Qu'est-ce qu'il m'a pris d'accepter ? Je n'en sais rien, mais me voilà sur l'île d'Ula-Ula en (bonne ou mauvaise, je ne sais pas) compagnie d'Oléa, l'unique capitaine de mon île. Il a fallu que Noah lui face part de ma potentielle dépression pour qu'elle me propose "une journée entre filles". Enfin, j'ai plus l'impression de lui servir de cobaye plutôt qu'autre chose. Première étape de cette journée: coiffeur. On se rend donc à Malié pour se faire coiffer et faire un peu les boutiques. Je n'ai jamais eu l'occasion d'aller à Ula-Ula donc c'est l'occasion. On a accosté au port de Malié ce matin pour cette journée qui risque d'être épuisante mais amusante.

« Bonjour ! Bienvenue chez Malié Atmosph'Hair ! Que puis-je faire pour vous ? »

Je suis Oléa qui s'avance avec sa démarche nonchalante vers le comptoir.

« Bonjour. Ce serait pour deux coupes, des mèches pour moi et une colo pour la d'moiselle. »

Elle se retourne vers moi. Je la regarde, incrédule.

« Ouais, ça te va pas au teint et j'ai envie de te peindre au jardin d'Ula-Ula. Et les fleurs sont rouges là-bas. Le rouge et le vert, c'est moche. Puis t'as une bonne raison de retrouver ta couleur naturelle. »

Elle se rapproche de moi pour me chuchoter à l'oreille.

« Tu vas sortir de ta dépression et te remettre de ta rupture avec l'autre là. Donc bye-bye la plante verte. Place à la Némélios. »

Elle agite sa main en faisant une mimique étrange. La coiffeuse prend nos affaires avant de nous donner un peignoir et de nous conduire aux bacs de lavage. On s'installe tranquillement. Un homme s'approche pour laver les cheveux d'Oléa tandis que la femme lave les miens. Je ferme les yeux et essaye de me détendre. Elle commence à me masser le crâne, j'adore cette sensation. Shampoings, après-shampoings, soin. Tout y passe, et je vis ma meilleure vie.

On s'installe ensuite devant les miroirs. Oléa explique au coiffeur qu'elle souhaite refaire ses mèches roses. Mais je me reconcentre sur ma tête quand la coiffeuse m'adresse la parole.

« Alors, qu'est-ce qu'on fait ? »

J'hésite un instant. Mais Oléa a raison.

« J'aimerais retrouver ma couleur d'origine, c'est à dire brun foncé, presque noir. Et couper un peu les pointes. »

Elle hoche la tête avant de me montrer toutes une panoplies de couleur. Je lui dis de faire comme elle le sent, je m'en moque un peu. Que ça soit brun ou noir, ou un peu plus claire que ma couleur, ou un peu plus foncé, peu importe. Mes cheveux redeviendront normaux après. Elle les brosse et commence à m'appliquer la couleur avec ces feuilles d'aluminium ridicules. Je ne peux pas m'empêcher d'envoyer un message à Noah pour lui demande si tout va bien au restaurant et si mes pokémons s'en sortent avec mes parents. Un week-end pareil, avec la chaleur, les touristes doivent affluer. Il me répond en à peine une minute en disant que tout va bien. Je soupire de soulagement. La peintre attrape mon iPok et le range dans son sac.

« He, pas de ça aujourd'hui. Tu te détends, et tu profites. Cooooool. »

Je ne sais pas comment elle fait pour être aussi zen, je l'envie presque. Si je pouvais être moins stressée, ça m'arrangerait. J'étais comme elle, autre fois, mais ça a bien changé.. Après 30 minutes, je retourne au bac pour me rincer les cheveux. Quand je retourne devant mon miroir, j'affiche une mine surprise.

« Ça ne va pas ? » me demande la coiffeuse, un peu paniquée face à ma réaction.

Je souris légèrement.

« Si si, tout va bien. Ca me fait juste.. bizarre. De retrouver ma tête, aha. »

Elle me sourit et commence à me peigner les cheveux pour me couper un peu les pointes. Oléa était déjà en train à l'étape brushing.

« Alors, tu habites aussi sur Poni ? »

Ah, la coiffeuse est passé à l'étape psychologue. Génial.

« Oui, j'habite au Village Flottant. »

Elle hoche la tête en murmurant des hmhm comme si elle s'intéressait vraiment. Mais trop préoccupée par le fait que mon carré soit droit, je ne suis même pas sûr qu'elle est entendue ma réponse.

« Et tu vas à quelle école du coup ? Il n'y en a pas sur Poni. Tu vas à l'école des dresseurs de Mele-Mele ? »

La Ana d'aujourd'hui aurait aimé aller là-bas, mais celle d'hier avait d'autres rêves. Mais la Ana de maintenant ne serait pas devenue ce qu'elle est si elle n'était pas aller à la Pokémon Community.

« Non, je suis à la Pokémon Community. C'est une grande académie, anciennement sur l'Île de Lansat, maintenant sur l'Île d'Adala. »

Le coiffeur qui s'occupait d'Oléa redresse soudainement la tête.

« Oh, ma nièce est aussi là-bas ! Tu suis quel parcours ? »

Je souris légèrement et le regarde à travers les miroirs pour ne pas bouger la tête.

« Je suis Coordinatrice Performer et Topdresseuse spécialisée dans le type Vol. » dis-je fièrement.

Il secoue légèrement la tête.

« Bravo ! Ma nièce est arrivé récemment, elle n'est que Pokéathlète pour l'instant. Elle aimerait devenir Ranger. »

C'est une belle vocation. Les rangers sont cool et tellement utiles ! Ils savent gérer les situations, je trouve ça vraiment incroyable. Après plusieurs minutes de séchage, nous voilà enfin coiffée. Je passe une main dans mes cheveux, ils sont si doux ! Me voilà de nouveau brune. Oléa paye tout et on sort joyeusement de l'enseigne.

« Maintenant: séance shopping. On va t'trouver un outfit par-fait pour poser au jardin. Je veux faire un portrait qui sort de l'ordinaire. »

Elle imite un appareil photo avec ses mains en sortant la langue dans ma direction, hyper concentrée. Je me mets à rire.

« Voilà, c'est ça que je veux ! Aller, c'est parti. »

On sillonne les rues de la ville en parcourant diverses boutiques. Finalement, après une heure, on ressort de là avec une jupe bleu marine, un chemisier blanc ample, une ceinture marron et une paire de sneakers blanche simple. Bref, ça me représente bien, je trouve. J'enfile tout dans une des boutiques, puis on sort pour prendre le bus et se diriger vers le Jardin d'Ula-Ula. Lorsqu'on arrive, l'odeur du nectar envahit mes narines. Toutes les fleurs sont d'un rouge vif. Le soleil les fait briller encore plus.

« Bon. On va trouver un endroit cool où se poser. »

Oléa s'éloigne un peu pour trouver un bon spot tandis que j'observe les alentours. C'est dingue, les jardins des îles ne se ressemblent pas, chacun est différent, avec leurs fleurs, leurs pokémons. Il doit probablement y avoir des Plumelines Flamenco ici..

Je m'avance un peu sur les pontons de bois qui permettent aux visiteurs de ne pas marcher sur les fleurs si importantes pour leur précieux nectar. Je finis par m'asseoir au bord en soupirant. Au loin, j'aperçois une Rubombelle qui vole de fleurs en fleurs pour faire des petites boules de pollen. Je sais que ça lui sert de nourriture, mais aussi de moyen de défense contre ses prédateurs. C'est un pokémon tellement gracieux. Oléa en a une dans son équipe. Type fée et insecte.

« Psssssst. Ana, tu viens ? J'ai trouvé un endroit cool. » m'interpelle Oléa en criant tout en chuchotant.

Je me relève et regarde une dernière fois la Rubombelle. Je rejoinds la Capitaine. Derrière un grand arbre, la blonde avait une toute petite clairière déserte, calme. Sur le ponton juste en face, elle avait déjà installé toutes ses affaires. Son carnet a croquis était installé par terre, entouré d'une multitude de crayon.

« Mets-toi au milieu, cueille une fleur, prends la pose. »

Elle attrape ses lunettes de soleil accrochées à son tee-shirt pour les mettre et enchaîner des poses, telle une star. Je mets à rire avant de m’exécuter. Je descends par un petit escalier et cueille une des nombreuses fleurs qui m'entoure. Je me mets en face d'Oléa, à peu près au centre et tends la fleur devant moi.

« Par-fait. Maintenant: tu ne bouges plus. »

Eh merde. J'espère que ça ne va pas durer trop longtemps.

« Je vais rester combien de temps comme ça ? »

Oléa m'observe une dizaine de secondes.

« Oh.. une bonne demi-heure. »

Génial...

« Et tu ne peux pas prendre en photo puis dessiner ou peindre ? »

Elle fait non de la tête.

« J'ai besoin de capturer dans mon oeuvre tout ce qu'il y a autour, le mouvement en fait partie. Hors, une photo, c'est statique. Pis en plus ça modifie les couleurs et.. »

Elle continue de marmonner toutes les raisons pour lesquelles elle trouve les photos nulles. Je ne l'écoute pas, préférant fixer cette fleur. Le temps qu'Oléa dessine, j'ai le temps de compter ses pétales. Elle en a dix-sept. Deux feuilles ornes sa tige, toute lisse. En son centre, il y a le pistil entouré de plusieurs étamine remplis de pollen.

Je me suis inscrite à la Pokémon Community parce que je rêvais de devenir une coordinatrice aussi talentueuse qu'Atalante, Marc ou Kiméra. Mais après deux ans et demi, je n'en suis plus vraiment sûre. Je me suis spécialisée dans le type vol, aussi. Pourquoi pas devenir capitaine et plus tard doyenne, qui sait. Ou reprendre le restaurant de mes parents ? Honnêtement, je ne sais plus ce que j'ai réellement envie de faire de ma vie. C'est dur de trouver sa vocation. J'ai toujours voulu devenir coordinatrice. C'est un rêve de petite fille. Et maintenant que je suis aux portes de ce rêve, j'hésite. Je ne devrais pas pourtant. Mais j'hésite quand même. Je verrais bien avec le temps je suppose. Après tout, je compte rester jusqu'à mes 18 ans à la Pokémon Community, soit 5 semestres. Deux ans et demi. Ca va. Mais ça passe vite.

« C'est booooon ! »

Oléa me fait un grand signe. Je baisse le bras en soupirant de soulagement, mon corps tout entier et engourdis. Je m'approche d'elle pour regarder ce qu'elle a fait. Mais dès que je penche la tête, elle ramène son carnet contre sa poitrine, m'empêchant de voir.

« Hun, hun. J'ai pas encore terminé, il me manque des touches de couleurs sur les fleurs. Mais je le terminerais ce soir, il est temps de rentrer si on veut être au village avant le coucher du soleil. Et on prendra des malasadas en passant, parce que je meurs de fin. »

Je valide l'idée et nous voilà reparti. C'était une bonne journée. Oléa est vraiment cool. Et au moins, elle m'a changé les idées et elle m'a presque remonté le moral. Je dois vraiment passer à autre chose et arrêter de perdre mon temps pour des choses aussi futiles. Il est temps que je sois plus forte et moins naïve. Il est temps de grandir, c'est tout.