Il y avait dans ses yeux de grenat un voile qui en ternissait l’éclat. Un trouble qui s’était installé depuis quelques jours, d’un naturel presque anodin. Le changement s’était fait si discrètement qu’Obéline aurait eu bien des difficultés à en trouver l’origine. Depuis qu’elle partageait sa chambre avec Cadence, jamais la gamine ne l’avait vu avec le moral si bas. Oh, la plupart des gens ne noterait probablement pas une différence si radicale avec la rose qu’il croisait tous les jours dans les couloirs. Mais elle, elle avait noté des changements discrets. Des regards dans le vague, des soupirs légers, une motivation s’ébranlant sous le cours du temps.

Ce n'était qu'une question de détails. Ça n'avait pas l'air bien grave, ça n'avait pas l'air bien  important. Rien de quoi bouleverser le monde. Mais assez pour bouleverser le sien.

Il fallut un temps à Obéline pour comprendre ce qui lui manquait dans son quotidien pourtant semblable en tout point à celui qu'elle  traversait le baume au coeur depuis des mois. Il lui fallut un temps pour comprendre que ce qui lui manquait ne venait ni d'elle ni de son équipe. Un temps pour comprendre que c'était l'énergie de Cadence qu'elle ne retrouvait plus dans sa vie.

La motivation dont faisait preuve Cadence était contagieuse. C’était une énergie qui poussait à aller de l’avant, sans même qu’on n’y prête attention. Bien assez pour insuffler à Obéline la motivation qu’il lui fallait pour ne pas abandonner. Ces derniers temps, elle stagnait, ne sachant guère où aller, explorant à tâtons les différentes voies que lui offrait le futur. Aveugle au carrefour de sa jeune vie. Et pourtant loin d'être une enfant perdue dans le noir. Elle ne se morfondait ni ne s’inquiétait. Préférant avancer, pas à pas, pour découvrir un jour de quoi son avenir se remplirait.

Alors quand Cadence perdait son énergie, Obéline s'en sentait amoindrie. Comme si le soleil qui l’aidait à y voir plus clair venait de perdre un de ses rayons. Le commun ne remarquerait le changement mais pour l’oeil aguerri, tout semblait moins éclatant.

Obéline espérait qu’aujourd’hui, elle retrouverait un peu de sa lueur. Cadence était toujours la première à se ravir des nouvelles expériences qui s’offrait à elle et la nouvelle sortie capture ne devrait pas y manquer penser optimistement la gamine.

Elles avaient passé le début de matinée ensemble, préparant leurs affaires pour l’expédition. Alors que Cadence avait rempli le sien méthodiquement, prenant le nécessaire sans s’encombrer du superflu, Obéline se sentait bien ridicule avec son sac bourré d’affaire mis en vrac et pris un petit peu au hasard dans la chambre. De toute façon, il était impossible de prévoir ce qui allait se passer lors de cette sortie ! La gamine ne se prenait donc pas la tête, attrapant tout simplement ce qui lui passait sous la main et semblait avoir une possible utilité dans un cas précis qu’elle ne rencontrerait probablement jamais. A la cafétéria où elles passèrent rapidement pour qu’Obéline puisse prendre son petit déjeuner, la gamine ajouta à sa collection d’objets insolites quelques victuailles bienvenues.

Il fut alors temps d’embarquer sur le bateau où un certain nombre d’élèves étaient déjà installés. Comme pour chaque sortie capture, on sentait l’excitation frétiller dans l’air. Chacun allant de sa théorie, de son pronostic. Mais jamais Obéline n’y prenait part. Elle restait en généralement dans son coin, avec ses pokémons pour seuls compagnons de voyage. Mais cette fois-ci était différente, assise à côté d’elle se tenait son amie. Cette simple idée ravissait la gamine. Le trajet passa plus vite que ce à quoi elle s’attendait, le jeu auquel Obéline et Cadence ont joué pendant ces heures y étant sans doute pour quelque chose. Il s’agissait d’un jeu mobile sur ipok, mêlant stratégie et chevaliers. Un jeu qui devrait plaire sans le moindre doute à Leype se disait-elle à chaque fois qu’elle y jouait.

Et finalement, l’île apparut à leur vue. Un rocher massif qui semblait jaillir de l’eau. Il n’y avait pas la moindre trace de verdure, d’une quelconque végétation. Tout n’était que minéraux. Et chaleur. Car l’endroit où elles débarquaient était bel et bien un volcan.

Ayant grandi dans de belles et blanches montagnes aux neiges éternelles, Obéline avait bien du mal à résister aux hautes températures. L’idée de se balader au pied et au cœur d’un volcan ne l’enchantait guère… La gamine allait soupirer lorsqu’elle remarqua le sourire qui se dessinait sur les lèvres de son amie la rose. Son cœur semblait s’être gonflé dans sa poitrine, ses yeux pétillaient de curiosité. L’idée qui rebutait la gamine semblait avoir l’effet exactement inverse sur Cadence. Assez pour qu’Obéline se dise que, finalement, le choix de ce lieu insolite était peut être une bonne idée.

Le sourire qu’elle avait vu naître sur les lèvres de son amie n’avait finalement pas réussi à faire oublier à Obéline l’enfer dans lequel elle avançait. Chacune ayant SES propres objectifs pour cette sortie capture, les deux Mentalis s’étaient rapidement séparées. Cadence à la recherche de nouveaux sons, Obéline à la recherche d’un peu de fraîcheur.

Chacun sa route.

Cette température en ravissait cependant une. Pixi trottinait joyeusement à côté de sa dresseuse, ravie de se retrouver dans son élément en ce mois normalement encore frais sur Lansat. Depuis sa récente évolution, la renarde n’avait guère changé de comportement, si ce n’est un regain de confiance en elle dont son ego aurait pu se passer.

Obéline la regardait marcher à ses côtés, comme au premier jour. Désormais, elle ne pouvait plus la prendre dans ses bras. Elle ne pouvait plus dormir avec elle dans son petit lit. Elle ne pouvait plus l’emmener partout aussi facilement. Oh évidemment, la gamine ne s’en privait pas, sa Feunard l’accompagnant à peu près partout, comme elle l’avait toujours fait. Seulement les choses étaient, il fallait bien l’admettre, un peu plus compliqués. Mais qu’importait ces détails. Pixi restait Pixi.

La gamine caressa la tête de son amie sans avoir le moindre besoin de se baisser, récoltant un câlin de douce fourrure.

Elles avaient fini par s’engager dans un tunnel, Obéline espérant y trouver un peu d’air frais. Grossière erreur. Se rendre dans les méandres des galeries souterraines d’un volcan n’avait rien d’une promenade rafraîchissante. Plus elles s’enfonçaient dans les sombres couloirs, plus la chaleur s’y faisait intense. La sueur perlait à grosses gouttes sur le front de la gamine lorsqu’elle se décida :

▬ Bon je te propose qu’on rebrousse chemin Pixi, on dirait qu’il n’y a rien par ici… Pixi ? Qu’est ce que tu fais ?

La renarde était occupée à renifler un rocher à l’étrange allure métallique. Lorsque la gamine s’en rapprocha elle remarqua deux yeux bleus terrorisés sur la surface de la roche.

▬ Ah mais c’est un pokémon ! Oh le pauvre, on dirait qu’il a peur de toi Pixi… Recule un petit peu… Et toi petit, n’aie pas peur on ne te veux pas de mal…

Elle posa sa main pâle sur la coque grise du pokémon. Il ne bougeait toujours pas, se laissant faire. Il n’y avait que ces deux grands globes qui faisait dire à la jeune fille que non elle n’était pas en train de caresser une pierre contrairement aux apparences…

Au fil des minutes, la petite créature sembla s'accommoder de la présence de ces deux intrus mais elle ne bougeait toujours pas. Obéline l’observa un peu plus attentivement et compris tout de suite le problème. Une de ses pattes était coincée dans un trou, l’empêchant de bouger. La gamine l’aida donc à se dégager tout en étant surprise par son poids malgré sa petite taille.

L’opération réussie, le Galekid sautilla de joie… Du mieux qu’il pouvait en tout cas et salua ses deux sauveurs avant de s’enfuir lentement dans le couloir menant au coeur de la montagne de feu.