Cela fait à peine quelques heures que nous sommes arrivés. Les troupes d'élèves se sont peu à peu disséminées à travers les dédales de rues. Nous avons procédé à notre inscription dans notre hutte privative. Me voilà en collocation avec mon meilleur ami, Alban, ainsi que Max et Alex. J'en suis évidemment très heureux ! J'ai hâte de voir comment nous allons nous organiser pour faire la cuisine, quelle genre de soirées nous allons bien pouvoir inventer. Mais, en vrai, j'ai bien d'autres idées en tête. Ce n'est pas pour rien que Max et Alban se retrouvent mystérieusement dans la même hutte. Notre but, avec Alex, est de réussir à leur arranger un coup. Je souris rien qu'à cette idée là. Après l'anniversaire, je n'ai pas pu m'empêcher d'être un peu jaloux. C'est vrai quoi, c'est mon meilleur ami. J'avais la désagréable impression que Max tentait de me le piquer. Puis je me suis rendu compte que depuis ma victoire aux Hunger Games, je n'avais quasi jamais été là pour lui. Ça m'a attristé, je me suis dit qu'il avait le droit au bonheur. Qu'il avait le droit d'avoir une petite amie. Finalement, c'est moi le plus heureux que son dévolu se soit jeté sur Max ! Cette fille est adorable. Puis, ils sont si mignons ensemble. Encore faudrait-il qu'ils s'en rendent compte ! Tout le monde est au courant sauf eux ! Bon sang ! C'est à ce moment qu'Alex et moi intervenons ! Malgré nos différents, on s'arrangera forcément pour faire ce que nous avons à faire.

Je souris à nouveau. Après la fête d'arrivée, je me suis mis à me prononcer aux hasard des rues. Cette petite ville me plaît bien. Tous les habitants me saluent chaleureusement, je discute ça et là. Ils paraissent tous joyeux. Certains m'expliquent que c'est la première fois qu'ils accueillent des élèves venant d'une université. C'est à mon tour de les remercier. Ils parlent d'Elisabeth comme d'une reine et ne tarisse aucune éloge à son encontre. Cela me fait sourire, il est vrai que notre directrice est aux petits soins avec nous, même si elle se fait très discrète dans l'Académie. Je profite de toutes ces discussions pour me renseigner sur l'île. C'est une excellente chose, les habitants n'hésitent pas à me renseigner sur les meilleurs endroits où se rendre ainsi que ceux à éviter. L'un m'offre même une carte qui ne manquera pas de me servir dans les jours à venir ! Je le remercie à nouveau avant de prendre la direction d'un petit bar qu'il m'a indiqué. Il m'a expliqué que l'entrée ne payait pas de mine mais que l'intérieur était extraordinaire !

Alors, je suis son conseil. Mes Pokémons doivent encore être en train de vadrouiller dans la ville. Seul Maky, le Sablaireau, est resté avec moi, bien trop timide pour aller autre part. Je suis heureux de sa présence, c'est toujours rassurant de garder un Pokémon avec soi. Je trouve, non sans mal, l'établissement indiqué. Il est vrai que la bâtisse n'a rien d’extraordinaire, juste une petite enseigne pour indiquer le bar à l'intérieur. Il n'y a pas de porte, je passe sous l'arche pour me retrouver dans une petite cours aux arbres fleurit. Je souris, rien que cette cours, c'est déjà magnifique ! J'aperçois un homme qui me fait signe et m'approche aussitôt de lui.

« _ Bonjour Monsieur ! Je cherche le Payaya's Bar, il est par ici ? »

Il m'adresse un immense sourire. Sa peau tannée par les années, ses yeux rieurs, il est l'homme typique de l'île de Touga.

« _ Bonjour mon jeune ami ! Evidemment qu'il est par ici ! C'est moi le patron ! C'est Havin qui t'envoie ? Je m'en doutais ! Tiens, tu n'as qu'à grimper les escaliers, là-bas. Je t'assure, tu ne seras pas deçu. Et… tiens ! Tu es le premier élève de Lansat que je vois ! Je t'offre ta boisson préférée ! Dit au serveur que c'est moi qui t'envoie ! »

Dans un dernier sourire, il me pousse gentiment vers les escaliers, j'ai à peine le temps de le remercier à nouveau. Me voilà à grimper une volée de marches pour arriver à mon but. Le fameux Havin n'avait pas mâché ses mots. On ne peut qu'être subjugué par ce bar pittoresque. Il a investit un ensemble de toits. Le bar se trouve sur ma droite sous un toit de chaume. Des petites paillotes avec des tables sont disséminées ça et là. Des tentures aux couleurs vives apportent une fraîcheur certaine au lieu. Mais le plus extraordinaire reste la piscine. Une piscine sans bord, qui domine la petite ville, offrant une superbe vue. Je reste sur le cul. Jamais je n'aurais soupçonné une pareille beauté dans un tel endroit. A nouveau, je souris et je commence à comprendre pourquoi tous les habitants sont souriants ici. C'est un véritable petit paradis. Même Maky semble plus de l'aise et pars faire quelques pas en avant. La chaleur ne m'atteint plus, seule la beauté compte.

Je m'avance vers le fameux barman lui expliquant que c'est son patron qui m'a envoyé. Son charmant sourire me fait rougir jusqu'aux oreilles. Je ne peux pas nier que les hommes bronzés aux sourires vifs ne me fassent vibrer. Je parviens à bafouiller ma commande, je lui demande une spécialité. Il se retourne, m'offrant une jolie vue sur ses fesses, bien moulées dans le short qu'il porte. Je détourne mon regard au moment où il me sert son « Payaya's Cocktail » avec un clin d’œil. Je m'emporte à nouveau et décide de me sauver vers l'une des petites paillotes. J'en choisie une un peu à l'écart, à l'écart du bruit, à l'écart des gens. Je pousse un soupire de soulagement en trouvant le coin du tabouret. Je dépose mon cocktail sur la table et pose ma tête sur ma main. Je perds mon regard dans le vide avec que Maky s'assoie à même la table. Au moment même où je commence à me perdre dans mes pensées, le beau barman revient vers moi, le même sourire aux lèvres. Il tient une petite assiette remplie de friandise ainsi qu'un autre verre.

« _ Je crois que vous avez oublié la commande pour votre Pokémon. Et… la maison vous offre ces quelques sucreries, une spécialité. »

Il se fend d'un nouveau sourire avant d'effectuer un bref salut et de retourner à son poste. Je le suis des yeux et le dévore du regard avant de reporter mon attention sur ce qu'il vient de ramener. J'adresse un sourire d'excuse à Maky et lui tend sa boisson. La Sablaireau semble intrigué par le contenu du verre, il renifle son contenu avant de goûter avec la paille. Cela semble lui plaire et il continue à siroter. Je lui souris et attrape un petit bonbon. La texture et la couleur me font étrangement penser aux friandises que nous partagions avec Drake Evans. Lorsque le bonbon fond sur ma langue, je me rends compte que c'est exactement la même friandise épissée ! Cela me ramène un an auparavant, dans les couloirs de l'ancien dortoir Phyllali. Drake et son Magicarpe. Drake et son bonbons. Drake et ses vannes à deux balles. Je suis pris d'une bouffée nostalgique et je continue à sucer la friandises. C'est drôle, j'aimerais pouvoir dire à Drake que ses friandises préférées viennent de Touga. Quelle drôle de coïncidence tout de même ! Malheureusement, je n'ai plus de nouvelle de lui depuis la rentrée dernière. Qui sait ce qu'il est devenu, il a du tracer son chemin ailleurs.

M'extirpant de mes pensées, je laisse mes yeux voguer sur le village. Des huttes à perte de vues, des tissus de toutes les couleurs, parant les petites maisons et surplombant les rues. Un vrai petit village désertique. Au loin, on aperçois les reflet de l'Oasis, océan bleuté où trône les quelques arbres de la région. D'ici, on peut aussi admirer les Tropius, braves Pokémon transporteur de touristes, ils sont gardés dans un enclos un peu éloigné de la ville. Je me met à observer les clients. Ce sont tous des habitants, cela se voit à leur peau foncée, leur habillement court et, à leur sourire. Ils rient, parlent avec entrain, partagent de bons moments. D'autres se baignent, accompagnés par leur Pokémon. Je sens d'ailleurs que Maky a envie de les rejoindre, j’acquiesce, va t'amuser un peu mon grand ! Il descend de la table, un peu timide, s'approche de l'eau et se fait aussitôt arroser par un Drago. Il se prend vite au jeu et le voilà déjà dans l'eau à rire avec les autres. J'en viens à me demander ce qui pourrait venir troubler la quiétude du lieu.

La paille dans la bouche, les yeux plissés, je finis par installer mes doigts de pieds en éventail. Maky est revenu et sirote tranquillement sa propre boisson, une fois terminée, il s’allonge sur le bord de la table et ferme les yeux. J’ai bien envie de faire la même chose ! Je retire mes tongs, m’affale sur ma chaise et croise les jambes sur la table. Je vais même jusqu’à faire glisser mon chapeau sur mes yeux. Très vite, le sens les rêves m’effleurer, je suis à la limite de m’endormir. Vous savez, ce moment incertain où votre conscience est prête à lâcher prise. Ce moment de basculement qui vous emporte dans le doux monde des rêves. Eh bien, ce moment est brisé par une voix qui me tire bien trop vite de ma rêverie. Impossible de savoir à qui elle appartenait mais le fait est que je suis maintenant réveillé. Et que cela a brisé toutes mes envies de repos.

Au moment où je retire mon chapeau pour fusiller du regard le malotru qui a gâché ma sieste, je tombe nez à nez avec un blond à lunettes. Encore dans les vapes, je mets quelques secondes à le replacer. Oui ! Je l’ai remarqué tout à l’heure, il est tombé par terre alors que nous arrivions dans le village. J’ai failli aller l’aider mais il s’est relevé tout aussi vite. C’est lui que j’ai vu prendre la direction du Collectionneur ! Les grands esprits se rencontrent. Je cherche machinalement des yeux son nouveau compagnon, je le trouve bien vite, un Psystigri qui semble heureux d’avoir trouvé un maître. Cela me fait sourire. Le jeune homme semble un peu gêné d’avoir débarqué, il se présente en bafouillant à moitié. Je relève mon chapeau pour qu’il puisse quand même voir mon regard puis je lui souris. Un joli blond aux airs maladroits.

“_ Salut Haru ! Heureux de te rencontrer ! A vrai dire, j’ai failli venir te parler tout à l’heure ! Mais tu as vite disparu chez le Collectionneur ! Je ne voulais pas gâcher votre première rencontre ! En tous cas, moi c’est Aaron !”

Je jette un coup d’oeil à son Pokémon. Il n’a pas l’air troublé plus que cela par ma présence. C’est très étrange. Est-ce la chaleur qui empêche les Pokémons de me fuirent ? Ou bien l’aura de la Terreur qui émane de moi malgré le fait que je sois en pleine possession de mes moyens ? Impossible à déterminer. Mais bon, tant que cela ne vient pas gâcher ce joli moment, je n’ai pas à m’en soucier. J’élargie mon sourire avant de désigner du menton mon Sablaireau à moitié endormit.

“_ Mon Sablaireau s’appelle Maky, il ne ferra pas de mal à une mouche, c’est un grand timide ! Mais je t’en prie, reste pas debout, assieds-toi donc !”

Je lui fais de la place et me redresse pour paraître un peu plus présentable, toujours un sourire aux lèvres. C’est drôle, il y a un an, je devais ressembler à peu prêt à ça. Quoi que… avec la Team Rouage, mes vacances d’été ont été un peu gâchées. Mais ne revenons pas là-dessus. C’est vraiment bien que les élèves de cette année puissent profite des classes d’été sans se soucier des problèmes des plus anciens ! Oui, c’est une excellente chose. Au moment où je m'apprêtais à relancer la conversation, je suis interrompu par un piaillement suraiguë. Je tourne vivement la tête pour découvrir ma petite Natu, toutes ailes dehors, en train de se précipiter vers moi. Elle se réfugie bien vite dans mes bras et je cherche à comprendre d’où vient le danger. Vivaldy arrive bien vite sur ses talons, sans pour autant apporter une réponse à ma question. Je lève un sourcil. Que leur est-il arrivé ? Je caresse doucement le crâne de Phy pour tenter de la rassurer, bientôt, ses soubresauts se calment et elle sort son petit bec hors de mes bras pour regarder aux alentours. Elle repère aussitôt Maky sur la table et bondit à côté de lui. Puis, soudainement, elle voit la piscine ! Et… oui… Phy adore plus que tout l’eau ! Je n’ai pas le temps de la voir détaler qu’elle a déjà plongé ! Elle barbote maintenant comme une reine et arrose ses nouveaux camarades de jeu. Je crois que son tempérament de fusée ne la quittera jamais. Ma Haydaim s’approche de moi en quémandant à son tour une caresse. Je la lui donne avec plaisir et lui gratte entre les deux cornes où pend le lierre, jaunit par la chaleur.

[color=#999933]“_ Voici deux autres de mes Pokémons, Phy, la petite Natu surexcitée et Vivaldy, ma Haydaim. Tiens ! Ton Pokémon veut peut-être boire un truc aussi ? Je vais reprendre une boisson pour Vivaldy !”[/color]

Avec un clin d’oeil malicieux, je me lève d’un bond et retourne voir le charmant serveur. Il ne s’est pas débarrassé de son sourire et il me sert rapidement les boissons demandées. Je le remercie en tendant, cette fois-ci, le prix des consommations. Plus un pourboire. Il me sourit plus largement, cette fois-ci, je suis capable de lui rendre son sourire. Je m’éloigne de lui pour revenir à la table. Je dépose un cocktail devant le Psystigri et devant ma Haydaim. Celle-ci se met aussitôt à siroter sa paille. Il va falloir faire attention, les Pokémon ont l’air de se déshydrater bien plus vite avec cette chaleur. Ca paraît logique après tout. Je me réinstalle sur ma chaise et croise les jambes en me tournant vers Haru.

“_ Alors, quel bon vent t'amène à la Pokémon Community ?”

C’est toujours drôle de connaître un peu les différentes motivations qui ont poussé les gens à venir. Je les trouve toujours plein d’ambitions alors que je suis presque là les mains dans les poches. Mais bon, c’est toujours intéressant de cerner les nouveaux élèves, ça donne des indices sur le dortoir qui pourrait leur être attribuer à leur rentrée sur Lansat. Qui sait, un futur Phyllali se tient peut-être devant moi. Avec ses lunettes, il en a l’air en tous cas. Je lui souris en attendant sa réponse tout en continuant à boire mon cocktail. Je me détend, cet été sur Touga commence vraiment bien. Un peu trop bien même.

C’est un drôle de garçon que je viens de rencontrer. A la fois timide et un peu maladroit. Rien que de le voir s’asseoir en face de moi, je le sens. Oui, c’est un peu moi à mon arrivée. L’année passée défile bien vite dans ma tête. Je me sens tellement plus assuré. Je ne sais pas vraiment comment j’ai gagné cette assurance. Moi qui fuyais, tout, le moindre problème, le moindre danger, la première difficulté. Voilà que je me mets en tête d’accueillir comme il se doit les nouveaux élèves. Quelle retournement de situation. La confiance semble m’avoir gagné bien vite. Est-ce la Terreur qui influe de cette manière sur moi ? Ou alors, peut-être que je cherche instinctivement à ressembler à Léo ? L’image de mon Préfet se matérialise dans mon esprit. Il est mon idéal, cela fait maintenant plusieurs mois que je m’en suis rendu compte. Mais c’est Calliope qui a gagné. Peut-être, inconsciemment je cherche à lui ressembler pour tenter de le retrouver ? Ou simplement, me retrouver ? Difficile à dire… je chasse toutes ces pensées d’un regard vers la piscine où Phy semble s’être trouvée de nouveaux amis. Elle pousse de temps à autre de petits piaillements suraiguës en bondissant. Le Draco semble s’être bien pris au jeu et passe de l’eau à l’air en un clin d’oeil. Quel Pokémon majestueux.

Maky, effaré par toute cette agitation, a préféré revenir vers nous. Je laisse mon regard vagabonder sur les autres clients, cherchant à qui pourrait bien appartenir le Pokémon Dragon. Mes yeux s’arrêtent finalement sur une femme assise seule à sa table. Son regard contemple le Draco, c’est forcément sa Dresseuse. Elle a posé sa tête sur son menton et ses cils battent à un rythme régulier. Elle a les cheveux coupés en un carré et sa chevelure brune est barrée de certaines mèches rouge. Une tresse pend quant à elle jusqu’à son cou. Sa peau mâte fait incroyablement ressortir ses yeux noirs. Elle sourit simplement en regardant, amusée, le spectacle qui se déroule dans la piscine. Il faut dire qu’elle est magnifique.

Mes yeux continuent leur chemin pour parvenir jusqu’au barman. Il n’a plus un seul client et se déplace donc jusqu’à la jolie jeune fille. Il s’assoie nonchalamment à côté d’elle. Ils échangent un sourire et elle attrape vivement sa main en lui désignant le Draco du bout du nez. Le barman sourit avant de lui parler. Des paroles qui se perdent dans la distance qui nous sépare. Puis, tout deux se retournent vers moi. Je détourne aussitôt mon attention du couple pour la rediriger vers Haru. Je rosis légèrement, pas de quoi s’inquiéter avec cette chaleur. Je ne peux m’empêcher d’avoir un léger pincement au coeur. Il était drôlement mignon. Je pousse un soupire en laissant mes yeux s’égarer sur la main d’Haru qui ressort de sa poche, un bouton à la main. Celui-ci le lance comme une pièce et aussitôt qu’elle retombe dans sa main, il répond à ma dernière question. Oui, celle que j’avais posé juste avant de me perdre dans mes pensées. Oui, pourquoi est-il arrivé à la Pokémon Community ? Il me répond alors qu’il souhaite devenir Coordinateur. Que c’est son rêve depuis tout petit… puis après un instant où il semble hésiter il me confie alors qu’il est tombé par hasard sur le brochure de l’école. Qu’il ne sait pas quoi faire et qu’il finira probablement à la rue, comme un raté.

Je ne peux m’empêcher de glousser à ses propos. Vu le prix qu’il paye son école, il ne sera pas à la rue avant la fin de ses études, il a le temps de le voir venir ! Je décale mon tabouret pour me retrouver à côté de lui afin de poser un main amicale sur son épaule.

“_ Bah ! T’inquiète ! Il y en a pour tous les goûts dans cette école ! Tu vas voir, tu trouveras bien vite ta voie ! Et puis, dis-toi que tu as de la chance, l’école d’été est le meilleur moyen de savoir ce que tu veux faire sans avoir besoin de suivre les cours ! Puis… t’en fait pas ! Tu ne finiras pas à le rue, j’en suis sûr !”

Je me décale à nouveau histoire d’instaurer une distance raisonnable entre nous. Je jette un coup d’oeil discret vers le couple, toujours assit à la table. Ils échangent un baiser discret avant que le barman ne retourne à sa place. Ma Natu est toujours en train d’échanger des sceau d’eau avec le Draco. La plupart des autres Pokémon ont fuit sur le bord de la piscine pour éviter la douche et les vagues de plus en plus nombreuses. Je pousse un léger soupir, peut-être devrai-je la faire sortir, elle doit gêner tout le monde. Mais je suis coupé dans ma réflexion par Haru qui me demande ce que moi je fais là. Tant pis pour Phy, elle reviendra bien quand elle sera fatiguée et… ça ne saurait tarder !

“_ C’est le deuxième été que je passe à l’Académie. J’ai choisi le parcours Scientifique et la spécialité Chercheur Pokémon. J’adore les étudier, remarquer ce qui les différencie, comprendre comment ils fonctionnent. Savoir tout ce que nous avons en commun avec eux, accepter que nous ne sommes pas si différents… Bref ! Tout cela me passionne ! J’espère pouvoir également me spécialiser en Ranger pour protéger les espaces naturels. Tu ne sais pas à quel point je suis heureux de découvrir Touga. C’est une perle au milieu de cet océan, c’est simplement fascinant !”

Je bois une lampée de mon jus de fruit en caressant entre les deux cornes de Vivaldy. Celle-ci s’est couchée à l’ombre près de moi après avoir terminé sa boisson. Et, comme prévu Phy revient au galop, l’air fatiguée. Elle s'effondre sur la table, quémandant quelque chose à boire. Je cherche des yeux le serveur qui est déjà en train de se diriger vers nous, un plateau à la main. Il dépose une boisson devant Phy et nous ressert un verre chacun, toujours le sourire aux lèvres. J’évite son regard et murmure un “merci” à peine audible. En tout cas, on ne peut pas nier que le patron ne soit pas généreux ! Une fois le serveur parti, une idée me traverse l’esprit.

“_ Ca te dit, on profite nous aussi de la piscine ?”

Après tout, on a eu bien chaud pendant le transport, on a bien le droit d’aller se baigner un peu ! Mais… je n’ai pas mon maillot de bain. Il va encore falloir que j’aille demander au barman s’il ne pourrait pas nous dépanner…

“_ Je vais aller demander au bar où nous pourrions trouver des maillots, je reviens !”

Je prends mon courage à deux mains et me dirige comme promis vers le bar. Je me retrouve à nouveau face à lui, occupé à servir une nouvelle arrivante. Il se fend d’un sourire en me voyant à nouveau ici.

“_ Eh bien, on ne peut plus se passer de moi !”

Ce sourire ravageur me fait fondre sur place et ses yeux rieurs parviennent à me faire perdre toute la confiance que je pensais avoir gagné.

“_ Euh… ben… en fait… en fait, avec mon ami… euh… on cherche des maillots de bain… pour euh… vous voyez… pour aller dans la piscine.”

Il ne me répond pas tout de suite et préfère garder quelques secondes pour me dévisager. Puis en un nouveau sourire, il se penche derrière son bar pour en ressortir deux shorts de bain identiques aux couleurs vives. Ils sont estampillés “Payaya’s Bar”. Il me les tend et un sourire se dessine sur mon visage. Ce sont vraiment des personnes incroyables… je n’en reviens toujours pas.

“_ Bon, tu les veux tes maillots ou pas ? Les douches sont justes derrière, profitez-en bien les garçons !”

Je le remercie chaleureusement avant de faire un signe à Haru pour qu’il me rejoigne. Je lui donne son maillot avant de me diriger vers les vestiaires, invisibles depuis notre table. Ce bar est un véritable petit paradis.

J'acquiesce lorsqu’Haru me parle de la chance qu’il a de pouvoir participer aux classes d’été. C’est clair que grâce à ça, il a la possibilité de rencontrer plein de monde, avant la rentrée ! Et ça, c’est une excellente chose ! J’espère qu’il trouvera sa voie, mais, à vrai dire, je ne me fais pas trop de souci pour lui. Il a l’air d’être joueur avec son destin mais il garde assez la tête sur les épaules pour être honnête avec lui-même. Je sais qu’il ferra prochainement le bon choix. Je lui explique ensuite la passion que j’ai pour ma branche scientifique et il semble se réjouir pour moi.

Après cela, une toute nouvelle idée me passe par la tête. Et si, nous aussi, nous profitions de la piscine ? Pas un seul instant à perdre, je parviens à nous procurer des maillots aux couleurs du bar de je fais signe à Haru de me rejoindre. Mon compagnon part devant alors que je traîne devant le beau barman. Mais celui-ci ne semble plus me calculer, je me précipite donc vers l’une des cabine libre. Je retire mes vêtements et enfile le short de bain prêté. Je me regarde dans le miroir à la sortie alors qu’Haru n’est pas encore prêt. Il me semble l’entendre batailler avec son short dans la cabine adjacente. J’hausse les épaules en me disant qu’il finira bien par arriver.

“_ Je pars devant, Haru !”

Je quitte donc les cabines pour me diriger vers la piscine. Je m’assois au bord en invitant mes Pokémons à me rejoindre. Mais.. Vivaldy semble vouloir rester à l’ombre et Phy s’est endormie dans ses branchages. Seul Maky parvient à trouver le courage de me rejoindre. Je l’accueil à côté de moi et reste quelques minutes les pieds dans l’eau. La chaleur se fait de plus en plus pesante sur ma peau, je me mouille donc la nuque avant d’enfoncer l'entièreté de mon corps dans l’eau. Waouh.
Ca fait un bien fou ! Je ferme les yeux et me mets à faire la planche. La piscine a été désertée depuis la bataille d’eau entre le Draco et ma Natu. J’en profite donc pour faire quelques longueurs avant de revenir vers mon Sablaireau qui semble apprécier la douceur de l’eau proche mais également le soleil qui tape sur les pics hérissant son dos. Il semble même s’être assoupi au bord de l’eau. Comme il est mignon ! Je me décide à le laisser tranquille et repars vers le milieu de la piscine.

Je plonge tranquillement la tête sous l’eau, profitant de ces moments trop rares où je suis bien. Je cherche à sonder mon fort intérieur mais, impossible de trouver la Terreur. Elle se fait drôlement discrète ces temps-ci. C’est étrange… cela me laisse songeur, mais heureux. Je me permet donc un petit regard vers le barman qui n’a pas quitté son poste. Mais c’est finalement le regard de sa petite amie que je croise. Je rougis d’un coup et préfère donc me cacher sous l’eau pour ne pas montrer ma gêne.

Lorsque soudain… je sens un drôle de poids m'atterrir sur les épaules ! C’est quoi le bordel ?! Je me débat comme un beau diable pour essayer de m’échapper de ce piège ! Est-ce Maky qui me fait une blague ?! Laisse moi sortir de là ! Je commence à sentir mes forces me quitter… je n’ai déjà plus d’oxygène ?! Je cherche à me propulser du fond de la piscine mais mes pieds battent dans le vide. Ce poids… ce poids pèse toujours contre mes épaules. Un voile noir commence à passer devant mes yeux. Je vois une forme fantomatique se dessiner sur mes paupières closes. Qui est-ce … ? Impossible à déterminer… je sens alors la Terreur surgir. D’où ? Impossible à déterminer. Mais c’est bien elle. Sa chaleur habituelle. Oui, ça ne peut qu’être elle. Pour une fois, je suis heureux de la voir débarquer. Elle m'insuffle sa puissance, me donne le courage de remonter à la surface.

Je crache mes poumons en sortant de l’eau. Je tente de m’accrocher au bord le plus proche mais il glisse sous mes doigts. Ma vision est floue, j’essaie de nager mais j’ai l’impression de ne pas avancer. Jusqu’au moment où je sens un bois familier sous ma main. C’est Vivaldy. Lorsqu’elle m’a vu, elle a accourue vers moi, renversant chaises et tables sur son passage. Je m’accorde quelques minutes de répits avant de me rendre compte que c’est Haru qui m’a malencontreusement sauté dessus. Je tousse à nouveau pour tenter de faire sortir l’eau coincé dans ma gorge. Il se confond en excuses et semble vraiment mal à l’aise. Comment lui en vouloir véritablement ? Même s’il a bien faillit me tuer… Je grimpe à nouveau sur le bord pour retrouver une respiration plus calme et je parviens enfin à lui répondre.

“_ T’inquiète Haru, ça va ! J’ai … j’ai juste été un peu surpris. Mais ça va, laisse moi juste me reposer cinq minutes et je reviens ! Et non ! Tu n’es pas un boulet !”

Je lui adresse un maigre sourire. Il n’a vraiment aucune confiance en lui. Peut-être que je devrais ajouter quelque chose du genre : prends un peu confiance en toi ! Mais, qui suis-je pour lui faire la morale ? Non, décidément, je n’ai pas le droit de lui faire la morale de cette façon. Non, jamais je m’y autoriserais. Je sens alors la Terreur s’agiter, fortement. Je comprends trop vite qu’elle cherche à profiter de ma faiblesse. Trop tard. Elle est déjà là, partout. Je vois ma main se décrocher des cornes de ma Haydaim, je me vois croiser son regard, je vois mon Pokémon comprendre, les yeux écarquillés, que ce n’est plus moi mais Elle. Et moi, je m’insurge comme un beau diable, mais rien n’y fait. Elle est toujours plus forte. Elle veut se venger. Me… me protéger ? Non ! Non ! Ma tête se tourne vers Haru. Non ! Au nom d’Arceus ! Ne fait pas ça ! Nonononononon ! Mais si, Elle le fait. Elle plonge à l’eau, aussi agile qu’un Tentacool. J’essaie de la freiner, dans la troubler dans son entreprise, mais c’est chose vaine ! D’un coup d’un seul, elle attrape les pieds de mon nouvel ami pour le tirer violemment sous l’eau.

Laisse moi sortir d’ici ! Lâche ce pied ! Il ne m’a pas fait de mal ! Lâche ça ! Rend moi les commandes. Tout de suite. Elle semble hésiter. Puis se rappel que c’est Elle qui m’a sauvé lors du plongeon d’Haru. Alors, elle ressert son emprise. Elle maîtrise mon corps, je ne peux rien faire, me revoilà le faible Aaron. L’impuissant face à la Terreur. Quelqu’un. S’il vous plaît.

Le miracle se produit. Je me sens arraché du fond de la piscine par des bras plus forts que ceux de la Terreur. Je me sens remonter à la surface, retrouver la sortie des brumes de mon esprit. Je sens la Terreur me laisser reprendre le contrôle. Alors que j’ouvre les yeux, je me retrouve face au barman, le souffle coupé, il a le regard mauvais.

“_ Qu’est-ce qui t’a pris ?! Tu ne comprends pas que c’était dangereux ?!”

Je le regard, toujours l’air aussi impuissant. Je voudrais lui gueuler à la figure que c’était pas moi. Que c’était Elle. Que je n’y suis pour rien dans cette affaire. Mais qui pourrait me croire ? Alors, je baisse les yeux et… il suffit d’un souffle de la Terreur à mon oreille pour que je réponde.

“_ Ce n’était qu’un jeu…”

Je sens le barman fulminer devant moi alors que sa copine à pris soin de remonter Haru sur le bord. S’il pouvait, je suis sûr qu’il écraserait son poing sur ma figure. Rien qu’à cette pensée, je sens la Terreur prête à riposter. J’essaie de garder mon calme, elle a déjà fait bien assez de conneries pour aujourd’hui. Voilà qu’elle parvient à m’humilier face à lui. Pfff ! Toujours la même chose. Déjà avec Rodrigue lors de la St Valentin… merde quoi ! Je n’ai plus rien à faire ici. Je repousse le bras du beau brun avant de me diriger vers la sortie, sans un regard ni un mot d’excuse envers Haru. Je suis bien égoïste aujourd’hui…

Tout avait dérapé et en bon et due forme. Je sens mes poings se serrer alors que je dévale les marches en direction de la sortie du bâtiment. Je repasse devant le propriétaire qui semble vouloir me demander comment s’est passé mon court séjour entre ses murs. Mais mon cerveau n’arrive pas à assimiler de nouvelles informations, je l’ignore parfaitement avant de me retrouver sous la chaleur écrasante de la rue. Je n’ai même pas conscience du fait que mes Pokémon me suivent ou non. Seule la Terreur encombre mon esprit. Les images de ce qui vient de se produire tournent en boucle dans ma tête. Je me revois perdre pied. Je ressens la Terreur prendre possession de moi avec une facilité troublante. Premier jour des vacances, premières conneries. Mon sang pulse dans mes poignets. J’enfonce mon poings gauche dans le mur le plus proche. Il s’écaille quelques peu mais c’est bien ma main qui en souffre le plus. Je me mord l’intérieur des joues pour refouler tous les sentiments qui cherchent à prendre possession de moi.
Non !


Aucun d’entre eux ne prendra le dessus. Parce qu’en laisser un seul filtrer c’est laisser la porte ouverte à la Terreur. Et je la sens. Là. Juste là. Elle tourne. Elle attend. Je pose une main sur mon torse, comme si sa force était palpable. Je ferme les yeux, fronce les sourcils, serts et desserts mes poings à plusieurs reprises. Casse-toi ! Tu ruines ma vie ! Fout le camp ! J’articule ces paroles en silence, frappant dans le vide quelque chose d’immatériel. Heureusement, la rue est déserte à une heure aussi chaude. Personne n’est là pour assister à cette folie. A ma folie.
Je me sens perdre pied face à cette chose qui me dépasse. Toujours face à cette chose que je ne comprends pas. Cette impuissance, ce sentiment de détresse. Ce tout. Tout est complètement foireux. Je serts les dents. Définitivement, je ne sais plus quoi faire.


C’est finalement Haru qui me tire de cette sauvage léthargie. Je me tourne vivement vers lui, tous poings dehors, prêt à me laisser à nouveau submergé par cette force surhumaine. Pourtant, son attitude me laisse figé sur place. Il n’est pas agressif, n’a rien contre moi même si je viens de lui faire perdre connaissance. Il prend même sur lui en disant que je devais probablement avoir ‘mes raisons’ ?! J'écarquille les yeux. Comment… peut-il… ? Comment ? Je… je n’ai même pas la force de protester. Je souris faiblement. Oui, si on mets mes conneries en dehors de tous ça, on peut dire qu’on a passé un bon moment. Il s’excuse à nouveau et en vient même à me remercier. Toujours impossible de bouger, bien trop crispé par l’ensemble de sentiments qui me traversent. Il suffirait d’un rien pour que le démon qui me hante reprenne le dessus. Je dois fuir. Eviter de remettre quelqu’un dans une pareille situation. Je cligne à plusieurs reprises des yeux, je cherche la force de lui répondre. Totalement crispé, je parviens tout de même à articuler.


“_ Merci… merci… C’était pas de ta faute. Vraiment. Je suis l’unique fautif, ne te tracasse pas, d’accord ?”


Je lui adresse un petit clin d’oeil avant de me retourner tel un robot. Fuir. Je tourne dans la première rue qui me passe sous la main. Je me mets à courir. Vite, vite vite ! Je sens la Terreur tambouriner à nouveau. A nouveau, je me sens perdre pied. Elle est là. Si présente, si vive. Elle porte mes pas loin, si loin. Je n’ai plus conscience de mon corps physique. Je suis son pantin. Je n’ai plus qu’à fermer les yeux. Je n’ai plus qu’à attendre.


Mon esprit est effleuré par un nouvel espoir. Une douceur bien connue. Presque trop familière même. C’est Invy ! Mon abra est capable de communiquer avec moi alors même que la Terreur me possède ! Il est là, je le sens ! Et je me sens soudainement plus fort, même invincible ! Avec mon starter à mes côtés, rien ne peut m’arriver. Plus jamais.