« _ Voyez-vous, j’en ai besoin. Pour faire plaisir à un ami. Et puis, ma Haydaim pourra mener le traîneau. »

Vivaldy hoche vigoureusement la tête mais le loueur ne semble toujours pas enclin à me laisser les rennes. Comme si quelques Cerfrousse allaient me résister… Je suis à court d’idée, cette surprise serait tellement parfaite mais elle ne peut pas voir le jour si ce maudit personnage ne me lâche pas quelques-uns de ses Pokémons.

« _ Écoutez, je vous paie le double et s’il arrive quoi que ce soit à l’un de vos Cerfrousse, je rembourse chaque tête. »

Il hésite à présent, je le sens. Après tout, un rapide calcul me fait presque regretter mes paroles. Déjà que son activité n’est pas donnée, si je lui paie le double, je n’ai pas intérêt à perdre l’un des Cerfrousse… Enfin, la machine est lancée, je ne peux pas revenir en arrière. Finalement, il finit par acquiescer. J’ai gagné ! Un large sourire s’affiche sur mon visage. Heureusement, sinon, je me serais retrouvé bête à aller chercher Ciel à pieds. Maintenant c’est bien plus… romantique ? Charmant ? Cool ? Peu importe ! Bref, c’est bien mieux !
Je lui tends les jetons qui lui sont dû et il commence à atteler le traîneau avec trois Cerfrousse de son écurie. Il harnache également Vivaldy qui prend la tête du premier duo. Le temps qu’il termine son travail, je consulte ma montre. Je dois retrouver le vert dans une bonne heure, vers dix-huit heures, devant le chalet de son dortoir. En attendant, les derniers préparatifs m’attendent. Je me dirige vers un côté de la grande place, vers l’immense bâtisse des Guéridaigle où m’attendent mes dernières affaires à empaqueter. Je suis fébrile. Tellement longtemps que je n’ai pas passé du temps avec lui. J’ai envie que nos retrouvailles se passent dans les meilleures conditions possibles. Je veux qu’il comprenne que je suis de tout coeur avec lui, malgré toutes les épreuves qu’il a enduré depuis son départ. Entre ma volatilisation et la sienne, nous ne nous sommes pas vus depuis à peu près une éternité. Calme-toi Aaron, aucune raison que ces retrouvailles se passent mal.
° Tu angoisses pour pas grand chose, mon grand. J’ai hâte de rencontrer ce garçon. °
Cette ironie me bouleverse.
° Non, c’est vrai, je suis curieuse. °

Mouais. Peu importe, elle n’a pas son mot à dire. Je récupère mon sac à dos déjà prêt. Il contient de nombreuses couvertures laineuses, des provisions à profusion et tout autres objets pouvant être utile pour la nuit qui s’annonce. J’ai réussi à négocier la location du traîneau et des animaux jusqu’au petit matin, sans la moindre autre personne, ni guide, ni dresseur de Cerfrousse. Évidemment, je n’y vais pas les mains dans les poches non plus, j’ai analysé les différents parcours possibles et avec Vivaldy dans le couple de tête, aucune raison de se perdre, même si je ne la guide pas. J’ai aussi surveillé la météo avec attention. Avec un peu de chance, nous tomberont peut-être sur une aurore boréale durant la nuit. Mes Pokémons sont sagement rangés dans leur Pokéball et attendent uniquement que je les appelle pour être utile durant la nuit à venir.

Je vérifie une dernière fois que mon sac est au complet : lampe torche, carte, couverture, victuailles, pile de rechange et même d’autres habits, on ne sait jamais. Pour les cas extrêmes, j’ai prévu une tente mais, normalement, nous devrions pouvoir dormir à la belle étoile, directement dans le traineau. Fébrilement, je jette le sac sur mon dos.

« Meymey, Aisy et Phy, je vous charge de partir en avant et de vérifier que Ciel a bien toutes ses affaires. »

Je lâche alors le Guérilande, la douce Morphéo et ma petite Natu qui s’envolent tous aussitôt en direction du chalet du garçon. Je glisse mon bonnet sur mes oreilles avant de rejoindre l’extérieur et de retourner vers le ranch. J’y retrouve Guy qui a terminé d'atteler les Pokémon au traîneau.

« _ Ca devrait aller comme ça, jeune homme. Pas de bêtise avec Rudolf, Rodolph et Rudalf. » Il me fixe, l’air grave alors que je hoche très sérieusement la tête. « Ta Haydaim n’est pas habituée à ce genre d’exercice, ni à parcourir de si longue distance, ne la surmène pas. Tiens, je t’ai marqué l’itinéraire sur une carte. Si tu te perds, envoies moi l’un de tes Pokémon. »

J'acquiesce à nouveau avant de le remercier. Puis, je guide par la bride Vivaldy et tout le traîneau se met en branle. Lorsque je suis hors du vue de Guy, je grimpe sur son dos pour guider la petite troupe du mieux possible. J’arrive rapidement devant le chalet des Sévipard où vit Ciel durant les vacances de Noël. Mes Pokémon ne sont pas en vue ni le jeune homme. Je suis légèrement en avance, il ne devrait pas tarder à arriver.

Ces longues minutes me font réfléchir. Un peu trop. Comment ces retrouvailles vont se dérouler ? Faut-il partir dans de grands gestes affectifs ou garder ses distances ? A-t-il changé depuis qu’il a véritablement perdu ses parents ? Et moi, à quel point ai-je évolué depuis que vous avons emménagé dans le même chalet ? Mon cœur commence à battre à un rythme irrégulier.
° Je te vois rarement dans un état pareil. T’as vu Robin ou quoi ? °

…

L’image du surfeur s’impose à mon esprit. J’avais oublié cette histoire. Je préfère d’ailleurs ne pas trop y penser…
° Tellement mignon. Attention, tu vas rougir. °

En effet, c’est déjà trop tard. Cette nuit sur la plage n’arrive pas à se décoller de ma mémoire. Et l’idée de passer une nouvelle nuit avec un garçon ne peut m’empêcher d’invoquer l’image de cette autre nuit. Je secoue la tête. Ce n’est pas -que- pour ça que j’ai envie de retrouver Ciel. J’ai besoin d’avoir de ses nouvelles. De m’enquérir de son bien-être. De m’assurer qu’il va bien, qu’il va mieux.
Alors que mon souffle crée de grands nuages de fumée dans l’atmosphère froide, la porte du dortoir des Sévipard s’ouvre dans un léger crissement. J’enjambe la croupe de Vivaldy pour sauter au sol afin d’accueillir le nouveau venu.