"Nathan, qu'as-tu encore fait à tes cheveux ?" Le ton de sa mère se voulait à chaque fois sévère et ferme, et pourtant, Nathan pouvait sentir la patience et l'amour dans sa voix. Enfin l'espérait-il, sinon il allait encore passer un sale quart d'heure. Ses cheveux, c'était sans doute la première chose que voyait les gens chez Nathan. Mi-longs, blancs, légèrement ondulés, il avait abandonné l'idée d'un jour les coiffer, de quelques façons que ce soit. Il fallait dire que, passant son temps à l'extérieur ou dans l'eau, ses cheveux étaient devenus indomptables et fous. Et puis, il aimait cette crinière neigeuse qui lui encadrait le visage. Elle semblait être mue d'une vie propre, voletant au vent, se collant à sa nuque lorsqu'elle était humide. Et puis, avec ses yeux gris délavés et son teint pâle, ça complétait le tableau.

Le garçon était comme ces images que l'on oubliait sur la terrasse et qui prenait la pluie et le soleil. Délavé. Décoloré. Passé. Les enfants s'étaient un temps méfiés de lui, au début. Puis s'étaient moqués de lui, c'était dans l'ordre des choses. Mais aujourd'hui, plus personne ne s'étonnait lorsqu'il retirait un bonnet en hiver ou une casquette en plein été et qu'il secouait ses cheveux blancs. Et puis, il aimait ses cheveux, il avait les mêmes que sa mère, qu'elle avait longs et raides. De son père, il avait gardé les ondulations incontrôlées de sa tignasse que son paternel avec de jais. Au moins, il avait de la chance de ne pas prendre de coups de soleil malgré son teint d'albâtre. Il ne prenait d'ailleurs pas le soleil du tout. Il rougissait à peine avant de redevenir pâle. Mais il ne s'en souciait pas, les poissons non plus ne bronzaient pas et il n'y avait pas de cabines de bronzage sous l'océan qu'il sache. Son visage, fin et anguleux, était mangé par ses grands yeux d'un gris bleuté très clair. Nathan savait que ses yeux délavés avaient pu en décontenancer plus d'un, et il s'en était amusé. Aujourd'hui, il acceptait pleinement son statut de garçon sans couleur et se disait qu'au moins, il pouvait porter les couleurs qu'il voulait. Il fallait bien trouver des points positifs à son albinisme de façade.

Psychologiquement, Nathan était un pré-ado de douze ans que rien ne différenciait des autres. Il aimait s'amuser, s'évader de la maison pour courir sur la plage avec Thar, son Gobou, manger une glace à la place d'une compote et ne pas faire ses devoirs, parce que jouer à la console était plus intéressant. D'apparence calme et posé, son visage restait rarement impassible, bien souvent fendu d'un immense sourire souvent précurseur d'un rire qu'il arrêtait difficilement. Vif, joyeux et intrépide, pour lui la vie était encore une immense aventure qu'il voyait avec des yeux d'enfants. Impatient, il avait hâte de vivre sa propre expérience avec les pokemon et voyait dans l'académie de l'île Lansat l'opportunité de vivre loin de ses parents, de se coucher lorsqu'il le voulait, de se faire de nouveaux amis et de prendre des bains lorsqu'il y pensait. Sa mère souriait doucement lorsque Nathan lui racontait ses espoirs sur cette école pour futurs dresseurs pokemon mais avait décidé de ne pas trop décevoir trop vite son fils.

S'il avait pris le parti de s'amuser et de profiter, Nathan n'en restait pas moins un compétiteur dans l'âme, adorant les défis et s'améliorer lors des combats pokemon. Avide de connaissances, il était adepte de la pratique pour l'apprentissage et tenait rarement en place dans une salle de classe. Ouvert et enjoué, il se liait vite d'amitié avec les jeunes de son âge et tiquait et grognait souvent lorsqu'un adulte qu'il ne connaissait pas se permettait de lui faire des reproches ou de lui donner des ordres. Mais s'il était de nature gentille et agréable, il n'en restait pas moins quelqu'un de rancunier lorsqu'il perdait un combat ou lorsqu'on trahissait sa confiance. Ne fallait-il pas toujours se méfier de l'eau qui dormait ?

"Je ne me souviens pas de grand chose, j'était trop petit je crois, pour me souvenir de tout. Mais je me souviens de Thar. Il a toujours été là pour moi, ce gros naze. C'est mon meilleur ami." Comme tous les enfants, Nathan ne se souvenait pas de ses premières années. Il devait se contenter de croire sur parole ce que lui racontaient ses parents. Ses premiers mots, ses premiers pas sur la plage qui s'étendait devant leur maison. Mais le garçon se souvenait de sa rencontre avec son Gobou. Nathan se souvenait qu'il faisait chaud ce jour là, et qu'il mordait dans une glace à l'eau pendant que les fenêtres ouvertes de la cuisine laissaient s'échapper l'odeur du repas que préparait sa mère. Ancienne ranger, elle avait décidé de mettre entre parenthèses sa carrière pour déménager avec celui qui allait être son futur mari et élever leur fils. Sur la terrasse, les yeux perdus dans le mouvement des vagues, le garçon avait vu son père revenir du centre d'études océanographiques de Port Yoneuve. Dans ses bras, il tenait un petit Gobou qu'il déposa aux pieds de son fils.

- "Nous l'avons trouvé coincé dans un des câbles d'une sonde sous-marine. Si tu le veux bien et que lui accepte, ce Gobou peut devenir ton nouvel ami, Nat'. Prends soin de lui."

Nathan devait avoir sept ou huit ans lorsqu'il reçut son Gobou. Mais il se souvenait qu'à partir de ce moment, sa vie n'avait pas été la même. Il l'avait vécu à deux. Thar, son pokemon, le suivait partout, partageait ses joies, s'inquiétait lorsque le garçon s'éraflait les genoux sur les rochers de la berge et l'aidait lors de ses excursions dans les environs de la ville. Très vite, les deux devinrent inséparables et grandirent ensemble. Le jeune pokemon appréciait les petites étendues d'eau peu profondes que l'on pouvait trouver sur les petites routes les jours de pluie, mais se sentait véritablement libre lorsqu'il nageait dans l'océan, ses pattes le propulsant dans l'eau, aidées de ses nageoires. Aussi, s'il voulait suivre son ami, Nathan avait-il du apprendre à nager de plus en plus profondément et à retenir son souffle. Ses parents s'étaient un temps inquiété, craignant qu'il n'arrive à leur fils la même chose qu'au petit Gobou. Le père les avait surveillé au début, au grand désarroi de Nathan puis, une fois rassuré, les avait laissé partir seuls. C'était finalement le destin de tous les jeunes dresseurs : partir, jeune et seul, sur les routes, et ses parents ne pouvaient que l'accepter et faire avec. Et s'ils étaient toujours rassurés de le voir revenir le soir, riant avec Thar courant autour de lui, ses cheveux blancs flottant autour de son visage, ses parents avaient appris à lui faire confiance.

Élève turbulent et curieux, le choix de l'Académie de l'île de Lansat était apparu comme une évidence. Il fallait un lieu qui puisse contenir l'énergie de Nathan tout en lui faisant étudier les pokemons. S'il n'avait jamais montré les signes d'une curiosité particulière pour l'élevage ou l'étude des pokemons, ses parents savaient que Nathan appréciait son Gobou et les pokemon eau, assez pour vouloir vivre avec eux et en faire son métier. Qu'il devienne coordinateur, dresseur spécialisé ou ranger des mers, ses parents savaient qu'en l'envoyant dans cette école Nathan en ressortirait grandi et prêt à affronter le monde avec une nouvelle détermination et un avenir en tête. Le garçon, quant à lui, voyait en l'Académie l'occasion de s'amuser loin de la maison avec Thar et de nouveaux amis et pourquoi pas trouver un métier qui lui permette de nager avec son compagnon. Il se rêvait déjà en nageur athlétique, champion d'arène et professeur émérite pokemon. Après avoir voulu être cosmonaute, producteur de baies, pêcheur et vendeur de lait Meumeu.

Son sac dans le dos, son Gobou à ses côtés, Nathan était prêt à démarrer une nouvelle aventure qu'il espérait amusante, curieuse et pleine de rebondissements. Et au pire, si ça ne lui plaisait pas, il se reconvertirait à Tentacool. C'était bien ça, une vie de Tentacool.