dans l’eau. Invy s’est endormi, ça alors ! Vivaldy se laisse sagement porter, attrapant une branche ou deux en passant pour se nourrir.
Le bruit fracassant d’une cascade se fait bientôt entendre. Oups. J’avais oublié cette possibilité. Je tente de m’accrocher au rivage. Mais le courant est trop fort. Phy me lance un regard désespéré, elle tente de remonter le courant, c’est impossible. L’eau est de plus en plus vive. Elle nous maintient prisonnière en son sein. Le bruit de l’eau se fracassant sur les rochers plus bas se fait plus insistant. La panique commence à me gagner. J’attrape Phy d’un bras et l’envoie en l’air, elle réussit à prendre son envole. Une de sauvée. Je pousse Vivlady sur la rive. Elle parvient à attraper un branche basse et à s’extirper de la rivière. Invy. Là, juste derrière moi, les yeux fermés. Je l’encercle de mes bras. Nous tombons tout les deux. Je n’arrive plus à reprendre ma respiration. Je suis entouré d’eau. Combien de temps dure notre chute ? Cette descente me rappel que trop bien ce qui m’est arrivé il y a quelques jours. C’est encore pire, je n’arrive pas à respirer. J’ai le temps de compter jusqu’à trois dans me tête avant d’être immergé par les eaux.
Je parviens à tirer ma tête de l’eau. Invy s’est téléporté, prenant peur de son atterrissage dans l’eau. Je suis en vie ! Je regarde le haut de la falaise. Une bonne dizaine de mètres. Vivaldy et Phy se trouvent encore en haut. J’éclate de rire. Elles vont devoir sauter.
“_ Allez ! Un peu de courage les filles ! C’est à vous !”
Ni une, ni deux, les deux Pokémon s’élancent en même temps. J’ai à peine le temps d'apercevoir leur saut qu’elles sont déjà à côté de moi. Je les félicite d’une caresse. On ne peut pas nier leur courage. Je frisonne. Je vais finir le chemin à pied. Retrouvant la terre ferme, je retrouve aussi Invy, apeuré. Je le prend dans mes bras pour le rassurer. Vivaldy batifole sur la rive et Phy continue le chemin dans l’eau. Je suis avec attention la rivière, c’est elle qui va me mener jusqu’au point de rendez-vous. Je retrouve le marais, puis la forêt. Et, enfin, le Lac Colère où vient se déversé en un petit ruisseau la rivière qui m’a ramené ici.
Mon chauffeur n’est pas encore là. J’en profite pour terminer mon travail. La zone est dorénavant cartographiée. Il doit y avoir des erreurs. En quatre jours, je ne pouvais pas être plus précis. Et puis… il reste tant à découvrir. Ce désert, au nord et surtout… cette mer de nuage à l’ouest. Je reviendrai.
Le 4x4 arrive dans un bruit dont j’avais perdu l’habitude. Cette fois-ci, c’est un vieil homme qui s’approche de moi, probablement le père du zigoto de l’autre jour.
“_ Ahhh ! Jeune homme ! Tout s’est bien passé ?”
J’adresse un regard à mes Pokémon. J’hésite un instant.
“_ Oui, Monsieur, à merveille. Voici la carte.”
Je lui tend les papiers fraîchement annotés. Il les regarde, l’air intéressé. Un sourire s’étend sur ses lèvres. Il semble nostalgique.
“_ Vois-tu, c’est moi qui est découvert ce Lac. Et… je me suis toujours demandé ce qui pouvait se trouver autour. Pris par la vie, je n’ai jamais pu le découvrir. Aujourd’hui, grâce à toi, tu m’offres cette chance. Merci, c’est parfait.”
Je me sens rougir et aussi pris d’affection pour ce vieil homme. Je m’incline.
“_ Je suis heureux que cela vous convienne.”
Il me sourit.
“_ Allez ! En voiture ! Je vous dépose à l’embarcadère pour Cobaba ?
_ Oui, s’il vous plaît.”
C’est ainsi que je remonte dans la voiture pour partir retrouver la civilisation. Ces quatre jours ont été formateurs pour moi. Remplit de découvertes étonnantes et surprenantes. Je suis quand même heureux de rentrer. Être seul, tout le temps, je ne pourrais pas. La discussion est beaucoup plus animée qu’à l’allée. Je ne vois pas le trajet passer.
Sur le pont du bateau devant me ramener à Cobaba, je fais de grands signes au vieil homme. Peut-être nous reverrons-nous un jour. Quoi qu’il en soit, je vais profiter de la traverser pour rédiger mon devoir sur cette aventure.
Aaron S. Mightley