Le martèlement étouffé des gouttes sur le carreau lui apportaient un rythme relaxant, irrégulier dans sa continuité. Adossée à l'encadrement de la fenêtre, la jeune fille laissait son regard et ses pensées se perdre dans le vague. Le spectacle de la pluie lui offrait une distraction douce, mélange fascinant de répétition et de variation.

Comme pour beaucoup d'autres choses, Cadence ne s'arrêtait pas à l'opinion générale. Le mauvais temps lui plaisait. Elle aimait sa complexité, sa richesse. L'atmosphère qui s'en dégageait, familière, et pourtant toujours saisissante. Le mauvais temps avait pour lui l'élément de surprise. Une bourrasque soudaine, le sifflement du vent qui s'engouffre dans la serrure, une vitre qui tremble, un volet qui claque, une branche qui se brise avec fracas. Sans compter la variété d'instruments qu'invoquait l'eau, sous ses multiples formes, et parfois même quelques grondements de tonnerre, variant d'une intensité à l'autre — selon son humeur — quand les éclairs déchiraient le ciel.

Ce n'était pas jour d'orage ou de tempête. Ce n'était pas non plus une sérénade. Non, c'était une sorte de sonate aux accents mélancoliques, avec une pointe d'amertume. Juste une pluie instable, guidée par d'occasionnelles bourrasques. Cadence tendait l'oreille, cherchant à distinguer les différentes voix. L'eau ruisselante, cristalline, qui coulait le long des surfaces planes, sur les rebords du bâtiment, dans les rigoles des gouttières. L'eau qui tombait et frappait, heurtant les surfaces, quelques croches en staccato, aux échos plus ou moins graves. L'eau abattue dans le vent, qui glissait comme les doigts d'un harpistes sur les cordes de l'instrument, partition sinusoïdale.

Délectée du spectacle musical qui s'offrait à elle, la mélomane voyait des touches de couleur dans les nuages, au rythme de la mélodie. C'était tellement beau.


Avec un sourire, elle se retourna vers son amie, qui s'occupait de ses pokémon dans un coin de la chambre. C'était un pluvieux samedi après-midi, et elles étaient là toutes les deux, bien à l'abri dans leur chambre, dans leur douillet petit cocon, à regarder le mauvais temps s'abattre sur le reste du monde comme si ça ne les concernait pas. Le regard de l'Unyssienne dériva ; Capella se nettoyait les plumes sur son perchoir. Toccata dormait, roulé en boule sur son lit. Puis ses pupilles tombèrent sur l'aquarium que les jeunes filles s'étaient empressées d'installer suite à la sortie capture de décembre, et où le curieux poisson de sa colocataire la regardait d'un oeil fixe. Puis, sans prévenir, il se mit à grincer. Un grincement strident, aigu, qui traversait prestement la pièce, perçait leurs oreilles. L'agression cessa aussi subitement qu'elle était survenue, et la créature poursuivit son initiative d'autres grincements, plus légers, étouffés dans la densité de l'eau. L'étrange pokémon fascinait Cadence depuis son arrivée.

« Tu lui as donné un nom ? » finit-elle par demander, rompant le silence.

Son regard restait captivé par la bête.