-Diana ?

    La Feuforêve à la robe blanche s’était figée. Elle semblait avoir le regard rivé sur quelque chose, comme si quelque chose avait bougé. Pourtant, il n’y avait pas beaucoup de végétation. Seulement un immense plateau rocheux. Iris s’approcha doucement. La Feuforêve ne bougeait pas.

-Diaaaaaana ? Tu as vu quelque chose ?

    Pour seule et unique réponse, la starter avança doucement dans les airs. Elle ne semblait pas rassurée. Iris n’avait rien vu. Pourtant, la Feuforêve était persuadée d’avoir aperçu quelque chose. Comme une ombre qui se déplaçait, qui filait entre les rochers. Iris ne comprenait pas. Perplexe, elle ramena un bras contre sa poitrine, soutenant son menton de sa main encore libre. La jeune fille inclina la tête sur le côté.

-Tu vas me dire ce qu’il t’arrive à la fin ? Ou tu comptes peut-être rester immobile, je sais pas.

    Iris frissonna. A peine avait-elle parlé qu’il lui sembla entendre quelque chose. Comme le crissement d’une lame qui fend l’air, le tranchant sans scrupule. En un instant, elle ne fut pas rassurée. Lentement, elle pivotait sur elle-même, promenant son terne regard sur les alentours. Pourtant, elle ne voyait rien d’autre que des rochers de tailles diverses, couvrant un sol rêche et dur. Quelques brins d’herbes se battaient parfois en duel, quelques cadavres d’arbres se tenaient là, esseulés, quelques buissons dansaient parfois au rythme du vent. Pourtant, il n’y avait rien d’autre. Iris ne comprenait pas d’où venait ce son qu’elle avait cru entendre, mais elle comprit que c’était sans doute cela qui inquiétait sa starter. Inquiète, elle tenta de rapprocher d’elle Diana, qui ne réagissait plus.

-Ecoute si tu reviens pas ici, je…

    Mais elle n’acheva pas sa phrase. Alors qu’elle avait fait un pas, qu’elle parlait, une ombre pointa dans sa direction, fondant sur elle à travers l’air. Iris n’eut que le temps de l’apercevoir. Mais pas de l’éviter. Le temps sembla se ralentir, pourtant elle était figée. Comme si quelque chose la retenait. Comme si tout ceci était inévitable, et qu’elle était condamnée. Elle voyait l’ombre qui fonçait sur elle, prête à l’attaquer. Elle voyait deux lames levées dans les airs, tranchantes, aiguisées, prêtes à la découper, la déchiqueter en milliers de morceaux. Iris n’eut même pas le temps de trembler, de crier, pleurer. De se demander ce qui allait lui arriver. Tout était bien trop rapide. Et tout ce qu’elle put faire fut de fermer les yeux, emportée par une peur naissante, grandissante.
         Le temps sembla reprendre son cours. Iris ne voyait plus. Elle ne pouvait qu’entendre. Il n’y avait plus rien. Seulement le bruit d’un brutal fracas, le petit cri apeuré de Diana. Alors, Iris était toujours là ?

    Lorsqu’elle osa ouvrir les yeux, elle faisait face à sa Feuforêve, qui la fixait d’un air terrifié. Dans le choc de l’action, Iris avait chuté au sol, tétanisée et tremblante, ses jambes déchirées par une douleur folle. Elle haletait. Non loin, contre un rocher, se relevait ce qui semblait avoir été cette ombre, cette ombre qui avait attaquée Iris, qui l’avait menacée. La jeune fille n’osait plus bouger. C’était juste un Pokémon. Un Insécateur, sauvage, qui rôdait dans les environs. Qui les avait repérées, elle et Diana, et qui avait sans le moindre doute pris la jeune fille pour proie. Il était sonné. Diana l’avait-elle arrêté d’une attaque ? La Feuforêve à la robe de diamant s’était précipitée près de sa dresseuse, autour de laquelle elle tournait. Elle l’inspectait du regard, affolée, voulant s’assurer qu’elle n’était pas blessée. Mais hormis le fait qu’elle était sous le choc et que ses jambes lui faisaient horriblement mal, Iris n’avait rien. Elle était juste terrorisée.

-Insé…

    Le grand Pokémon tout de vert vêtu et portant deux lames tranchantes en guise de bras s’était péniblement redressé, sonné visiblement lui aussi. Il se rapprochait en boitillant d’Iris, qui, par réflexe, recula sur le sol. Elle s’était écorché les mains dans sa chute, dans sa tentative désespérée de se rattraper. Les cailloux qui jonchaient le sol lui semblaient tranchants, piquants. Mais elle se heurta le dos contre un rocher, lui faisant comprendre qu’elle était bloquée. Protectrice, Diana se tenait face à sa dresseuse, prête à s’opposer au moindre coup. Près d’elles, le Baudrive flottait, paniqué et perdu face à ce qui se passait. Le pokémon toujours s’avançait, se traînant sur le sol, tendant une lame dans la direction de la jeune fille. Paniqué, elle avait levé une main, qu’elle tendait dans la direction de la silhouette verte. Elle ne semblait pas vouloir s’arrêter.

-STOP ! Cria t-elle.

    Sa voix fut si forte qu’elle surprit autant le Pokémon que Diana et le Baudrive. La poitrine d’Iris se soulevait de manière irrégulière, son souffle était fort. Elle tremblait encore.

-Qu… Qu’est-ce que tu veux ? Pourquoi tu m’as attaquée ?  

    Bien sûr qu’elle savait que le Pokémon n’allait pas lui répondre, il ne la comprenait pas plus qu’elle ne le comprenait. Mais il ne faisait aucun doute qu’il lui voulait quelque chose. Peut-être… Peut-être avait-il senti quelque chose, ou bien avait-il été effrayé par quelque chose. La jeune fille ne comprenait pas. Elle détaillait de haut en bas le Pokémon, cherchant peut-être à comprendre de cette manière ce qu’il avait. Elle en restait perplexe. Diana, elle, s’était dans sa lague mit à parler. Enfin, parler… Le mot était faible. Elle criait, semblant réprimander le Pokémon vert. Iris continuait de le détailler.
         Elle remarqua qu’il était blessé. A ce moment même, Iris fouilla dans ses poches, et ses doigts enserrèrent une baie qu’elle avait trouvée il y a peu de temps, abandonnée sur le sol. Elle l’avait récupérée parce qu’elle l’avait constatée en très bon état, et avait donc jugé qu’elle pourrait lui être utile s’il arrivait quoi que ce soit à sa starter. C’était une baie Oran. Peut-être le vent avait-il guidé son odeur vers l’Insécateur. Et il aurait attaqué Iris parce qu’il aurait senti la baie Oran. Parce qu’il semblait en avoir besoin. Toujours tremblante, mais néanmoins plus calme, Iris se décida à finalement sortir la baie de sa poche. D’abord emprisonnée dans sa main, elle finit néanmoins par la dévoiler a l’Insécateur, qui posait dessus un regard curieux et envieur.

-T-Tu es blessé… C’est ça que tu veux ?

    La jeune fille, doucement, se releva. Elle s’approcha prudemment de l’Insécateur, Diana toujours se tenant entre eux deux. Iris n’était pas certaine de la réaction qu’il risquait d’avoir. Il pouvait tout autant l’attaquer que rester à attendre. Lorsqu’elle fut à sa hauteur, voyant qu’il ne pourrait sans doute pas se saisir de la baie à cause des lames qui remplaçaient ses mains, elle lui tendit doucement le fruit, afin qu’il puisse s’en nourrir. Elle n’était pas rassurée. Peut-être allait-il l’attaquer. Alors, elle ferma les yeux, serrant les lèvres.
         A son grand soulagement, l’Insécateur avait avalé la baie. La jeune fille poussa un long soupir, rassurée, avant d’ouvrir les paupières. Elle posa sur le Pokémon un regard dur, sévère, et très vite, il avait baissé la tête, se montrant plus docile qu’elle ne le pensait.

-C’est bon, tu vas mieux ?

    Il lui répondit par un hochement de tête.

-V-Va t’en maintenant, tu es soigné. Mais n’agresse plus les gens de cette manière ! J-J’ai bien cru que tu allais me tuer…

    Ses derniers mots, elle se les murmura pour elle-même. La jeune fille fit un dernier signe à l’Insécateur, qui semblait reconnaissant. Elle recula en titubant, boitant, se laissant choir contre un rocher contre lequel elle s’appuya. Alors que le Pokémon disparaissait au loin, ce n’est qu’à ce moment qu’elle perçut la vive douleur qui se manifestait dans son bras. Elle se rendit compte que son sweat avait été déchiré, et par la même occasion son bras blessé. Pourtant… ni elle ni Diana ne l’avait remarqué. Iris jura. La plaie n’avait pas l’air bien profonde, mais cela n’empêchait rien au fait qu’elle saignait. Elle grommela. Elle n’avait rien pour compresser tout ça. Elle fouilla dans son sac, espérant trouver par miracle quelque chose pour l’aider, et elle fut aussi perplexe que soulagée lorsqu’elle trouva un petit foulard. Il ne lui fallut pas longtemps pour l’enrouler autour de son bras, le serrant assez fort pour qu’il stoppe le saignement.
         Mais alors que le calme revenait, qu’elle se reprenait, elle entendit un second bruissement de feuilles. Quelque chose semblait approcher. Le bruit venait de derrière un buisson, un de ces buissons seuls, mais d’une certaine densité. Et cela… ce n’était pas le bruit du vent.