from the red nightmare
Lac Keldeo, le soir du 31 octobre 2018
Pas un bruit. Pas une voix. Rien ne semblait traverser l'épaisse brume qui l'entourait. Jamais elle n'avait connu pareil brouillard. La belle région des lacs normalement si pure et lumineuse n'était qu'un pâle souvenir dans la rétine de la jeune fille. Allant même jusqu'à se demander s’il avait un jour réellement existé. Ne l'avait-elle pas tout simplement rêvé ? A moins que ce soit maintenant que le rêve ne se déroule ?
Obéline n'en savait rien, mais elle sentait que les choses n'allaient peut-être pas se passer comme prévu. Elle n'était pas effrayée - pas encore - simplement peu rassurée. Pourtant, elle savait. Oh oui, elle savait parfaitement dans quoi elle avait mis les pieds. Elle avait entendu des rumeurs ces derniers jours qui avait su attirer toute son attention tordue. Des phénomènes inexplicables, des monstres, des fantômes. Les bruits couraient à toute allure sur la petite île d'ordinaire si paisible. Et il y en avait tellement qu'Obéline ne pouvait faire la sourde oreille. Passionnée par les phénomènes paranormaux et autres histoires glauques, elle se mit en tête d'aller en vivre une. De ne plus être simplement spectatrice mais actrice. De voir de ses propres yeux ces mystères qui la fascinent tant.
Elle avait entendu parler d'un étrange lac aux reflets rouges dans la région sauvage de l'île. Alors en cette soirée d'automne, sans la moindre hésitation, elle s'élança tête la première, ne faisant fi ni du danger, ni du couvre feu. Accompagnée par sa fidèle Pixi, mais également de Seelie, Ekko, Ghost et Médusa, la jeune fille atteignit le lac Keldeo.
Et le paysage qui avait su la ravir quand elle l'avait découvert lui glaçait désormais le sang.
A tâtons, l'équipe avançait dans le brouillard de la nuit noire. La dresseuse sentait que ses renardes ne se sentaient pas à l'aise et l'incitaient par leurs gémissements à rebrousser chemin. Même l'Emolga d'ordinaire si jovial s'était réfugié sur son épaule, tremblotant. Mais elle était si proche de son but. Et ce n'était que de la brume... Que pouvait-il leur arriver ?
Finalement, ils tombèrent nez à nez sur le lac aux reflets rouges. C'était un des nombreux bassins d'eau qui entouraient le principal. Il était de bien plus petite taille et surtout aujourd'hui il était rouge. D'une teinte aussi familière que peu engageante.
Obéline hésita.
Désormais même Medusa et Ghost ne semblaient plus rassurés, eux pourtant maître dans l'art de l'épouvante. C’était pourtant tellement plus simple de se dire que son aventure s'arrêtait là. Elle avait vu l'étrange lac. Il ne lui restait plus qu'à rebrousser chemin.
Mais ne le regretterait-elle pas ? D'avoir céder à la simplicité ? A la peur ? De ne pas être allée jusqu'au bout des choses ? De ne pas avoir fait quelques pas de plus et de tendre la main.
Obéline se ressaisit et avança d'un pas. Elle entendait les grommellements d'inquiétude de ses pokémons derrière elle. Mais elle avança d'un autre pas. Ce fut désormais le petit Emolga sur son épaule qu'elle sentit se rouler en boule. Elle avança alors d'un autre et dernier pas, s'agenouillant au bord de l'étendue rouge. C'était désormais les supplications de Pixi qu'elle entendait se rapprocher derrière elle. Mais la tentation était trop forte et doucement Obéline plongea la main dans le lac. Un frisson la parcourut lorsque ses doigts entrèrent en contact avec la texture épaisse du liquide chaud.
Elle ressortit aussitôt sa main et la contempla, l'effroi troublant maintenant son regard.
C'était du sang.
Une mare de sang frais.
Obéline poussa un cri de dégoût. Elle secoua sa main pour essayer d'enlever toute trace de sang de ses doigts avant de les frotter dans l'herbe. Pixi qui était arrivée à ses côtés essaya de l'aider en léchant le liquide rouge mais d'un geste brusque sa dresseuse l'en empêcha. Elle sentit alors Ekko lui tirer la joue. Elle tourna la tête vers son petit écureuil électrique tout tremblotant. Il lui pointait l'étendue rouge. Alors Obéline vit ce qui terrorisait son pokémon et un hurlement d'effroi sortit du plus profond de son être.
Bien trop concentrée sur sa main ensanglantée, la brune n'avait pas prêté attention à l'étang. Elle n'avait pas vu les bulles répugnantes et baveuses se former à la surface. D'abord une, puis deux, puis trois et quatre… Et finalement ce fut comme si le liquide entier s'était mis à bouillir. Jusqu'à ce qu'une forme informe perce la surface. Une créature au teint grisâtre sali par le sang qui lui dégoulinait entre les plis d’un corps immonde apparut devant la dresseuse et ses compagnons d'infortune.
Sa simple vision était à la limite du supportable.
On aurait dit un monstre créé à partir de la fusion de divers bouts d'autres pokémons. Obéline reconnaissait la queue d’un pikachu qui lui sortait de l'orbite, ou l'oeil d'un hoothoot au niveau de son thorax... Le tout était dans un état tellement avancé de décomposition que plus rien ne semblait tenir dans ce patchwork d'immondices.
La chose avançait extrêmement lentement vers la rive perdant dans son errance des bouts de chair qui flottaient un temps à la surface avant de couler au fond de la mare. Pour chaque morceau perdu, une plaie béante apparaissait, laissant s'écouler un liquide rouge et noir dont la texture semblait proche du pétrole. L'odeur qui en sortait était insupportable. Déjà qu'avant son apparition l'étang de sang rouge diffusait une odeur qui donnait déjà la nausée à Obéline, l'addition de cette puanteur eut raison des tripes de la jeune fille qui ne put réprimer un vomissement.
Elle était paralysée. Figée par l'horreur, elle observait le monstre s'approcher. Ses pokémons faisaient tout pour la tirer en arrière mais la jeune fille ne bougeait pas d'un pouce. Tétanisée.
Lorsque la créature fut presque à son niveau, elle les entendit, les murmures qui sortaient de ses quatre bouches difformes. Des supplications de douleur, de faim et d'agonie qu'on semblait lui souffler au creux de son oreille.
Elle eut alors un haut le coeur. La créature venait de poser sa patte de Luxray sur son pied. Elle sentit un contact chaud, presque brûlant. Elle essaya de retirer son pied mais impossible, il semblait coller à l'immondice. Alors le monstre d'un mouvement plus rapide que la jeune fille l'en aurait cru capable jeta sa gueule empli de crocs sur la jambe d'Obéline.
Elle hurla à la mort.
Une tornade de flamme apparut presque instantanément derrière elle, brûlant complètement la créature de cauchemar et réduisant en cendre toute sa partie supérieure. Il ne restait plus qu'un tas de chair parcourut de soubresauts. Rapidement il fut réduit à un bloc de glace et détruit en morceau par des griffes spectrales et un coup de mâchoire d'acier.
Ses pokémons n'allaient clairement pas la laisser mourir là. D'autant plus que d'autres créatures commençait à sortir de l'eau rouge.
Pixi et les autres essayèrent tant bien que mal d'aider leur dresseuse à se relever au plus vite devant le raz de marée de monstres qui s'annonçait. Mais la blessure d'Obéline était profonde. Le monstre ne l'avait pas seulement mordu, il avait arraché dans son attaque un morceau de chair et de muscle. La plaie béante saignait à flot et Obéline qui continuait d'hurler de douleur savait qu'un simple regard vers sa blessure lui ferait probablement tourner de l'oeil.
Les murmures des nouveaux venus se faisaient de plus en plus proches. L'Emolga et la Mysdibule tentaient tant bien que mal de gagner du temps, repoussant de toutes leurs forces les assaillants, pendant que les trois autres essayaient de placer Obéline sur le dos de Pixi, de façon à ce qu'elle puisse au moins la tirer loin de là. Grâce à leurs efforts, la brune réussit à s'agripper à l'encolure de sa renarde. Elle se mit alors à avancer à grand peine fléchissant sous le poids de sa dresseuse. Mais au moins elles avançaient. Pixi n'avait qu'une seule idée en tête, éloigner son amie de ce cauchemar, l'emmener vers les humains les plus proches pour qu'ils puissent la soigner. Peu importe ce que cela lui coûterait. A chaque mouvement elle entendait sa dresseuse hurler un peu plus, le simple fait de laisser traîner sa jambe sanguinolente était un véritable supplice. Elle n'osait s'imaginer la douleur qu'elle devait ressentir.
Pendant qu'elle avançait laborieusement, supportée par Seelie qui essayait tant bien que mal de l'aider à soutenir le corps tremblant de leur dresseuse, le reste de l'équipe s'acharnait à repousser les immondes assaillants toujours plus nombreux. La vue de leur proie qui s'éloignait semblait leur avoir redonner de l'énergie, les rendant de plus en plus rapides. Ils n'étaient pas difficile à anéantir mais leur surnombre allait bientôt avoir raison de la petite équipe.
Un nouveau hurlement déchira l'air, suivi d'un bruit lourd.
L'Emolga venait de tomber au sol, une de ses ailes complètement en lambeaux. Gisant à terre, il n'avait plus la force de se relever ni de se défendre face à l'armée de monstres qui s'avançait dangereusement vers eux. Heureusement, la Mysdibule le prit entre ses petits bras pour l’emmener à l’abri. Il ne restait plus que le fantôme pour faire reculer les assaillants.
Obéline assistait à la fin de son équipe. La fin de son aventure. La fin tout simplement. Celle que rien ne suit.
Elle ne voyait pas comment ils pourraient s'en sortir. Elle ne voulait pas voir ses pokémons blessés. La chute de son Emolga lui avait transpercé son coeur déjà bien trop meurtri d'émotions. Mais elle n'avait même pas assez de force pour parler, pour leur ordonner de fuir, de l'abandonner pour sauver leur vie. Un ordre que jamais Pixi ne pourrait suivre. Ni même aucun d'entre eux. Et elle ne le savait que trop bien.
Si l'un d'entre eux ne survivait pas, ils y passeraient tous.
Alors il ne lui restait plus qu'à s'accrocher, à endurer la douleur et à tout faire pour ne pas les ralentir. Dans un ultime effort elle essaya de s'appuyer sur sa jambe valide, non pas pour marcher mais pour peser un peu moins sur le dos de sa renarde. Elle voyait derrière eux son Mimiqui se battre de toutes ses forces. Pour elle, pour eux et probablement surtout pour sa chère et tendre. C'était bien trop dangereux. Il allait y passer. Elle hurla d'une voix déformée par les sanglots et la douleur
▬ ON ARRÊTE DE SE BATTRE, ON FUIT LE PLUS VITE POSSIBLE. TOUT LE MONDE. VERS LA FORÊT. ALLEEEEEEZ.Un ultime cri de ralliement qu'elle avait sorti du plus profond de ses entrailles. En l'entendant Ghost donna un dernier coup de griffe spectrale à ses adversaires pour en décimer un maximum, pour leur faire gagner un maximum de temps. Il engagea alors sa retraite. Courut de toutes se forces pour rattraper sa Médusa qui tenter de courir en tenant leur camarade blessé dans les bras. Ghost n'eut pas à réfléchir longtemps et de ses deux bras spectraux il les souleva tous les deux pour les emmener le plus loin possible. Rapidement il rattrapa les renardes et Obéline. Même avec tous les efforts du monde courir était impossible pour la jeune fille. Mais le petit groupe continuait sa fuite, entendant les sinistres murmures se rapprocher irrémédiablement derrière eux. La brume se faisait de plus en plus épaisse. Ne voyant presque plus rien devant eux.
Et soudain, la chute. Sans la moindre visibilité, ce qui devait arriver arriva. Ils tombèrent tous ensemble dans un des petits étangs qui entouraient le lac Keldeo.
Obéline pensa alors que tout était foutu. A l'orée de la mort, elle pensa à tout ce qu'elle n'avait pas pu accomplir, à ses amis qu'elle ne verrait jamais plus, à ses pokémons qu'elle abandonnerait et à leur désarroi en apprenant sa perte.
Et bien évidemment elle pensa à lui.
▬ POUAAAAHElle ne sut trop comment mais sa tête remonta à la surface et sortit de l'eau, prenant une grande inspiration, et levant les yeux à la voûte céleste parsemée de milliers de lumières.
La brume avait disparu.
C'est la première chose qu'Obéline remarqua. Puis tout lui vint très vite. Les monstres n'étaient plus, leur odeur nauséabonde non plus. Elle porta une main a sa jambe en miettes. La douleur n'était plus là. Sa blessure non plus. Elle se retourna dans tous les sens. Tous ses pokémons remontaient à la surface un à un et son Emolga bondit d'un coup hors de l'eau dans un cri de joie, son aile complètement intacte.
Ils nagèrent tous jusqu'au rebord et s'essayèrent ensemble blottis les uns contre les autre, essayant tout autant de reprendre leur souffle que de se remettre de leurs émotions. Obéline scrutait les environs. Avaient-ils rêvé ? Impossible, la douleur avait été bien trop réelle se dit-elle en grimaçant. Mais alors quoi ? Tout avait simplement disparu ? Tout s'était levé en même temps que la brume ? C'était improbable mais Obéline n'avait pas la moindre idée de ce qui avait pu se passer…
Elle expira un grand coup et se laissa tomber en arrière. Elle contempla alors les étoiles et leur scintillement qu'elle avait toujours trouvé tellement réconfortant. Dans le froid de la neige de ses montagnes, sur le toit de l'académie avec Sirius ou sur cette route de Kalos où elle avait bien trop vécu en une nuit. Le ciel et ses astres avaient toujours étaient là pour l'apaiser.
C'était fini.
Et la gamine épuisée s'endormit en compagnie de ses précieux pokémons.
Plus tard, Obéline apprit qu'elle avait été victime d'une illusion causée par des Zoroarks. Sales bêtes.
Le petit groupe ne parla à personne de ce qu'il leur était arrivé exactement pour n'inquiéter personne. Seul le Scarabrute de l'équipe fut mis au courant par Obéline, car comme avec Pixi elle ne lui cachait tout simplement rien et elle le savait assez fort pour encaisser la nouvelle.
Petit à petit, ils se remirent de leurs péripéties, plus proches que jamais les uns des autres. Seuls Obéline et Ekko en gardèrent un souvenir plus vif. Une douleur fantôme se réveillant parfois au niveau de leur blessure. Dans ces moments là, ils n'avaient pas besoin d'en parler, simplement d’aller vers l'autre pour se blottir contre lui. Ils étaient les seuls à pouvoir comprendre. Ils étaient les seuls à pouvoir se réconforter dans ces moments.
On aurait pu croire que ce cauchemar allait dissuader Obéline de vouloir lancer son association sur l'occulte. Et bien détrompez-vous. Elle est plus que jamais motivée à la lancer. Désormais parfaitement consciente des risques que cela peut impliquer, elle ne laissera personne agir inconsciemment comme elle a pu le faire. Elle créerait ce club, autant pour partager sa passion que pour protéger les autres passionnés.