Charlotte est une adolescente tout ce qu’il y a de plus chiante. Elle n’aime pas coopérer, roule des yeux quand un adulte lui demande de faire quelque chose et peut passer de longues heures enfermée dans sa chambre sans sortir. Il lui arrive de lâcher des commentaires passifs-agressifs ou sarcastiques au possible pour montrer qu’elle est forte, qu’elle a du caractère et, surtout, qu’elle n’a besoin de personne. Charlotte sait toujours ce qu’elle fait, Charlotte déteste passer pour une incapable et, surtout, Charlotte ne se soucie pas des autres. Il n’y a qu’elle-même dans cette histoire et c’est tant pis, ça a toujours été comme ça de toute façon. C’est au compte-goutte qu’elle donne des informations sur sa personne, jetant parfois quelques mensonges farfelus dans le lot pour éloigner autrui de la vérité. Solitaire et isolée, ennuyée. Un peu effrayée et jalouse aussi. Elle regarde les autres, les jolies filles, les mecs populaires, et serre les dents. Tous des imbéciles, des incapables qu’elle dit. Ce qui est triste, là-dedans, c’est que la rousse pourrait tuer pour faire partie de ces gens. Pour avoir, elle aussi, des amis qui vont l’aimer et l’accepter telle qu’elle est vraiment.

En vérité, notre petite demoiselle déborde d’imagination et d’idées farfelues, doublés de goûts franchement bizarres. Elle adore manger à l’excès et dans des saveurs parfois étranges, dormir beaucoup, les trucs très geeky et, surtout, la musique. Mais attention, toutes sortes de musique. Le classique, le jazz, la techno, le country, le rock, le disco, la pop et même des trucs expérimentaux un peu bizarre de temps en temps. Ajoutons aussi un amour inconditionnel des pokémons préhistoriques, des peluches et des déguisements pokémon. Demoiselle de nombreuses passions, elle trouve invariablement quelque chose pour la tenir intéressée. Très curieuse, mais impatiente, c’est sans remord qu’elle abandonnera quelque chose qui la laisse de glace pour chercher une occupation plus passionnante. Néanmoins, elle a aussi beaucoup de difficulté à s’intégrer socialement parlant. Tsundere ? Kuudere ? C'est plus compliqué que ça. Charlotte, c’est la fille aux commentaires awkward, pas toujours la bienvenue, qui ne comprend pas le mal dans ce qu’elle a dit. Celle qui ne comprend pas les codes sociaux implicites qui dictent les réponses qu’elle devrait offrir à autrui. Alors, pour se défendre, ce sont forcément les autres qui sont lents d’esprits, qui ne la comprennent simplement pas. Charlotte a beaucoup d’orgueil, après tout, et est à cette période de rébellion où l’on cherche à toujours ressortir gagnant, pour se définir une identité qui correspond à nos idéaux d’enfant. Elle doit encore apprendre à assumer la responsabilité de ses actes et à admettre ses torts. La rousse doit comprendre que de se tromper ne diminue pas sa valeur en tant que personne, que ça fait simplement partie du processus de grandir.

À la lumière de ce cocktail, il n’y a rien d’étonnant à ce que Charlotte aime travailler toute seule. Pas besoin de faire face à l’humiliation d’être la seule qui n’a pas de partenaire et, surtout, pas d’inquiétude à avoir au niveau du respect de ses standards d’excellence. Très concernée par ses résultats scolaires, l’idée que ses travaux souffrent de la paresse d’autrui la frustre au plus haut point. C’est que Charlotte est très perfectionniste et est légèrement maniaque sur les bords. Intuitive et intellectuelle plus que sociale, elle classe les gens qu’elle rencontre selon ses observations et, à cause de cela, juge souvent les gens trop rapidement, se fermant à eux pour des motifs parfois légers, lorsque remis en perspective. Elle a néanmoins beaucoup de respect pour ceux qui peuvent lui apprendre quelque chose et répond donc plutôt bien en situation d’apprentissage. Nerd à lunettes jusqu’au bout des ongles.

Le passé de notre petite rousse est, faute de meilleur terme, ordinaire. Elle fut élevée par une mère célibataire, carriériste, qui voyageait fréquemment pour le travail. Résultat ? Charlotte déménagea beaucoup dans les premières années de sa vie, ainsi incapable de conserver une amitié plus de trois mois. Espérant compenser cette situation précaire, sa mère, Tempérance Strawberry, décida de profiter de ce travail ruinant leur vie de famille pour payer à sa fille tout ce qu’elle voulait. Des albums de musique, des sorties au cinéma, des peluches Pokémon, des livres, un ordinateur flambant neuf et ainsi de suite. Charlotte s’en contenta, faute d’avoir d’autres options, et devint rapidement une personne renfermée, solitaire et, pourtant, possédant un imaginaire débordant. Souffrant de cette solitude, elle tenta à de nombreuses reprises de se faire des amis, sans succès. On se moquait d’elle, de ses cheveux, de son rire débile et même parfois de sa façon de parler qui ne reflétait pas du tout son âge. Elle se résigna donc à être toute seule, à ne pouvoir partager ses sentiments à personne et à se contenter des plaisirs matériels, dont elle prit rapidement l’habitude d’abuser. Enfant unique très gâtée, il aurait été un miracle qu’elle ne finisse pas capricieuse.

Les choses demeurèrent ainsi jusqu’à ses douze ans. Cette année-là, le drame. Suite à une restructuration de la compagnie où travaillait sa mère, cette dernière fut congédiée. Charlotte, encore jeune et inconsciente, accueilli la nouvelle d’un haussement d’épaules. Naïve, elle ne comprenait pas que cela signifiait un changement total de leurs habitudes de vie et était loin de pouvoir imaginer l’influence que cela aurait sur sa mère. Cette dernière, désespérée devant l’état de ses finances, de ses projets de vie et de sa famille ainsi que son incapacité à trouver un nouveau travail sombra dans la dépression. Elle devint négative, ne voulait plus sortir du lit, ne s’occupait plus de Charlotte et, bientôt, il n’y eut plus que les cartes de crédit pour leur permettre de manger. Devant cette situation qui allait de mal en pire, Tempérance décida d’appeler ses parents, à Flocombe, afin de leur confier Charlotte. Ils acceptèrent non sans avoir fait la morale à leur fille de trente-six ans qui, soulagée, alla déposer sa propre fille chez eux.

Il y a maintenant trois ans que Charlotte habite avec ses grand-parents, ne voyant sa mère qu’à Noël et pour son anniversaire. Cette dernière a fini par retrouver un emploi, bien que médiocre, et s’emploie à payer ses dettes. Elle habite également avec un nouveau conjoint que Charlotte ne peut absolument pas sentir, jalouse qu’il habite avec sa mère à Volucité alors que Charlotte elle-même est toujours coincée chez ses grand-parents vieux jeux qui essaient de la soumettre à leur discipline. Bien sûr, la rousse n’avait qu’une seule idée en tête : partir de là. C’est ainsi qu’à l’aube de ses quinze ans, elle offrit à ses grands-parents une brochure de la Pokémon Community, vantant les mérites de leur parcours scientifique. Le vieux couple étant en moyens, ils contactèrent leur fille pour la consulter et il fut décidé que Charlotte pourrait aller à l’école de son choix. Une victoire pour la rousse qui pourrait enfin échapper à cet environnement aussi encadré que solitaire, mais qui devrait bientôt apprendre à endurer la vie en dortoirs.