Le paysage défilait devant ses yeux brumeux. Des heures que le monde passait sur ses pupilles sans y laisser la moindre image. Le siège sur lequel elle était installée devenait de moins en moins confortable au fil des kilomètres parcourus. Le bus s’était presque déjà complètement vidé depuis son départ du Port Tempères. La plupart des gens étaient descendus à la capitale et finalement il ne restait avec Obéline qu’une vieille dame sentant trop fort l’eau de Florges et un jeune couple ne se parlant plus suite à une dispute qui avait éclaté au cours du trajet. Cela avait au moins eu le mérite d’alimenter les ragots et l’imagination des passagers pour quelques courtes minutes de ce long trajet.
Par la fenêtre mal nettoyée, le paysage se mit à changer peu à peu. Le relief s’accentua, et la route devint de plus en plus étroite. Les arbres à feuilles laissèrent vite leur place aux hauts sapins d’épines qui avait bercé l’enfance de la gamine.
Ils se rapprochaient. Enfin.
Et pourtant sur le visage de la jeune fille, pas même le voile d’un sourire apparu. Elle ne sentait que de la lassitude entre sa chair et l’envie de se reposer. Loin de tout et de tous. De rentrer chez elle, ne serait-ce que pour quelques jours. Retrouver la maison qu’elle avait quitté il y a de cela presque un an. Revoir les Pokémons qui s’étaient occupés d’elle durant toute son enfance. Se blottir dans les bras de sa mère. Et peut être laisser couler les larmes de son coeur trop plein d’émotions.
Elle reconnut immédiatement les alentours de sa ville natale. Au loin, elle pouvait apercevoir les ailes du moulin qui tournaient lentement sous le poids du vent. Elle était sûre qu’en ouvrant la fenêtre et en tendant l’oreille, elle pourrait entendre l’écoulement de la rivière au bord de laquelle elle s’était longtemps amusée. Mais surtout elle pouvait voir son manteau blanc. Cette pureté sans pareille qui lui avait tant manqué.
Elle rentrait chez elle.
Le bus s’arrêta au centre de La Frescale. Obéline descendit en posa pied sur la route pavée. L’air froid lui glaça les os, mais qu’elle aimait cette sensation. Elle se rendit compte alors d’à quel point elle avait du mal à supporter la chaleur des déserts de Touga et eut la certitude d’avoir fait le bon choix en quittant l’île un peu brusquement pour retrouver sa famille. Peut être aurait du-elle prévenir Luce de son départ cependant… Elle était partie dans la précipitation, presque sur un coup de tête, très tôt le matin même et sans un mot à ses colocataires qui dormaient encore à son départ. Connaissant Luce, elle devait être rongée par l’inquiétude à l’heure qu’il était, sans nouvelles de son amie.
Obéline grimaça. Elle n’était pas très fière d’elle et devait se rattraper. Elle sortit de son sac son Ipok et chercha désespérément à utiliser la fonction message… La gamine, en un an, n’était toujours pas à l’aise avec l’objet et avait du mal à s’en servir pour autre chose que la fonction pokédex. Pendant qu’elle s’évertuait à trouver le moyen d’accéder à sa liste de contact, une voix l'interpela :
▬ Hé gamine, c’est ton sac non ?
Le chauffeur, la tête à moitié dans la soute du bus lui tendait un gros sac en tissu noir, abîmé par le temps et les voyages. Quelques porte-clés pendaient à une de ses nombreuses poches dans un jolie tintement. Elle déchargea l’homme de ses affaires et enfila le sac sur son dos.
▬ Oui merci beaucoup ! Et merci pour le voyage.
▬ Il n’y a pas de souci ma grande !
Comme Obéline commençait à partir vers le nord de la ville, le chauffeur lui lança :
▬ Où vas-tu jeune fille ? C’est dangereux pour une gamine comme toi de se rendre vers la grotte toute seule.
Obéline s’arrêta. Se retourna et finit par lancer avec un petit sourire :
▬ Je ne suis jamais seule, vous savez…
***
La maison de la gamine ne se trouvait pas au centre ville, ni même dans sa périphérie proche. Il fallait bien marcher une demi-heure à un rythme soutenu pour s’y rendre, en passant tout d’abord par une route fréquentée par des dresseurs et des touristes puis en bifurquant par de petits sentiers si discrets qu’il fallait connaître leur présence pour les remarquer. En été, La Frescale était protégée de la neige qui n’arrivait qu’à sa porte. La maison d’Obéline elle n’avait pas le droit à ce répit. Elle se situait bien plus dans la montagne et rarement la neige y fondait et ce n’était clairement pas le cas cette année. Obéline arriva rapidement aux premiers paysages parsemés de neige et bien vite, il n’y avait plus une parcelle de terre que les flocons n’avaient pas recouvert.
Après une longue marche à respirer l’air vivifiant de la montagne et à longer la forêt environnant La Frescale, Obéline arriva en haut d’une petite colline d’où elle pouvait apercevoir en contrebas, un grand chalet, un jardin de glace de taille raisonnable avec en son fond le lit de la rivière qui traversait la ville et qui n’était à ce stade qu’à peine plus grand qu’un ruisseau. Elle n’hésita pas une seconde et dévala la pente. La neige trompeuse la surprit et faillit la faire tomber à la renverse mais très vite elle retrouva réflexes et habitudes d’antan et courut avec une facilité déconcertante dans la poudreuse fraîche.
Elle finit sa course juste à côté de la maison de bois. Elle s’arrêta quelques instants pour reprendre son souffle et en profita pour observer l’habitation. Elle remarqua rapidement quelques changements qui à sa surprise lui pincèrent un peu le coeur. Le volet cassé depuis des années était maintenant réparé, le auvent semblait avoir pris un coup de neuf et quelques plantes y étaient posées à l’abri du vent. Ce n’était pourtant que des détails insignifiants, que l’on pourrait même qualifier de positifs, mais ces petites marques, ces petits riens ancraient ses souvenirs dans un monde qui n’existerait bientôt plus ailleurs que dans sa mémoire. La réalité évoluait sans elle et elle ne s’en était jamais rendue compte, persuadée que le temps se figerait dans un sommeil arctique le temps de ses études et que lorsqu’elle reviendrait dans sa maison natale, rien n’aurait changé… C’était idiot et sa naïveté la fit sourire.
A mesure qu’elle avançait, une délicieuse odeur qu’elle aurait reconnu entre mille s’élevait de la fenêtre de la cuisine entrouverte. Des flocons blancs, une spécialité de la région que sa mère préparait à la perfection et qu’elle n’avait pas mangé depuis bien trop longtemps selon son estomac affamé par l’odeur. Elle monta les trois marches du perron, avança jusqu’à la porte et toqua deux coup. Une voix légère lu parvint aussitôt :
▬ J’arrive, mon Obélie !
Un bruit métallique d’un instrument de cuisine que l’on pose, des pas que se rapprochent de plus ne plus, la serrure qui se déverrouille et la porte s’ouvrit sur la jeune fille. Sa mère était là devant elle. C’était une femme de grande taille, au visage enfantin bien qu’un peu creusé par la fatigue et la maladie. Ses long cheveux violets foncés étaient tressé en une épaisse tresse qu’elle ramenait devant elle, comme à son habitude. Elle portait une longue robe à froufrou jaune clairement dépassée et vieillie par les années par dessus laquelle elle avait enfilé un tablier blanc. Elle souriait et ses yeux verts débordaient de bienveillance.
▬ Ça fait longtemps ma jolie Obélie.
Obéline lâcha son sac et se jeta dans les bras de sa mère.
Elle ne chercha pas à faire l’effort de retenir ses larmes.
***
▬ Et bien il t’en est arrivé des choses en si peu de temps !
Obéline était assise sur sa chaise, celle au bout de la table dans le salon. Sa mère revenait de la cuisine, une assiette de sablés blancs dans entre les mains. Elle la déposa sur la table et s’installa à côté de sa fille.
Cela faisait plusieurs heures qu’Obéline était rentrée et la nuit avait fini par recouvrir de son voile sombre la petite vallée. Après avoir essuyé ses larmes, elle avait raconté à sa mère tout ce qui lui était arrivée depuis qu’elle était partie de cette même maison, une dizaine de mois plus tôt. Sa rencontre avec le collectionneur et sa Goupix, les premiers mois à découvrir l’académie tout en s’occupant de son pokémon, les cours et son choix de parcours, sa première fête du nouvel an, l’arrivée du Scarabrute puis du Doudouvet dans son équipe, l’éclosion du mystérieux oeuf qui se releva contenir un Emolga, sa saint-valentin mouvementée, puis son concours raté sur lequel elle ne s’attarda guère préférant enchaîner sur la rencontre de son dernier compagnon.
Elle conclut sur sa première semaine à Touga. Elle se plaignit de la chaleur qu’il y faisait et raconta la joie qu’elle éprouva à remettre les pieds ici, dans la fraîcheur de sa ville natale.
▬ Je ne pensais vraiment pas que la neige me manquerait autant !
Sa mère rit timidement, comme à son habitude.
▬ C’est normal tu as grandi ici. Moi je t’avoue que voir un peu de soleil ne me ferait pas de mal…
Elle se servit une tasse de thé et en proposa une à sa fille, qui refusa poliment de la tête, son année l’avait peut être changé, mais son aversion pour le thé ne l’avait pas quitté. Sa mère sourit et prit un gâteau qu’elle grignota en le trempant dans sa boisson.
▬ Mais dis moi avec tout ça… Tu ne m’as pas présenté tes amis ! Vous devez former une sacré équipe pourtant désormais.
La gamine hésita. C’est vrai qu’elle aurait pu les sortir de leur pokéball. Leur montrer la neige et les paysage de son enfance, sa tendre mère. Obéline était sûre que cette sortie glacée ferait le plus grand bien à sa Stalgamin… Et pourtant elle n’en fit rien. Elle n’arrivait pas à les regarder en face. Elle voulait que leur découverte de sa montagne comme de sa vie passée se fasse dans la joie et la bonne humeur. Ce qui ne serait peut être pas le cas maintenant. Ce ne serait surement pas le cas en réalité…
Alors l’enfant feignit le sourire qu’une mère remarque aussitôt. Celui des mots que l’on ose dire à voix haute, celui qui cache plus qu’il ne montre.
▬ Ils sont fatigués par le voyage je préfère les laisser se reposer… D’ailleurs, je n’ai pas vu Lulux, Morsicus et même tous les autres…
Normalement les pokémons de sa mère étaient toujours à ses côtés et pendant sa convalescence ils s’occupaient également d’elle ainsi que de l’entretien de la maison. C’était aussi pour cette raison que la bâtisse était aussi grande, les compagnons de sa mère étant plutôt… encombrants il fallait bien l’avouer.
▬ Ah oui c’est vrai que tu n’es pas au courant… Oh ne t’en fais pas, ils vont tous très bien ! Seulement ses derniers temps, ils sont plutôt occupés… Mais je t’expliquerais tout ça demain !
Obéline n’était pas particulièrement rassurée par l’explication mais comme celle-ci ne voulait pas en dire plus, malgré les questions de sa fille, elle abandonna pour ce soir et monta dans sa chambre. Le mystère serait bien résolu demain de toute façon…
Rien n’avait changé dans sa chambre depuis qu’elle était partie. Très sobre, la pièce n’était presque pas décoré si ce n’est par de longs et vieux rideaux blancs en dentelle maintenant jaunis par le temps qui encadraient la grande et seule fenêtre du lieu. Son lit, qui n’était qu’un matelas posé au sol mais recouvert de coussins et de couverture dans différentes teintes de blanc, de gris et de beige, l’attendait accueillant comme toujours. Le reste du mobilier se composait d’une commode en bois clair où les affaires d’Obéline étaient rangées, d’un bureau très simple dans le même matériau et d’un tapis épais, blanc à motifs roses au centre de la pièce. Les meubles ne s’accordaient clairement pas entre eux, il s’agissait plus d’affaires récupérés à droite à gauche que de mobilier délicatement choisi. Mais c’était parmi eux qu’Obéline avait grandi et la gamine ne se sentait nulle part plus que chez elle que dans cet environnement simple.
Elle s’effondra sur son lit et sa myriade de coussins. Elle était fatiguée et elle espérait retrouver dans ces lieux familiers le sommeil qui la fuyait depuis des semaines. Elle ferma alors les yeux et… ne s’endormit pas. Evidemment les choses n’étaient pas si simples. Elle se retourna de nombreuses fois sur son matelas, prit son iPok et décida d’envoyer un message à Luce qui devait se faire un sang d’encre désormais. Après plusieurs essais, un message envoyé au mauvais destinataire et quelques froncements de sourcils, elle réussit à envoyer un petit mot qui se voulait rassurant à son amie. Elle posa l’appareil à côté d’elle, au sol et soupira. Il fallait vraiment qu’elle apprenne à se servir plus efficacement de ce… truc.
Finalement, les derniers efforts de la gamine contre la technologie eurent raison d’elle et Morphée l’emporta dans un sommeil simple, paisible et sans rêves.
***
Ce sont les doux rayons du soleil qui réveillèrent la jeune fille le lendemain. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas réveillée ainsi. Tout simplement reposée. Elle se redressa sur son matelas et observa son sac posait contre le mur. Il contenait toutes ses affaires mais surtout ses pokémons…. Elle saisit la pokéball qui contenait sa renarde mais ne réussit pas à l’appeler. Elle posa son front contre l’objet rond et froid quelques secondes avant de le reposer. Elle ne se sentait pas prête. Oh pourtant elle savait bien que jamais Pixi n’allait la juger mais les choses auraient été peut être plus faciles ainsi… Un regard sévère était plus simple à supporter que celui empli d’espoir qu’on ne sait porter.
Dans le salon, la mère d’Obéline avait disposé les biscuits qu’il restait de la veille sur la table, avec un grand bol de chocolat chaud pour sa fille. Pendant que cette dernière savourait son repas et discutait avec sa mère, quelqu’un frappa à la porte. Loraelle ne sembla pas surprise et alla ouvrir, lançant un sourire au regard interrogatif de sa mère.
Obéline, la figure à moitié cachée par le bol de chocolat qu’elle portait à ses lèvres, entendait la discussion sans l’entendre. Lorsque sa mère revint elle était accompagnée d’un jeune homme. Il n’était pas très grand et emmitouflé dans de si nombreuses couches de vêtements, que la gamine avait du mal à distinguer quoique ce soit de lui. Il se pencha en avant pour la saluer et la brune en fit de même avec sa tête.
▬ Obéline, voici Bastien. Depuis que tu es partie, il m’a beaucoup aidé, en s’occupant aussi bien de moi que de mes pokémons. D’ailleurs c’est lui qui a eu l’idée de la Foraine.
Obéline n’était pas très convaincue par cette histoire… Et l’évocation de la “foraine” ne l’aidait pas à comprendre.
▬ De la Foraine ?
▬ Ah c’est vrai que je ne t’en ai pas encore parlé… Loraelle se retourna vers Bastien. Tu crois qu’on peut lui faire une démonstration aujourd’hui ?
Pour répondre à sa question, il dut se dégager le visage de son écharpe et fit tomber son bonnet au passage. Une fois ramassé, il se releva et Obéline put voir pour la première le visage de l’inconnu. Il était bien plus jeune que ce qu’Obéline aurait pu croire. Il avait une vingtaine d’année, un visage fin encadré par de fines mèches rousses et son visage pétillait de tâches de rousseur, faisant ressortir ses grands yeux verts d’autant plus.
▬ Evidemment que c’est possible ! On peut y aller dès que vous êtes prêtes !
▬ Parfait ! Obéline va te préparer, on part dans 20 minutes… Elle marqua un blanc pendant lequel Obéline était déjà en train de remonter dans sa chambre, puis elle ajouta. Et n’oublie pas de prendre ton sac.
La jeune fille s’arrêta. Elle savait très bien ce que sa mère sous-entendait. Après un détour dans la salle de bain, elle s’habilla chaudement dans sa chambre et suviit l’instruction de sa mère, mettant son sac sur son dos, ses pokéballs à l’intérieur. Elle n’allait pas les laisser là de toute façon… Et rien ne l’obligeait à les utiliser non plus… C’était une simple précaution voilà tout.
En bas, sa mère discutait avec Bastien de la route et de la neige qui tombait encore en cette période pourtant estivale. Obéline n’avait que rarement vu sa mère parler avec autant d’aisance et de liberté avec un étranger… Mais ce n’en était peut être pas un après tout... Elle les interrompit.
▬ Je suis prête.
▬ Parfait, on va pouvoir y aller alors !
La petite troupe sortit donc par porte principale. Dehors, Obéline resta bouche bée. Bien sagement installé devant la maison, un immense Dragmara les attendait. Il était magnifique, ses écailles bleues brillaient dans la lumière du petit jour et ses deux grands voiles flottait doucement dans le vent, teintant de mille éclats.
▬ Haha, je vois que Spyra t’impressionne. C’est vrai que c’est une belle bête, dit Bastien qui se tenait derrière la gamine. Allez grimpe dessus, il va nous ramener rapidement en banlieue.
Monter sur cette créature ? Obéline n’eut pas le temps de s’attarder sur la question que sa mère lui avait déjà attrapé le bras et l'entraîna sur le dos du dinosaure. Il était évident que ce n’était pas la première fois qu’elle se prêtait à l’exercice. Le jeune homme les suivit en suite et s’installa devant elles, près de l’encolure du long cou.
▬ Et c’est parti.
***
Le voyage ne fut ni spécialement rapide, ni spécialement lent, mais il fut bien plus agréable que s’ils avaient dû faire le trajet à pied. La grandiose créature marchait d’un pas équilibré, ne provoquant jamais d’accoup et ne donnant pas non plus mal au coeur. Obéline apprécia le transport qui lui permettait de laisser libre court à son observation de la région de son enfance. Ce serait chouette si Pixi et les autres pouvait voir ça…. La pensée traversa l’esprit de la gamine en un éclair mais cela suffit à laisser une marque. Son humeur retomba.
Arrivé à la lisière de la ville, le Dragmara s’arrêta et s’assit de façon à ce que ses passagers puissent descendre sans encombres.
▬ Merci Spyra !
Ils se trouvaient dans une zone à l’écart de la ville, où seul un bâtiment qu’Obéline ne connaissait pas se dressait au milieu d’un néant teinté de blanc. Il ressemblait à un hangar et était particulièrement grand.
▬ Qu’est ce que c’est ? Demanda la gamine, perplexe face à l’apparition d’une telle construction dans le paysage de ses souvenirs.
Sa mère s’empressa de répondre.
▬ Il s’agit de la Foraine ! Mais tu comprendras mieux une fois à l’intérieur.
Bastien sortit une clé de sous sa cape et ouvrit la porte du bâtiment. Obéline s’attendait à trouver un immense hall vide et sans vie mais elle se trompait lourdement. A peine entré fut-elle happé par la convivialité du lieu et sa beauté en toute simplicité. A partir de l’entrée un long tapis, non pas rouge mais bariolé de couleurs, se déroulait jusqu’à une estrade en bois foncé qui prenait presque toute la largeur de la salle. Derrière elle se tenait un épais rideau rouge fermé, cachant aux plus curieux l’envers du décor. De chaque côté du tapis, près de la scène étaient placées une trentaines de chaises munies de coussins aux airs des plus moelleux. Les murs semblaient avoir été peint par la main inspiré d’un enfant et de sa palette aux mille couleurs pastels. Des tâches et des formes sans réelles logique parsemaient ainsi les hauts murs parsemé d’éclat de lumière provenant de la fine verrière au dessus de leurs têtes qui parcouraient en ligne droite le plafond dans sa longueur.
Obéline n’avait fait qu’un pas avant de s’arrêter à l’entrée du hall, plus que surprise par le le décor atypique du lieu. Un main se posa sur son épaule et la ramena à la réalité. Elle tourna sa tête et vit le sourire de sa mère.
▬ Et bien ma fille, tu ne dis rien ?
▬ Je… Elle avait le souffle coupé. Qu’est ce que c’est ? Une salle de spectacle ?
▬ Oui, répondit Loraelle, sans cacher sa fierté. Mais autant te le montrer ! Installe-toi sur une des chaises et profite.
Sur ces mots, la mère d’Obéline fila à toute vitesse jusqu’à l’estrade avant de disparaître derrière le mur de velours. La gamine suivit les instructuctions qu’on lui avait donné et alla s'asseoir sur un des nombreux fauteuils, au premier rang. Les sièges étaient aussi confortable qu’ils en avaient l’air et elle savoura ce petit plaisir, comme cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas profité simplement de quelque chose, sans questions ni doutes ou arrières pensées.
▬ Ta mère est vraiment quelqu’un de formidable tu sais.
▬ Evidemment.
La réponse lui était venu du tac au tac, sans même prêter attention à la personne l’ayant prononcé. Bastien, installé derrière elle, pouffa face à la réaction instantané de la gamine. Il croisa ses bras sur la chaise à droite d’Obéline et y posa sa tête.
▬ En effet… Quand j’ai rencontré ta mère au début de l’année, elle était vraiment faible. Je lui rendais visite plusieurs fois par semaine pour lui apporter courses et médicaments, à la demande du médecin de la ville… Ce n’est pas parce que je suis son fils qu’il doit me considérer comme son commis….Enfin bref. Ca m’a permis de faire connaissance avec Loraelle, au fil des semaines, elle semblait aller de mieux en mieux et j’avais plaisir à lui rendre visite. Mes passages se sont faits de plus en plus fréquents et je trouvais toujours une bonne raison de rester un peu plus longtemps avec elle… D'autant que ma compagnie ne semblait pas lui déplaire. Oh ne t’en fais pas, ce n’est pas ce que tu penses. C’est juste qu’à rester toute seule toute la journée, elle était toujours ravie de trouver un peu de compagnie.
Il sourit maladroitement, d’un sourire gêné qu’Obéline trouvait plus que suspect. Cependant, il reprit :
▬ Un jour, en discutant on a eu l’idée de créer cet endroit… Je ne me souviens plus des détails mais on voulait un endroit où faire des spectacles avec nos pokémons pour en faire profiter tout le monde et notamment les enfants. Il marque un blanc, comme s’il hésitait à raconter la suite. Tu sais Obéline, ta mère regrette de ne pas avoir pu s’occuper de toi comme elle l’aurait du. Elle sait que tu n’en as pas souffert parce que tu es courageuse comme elle le répète tout le temps et que ses pokémons se sont bien occupés de toi. Et elle sait que maintenant qu’elle va mieux elle pourra rattraper le temps perdu... Mais il lui manque des souvenirs… Des souvenirs d’une enfant qui découvre la joie de vivre avec des pokémons… Je crois que c’est ce qu’elle voulait retrouver en créant ce parc…
Les lumières soudain se baissèrent, les volets de la verrière se fermèrent également pour plonger la salle dans une douce pénombre.
▬ Oh ca commence !
Et la scène s’illumina, Loraelle en son centre, vêtue d’une tenue à mi-chemin entre le magicien et le clown, affublée d’un chapeau haut de forme à oreilles de lapin blanc. Pendant près d’une heure, la dresseuse pour son petit public enchaîna les performances avec ses pokémons. Le principe du spectacle était relativement simple, la présentatrice faisait le show, appelant divers pokémons des coulisses pour venir présenter leur talent. En règle générale tout commençait par plutôt bien se passer, mettant pleins de paillettes dans les mirettes des spectateurs grâce à des danses aquatiques ou des rugissements imposants. Obéline reconnaissait bien là la maîtrise de sa mère. Tout était parfait…. Jusqu’à ce que les choses s’emballent et tombent dans le domaine d’un comique grotesque. Une attaque aquatique qui arrive sur un pokémon de flammes, un coup de queue lors d’une pirouette qui déséquilibre un colosse… Tout était bon pour faire rire.
Obéline n’avait jamais vu pareil spectacle. Cela n’avait rien à voir avec les concours auquel elle avait eu l’occasion d’assister sur Lansat. Là-bas tout n’était que grâce et paillettes. Que broderies et délicate musique. C’était beau. Mais pour rien au monde Obéline aurait échangé sa place dans ce hall vide de public pour un de ces spectacles à couper soit disant le souffle. Ici, les sentiments variaient au rythme de la démonstration. On passait de l'admiration la plus profonde aux rires les plus sincères en un claquement de doigts, avant d’être ému par la fragilité des Pokémons, tout gêné de leurs “erreurs” et tentant de se rattraper par les moyens les plus touchants, provoquant des pluies de pétales de fleurs dans la salle.
Mais ce qui faisait surement le plus plaisir à la gamine c’était de revoir enfin les pokémons de son enfance.
A l’apparition du premier, le branette de sa mère, la gamine ne put s’empêcher de rire aux éclats. Il était affublé d’un pantalon rouge beaucoup trop long pour ses jambes miniatures qui tenait péniblement au bout de deux bretelles. Il portait également des gants blancs et avait été maquillé pour l’occasion de plusieurs motifs géométriques et colorés sur le visage. Il était ridicule et encore plus lorsqu’on le connaissait. Ce pokémon n’était pas du genre plaisantin et pourtant sur scènes il enchaînait les catastrophes. Preuve que le spectacle était rondement préparé. Jamais il n’aurait agi ainsi naturellement et encore moins s’il n’avait pas été sous la direction de Loraelle.
A la fin du spectacle, toute l’équipe s’approcha du bord de la scène pour saluer la foule… Enfin Obéline et Bastien. Mais même à deux, ils faisaient honneur au spectacle en applaudissant de toutes leurs forces. Soudain, les pokémons ne tinrent plus en place et se jetèrent sur Obéline. Cela faisait presque un an qu’ils ne s’étaient pas vu et jamais ils n’avaient été séparés aussi longtemps. Obéline essaya de tous les prendre tant bien que mal dans ses bras, mais les créatures étaient pour la plupart immense face à petite brune et elle se contenta de se laisser envahir par l’affection que lui portaient ses amies. La gamine avait le sourire aux lèvres et les larmes au coin des yeux.
Après ce bain d’affection, Obéline, sa mère bastien et les pokémons s’étaient installés dans le fond de la salle autour d’une grande table. Loraelle expliqua qu’il se servait de cette partie de la pièce pour offrir aux enfants des activités avec les pokémons et quelques cours s’ils le souhaitaient.
▬ La Frescale manque cruellement d’école de dresseurs et encore plus de lieux amusants pour les enfants… Je me souviens que tu passais la plupart de ton temps à te promener dans la grotte gelée quand tu étais petite et autant dire que ce n’est pas vraiment une activité approprié pour les enfants…
▬ Tu étais au courant ? s’exclama Obéline qui était jusqu’alors convaincue de la discrétion de ses escapades d’enfance.
▬ Tu me prends pour qui ? Bien entendu...Et puis tu n’étais pas très discrète et Lulux te suivait toujours dans tes aventures et me rapportaient toujours ce que tu y faisais.
Obéline se retourna vers le Luxray. Vraiment ? Il tourna la tête, visiblement gêné. Elle n’en avait jamais rien remarqué… Elle sous-estimait peut-être un peu la capacité de sa mère à veiller sur elle…
▬ Le spectacle t’a plu alors ?
▬ Oui, c’était génial ! Et ca ne ressemblait absolument pas à ce que j’ai pu voir à l’école ! Les concours sont... très différents là-bas hélas… ajouta-t-elle en soupirant.
▬ Humm oui j’ai cru comprendre qu’ils ne te correspondaient pas vraiment… Mais tu sais, si j’étais à ta place, je n’hésiterais pas à changer un peu les règles.
▬ Changer les règles ? Tu veux que je triche ?
▬ Ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit, ria sa mère. Non, mais ce n’est pas parce que tes concurrentes sont toutes en dentelles et fines robes, que tu dois faire de même. Après tout, si tu débarquais habillée comme une princesse, ce ne serait pas toi… Et ça risque de mal se passer.
▬ …
Les souvenirs du concours remontèrent à la surface de son esprit. Sa mère n’avait que trop raison mais c’est bien parce qu’elle était au courant qu’elle pouvait dire cela pour l’encou...
▬ Envoie donc les conventions aux corneilles Obéline ! se trompa soudain Bastien. Tu es assez courageuse pour oser et t’imposer ! Il faut que tu trouves ton propre style. Celui qui te rendra unique et que les gens viendront acclamer, non pas parce que c’est beau mais parce que c’est toi.
La fougue de Bastien avait prit de court l’assemblée autant que lui-même. Lui qui était d’un tempérament si calme et discret s’était soudain emporté. Lorsqu’il s’en rendit compte, sous les yeux incrédules des deux Gauthiers, ses joues virèrent au rouge vif et il se renfonça dans sa chaise, espérant disparaître sous la table.
▬ Enfin… voilà…. ne te démonte pas Obéline, tu es capable de beaucoup de choses…
▬ Exactement, mon Obélie. Le plus important c’est que tu sois à l’aise et que tu t’amuses après tout ! Alors quoi de mieux que de trouver ce qui te correspond le mieux ? Surtout que je pense que tu sais très bien vers quoi te diriger, ma fille.
L’Obélie ne répondit rien. Elle observait Bastien, surprise qu’il ait réussi à trouver les mots justes. C’était un exercice facile pour sa mère, mais pour un inconnu ? L’estime qu’elle avait de lui remonta et sa méfiance s’envola… Elle pouvait peut être lui faire confiance… Avec lui, sa mère serait peut être heureuse…. Obéline secoua la tête. Doucement en besogne jeune fille !
En tout cas, ses paroles avaient sonné juste dans les entrailles de la gamine. Trouver son propre style.... Ne pas se cantonner aux conventions de paillettes... Il est vrai que c’était loin d’être le genre de la demoiselle, elle aimait les choses plus franches et directes… Elle préférait la prestance des colosses aux coquetteries des mignons… Cela venait peut être de l’environnement dans lequel elle avait grandi, entourée de pokémons tel que Rexilius, Aligatueur, Luxray, Mackogneur, Tranchodon….
C’est avec le sourire qu’elle répondit :
▬ Hummm je crois que je vois où vous voulez en venir…
Et cette optique alluma un petit feu d’espoir dans son coeur dont les morceaux se recollaient un à un.