Avec Cabriolaine, on descend du bateau de croisière. Pour ma dernière journée à Unys, j'ai envie d'aller dans la métropole de la ville: Volucité. Dans la housse de mon ukulélé que je trimbale partout et qui me sert de sac à dos, j'ai les deux pokéballs que m'a offert le Collectionneur en plus de mon starter. Cet homme était vraiment étrange, je n'ai sincèrement pas envie de le recroiser.

On quitte le port de la ville portuaire où le navire avait accosté pour se diriger vers l'arrêt de bus le plus proche. La plupart des lignes rejoignent Volucité, donc on n'aura pas à attendre longtemps. Il suffit de traverser le Pont Yoneuve pour aller à Méanville avant de prendre la route qui longe le Désert Délassant pour arriver à Volucité. On y sera en une vingtaine de minute.

Je m'assois sur le petit banc sous l'arrêt avant de caresser la tête d'Erato. Le bus arrive quelques minutes plus tard, on grimpe à l'intérieur, je paye mon ticket avant de m'asseoir sur l'un des sièges. Il n'y a presque personne, mais ce n'est pas surprenant puisque nous sommes début août, la plupart des gens sont en vacances. Et s'ils ne le sont pas, avec la chaleur, ils prennent leur voiture parce qu'il n'y a pas de bouchons. Enfin soit. Je tourne la tête vers la fenêtre pour observer une dernière fois tous les paysages de ma région natale. Région que je n'ai jamais vraiment pu visiter, au final.

Enfin, j'aperçois les immenses building de la métropole. Le bus s'arrête quelques minutes après, au niveau de l'entrée de la ville. On descend, je prends une grande inspiration. Pollution, chaleur, des bruits de klaxons à tout va et des gens qui s'engueulent. Vive les grosses villes. Je fais signe au Cabriolaine de me suivre. Je m'enfonce dans les rues étroites de la ville pour me diriger au cœur de cette dernière. La Place Centrale. C'est le seul endroit respirable avec un peu de verdure. Il y a une fontaine et des bancs, c'est toujours agréable. L'un de mes autres lieux de squat favoris, c'est marrant d'y aller pour observer les gens. Que ça soit des touristes, des dresseurs, des gens qui bossent.. Observer leurs manies, leurs expressions, leurs démarches. Vraiment passionnant.

Après quelques minutes de marche, on atteint enfin la petite place. J'ai l'impression qu'il n'y a que des touristes, mais soit. On s'installe sur un banc, Erato vient poser sa tête sur mes genoux. Je souris avant d'observer les alentours. Soudain, je remarque une tête familière. Artis. Le Champion d'arène de Volucité, type insecte. Il est accompagné de sa fidèle Manternel. J'ai déjà eu l'occasion de lui parler, il est passé plusieurs fois à Ondes-sur-Mer pour voir Strykna. C'est quelqu'un que je respecte énormément, parce que c'est un artiste. Quand il m'aperçoit, il me sourit et s'approche de moi. Je me redresse légèrement pour lui faire la bise.

« Tu vas bien ? » me demande-t-il, toujours avec cette classe légendaire.

Je souris.

« Ouais, je pars demain. »

Il a un léger mouvement de tête avant de sourire.

« Ah, ça y est, c'est le grand départ. »

J'hoche doucement la tête.

« C'est ton pokémon ? » dit-il en observant Erato.

Le Cabriolaine observait le champion avec de grands yeux ronds.

« Oui, mon starter offert par l'académie. »

Il lui caresse doucement le dessus du crâne.

« C'est génial, je suis content pour toi. Bon, je dois y aller, je dois faire quelques courses avant de retourner à l'arène. L'été, les dresseurs affluent, un horreur. Enfin. Passe une bonne journée et bon voyage, j'espère que tu donneras quand même quelques nouvelles. »

Il s'éloignait déjà tout en terminant sa phrase. Je fais oui de la tête en souriant avant de lui faire signe au revoir avec la main. Il est vraiment sympa, comparé à cette peste de Strykna.. Les champions d'Unys sont assez cool en général. Bardane de Port Yoneuve est étrange, mais il reste sympa. Inezia de Méanville, que dire.. Elle est tellement belle, classe, rayonnante. Mais celui qui me fait le plus rire, c'est probablement papy dragon, aka Watson de Janusia. Il a cet air tellement solennel.. Mais il est respecté par tout le monde dans la région, surtout depuis que sa nièce est devenue Maître de la Ligue.

Je sors de mes pensées lorsqu'Artis disparaît de mon champs de vision. Après quelques secondes de réflexion, j'attrape la housse de mon petit instrument. Je l'ouvre et sors mon ukulélé puis pose la housse au sol. On ne sait jamais, après tout. Parmi tout ces gens pressés, il y a peut-être de généreux donateurs. Je me mets en tailleur pour poser l'instrument sur mes cuisses avant de commencer à jouer. Quelques notes retentissent, je prends une grande inspiration.

« ♪ Bienvenue par ici où les lois sont reines, où marcher m'est interdit si je tiens celle que j'aime. ♪ »

C'est la première chanson que j'ai apprise au ukulélé. Elle me tient vraiment à cœur, alors cela me fait plaisir de la chanter à Erato. Le cabriolaine a gardé sa tête posé sur l'un de mes genoux, en m'écoutant attentivement. Il est tellement mignon.

« ♪ J'ai appris comment me taire, comment manquer l'appel. Et je fais tourner les verres avant l'aveu mortel. ♪ »

Quelques personnes s'arrêtent, comme s'ils mettaient leur vie en pause le temps de m'écouter. Je suis timide, leur présence m'impressionne. Mais quand je chante, j'oublie ce qui m'entoure comme si j'étais dans une bulle. Même si la peur me donne des crampes au ventre, j'arrive à continuer. Et malgré cette mini-foule devant moi, une seule personne retient mon attention, ou plutôt un seul pokémon. Une petite Farfaduvet s'était timidement avancé et s'était mise pile devant ma housse. Elle me regardait avec des étoiles pleins les yeux, bougeant légèrement de droite à gauche, dans le même rythme que ma musique. Fa majeur, Sol majeur, Do majeur, La mineur.

« ♪ Je veux la liberté d'aimer et d'être qui je suis. Je cours, je pars réinventer ma vie loin d'ici. ♪ »

La type fée et plante tournoie sur elle-même sur ce refrain en poussant un petit cri de joie. Je souris, elle est si mignonne. Les quelques passants qui s'étaient arrêté n'avaient plus d'yeux que pour elle. Je continue ma chanson en me concentrant, maintenant que toutes les têtes son tourné vers la Farfaduvet, je peux fermer les yeux sans que quelqu'un.. trouve ça bizarre ?

« ♪ Effacer les moindres traces de l'amour, de nous. J'ai peur, quand on s'embrasse, qu'ils nous brisent le coup. ♪ »

J'entends la petite danseuse utiliser une attaque. J'ouvre donc un œil pour la regarder, une multitude de paillette tournoie autour d'elle. Elle tourne, touche à peine le sol, légère, gracieuse.

« ♪ Il faut fuir nos propres terres, la maison et les vallées car la haine est incendiaire. On laissera les armoises brûler. ♪ »

Elle se tourne vers moi et envoie son vent magique dans ma direction. Il fait un tour autour de moi avant de disparaître dans les airs. Des paillettes tombent sur la truffe d'Erato qui secoue la tête avant de loucher pour observer les rayons du soleil qui font scintiller son museau.

« ♪ Je veux la liberté d'aimer et d'être qui je suis. Je cours, je pars réinventer ma vie loin d'ici. ♪ »

Elle reprend sa danse en parcourant la petite foule qui avait commencé à grossir sans que je m'en rende compte. Je me demande si elle a un dresseur, mais personne ne semblait l'accompagner quand elle est arrivée.

« ♪ Même si je tremble, je n'ai pas peur. Si on se rassemble, je n'ai plus peur. Même si je tombe, je n'ai pas peur. Si le tonnerre gronde, je n'ai plus peur. ♪ »

Farfaduvet utilise une seconde attaque, formant une mini-tornade sous elle. Elle s'élève dans le ciel et tournoie au dessus de nos têtes, tout en répandant une nouvelle fois une multitude de paillettes.

« ♪ Je veux la liberté d'aimer et d'être qui je suis. Je cours, je pars réinventer ma vie loin d'ici... ♪ »

Je continue les accords en jouant de moins en moins vite, accompagné de « la la la » sur le même thème que le refrain. Alors, la petite fée duveteuse se repose au sol et à la dernière note, elle se tourne vers moi et se penche pour saluer. Tout le monde l'applaudit avec joie, ils pensent peut-être qu'elle faisait partie du spectacle. Mais c'était bel et bien de l'improvisation. Plusieurs personnes s'avancent vers moi pour me féliciter, d'autres glissent quelques pièces dans la housse de mon ukulélé. Je ne dis rien, je me contente d'hocher la tête en souriant. Après plusieurs minutes, tout le monde s'était dispersé. Seule la Farfaduvet était resté près de moi. Elle s'avance et saute sur le banc, du côté opposé à Cabriolaine.

« Eh bien, tu es une véritable star. »

Elle se met à glousser timidement avant de s'asseoir.

« Je m'appelle Quitterie, enchantée. Et voici Erato. Tu danses vraiment très bien. »

Elle incline légèrement la tête comme pour me remercier et me renvoyer mes salutations. Elle se tourne ensuite vers mon starter et lui fait un petit signe avec sa patte qu'Erato lui renvoie immédiatement avec un sourire.

« Dis-moi, tu es toute seule ? »

Elle acquiesce. Je réfléchis un instant.

« Je vais bientôt partir pour aller dans une école, loin d'ici. Pour changer de vie, rencontrer de nouvelles personnes, faire de la musique.. Ça te dirait de.. m'accompagner ? »

Je sors une des deux pokéballs de mon sac et lui montre. Elle fixe un instant la sphère avant de lentement s'approcher pour appuyer sur le bouton. La ball s'ouvre en deux et la Farfaduvet disparaît à l'intérieur.

« Je suppose que cela voulait dire oui ? » dis-je, peu convaincue.

Elle ne vibre que très peu de fois avant de s'immobiliser. J'affiche une mine surprise. Si c'était aussi simple d'attraper un pokémon, malheureusement, je ne pense pas que ça soit toujours le cas. Je souris et réactive la sphère pour que notre nouvelle amie reste avec nous.

« Eh bien, bienvenue dans le groupe ! »

La Farfaduvet tourne sur elle-même avant de faire une petite révérence.

« Il faudrait te trouver un surnom. Cabriolaine s'appelle Erato, parce qu'il s'agit dans la mythologie de la muse de la poésie lyrique et chorale. On pourrait te trouver un nom similaire. »

Je commence à réfléchir. J'aime beaucoup les vieux textes, les vieilles histoires. La mythologie est tellement intéressante à exploiter, parce qu'elle aborde certains problèmes que nous connaissons dans notre société moderne, pourtant ses textes datent de plus de deux milles ans !

« Tiens, pourquoi pas Hypaté ? C'est l'un des noms d'une muse, qui est inspiré d'une des cordes de la lyre. C'est joli comme nom ! »

Elle acquiesce pour valider mon idée. Parfait. Je range mon ukulélé et récupère le peu de monnaie que j'ai eu.

« Bon, je propose qu'on fasse un dernier tour en ville avant de rejoindre le bateau. »

D'ailleurs, j'ai eu des échos comme quoi, quelques jours avant que la croisière débarque à Unys, ils ont eu des petits problèmes. D'après ce que j'ai entendu, une attaque de pokémon eau. Je n'en sais pas plus, mais j'espère qu'on va arriver sur Adala sain et sauf, j'ai envie d'étudier moi. J'ai pas payé les frais de scolarité pour mourir avant d'avoir atteint l'académie. Je me lève du banc et fais signe à mes deux compagnons de me suivre. C'est déjà une belle aventure qui commence.